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Critiques de Mathieu Belezi (356)
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Le Temps des crocodiles

Que penser de ce petit livre farci

de monstruosités coloniales?

Les peintures presque effacées Kamel Khelif

évoquent dans des teintes de sepia délavées

cette belle Algerie martyrisée.

Le texte a des allures de conte cruel.

Le capitaine Vandel,

despote étalonnant son cheval

de ses éperons d'argent, sabre au clair,

mène ses troupes à travers les déserts

pour exterminer tout ce qui bouge.

Mettre l'Algérie au pas, à l'heure française !

C'est absurde et épouvantable ,

comme toutes les dictatures..

Il y a du Ionesco dans l'air

On dirait une troupe de théâtre sanguinaire.

Un perroquet multicolore,

des zéphyrs bleus et rouges

Un géant noir fort comme un turc

Vandel coiffé d'un chapeau

de plumes d'autruches femelles..

Aucun détail macabre ne nous est épargné,

Tarantino pourrait filmer ces scènes

où l'hémoglobine et les cervelles déchiquetées

envahissent l'écran du lecteur.

On embroche, des têtes au bout de piques,

des oreilles et des mains baguées

à revendre sur les marchés d'Alger et de Constantine.

L'épouvante et l'horreur du génocide..

On lâche ce livre avec soulagement...
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Moi, le glorieux

Tout est trop dans ce roman : trop grand, trop charnu, trop riche, trop répétitif, trop, trop, trop….



Il faut accepter d’entrer dans la prose du narrateur : Albert Vandel, alias Bobby.



C’est lui, Albert, qui du haut de ses 145 ans s’enrichit en Algerie. Il s’enrichit à s’en faire péter la panse sans pour autant délaisser son braquemart toujours prêt pour ses nombreuses maitresses.



Il conspue le coulo Général et les bicots, sans parler des juifs.



Mais à l’heure de la retraite française, ils ne l’auront pas.



J’ai aimé les leitmotivs : C’est moi et Ils ne m’auront pas en alternance en début de chapitres ; Foutez-moi la paix, Monsieur Albert répété par la bonne.



Car Albert et sa bonne à qui il raconte ses faits d’armes sont des allégories de l’Algérie et de la France.



J’ai été scotché par la scène au milieu du roman : Albert reçoit le Président dans une débauche d’animaux exotiques, de plats, de musique. Et la note de l’auteur a la fin de son ouvrage m’a laissé rêveuse.



Bien sûr, j’ai détesté Albert, personnification de colons qui n’en ont jamais assez de richesses et de servants, de dominations et de sexes.



Une lecture qui ne laisse pas indifférent par ses excès.



L’image que je retiendrai :



Celle du lit d’Albert qu’il nomme son lit d’empereur de Chine.
Lien : https://alexmotamots.fr/moi-..
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Attaquer la terre et le soleil

Mathieu Belezi dans ce court roman (153 pages) donne la parole alternativement à une mère de famille et à un soldat.



Le point commun entre les deux narrateurs est la colonisation de l’Algérie au XIXème siècle. Les titres des chapitres sont édifiants : « Rude besogne » pour les colons et » Bain de sang » pour les soldats.



Les colons sont venus en Algérie pour fuir la misère en France et exploiter le terrain donné par l’état français. Tous ont le rêve de vivre une vie meilleure. Mais les terres sont arides, le soleil ardent, les tribus alentour belliqueuse et le choléra prospèrera en raison des conditions de vie extrêmement dures.



Les soldats sont là pour protéger les colons et accroître la possession des terres. Mais comme leur assène le capitaine à longueur de journée, ils ne sont pas des anges. Les exactions sont nombreuses. Une violence à laquelle répond celle des algériens qui défendent leurs biens.



Certes la violence est présente dans ce roman. Cela a d’ailleurs créé un débat passionné dans le club de lecture que j’anime. Mais j’ai trouvé l’écriture de Mathieu Belezi remarquable.



