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4,3

sur 5440 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Michelangelo Vitaliani, dit Mimo, est né nain et pauvre mais son père lui a transmis sa passion : celle de la sculpture. Viola Orsini est née du bon côté, dans une famille aisée. Elle est très intelligente mais sans cesse empêchée par son statut de femme (l'histoire se déroule en Italie au début du XXème siècle). Tous les deux se lient d'amitié à l'adolescence. Ils seront souvent séparés, brouillés parfois, mais toujours liés comme des « jumeaux cosmiques » comme le dit Viola. Parallèlement à leur histoire, le lecteur découvre l'existence d'une pietà sculptée par Mimo et soigneusement cachée par l'Eglise en raison des manifestations étranges chez ceux qui la regardent. Ce roman pour lequel l'auteur a reçu le Goncourt est dans la veine du Goncourt de Pierre Lemaître. On suit la vie des personnages avec en toile de fond la grande Histoire, celle du fascisme ici. J'ai lu ce livre avec plaisir mais j'ai eu tout de même un regret : on voit tout à travers les yeux de Mimo. Quel dommage que l'auteur ne change pas de point de vue pour se mettre dans la peau de Viola. Il y aurait eu tant à dire sur ce personnage féminin si moderne dans sa volonté de refuser la place que la société patriarcale lui a assignée.
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Le père de Michelangelo, dit Mimo, celui qui lui a tout appris, n'est pas rentré de la Première Guerre Mondiale. Démunie, sa mère l'envoie chez un proche en Italie dans l'espoir de le protéger des affres du conflit. Sous la coupe d'un « oncle » mesquin qui ne supporte pas de voir son talent éclipsé par celui d'un enfant, un francese de surcroît, Mimo grandit dans un atelier de tailleur de pierre où son génie de sculpteur lui vaut autant d'admiration que d'ennuis. Mijotant encore et toujours dans la pauvreté, il fait la connaissance de Viola dans des circonstances pour le moins étonnantes. Viola, l'héritière de la famille Orsini au domaine si imposant et aux orangeraies sans pareilles. Les deux enfants sont empreints de paradoxes : Mimo, atteint de nanisme, avec ses oeuvres dignes des plus grands, et Viola fantasque et d'une intelligence rare, en avance sur son temps, qui rêve de voler quand les hommes ne pensent qu'à la marier au plus offrant. C'est d'ailleurs leurs singularités qui en feront de si bons amis, de véritables âmes-soeurs. Nous suivons leur parcours entre Pietra d'Alba, Florence et Rome, entre les deux guerres, la montée du fascisme et la défaite de Mussolini.

J'ai moins adhéré aux chapitres se déroulant en 1986, avec un Mimo à l'article de la mort dans un monastère où il a « veillé sur elle » une bonne partie de sa vie. Elle, sa Pietà, son oeuvre majeure, celle qui a marqué l'apogée de sa carrière de sculpteur et précipité quelque part sa chute. D'après les témoignages recueillis par le Vatican, il émane un pouvoir mystique de la statue. de nombreux spectateurs en ont ressenti un profond malaise. Ces passages entrecoupent le parcours de vie de Mimo avec des détails qui ne m'ont pas forcément intéressée. Heureusement, ils sont plutôt courts, mais cette agitation religieuse a un peu terni la magie de l'ouvrage pour moi, au lieu de la renforcer. On comprend toutefois mieux l'importance primordiale que cette Pietà revêt aux yeux de son créateur quand on découvre enfin les faits à l'origine de sa naissance. Ce monde si pittoresque dépeint par l'auteur s'effondre d'un coup, laissant le lecteur abasourdi entre deux lignes. Je n'ai pas vu arriver un seul instant ce retournement de situation qui m'a profondément ébranlée.

À la lecture du synopsis, je m'étais attendue à ce que l'Histoire avec un grand H soit plus présente, car si Mimo tire avantage des mouvements extrémistes en honorant commande sur commande, tout demeure finalement en second-plan, donnant l'impression que l'auteur reste en surface des choses là où les Chemises Noires ont ébranlé tout un pays et plus encore.

