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EAN : 9791096535347
200 pages
Marest Éditeur (11/03/2021)
4/5   10 notes
Résumé :
Alors qu’il peine à se remettre d’une rupture, un réalisateur se décide à composer un documentaire sur les faillites amoureuses, y voyant peut-être un moyen de guérir. Il va à la rencontre de femmes, enregistre leurs voix et cherche, à travers elles, à se reconstruire.
Après Brune platine, Séverine Danflous poursuit sa réflexion sur les relations amoureuses, à travers ce roman polyphonique et poétique.
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
« Marronnier » de la littérature au même titre que l'amour ou la passion, la rupture amoureuse en aura fait noircir bien des pages… Reste t-il quelque chose de nouveau à en dire ?

De la rupture peut-être pas, encore que… Mais de l'étude des ruptures assurément ! Et Séverine Danflous le démontre avec S'abandonner, exercice de style romancé autour du même thème, ritournelle littéraire et obsessionnelle sur la quête d'explications de ces moments de vie charnières où l'on joue souvent moins qu'on ne le pense. Et où l'on croit naïvement que les retours d'expériences identiques suffiront à entrer en empathie pour mieux s'abandonner puis rebondir.

À la manière des impressionnistes qui peignaient sur le motif, le narrateur-cinéaste dont la compagne vient de le quitter subitement profite d'une commande d'un producteur pour partir recueillir la parole de femmes en rupture. À la fois projet professionnel et catharsis personnelle, ces rencontres sont autant de variations sur les mécanismes de l'abandon, réfléchi ou réflexe, libérateur ou à regret, douloureux ou jubilatoire.

Le texte est comme un flou artistique de cinéma, mélangeant dans un voile subtil le reportage et les émotions du narrateur, le désespoir poétique à la rage crue et imagée, le combat incessant entre acceptation et incompréhension.

Avant de la lire, Séverine Danflous fut d'abord pour moi une image sur un réseau : celle d'une auteure lisant ses textes devant des café parisiens fermés en fin de confinement, libérant la parole aux mêmes endroits que ceux où son narrateur la recueillait. Un joli symbole d'une certaine idée de la littérature qu'il faut partager et faire voyager, au-delà de la passivité de l'imprimé.

Je ne sais pas dire si j'ai aimé S'abandonner et ne suis pas sûr que ce soit nécessaire, mais j'ai pris un énorme plaisir à lire ce livre qui m'a emmené en dehors de ma zone de confort, intrigué, questionné, et conquis pas son style. Et à l'image de la démarche de Vleel, c'est aussi ce que j'attends de mes lectures.
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•RUPTURES EN CASCADE•

🦊 Rompre. Et ensuite la dégringolade. L'isolement. Pour repartir. Se réinsérer. Avancer. Prendre du recul. L'entourage essaie de nous accompagner mais rien n'est plus intime que la séparation. A ce moment là vous vous retrouvez seul avec votre conscience. le narrateur doit reprendre le cours de sa vie et prend l'option d'écouter les autres.

Il va ainsi à travers différents cafés, entendre les ruptures amoureuses de ces femmes qui souffrent pour réaliser un documentaire.

Il y a celles qui retournent dans les lieux communs où l'amour était encore présent. Ces instants d'osmose qui se composent puis se décomposent.

Il y a celles qui deviennent invulnérables pour ne pas s'effondrer, froides comme l'hiver pour éviter de souffrir éternellement.

Il y a celles qui se sont offertes à d'autres pour retrouver confiance en elles.

Et tant d'autres...

Il leur demande ainsi de partir d'un objet extérieur pour commencer le témoignage de manière plus aisée. Un livre souvent comme refuge, une tâche, une infidélité ou la suppression de toute manifestation de l'ancien compagnon de route. Rayer. Tout rayer pour oublier. Si seulement c'était si simple. Si ces voix se rejoignent elles diffèrent tout autant. Quand l'une se sent abandonnée, rejetée, salie, l'autre devient une Cassandre. Ce narrateur restructure et réécrit avec élégance les témoignages de chacune d'elles. En s'attachant à leur sortie du café, leur regard ou leurs mains, rajoutant ce côté filmique à chaque scène•••