« Attaquer la terre et le soleil » est une peinture réaliste de la situation dès 1830.
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Attaquer la terre et le soleil

J'ai été tenue en haleine tout le long de l'ouvrage.

Le style est effréné ! Peu de ponctuation, pas de majuscules, au bout de deux pages je m'y suis habituée et j'ai pu me plonger dans ce récit à deux voix, c'est un livre court mais extrêmement fort.

J'ai pu voir l'horreur, subit ou prodiguée.



C'est dur, l'émotion me gagnait au fur et à mesure que le livre défilait sous mes doigts.

A lire, avec le cœur bien accroché !
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Attaquer la terre et le soleil

Étrange narration qui se compose de phrases interminables avec des retours à la ligne surprenants et des changements de sujets et rarement des majuscules ou des points. Ça donne l'impression d'une coulée de boue longue et dévastatrice que rien n'arrête. Et cette coulée de boue, c'est le désespoir de la narratrice, Séraphine, qui découvre l'Algérie, à la moitié du XIXème siècle, où elle va devoir vivre avec son mari et ses enfants. Cette coulée de boue c'est aussi les tourments que les soldats infligent aux autochtones.



Ce roman nous raconte la colonisation de l'Algérie au milieu du XIXème siècle, dans ce qu'elle a de plus tragique. Des français sont partis là-bas en espérant une vie meilleure car c'est ce qu'on leur a fait croire, et ils ont rencontré la pire misère qui pouvait leur arriver. Car si le voyage a été dur, l'arrivée en Algérie a été effroyable.

Il y a les chapitres contés par Séraphine, le point de vue des colons et leur désillusion, nommés RUDE BESOGNE, puis ceux contés par un militaire, violents et sanglants, nommés BAIN DE SANG, qui nous parlent de rapines, de viols, de meurtres.

Chacun leur tour ils nous racontent la face cachée de la colonisation.



On passe d'un chapitre à l'autre, d'une voix à l'autre, et on voit que les prétendus sauvages ne sont pas ceux que l'on pourrait croire. En tout cas, c'est un autre récit des faits que ce qu'on nous a toujours raconté. Les colons d'un côté, qui au milieu de cette terre aride vivent dans la terreur du choléra, du paludisme, des animaux sauvages, et des indigènes qui veulent les massacrer pour garder ce qui est à eux.

Puis les militaires, qui viennent civiliser ces "sauvages" en les égorgeant, les humiliant, violant leurs femmes, pillant leurs réserves, les chassant de leurs villages. le cynisme est de rigueur car il faut bien justifier ses actes et se persuader qu'on a raison de faire ce qu'on fait, que c'est pour le bien de tous.



En 153 pages l'auteur nous emmène au fin fond de l'enfer de la colonisation auprès de ces civils et de ces soldats, chacun maudissant les barbares locaux qui eux ne faisaient que se défendre des barbares occidentaux venus tout leur prendre.

Ce livre vous attrape, vous enserre le coeur et l'esprit et vous n'avez plus envie de le lâcher.

C'est cru, c'est dur, et raconté avec une prose étrange et envoûtante qui m'a fait l'effet d'une lame de fond, lente, dévastatrice, inéluctable, scélérate.
Lien : https://mechantdobby.over-bl..
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Attaquer la terre et le soleil

A ceux qui n’ont pas encore découvert ce roman, foncez chez votre libraire et courez vous le procurer. Ce livre est une pépite !



Le sujet : les débuts de la colonisation algérienne dans les campagnes. Nous sommes dans les années 1840

Séraphine et sa famille s’embarquent pour l’Algérie convaincus par les arguments de la République française de contribuer à la colonisation de ces « terres de barbarie ». Ces nouveaux colons ne sont-ils pas « la force, l’intelligence, le sang neuf et bouillonnant » dont la France a besoin ? Et sur ces terres hostiles, ils seront protégés par l’armée française. C’est l’autre voix de ce roman.