Cela ne m'a pas empêchée de savourer l'évolution de Mimo et Viola au fil des ans. Je me suis langui de leur duo infernal chaque fois que les circonstances – ou leurs volontés – les ont séparés, me suis réjoui à chacune de leurs retrouvailles. Dans leur éternel chassé-croisé, Mimo dresse une comparaison des plus vraies, celle de deux aimants qui s'attirent autant qu'ils se repoussent, tant leurs échanges sont intenses. Il y a beaucoup d'amour entre ces deux-là. le récit pullule d'anecdotes, de tranches de vie qu'ils ont partagées parfois là où on s'y attend le moins. Cela confère une intensité rare à leur complicité, à ce lien unique qui transcende l'amour romantique. Cette histoire nous conte aussi leurs actes manqués, toutes ces fois où ils se sont entredéchirés, toutes ces gueules de bois qui ont traîné Mimo dans les bas-fonds de la ville, toutes ces désillusions qui ont mené Viola à rendre les armes face aux exigences de sa famille.

Dans la version audio, Léo DUSSOLLIER donne voix à Mimo. D'un timbre rond et chaleureux autant qu'il peut se révéler incisif, il apporte une délicieuse touche italienne chaque fois qu'il évoque des prénoms ou des lieux. Il introduit ainsi une indolence et un charisme typiquement méditerranéens dans le récit de Jean-Baptiste ANDREA. Les interventions de Lila TAMAZIT sont quant à elles plus sporadiques puisque son rôle se cantonne aux passages dans le monastère, en 1986.

Dans « Veiller sur elle », Jean-Baptiste Andrea nous parle d'Art, de politique et de religion, mais il réinvente surtout l'amour et l'amitié à travers Mimo et Viola. Il redéfinit les frontières qui se dressent entre les deux autant qu'il les brouille, afin de nous offrir un roman tendre et drôle souvent, déchirant parfois.
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Mimo est jeune ado que la vie n'a pas épargnée.
Viola est une jeune fille issue d'une belle famille à qui tout semble réussir.
Un lien très particulier va les rapprocher, une amitié forte même si déséquilibrée car Mimo ferait n'importe quoi pour Viola.
Les années passent, les amis s'éloignent, se perdent mais finiront par se retrouver.
Une très belle histoire... Mimo a une vie tumultueuse finalement beaucoup plus riche que Viola. le roman se lit bien malgré quelques longueurs
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Ce livre méritait-il le Goncourt ? Pas sûr. Certes il est très populaire, très grand public, donc ceux qui l'auront reçu en cadeau à noël ont pu le lire ce qui n'a pas toujours été le cas avec ce prix. C'est l'histoire vraiment très romanesque (trop !) d'un homme de petite taille, comme on dit maintenant que le mot nain est devenu interdit. Evidemment, ce nain est génial, un surdoué de la sculpture, évidemment il vient des bas fonds les plus pauvres pour d'élever jusqu'aux plus hauts sommets grâce à son talent. Ce n'est plus un roman, c'est un conte de fées !
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Je viens de terminer le Goncourt 2023. Un roman écrit dans un style élégant, fluide, qui rend la lecture facile.
Deux personnages principaux : Mimo, le sculpteur de génie, au physique surprenant, Viola, fille d'aristocrates, d'une intelligence hors du commun, aux réactions tout à fait imprévisibles.
Autour d'eux gravite une galerie de personnages très divers : le curé de campagne, le futur pape, le prêtre ambitieux qui deviendra cardinal, la famille Orsini qui veut tenir son rang, les amis sculpteurs, le directeur du cirque.....
Le mystère de la sculpture est très bien exprimé.
Bref, un grand roman ! Pourtant, je n'ai pas réussi à m'attacher aux personnages, je n'ai pas réussi à entrer vraiment dans ce roman. Je me suis senti toujours en retrait.
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J'ai lu ce roman par bribes, parce qu'il était dans ma liseuse que je n'utilise qu'à l'occasion. Ma lecture s'est donc étalée sur plusieurs mois, ce qui n'aide pas à entrer dans l'histoire… En même temps, rien ne m'a vraiment donné envie de m'y plonger plus assidûment.