🦊 Ce roman contient beaucoup de références et d'éléments qui agrémentent le récit à la perfection. Séverine Danflous réussit le pari de nous faire entrer dans l'intimité de ces femmes sans aucun voyeurisme. Se baladant de domicile en domicile, le narrateur, jamais nommé, se retrouve esseulé dans son quotidien tout en étant au contact de ses proches. Sous l'égide de Roland Barthes ou des Voix des Heroïdes d'Ovide, Séverine Danflous a envoûté mon esprit de lecteur. L'écriture est fragmentaire tout en étant limpide et subtile. On sent le travail d'épure qui permet de faire ressortir toute la substance d'une phrase. On se balade dans Paris, à travers ces cafés qui regorgent de tant d'émotions, de rendez-vous manqués, de ruptures, d'amour ou de mélancolie. Découverte heureuse que la plume de cette autrice qui déclame son texte devant des cafés fermés en ce moment même dans Paris. Démarche poétique qui fait revivre l'art de déclamer des mots avec puissance•••

🦊 La rencontre @vleel_ en compagnie de Séverine Danflous et Pierre-Julien Marest fut un retour aux sources. Celui de faire exister une littérature moins visible, une maison d'édition qu'il fait découvrir où la si vérité prime. Où l'artisanat demeure au coeur de la littérature, ici, avec le cinéma comme point d'orgue. Il faut découvrir ce texte mais également cette maison d'édition qui derrière son simple nom, abrite de belles personnes•••





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« La fin d'une histoire c'est déjà une longue histoire » : du making of d'un documentaire fictif sur la rupture sentimentale, extraire la belle et dangereuse douceur poétique de la tentative amoureuse.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2021/05/28/note-de-lecture-sabandonner-severine-danflous/

D'emblée en résonance avec la manipulation contemporaine des « Métamorphoses » d'Ovide opérée par Yoko Tawada, mais à travers le matériau souterrain des « Héroïdes », ces lettres fictives d'amour et de séparation composées par le poète latin vers 10 av. J.-C., « S'abandonner » retrace à la première personne les tribulations du making of d'un documentaire consacré aux lendemains de la rupture sentimentale (ou amoureuse – la distinction subtile s'y dissimulera peut-être dans les plis de la carte, du Tendre ou des cafés parisiens – terrain choisi par le réalisateur pour la confidence enregistrée, après mûres hésitations et réflexions – Gilles Marchand, Ken Bugul et Ahmed Slama en savent l'importance, comme nous le notions récemment sur ce blog).

Trois ans après « Brune platine », « S'abandonner », deuxième roman de Séverine Danflous, publié chez Marest Éditeur en mars 2021, se situe lui aussi à la charnière vitale de la création audiovisuelle et de la relation amoureuse. Délaissant en apparence le moment de la naissance du sentiment et la pure image cinématographique, il se déplace en beauté et en habileté vers l'instant de la séparation et de ses lendemains, et s'appuie au premier chef sur le son, sur la « voix endeuillée ». Mais au fil des pages, un constat s'imposera sans doute, rapprochant rencontre et rupture comme deux faces d'une pièce unique, et mêlant sons et images comme concentré de parole créatrice, conjuratoire ou exorciste.

Si, entre lavage d'amour à la machine avec Alain Souchon et tourbillons hypnotiques post-partum avec Björk, c'est bien la captation de la voix – et de l'éventuelle musique qui l'accompagne en sourdine – qui est centrale ici, quelques indices et présences n'ayant rien de fantomatique, se glissent au fil des pages, portées par celle du « Chant-contre-chant » cher à Nanni Moretti et à Pierre Sky / Sébastien Smirou, des aliénées de la Salpêtrière dépeintes par la Perrine le Querrec de « Les trois maisons » aux personnages secondaires entrevus par Anne Savelli derrière les « Fenêtres », de l'infiltration de la réalité par Carlos Saura et Robert Altman, Jean Eustache et Claude Sautet, aux peintures de Hammershøi ou aux dessins de Saul Bass : le Paris que portent en elles les icônes parlantes du désamour qui sont interrogées, avec leurs variations tantôt attendues tantôt aventureuses, transforment naturellement le narrateur – et peut-être davantage encore la lectrice ou le lecteur.