Très rapidement le ton est donné « Il était loin le paradis que le gouvernement de la République nous avait promis, et on n’était pas près de l’atteindre ». Sur ces terres où « il n’y avait rien à voir, des broussailles, de la rocaille, et des nuages si bas qu’ils donnaient envie de disparaître sous terre » ils vont tenter de survivre.



L’autre voix est celle d’un soldat de l’armée française dans cette campagne de « pacification ». Son récit se nourrit avidement et presque exclusivement du sang de ces arabes, du viol de leurs femmes, de la destruction de leurs village. C’est abject, au point d’en rendre la lecture parfois insoutenable. Dans ce récit de combat à armes inégales, une petite voix tente de se faire entendre pour dire la barbarie de ces soldats français. La réponse est immuable « on n’est pas des anges ».



Autant le récit de Séraphine est doux, comme bercé par la fatalité, autant celui du soldat est violent et d’un cynisme sans nom. Ce roman est d’une puissance et d’une intensité comme j’ai rarement eu l’occasion d’en lire, phénomène accentué par cette ponctuation privée de points. Les phrases s’enchaînent pour dire la difficulté de ces colons agricoles et l’inhumanité des soldats français, les affres de la colonisation. Pas de points donc, seulement les germes d’un désastre annoncé.



Superbe !

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Attaquer la terre et le soleil

J'ai été fortement impressionné, au double sens de l'admiration et de l'impression d'une image, par ce texte qui va me laisser des traces. Le style d'écriture très particulier m'a littéralement immergé dans la bestialité des conquérants du territoire algérien au 19ème siècle et dans la vie âpre, sordide et pleine d'embûches des colons. Les uns comme les autres sont portés par les mensonges d'un état qui promet de répandre la civilisation et d'apporter la richesse en manipulant de pauvres personnes peu cultivées et mal informées.

Certaines scènes sont très violentes, d'autres désespérantes, à éviter de lire le soir avant de s'endormir.

Ce texte a réussi le tour de force de me donner envie de m'intéresser à l'histoire de la colonisation (Pascal Blanchard, me voilà !)

Bravo Mathieu Belezi.
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Attaquer la terre et le soleil

Deux récits entrecroisés. Plutôt une mélopée qu'un roman, un poème épique en forme de stances : pas de majuscule au commencement des phrases, pas de points à la fin des paragraphes.



Mais le témoignage poignant de deux acteurs de cette aventure absurde : la colonisation d'un pays aride par des paysans dénués de tout, la pacification d'une contrée sauvage et les combats sanglants contre des autochtones auxquels on prétend sincèrement apporter les bienfaits de la civilisation, quitte à devoir les étriper.



Un récit à deux voix : la mère de famille qui a entraîné son mari et ses enfants ainsi que sa soeur dans cette aventure périlleuse, croyant aux belles promesses – le don de terres à cultiver – d'un gouvernement espérant faire diversion à ses problèmes internes, et le soldat qui obéit aux ordres et étripe du bédoin à la fois méprisé et redouté.



Cette famille de colons faisait-elle partie du même premier convoi que l'héroïne du roman de Michèle Perret ? Leur destin se recoupent ...



C'est la face de la colonisation qu'on n'a jamais décrite dans les manuels d'histoire. La cruauté, le bain de sang, les maladies dévastatrices – le coléra, le paludisme - les exactions d'une armée ivre de violence - ils ne sont pas des anges ! - et traquée par des ennemis invisibles fondu dans le paysage inhospitalier, ces occupants qui sont nés et vivent selon leurs traditions immémoriales et surtout leur foi inébranlable.



Une traversée de l'enfer de la colonisation algérienne qui nous rappelle qu'aucun peuple ne réussit à en subjuguer un autre sur le temps long, que la résistance à l'agression étrangère finit toujours par l'emporter, que les dommages mémoriels subsistent dans les esprits au-delà des siècles. Nous le ressentons encore aujourd'hui vis-à-vis des Algériens et eux des Français, et d'autres dirigeants devraient s'en inspirer qui continuent à user de la force brutale pour asservir leur voisin.