Pourtant c'est une chouette histoire, celle d'un adolescent atteint de nanisme que son talent pour la sculpture place sur le chemin d'une jeune bourgeoise rebelle. Leur amitié durera toute la vie, d'ailleurs le roman débute à la mort de Mimo qui, dans ses derniers instants, se replonge dans ses souvenirs, le point de départ étant une mystérieuse sculpture tenue cachée par le Vatican.

J'ai aimé le personnage de Viola la féministe, qui lutte avec courage contre les préjugés de rang social et de sexe (« Si le Christ est souffrance, alors ne vous en déplaise, le Christ est une femme. »). Avec elle, « il n'y a pas de limites. Pas de haut ni de bas. Pas de grand ou de petit. Toute frontière est une invention. ». Je l'ai trouvé plus attachante que le héros, malgré l'existence bien remplie de celui-ci.

Le récit alterne entre des moments un peu magiques et une réalité souvent sordide. J'ai trouvé certains passages captivants et d'autres plutôt ennuyeux. Bref je ne saurais pas trop dire si j'ai aimé ou pas. Et en même temps, quand je me pose la question, ce n'est pas bon signe !..
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Elle n'est pas désagréable à lire, enfin dans mon cas à écouter, cette histoire de Michelangelo Vitaliani, surnommé Mimo, qui va nous accompagner tout au long, ou presque, d'un XXème siècle italien empli de bouleversements, historiques, politiques, sociétaux, culturels..., de ses débuts d'apprentissage chaotiques dans un atelier de sculpture pendant la Première Guerre Mondiale, jusqu'à la fin de sa vie qui l'a consacré comme l'un des plus grands sculpteurs de son temps, auréolé du mystère entourant sa Pietà réalisé des années plus tôt, et sa propre disparition, en passant par sa rencontre déterminante, durant l'adolescence, d'avec Viola Orsini, jeune fille de l'aristocratie éprise de liberté et d'un avenir éloigné de ce qu'exigent son sexe et sa position.

Mais, alors que les ressorts romanesques sont nombreux et riches, que l'histoire se tient, que les personnages sont plutôt bien campés, Veiller sur elle pèche à mon sens d'un style, d'un vrai souffle romanesque pour les porter. J'ai en effet trouvé que l'ensemble restait assez plat, assez calibré prix littéraire français - disons les choses comme je les ai personnellement ressenties -, et était bien loin de Cent milliards d'années et un jour, seul roman lu jusqu'à présent de l'auteur, mais dans lequel l'on pressentait une patte beaucoup plus personnelle, qui semble s'être un peu perdue en chemin.

J'avoue que le parcours de Jean-Baptiste Andrea me fait penser à un autre Jean-Baptiste, del Amo cette fois, dont j'appréciais l'originalité stylistique jusqu'au Fils de l'homme qui a, justement, remporté le prix du roman Fnac, avec un roman plus policé. Prochaine mission : m'atteler aux romans précédents, pas encore lus, et publiés auparavant, pour confirmer, ou infirmer mon propos.

Je remercie les éditions Lizzie et NetGalley de m'avoir permis la découverte de ce roman en version audio, avec une lecture de Léo Dussollier et Lila Tamazit impeccable, toute en nuances parfaitement adaptées au personnage même de Mimo, plutôt attachant et dans le même temps assez insaisissable.
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Que vous dire, j'ai un rapport particulier avec le Goncourt, régulièrement je l'achète et celui-là ne fait pas exception, il trône dans ma bibliothèque depuis un moment et je peine à le lire et puis parfois même souvent c'est une excellente lecture qui me sort de ma zone de confort …donc quand je l'ai vu en service presse audio je me suis dit pourquoi pas…

Nous sommes dans l'Italie du siècle dernier, dans une Italie, qui va être traversée par le fascisme, dans une Italie ou la place de la femme est auprès de son époux à élever des enfants, dans une Italie ou l'on croise des nains, oui mais uniquement dans les cirques…