De la part d'une autrice qui est aussi enseignante de lettres et de cinéma, et à qui l'on doit de remarquables essais autour de Franz Kafka ou de Tennessee Williams, il n'est au fond pas étonnant – mais quel plaisir à ce surgissement ! – que l'exploration documentaire mise en scène aux côtés du narrateur, dont la lectrice ou le lecteur ne peuvent que partager la jolie relation au rôle ambigu des installations et des dispositifs, assise sur une présence aussi résolument physique des images et des sons, vienne questionner la neutralité documentaire et l'observation participante : percer les petits et les grands mystères (avec leurs forêts de symboles volontaires et involontaires) qui entourent la manière dont l'émotion et l'intellect s'accordent et se désaccordent, inscrire l'abandon au terme d'une ligne de fuite aussi risquée que salutaire, c'est bien saisir dans le vif de l'enquête ce que la littérature, la vraie, sait si bien emprunter au reportage pour le transfigurer et pour nous l'offrir, différent, vivant et chaud. Et ainsi souligner in fine la puissance du Graal salutaire et ambigu qu'aura été l'abandon tout au long de ces 199 pages.
Lien : https://charybde2.wordpress...
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Le narrateur est un réalisateur qui peine à se remettre d'une rupture amoureuse. Afin de tenter de se reconstruire, il accepte un projet de documentaire autour des amours rompus. Il va à la rencontre de femmes quittées et recueille leurs témoignages. Dans les méandres de leur voix, il tente de trouver un matériau artistique ainsi qu'une issue à sa propre peine.
Le roman se fait polyphonique et nous livre une succession de monologues intimes à la fois uniques et entrant en résonance les uns avec les autres. A la suite du narrateur, nous entrons dans un tourbillon de voix de femmes abandonnées. Il nous parle aussi de leur regard, de leurs mains, de leur démarche. Il s'attache à toutes ces petites choses qui en disent parfois autant que les mots. Face à l'abandon, elles réagissent toutes de manières différentes. Elles nous laissent entrevoir leurs plaies sans jamais totalement se livrer. Il y a une forme de pudeur qui demeure et empêche de tomber dans un grand déballage.
Les témoignages sont poignants car ils sont portés par une écriture très poétique. Séverine Danflous sait dire la peine et la douleur avec beauté. Elle sublime par ses mots des expériences dévastatrices et par eux propose une forme de consolation. Chaque phrase est ciselée, épurée. C'est un réel plaisir de lecture.
La construction du récit de tombe pas dans le catalogue expérience, elle reste subtile et pensée. Toutes ces expériences questionnent et secouent le narrateur. Dans ce panel de voix délaissées, il exorcise ses propres souffrances. Se référent sans cesse aux Héroïdes d'Ovide, il se lance dans son projet sans savoir où cela le mènera. Nous lecteur, nous le suivons avec un plaisir non dissimuler dans ce flou libérateur et poétique. Grâce à la multiplication des témoignages, l'autrice évite les poncifs et les clichés. Elle nous parle de rupture de manière sensible et juste.
Malgré ma réticence à lire des romans traitant de ruptures amoureuses, j'ai été vraiment touchée par ce texte qui renouvelle un genre pourtant éculé. Un très belle découverte et une maison d'éditions à explorer !
Lien : https://lapagequimarque.word..
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« Construit comme une chambre d'échos (un homme qui tente de comprendre sa rupture en s'appuyant sur d'autres voix), S'abandonner parvient à trouver des mots d'une rare justesse pour évoquer des émotions et des tristesses indicibles. Par un jeu subtil de répétitions, de monologues intérieurs ou de confessions, Séverine Danflous transforme son roman en une petite musique entêtante et mélancolique qui met parfois du sel sur des plaies à vif mais qui sait aussi les apaiser… »

