Très beau. A conseiller à tout passionné du cinéma des années 60 et 70, comme moi.
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le 18 mai 2003, Almarão
Elle pose sa main sur la mienne, comme si elle redoutait que mon attention lui échappe.
– Faire la puta à Hollywood, ça ne m'intéresse pas. Toi, tu vois ce que je veux dire… Altman, Lumet, tu as eu de la chance. Mais tu vois ce que je veux dire…
Mon regard vogue, au hasard, devant moi. Je n'ai jamais travaillé à Hollywood, tourné avec Altman, ni avec je ne sais quel autre. (…) Je suis distraite par un bruit de chaises : Paulo Branco se lève, imité par l'actrice espagnole.
Je comprends qu'il doivent se rendre en projection.
Face à moi, Victor Lanoux se dresse à son tour :
– L'heure, c'est l'heure ! lance-t-il, en m'adressant une œillade.
Je lui réponds par un "Bon courage !" un peu mièvre, et le vois se pencher vers moi :
– Je serais vous, je prendrais ma place parce que ça tape, dit-il en désignant la vitre dans mon dos. (…) Je finis mon déjeuner seule, les yeux perdus sur le parc.
le 28 février 2004, Paris
– Ça va être à vous…
J'ai confié mon sac à Sarah qui, lorsque j'ai voulu me lever, m'a retenue. J'ai pensé qu'elle voulait m'embrasser et me suis penchée vers elle.
– T'es la meilleure, m'a-t-elle chuchoté à l'oreille.
Je ne sais pas si cette déclaration était préméditée, en tout cas elle m'a fait venir les larmes aux yeux – je devais être particulièrement fébrile. J'ai cherché quelque chose à lui répondre et, décidant que les mots ne suffiraient pas à dire combien je l'aimais, je me suis contentée de lui caresser la joue. Puis, j'ai rejoint la femme à l'oreillette qui m'a conduite dans les coulisses. (…)
Gad Elmaleh m'annonçait.
J'ai senti Clémence s'animer dans l'ombre.
" C'est maintenant ", a-t-elle murmuré.
J'ai entendu une musique et regardé droit devant moi.
Ils ont applaudi, l'écran s'est levé.
Et j'ai vu la lumière.
le 19 janvier 2004, Monticello
Je travaille mes couleurs. Mon projet est aujourd'hui d'arriver à reproduire un bleu qui s'approcherait de ceux de Fra Angelico. Le bleu de ses ciels est ce qui, chez lui, me touche le plus. Ce sont des bleus qui m'évoquent l'enfance. Ils en ont la pureté, l'idéalisme, la sensualité aussi.
En revenant de la plage, je croise Dutronc, à nouveau. Cette fois, il s'arrête et nous parlons une vingtaine de minutes, principalement de chats. Il m'apprend qu'il en a une trentaine, que son plus grand bonheur aujourd'hui est de s'en occuper. Très intéressé par les miens, il m'a conseillé de leur donner du poulet : "Ils adorent ça et ça leur fait les dents."
Entretien avec Stéphane Carlier, lauréat français de l’édition 2021 de la Fantastique résidence