C'est l'histoire de Mimo qui est né nain, pauvre et qui sera rapidement orphelin de père dans un pays, la France, ou son italianisme est aussi un problème mais qui a un don, le don de la sculpture sa mère l'envoie chez un oncle en Italie pour parfaire ce métier … et c'est l'histoire de Viola Orsini aucune fée n'a oublié de passer sur son berceau mais était-il bien nécessaire de lui donner tant d'intelligence et de curiosité à une époque où la beauté est la seule qualité ambitionnée par les femmes …

Mimo et Viola, Viola et Mimo une rencontre inévitable les deux faces d'une même pièce, ils ne peuvent ni vivre ensemble, ni être séparé …

Que vous dire? Que ce fut un coup de coeur, une évidence …le départ fut laborieux mais une fois dans l'histoire impossible de la lâcher…impossible de les quitter …ils sont des astres qui vous emmènent dans un d'autre époque, une autre vie …on les quitte au bout de celle-ci à regret … une lecture à des années lumières de ma zone de confort mais qui me pousse vers la découverte d'autres univers littéraires …

Et vous l'avez vous lu ? Êtes vous adepte des prix littéraires ?

Mots clés 🔑 Amitié Mort Guerre Italie Sculpture
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« Même si je ne te parle pas
Je suis là et veille sur toi.
Même si je ne te prends pas dans mes bras
Je prends soin de toi
Et te protège à distance
De tes maux de coeur et de tes transes ».

Ces quelques vers de Milania Caetano correspondent à ce que je me fais d'une veillée, car, comme il est dit dans le dico, veiller c'est rester volontairement éveillé, c'est être vigilant, c'est prendre soin.
Je sens qu'on va me surveiller, qu'on va scruter mes mots. Je vais devoir exprimer comment on peut s'émerveiller, pour éveiller une curiosité.
Ce livre m'attendait dans la boîte à lettres, il fait partie de la sélection de la bibliothèque orange tournante, je ne l'ai donc pas choisi, j'ai par contre choisi de le lire et d'en faire une chronique. J'arrive en sept cent vingt-sixième position, un anonyme dans le peloton, personne ne viendra m'interviewer, ils ont déjà tous donné leur avis, que je ne connais pas, il y a ceux qui sont arrivés dans l'échappée, avant la proclamation des résultats, et il y a les autres, qui connaissent le vainqueur, et qui vont en parler parce que c'est le meilleur, forcément, on n'offre pas le bouquet à n'importe qui, il y a eu consensus, c'est lui le lauréat, y a pas photo.
Mais est-ce ainsi qu'on court ? Qu'en penses-tu Edmond ? Faut-il rester dans le moule ou sortir de la foule ? Devenir le pépé d'essai, celui qui a mouillé le maillot, ou le pépé décès, celui qu'on aura vite oublié, parce que la roue tourne. PPDC, plus petit dénominateur commun, le consensuel qui rallie la majorité des suffrages, qui n'en fait pas des tonnes mais qui fait presque l'unanimité, celui qui sait rassembler, parce qu'on a besoin de se ressembler, surtout en ces temps mauvais où il y a de l'électricité dans l'air, rester dans le cocon, de la ouate dans la boîte, sans aspérité, sans cassure ça rassure, le marbre c'est lisse mais c'est brillant, élégance et résistance, précieuse est la pierre, veiller sur elle.
Impossible d'être impartial, c'est lui qui a eu le Goncourt, quoi que j'écrive, l'encenser ou le répudier, ça sera par rapport à ce prix, même si c'est inconscient de ma part. Vais-je être vigilant, pouvoir donner vraiment mon avis, faire abstraction de la notoriété qui s'est installée ? En tout cas, je ne vais pas comparer, je n'avais rien lu de lui avant celui-ci, je suis novice en Jean-Baptiste, je ne suis pas béat devant Andrea.
Pas loin de six cents pages, je suis allé au bout, j'ai tout lu. Je vous avoue que parfois je n'ai pas tout prononcé, j'ai fait de la lecture rapide, j'ai glissé à la surface, je ne suis pas rentré dedans, je n'ai pas trouvé de quoi me surprendre, la phrase qui m'aurait fait ralentir, même m'arrêter pour la relire, rien de vraiment enthousiasmant, mais rien non plus qui me fasse caler, qui me rebute au point d'interrompre ma lecture, ça a glissé tout seul, j'ai tout avalé sans tousser, ni trop salé ni trop sucré, un mélange d'ingrédients qui s'associent sans que l'un d'entre eux prenne le dessus, du passe-partout au goût, de la pâleur dans la saveur.
Peut-être est-ce dû à la forme employée, le je qui raconte du début à la fin, aucun changement dans la narration, des chapitres qui s'enchaînent mais rien qui déchaîne, une certaine monotonie dans l'avancement du récit. Peut-être qu'un roman choral m'aurait davantage subjugué, avec l'alternance des deux personnages principaux, pour mettre du rythme dans le tempo.
Viola et Mimo.
Viola, elle ne pouvait pas s'appeler Abusa ou Souilla, c'eut été un crime de lèse-virginité.
Viola, c'est la violette, un tout petit viol, une pensée discrète.
Mimo, il ne pouvait pas s'appeler Michelangelo, c'eut été un crime de lèse-grandiosité.
Mimo, c'est la moitié, il n'est pas entier, on ose à peine le prononcer, juste à mi-mot.
La fille belle et le nabot, les dentelles et les sabots, peu de destin commun, mais le génie les réunit, forte tête et mains d'esthète.