Vincent Roussel pour Culturopoing
Lien : https://culturopoing.com/liv..
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critiques presse (3)
SudOuestPresse
29 avril 2021
Le deuxième roman de l’écrivaine et critique de cinéma analyse avec subtilité les relations de couple
Lire la critique sur le site : SudOuestPresse
Actualitte
22 avril 2021
Un réalisateur se met en devoir de produire un documentaire sur les échecs sentimentaux — un moyen de se sauver lui-même. Mais pour la romancière, il fallait en faire un peu plus…
Lire la critique sur le site : Actualitte
RevueTransfuge
12 mars 2021
Dans ce roman polyphonique, l’auteure cherche à exprimer l’ineffable du dépit amoureux. Magnifique.
Lire la critique sur le site : RevueTransfuge
Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
À l’issue de la lecture, les quelques personnes présentes applaudissent. Le libraire en charge de la soirée commence à poser ses questions, devant une assistance passablement attentive. Certains somnolent, d’autres quittent les lieux le plus discrètement possible. L’auteur, impassible, boit une gorgée d’eau avant ses réponses, suspend son verbe – instaurant une forme de latence qui donne du poids à chacune de ses interventions. Sa voix gagne en puissance au fur et à mesure que les aiguilles s’égrènent sur le cadran de l’horloge murale. Après ce tour de chauffe, elle est prête à en découdre malgré l’audience clairsemée. Elle raconte les transactions de livres, ces ouvrages en transit entre eux et elle. Lorsqu’elle en offre un, elle sait qu’il deviendra une trace de son passage. « Les livres propagent la nostalgie. Pensez-y en faisant vos provisions tout à l’heure », lance-t-elle aux derniers auditeurs présents. Soudain, l’un d’eux prend la parole pour évoquer sa propre expérience de l’abandon. Il parle longtemps puis finit par demander des précisions sur la nature du lien entre l’auteur, l’amour et les livres. Elle se fend d’une anecdote au sujet de son dernier amant qui voulait lui emprunter le M Train de Patti Smith : « Quand je le lui ai tendu, un ticket est tombé. Un ticket de librairie avec une date et une heure. Je l’ai repris après sont départ. Il datait précisément du vingt-deux mai, veille de la rupture avec l’homme précédent. Le livre était une merveille. Lu plus tard dans la peine. Le ticket gisait sur les lames du parquet. J’ai aussitôt pensé que, dans un roman de Stendhal, il aurait annoncé une nouvelle rupture. Mais je tentais de poser de la réassurance sur mes angoisses : la vie n’est pas un roman de Stendhal. Bref, tout ne fait pas toujours signe. Et puis, peu de temps après, l’histoire avec cet homme-là s’est terminée, elle aussi. Hasard du calendrier ou signe avant-coureur ? Je n’en sais rien. »
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Le cahier des charges était plutôt laconique, d’une indigence crasse en fait : la rupture, de l’Antiquité à nos jours ; on m’aavait balancé une vague notule tartinée au baratin avec un titre qui revenait à chaque page, Les Héroïdes. Ovide, je crois. Mon premier mouvement avait été de refuser, je sortais moi-même d’une rupture passablement amoché. Pourquoi me replonger dans l’état léthargique dont je peinais à m’extirper ? Ben, il y avait bien une raison : le fric. J’en avais drôlement besoin. Depuis la rupture, je trimballais ma carcasse d’appartements en appartements – des amis m’offrant leur canapé pour une nuit ou deux. J’étais presque sans domicile fixe, avec pour seuls bagages une caméra, un peu de matos, une valise de bouquins, un vieil ordi, et un sac de jute contenant trois futs, quelques slips, deux tee-shirts et trois pulls. Elle m’avait rhabillé pour l’hiver. La rupture je pouvais en parler, moi, la dérouler avec acrimonie, colère et rage rentrée, une hache serrée entre les dents pour laisser couler mon venin entre les brèches. Mais composer dessus, écrire un documentaire, me remettre à la tâche après ces mois désertiques, abandonnés aux quatre vents, au vent des autres, aux odeurs amères des appartements endormis qui – lorsque j’ouvrais certains placards – me sautaient à la gorge. Ça sentait le couple, l’union suave, les vestes savamment repassées, les escarpins bien alignés qui faisaient cuire ma blessure, la salle de bain et ses shampoings au design reluisant… L’idée était idiote et surtout elle faisait affreusement mal. Sans doute aurais-je dû confier cette besogne à d’autres ?
