Ce roman est inspiré d'un tableau d'
Edward Hopper qui représente une femme vêtue d'une robe rouge, assise à un bar, entourée de trois hommes et qui a plu et presque obsédé
Philippe Besson (au point qu'il en a acheté une reproduction) et peu à peu les personnages se sont animés et une histoire s'est construite entre eux.
Cette histoire se déroule comme une pièce de théâtre, un huis-clos, qui respecte les trois unités : lieu, temps, action et l'auteur réussit à y introduire toutes sortes d'émotions, dans une ambiance électrique comme peut l'être une fin d'après-midi orageuse.
le café Phillies était « leur bar » et Ben, le serveur, a connu Louise et Stephen à l'époque où ils étaient amoureux et vivaient ensemble. Il connaît tout de Louise car il l'a vu sombrer, souffrir, s'accrocher après leur séparation, mais sans jamais sortir de son rôle de serveur, accueillant les confidences sans juger. « Il s'est toujours contenté de l'écouter, sans ponctuer ses phrases. Il a la conviction que les serveurs de café doivent être affables et discrets ». P 23
Comment peut-on se reparler au bout de cinq années de séparation durant laquelle chacun d'eux a évolué de son côté, comment renouer le lien ? La conversation peut-elle reprendre là où elle s'est arrêtée ? Comment parler à l'autre sans le heurter, sans commettre d'impair ?
Peut-on resurgir dans la vie de l'autre après une rupture, une trahison puisque Stephen a épousé une autre femme dont il a eu des enfants ? Est-ce que l'autre a encore une place pour vous dans sa vie ? A-t-il d'ailleurs refait sa vie sans vous ?
Bien sûr, tous les souvenirs remontent, les bons comme les mauvais. Stephen est issu d'une famille de notables qui, notamment le père, a très mal accueilli Louise à l'époque, une petite actrice ne pouvait pas s'intéresser à leur fils sans une arrière-pensée. « Aujourd'hui encore, son évocation pèse lourd entre eux deux. Dans le laconisme de Louise, il faut comprendre que la rancune n'a pas été jetée à la rivière. Dans la discrétion de Stephen, il convient sûrement de déceler une volonté de ne pas raviver des plaies. On retient ses coups ». P 47
Philippe Besson aborde tous ces sujets sans tabous, tente d'apporter une réponse aux questions, aux doutes et pousse chacun dans ses retranchements. Il joue aussi sur les silences qui s'instaurent entre eux quand la tension devient trop palpable et qui permettent de gagner du temps. Les silences d'aujourd'hui, comme ceux d'autrefois, le silence face au tumulte du coeur. Même les absents, tel Norman dont on attend toujours l'arrivée ou le coup de fil, ou même Rachel, habitent le bar. Chaque rôle est important dans ce huis-clos.
Il exploite aussi l'immobilité derrière laquelle chacun se réfugie pour ne rien dévoiler à l'autre de ses faiblesses, une économie de mots et de mouvements qui reflète l'atmosphère suggérée par le tableau de Hopper.
J'ai adoré cette histoire car les personnalités des protagonistes sont fouillées, explorées dans les moindres recoins, avec leurs failles et leurs fragilités comme
Philippe Besson sait si bien les décrire, les décortiquer, sans complaisance en utilisant toute une palette d'émotions. de plus, je trouve son idée de départ géniale et il l'a exploitée de fort belle façon.
Un livre paru en 2002, qui était depuis des années dans ma bibliothèque, un roman court (191 pages) mais tellement dense, un coup de coeur. J'en vois certains sourire, car je fais partie du fan-club de
Philippe Besson donc, pas objective…
Note : 9/10
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