« Viola était une funambule en équilibre sur une frontière trouble tracée entre deux mondes ».

« Ce n'est pas un gnome, les enfants. En fait, c'est un géant. Juste un petit géant ».

« Les mots ont un sens, nommer c'est comprendre ».

Viola désire voler, Mimo souhaite laisser une trace. Voler, c'est disparaître dans les airs, sculpter, c'est apparaître dans la pierre. Elle lui prête des livres pour l'éduquer, il modèle la vie en rognant les aspérités.
La littérature, l'art, l'histoire, les guerres, mais comment ont-ils bien pu se rencontrer ?
Beaucoup de longueurs pour maintenir l'étonnante complicité, j'attendais des effets de surprise, mais rien ne m'a étonné. Ah, si, une pensée métaphorique.

« Il marine avec la bêtise depuis qu'il est petit. Et avec l'âge, il s'est acidifié. Autrefois, c'était un concombre. Maintenant, c'est un cornichon ».

Mais j'ai trouvé la fin de l'histoire bien longuette, je pense qu'il aurait pu (dû ?) raccourcir son propos pour le rendre plus dynamique. Un conte se doit, à mon humble avis, d'être court et concis. Celui-ci ne m'a pas émerveillé.

La course est terminée, ce fut une étape de plaine, alors que j'attendais une confrontation dans la montagne. Deux-tiers des avis ont mis cinq étoiles, le mien est mitigé. Je sors de la foule, trop sentimentale.
Je vais ressortir « Le Petit Prince », j'ai envie de rêve, d'émotion.
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S'il est bien un livre qu'on ne pouvait rater ces derniers mois, c'est bien celui-ci : prix Goncourt 2023, il était omniprésent dans les diverses librairies par où je passe plus ou moins régulièrement, mais même dans les rayons livres de certains hypermarchés on le trouvait mis en évidence ! C'est tout ce qu'il fallait pour attirer autant ma curiosité que ma méfiance. En effet, à force de le voir autant, l'esprit est atteint (c'est le principe même de la publicité !) et finit par s'y intéresser : je ne compte plus le nombre de fois où je l'ai tenu entre les mains… pour finalement le redéposer. Par ailleurs, les lecteurs qui me suivent savent à quel point je suis réticente à me lancer dans les best-sellers, ayant le plus souvent un avis nettement moins enthousiaste que la plupart des autres lecteurs. (En soi, ce n'est pas grave, je ne vais pas changer ma façon de ressentir mes lectures pour me coller à la majorité ! mais bon, ça finit par donner un petit sentiment désagréable de doute malgré tout…)
Et puis voilà : il est tout à coup apparu au catalogue de Lirtuel (la bibliothèque belge francophone en ligne), j'ai pu l'emprunter aussitôt… et je vois qu'il n'est désormais, déjà, plus disponible. Un vrai coup de chance !