Dans le canapé-lit, le soir où j’ai accepté, après avoir acheté les fameuses Héroïdes, je me suis dit que c’était ça qu’il fallait faire, interroger des femmes, utiliser leurs voix en les faisant dialoguer avec les héroïnes antiques, toutes ces voix endeuillées, abandonnées à la terre gaste. J’aimais bien l’expression « voix endeuillées ». Persuadé d’avoir trouvé là une perle, je la tapais sur mon moteur de recherche et trouvais aussitôt une référence, un essai. Nicole Loraux, La voix endeuillée, essai sur la tragédie antique et en le feuilletant au Luxembourg, sur une chaise en plein soleil hivernal, je tombais sur cette phrase : Une femme est ainsi faite qu’elle charme ses ennuis en les ayant sans cesse à la bouche. C’est de là qu’il fallait partir.
Restait à trouver ces femmes, les choisir, circonscrire un lieu capable d’accueillir leur parole meurtrie. J’aime bien les cafés, mais c’est bruyant, les cafés, comment capter l’intime dans tout ce tumulte ? Un studio ne me semblait pas l’idéal non plus. J’ai envisagé les parcs, une rupture c’est un peu un deuil, il faut un lieu de recueillement qui ne soit pas non plus un cimetière, car la vie s’agglutine en nous, elle attend la suite, l’après, le moment où l’on reprendra le dessus, où l’on sera plus fort que tout ce qui nous rompt. Le corps en miettes aspire à se recomposer et le cœur cherche, lui, les morceaux à recoller. Chacune à leur tour devant ma caméra, elles viendraient exposer l’ampleur des dégâts. La peine, les plaies, le chagrin qui ne passe pas. J’étais loin d’imaginer que cette douleur qu’elles calmaient en l’ayant sans cesse à la bouche, était si poétique, si nécessaire.
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Les mots déforment notre perception. L’amour, ça se ressent, ça s’éprouve, ça n’a pas besoin de mots. La chair seule doit communiquer le verbe.
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Après moult salons d’un soir, moult refuges provisoires, c’est Véra, la première, qui m’offre son canapé pour une durée prolongée. La rupture, la nôtre, a été presque indolore. Nous avons su dès le départ que notre histoire était une erreur, que nous n’avions… Véra s’est penchée au-dessus de moi alors que j’écris ces mots. Il n’y a pas eu d’histoire. Une nuit d’ivresse fébrile, la rencontre de deux corps fragiles qui se crochètent, s’emboîtent pour s’assurer qu’ils existent encore, qu’ils désirent encore, qu’ils ont encore des choses à offrir. Mais tu ne peux pas parler d’une histoire au sens strict d’une histoire d’amour, avec contrat et rupture du contrat. Nous nous aimons assez pour nous voir périodiquement, assez pour que je te prête mes clés. Et je ne t’offre pas mon canapé mais mon appart, ma sous-location étant partie avant terme. Arrête d’enjoliver. Essaie d’être honnête avec toi-même et ton projet de collections de voix. Je ne sais pas pourquoi elle t’a quitté, et je m’en fiche, mais soyons sincères l’un envers l’autre. Respectons l’impératif catégorique kantien. Nous n’avons pas eu d’histoire et moi, je te prête mon appartement – le temps d’achever mon séminaire au Japon. Après tu devras trouver autre chose. Je n’ose plus écrire, je reprendrai quand Véra se sera envolée vers d’autres horizons. Et, promis, j’essaierai d’accorder mes violons avec une maxime à ériger en loi universelle de la nature, ou quelque chose d’approchant.
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« Elle avait parlé cadence et bambins. Il ne comprenait pas à quel point c’était proche de la chambre à soi woolfienne qu’il louait si souvent. L’espace et le temps. Mais c’est vrai que Woolf n’avait pas d’enfants. Elle n’avait pas connu cette discipline des heures, ce besoin de faire plier le temps pour lui creuser un espace — la nécessité d’inventer dans le mouvement trépidant offert aux enfants. Seul un homme comme lui pouvait s’emporter avec une telle fureur. (... ) Que savait-il des femmes ? De l’impérieuse nécessité de créer malgré les embûches du quotidien, les emplois du temps. L’intelligence de sa réponse à elle ça avait été de formuler l’informulable, pour penser, fabriquer, écrire, filmer, il faut du temps et lorsque ce temps vous est ravi, il faut aller lui chercher une niche — dans ce rapt du moment sans cesse accordé aux autres, aux enfants. »
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