L'auteur nous entraîne ainsi dans un monastère perdu dans les montagnes italiennes, où s'éteint peu à peu un membre de la communauté, bien qu'il n'ait jamais été moine lui-même. Alors que quelques frères veillent sur lui à tour de rôle, plus ou moins inquiets et en même temps sereins face à l'inéluctable, le mourant se raconte lui-même pour le lecteur. Que fait-il dans ce monastère, alors qu'il n'en fait partie que par défaut ? Né en France de parents immigrés italiens, il retournera très vite -à la mort de son père- dans le pays de ses origines (à 12 ans). Atteint d'achondroplasie, pauvre et sans réel avenir, il se retrouve un quasi-esclave auprès d'un « oncle » tailleur de pierres ivrogne, qui le déteste mais ne peut faire autrement que l'accueillir. Mais voilà, ce jeune homme, que sa mère avait choisi de prénommer Michelangelo, mais que personne n'appelle jamais autrement que Mimo, a un don pour la sculpture, don qu'il va peu à peu exploiter, de façon pas toujours très opportune, jusqu'à son oeuvre majeure, une Pietà que l'Église juge dangereuse, car elle a déclenché des réactions trop vives chez un trop grand nombre de spectateurs, et qui est désormais cachée au public…

C'est là que se trouve le mystère du titre : veiller sur elle… mais qui est cette « elle » ? Je pense que l'auteur, consciemment ou non, laisse cela un peu en suspens au choix du lecteur. « Elle », c'est bien sûr cette Pietà tellement particulière, pas forcément plus belle ou plus touchante que celle de Michel-Ange (« le » Michelangelo qui a inspiré à la mère de Mimo son prénom, et qui est souvent cité dans ce livre comme référence, au moins autant que Fra Angelico qui est bien mis en avant également), mais qui a ceci de particulier qu'elle dérange… et il faudra la fin du livre pour comprendre pourquoi ! Je sais que certains lecteurs l'avaient deviné bien avant ; pour ma part, même si je n'ai finalement pas été ultra-étonnée (je me suis dit : « mais évidemment, suis-je bête de ne pas l'avoir saisi plus tôt ? »), je me suis quand même laissé surprendre.

Mais « elle », pour moi, c'est aussi et surtout Viola. Cette dernière n'appartient pas du tout au même monde que Mimo : fille de la célèbre et puissante famille Orsini, son avenir semble tout tracé dans cette Italie très divisée du (début du) XXe siècle. Hélas pour elle, Viola est aussi d'une intelligence supérieure, on parlerait aujourd'hui de HPI… sauf qu'on n'est pas aujourd'hui, et Viola ne peut exprimer tout ce qu'elle a en elle que par des rêves plus ou moins fous, et aussi par son désir « d'éduquer » le jeune Mimo qui, sur un mensonge à quelques jours près, s'avère être son jumeau cosmique. Les deux se sont rencontrés tout à fait par hasard, et très vite, vont s'attacher l'un à l'autre. C'est ainsi une histoire d'amour-amitié qui nous est contée à travers tout le livre : une de ces amitiés que rien ne peut ébranler, pas même les disputes, trahisons ou autres malentendus, même si la mésentente qui en résulte, dure parfois plusieurs années ; un amour « pur » sans qu'il y ait jamais de relation charnelle entre eux, car comme le dira Viola à au moins une occasion, ils sont au-dessus, au-delà de « ça ».
Tout les oppose, et pourtant tout les réunit, toujours.

Avec ce personnage qui, à mes yeux, est au moins aussi important que Mimo (même si c'est bel et bien ce dernier qui est le narrateur principal, à la 1re personne du singulier, avec ici et là quelques chapitres où on revient à un narrateur omniscient qui raconte l'inquiétude des frères face au mourant), ce livre m'a semblé résolument féministe. Il n'y a certes pas de grand débat à ce sujet ; en revanche, la « condition » de Viola est évoquée à de multiples reprises avec une subtilité empreinte de ce regret qu'elle est née « trop tôt », en quelque sorte…
D'une intelligence trop vive à une époque où les femmes n'étaient pas admises à l'université (du moins en Italie), elle doit se contenter de lire des livres de l'immense bibliothèque de son père en cachette de ce dernier. Pleine de rêves en partie scientifiques – son obsession de voler -, elle doit se contenter des expériences les plus improbables, à nouveau en cachette de sa famille. Ne souhaitant ni se marier ni réellement avoir d'enfants (même si ce n'est pas dit tout à fait clairement), elle fait pourtant partie des « filles à marier » à cause du nom de sa famille, et n'a d'autre choix que d'accepter un époux peu désirable mais « nouveau riche », alors que sa famille peu à peu désargentée a désespérément besoin de se refaire une santé financière. Très intéressée par le monde qui l'entoure et notamment par la politique, à cette époque où le fascisme mussolinien prend de plus en plus d'ampleur (tout en étant ouvertement moqué, même si c'est entre les lignes, par l'auteur), personne ne lui demande son avis, elle est d'ailleurs exclue des discussions qui se tiennent jalousement « entre hommes », et est systématiquement moquée, poussée à se taire, quand elle exprime sa pensée quoi qu'en pensent les autres, elle si peu attachée aux convenances.

C'est ainsi un portrait riche qui nous est proposé, surgissant sans cesse entre les pages consacrées à l'histoire même de Mimo, qui est quant à lui beaucoup moins intéressant, finalement… Certes, il va goûter à la pauvreté et à la déchéance plus qu'à son tour, en rajoutant même par dépit ou par provocation, allant de bouge en bouge et terminant ses nuits dans les caniveaux, tandis que peu à peu son talent est enfin reconnu, et que son succès éclate. L'auteur nous le présente cependant un peu trop façon « artiste maudit » : parce qu'il a connu le pire, mais qu'il a un talent inouï, tous les excès semblent permis – et je ne parle pas là seulement de ses nuits de débauche, qui continuent même avec le succès, mais aussi de ses accointances plus que douteuses avec le régime montant de Mussolini, ce dont il se défend avec peu de vigueur sous prétexte qu'il ne « fait pas de politique » - seule Viola réussira à le tempérer !

Même si l'auteur ne cesse de se moquer de ce régime, notamment en présentant les personnages qui en font partie comme des ivrognes bêbêtes et peu intéressants, carrément caricaturaux, il reste quelques zones d'ombre qui m'ont bien un peu dérangée : certainement le fait que Mimo les fréquente avec autant d'assiduité et qu'il soit incapable de s'en rendre compte par lui-même, ou encore une espèce de plaidoyer en faveur de Pie XII. On connaît trop les polémiques qui se sont succédé à propos du « silence » de l'Église face à la Shoah, de même que le fait qu'elle a clairement facilité l'extraction de plusieurs dignitaires nazis vers certains pays d'Amérique latine en fin de guerre. Alors, certes, ce n'est pas Pie XII en personne qui les a laissé échapper à la justice, et on s'accorde aujourd'hui sur le fait qu'il a effectivement joué un discret rôle de sauveteur de Juifs… mais de là à prendre clairement son parti comme s'il avait été un héros, ça me semble un peu trop facile et dès lors douteux.

Je retiens donc ce livre comme l'histoire d'un sculpteur quelque peu maudit, ayant créé une oeuvre magistrale mais également maudite car interdite par l'Église, pour une raison qui ne sera dévoilée que tout à la fin (pour ceux qui, comme moi, ne l'avaient pas devinée), le tout s'inscrivant dans la grande Histoire de la première moitié du XXe siècle, de façon parfois un peu trop caricaturale, et sans que je parvienne à m'attacher réellement à son personnage principal. Mais c'est surtout une histoire féministe, un regret latent pour cette femme exceptionnelle qu'était Viola, hélas enfermée dans les conventions tellement sexistes de son époque, qui sonne à mes oreilles comme un plaidoyer pour que les femmes d'aujourd'hui prennent leur juste place dans notre monde.
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