Un beau et âpre texte, une dénonciation sans nuance de toute forme de colonisation.
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Le petit roi

″Qu’ai-je fait pour mériter cet exil ? Je suis un enfant et je me crois coupable de tout. ‶

Il m’aura suffi d’un seul titre pour tomber sous le charme de l’écriture de Mathieu Belezi et me donner envie d’aller plus loin avec lui. Après le succès d’Attaquer la terre et le soleil, son éditeur a eu l’excellente idée de rééditer d’anciens titres difficilement trouvables.

Ouvrage assez court, il semblerait que cet opus soit un premier roman ; et pourtant il s’y dégage déjà une puissance incroyable.

Mathieu Belezi met en lumière un petit garçon placé à la ferme de son grand-père, sa mère l’ayant plus ou moins abandonné. Ce petit roi, en réalité vivait au milieu d’un couple qui ne s’entend pas, où règne une telle violence qu’il est préférable pour lui de l’éloigner. Ce sera la campagne provençale avec son Papé aimant, lui apportant le calme et la bienveillance dont il a tant besoin. L’enfant découvre les charmes de la campagne, l’amitié, le vélo. Mais tout cela ne parvient pas totalement à combler les blessures, le manque de mère.

‶Je préfère être châtié que moqué. Je défends un territoire que rien ni personne ne peut entamer. ″

Le passé revient régulièrement le hanter et lui rappeler que pour lui il n’y aura point de salut. Lire les textes sur l’enfance malmenée n’est pas une chose aisée en général. Celle-ci ne déroge pas à la règle, mais Mathieu Belezi a le talent pour le faire. Son écriture ciselée et économe s’adapte parfaitement à son propos. Elle est à la fois belle, puissante, poignante, cruelle, et poétique.

Je me réjouis à l’avance du prochain ouvrage de l’auteur qui me passera par les mains. Je sais que quel qu’en sera le sujet, il ne me laissera pas indifférente !


Lien : https://leblogdemimipinson.b..
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Attaquer la terre et le soleil

Récit, sous la forme de souvenirs, à deux voix, celle d’une mère de famille et celle d’un soldat, qui partent pour l’Algérie au XIXe siècle, s’y installer et faire flotter le drapeau français . Et pour cela, il faut souffrir, tuer, violer, razzier. Et souffrir encore. Et s’adresser à Dieu et la sainte Vierge qui soutiennent… et laissent les choses arriver.

Beaucoup de violence et de désespérance, c’est extrêmement bien écrit, sans majuscule au début des paragraphes, sauf pour les dialogues., ce qui donne une fluidité intéressante.
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Attaquer la terre et le soleil

Si Homère était encore vivant, il se serait certainement retourné dans sa tombe, à la lecture de cette épopée formidable.



Rarement, en effet, dans l'histoire de la colonisation, la parole aura été donnée aux petites gens. Ceux qui en ont bavé pour servir la grandeur de la France... Une mise en miroir efficace de leurs paroles, simples et directes, avec les discours officiels qui les présentent comme des pionniers, des bâtisseurs, venus apporter la civilisation, sortir ces sociétés du moyen âge, en les massacrant au besoin; ces peuples arriérés, incapables de faire fructifier leurs propres terres.



Malgré la présence du capitaine et de ses soldats, du curé, de la blonde institutrice, ces colons se sentiront misérablement abandonnés, de Dieu et de la mère-patrie.



Un texte fort, servi par un style puissant, qui nous amène à réfléchir à la colonisation sous un angle différent. Un sujet qui divise encore notre société, et dont il serait peut-être temps de crever les abcès?
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Attaquer la terre et le soleil

Glaçant ce récit d'une époque sur l'on se plaît à croire révolue mais qui ne peut s'empêcher de résonner avec notre contemporalité.

J'en ai même du mal à noter, ai-je "aimé", n'ai-je pas ? C'est assez déstabilisant cet alignement d'horreurs, ce que j'ai trouvé fort est le côté détaché de ces colons. Glacant disais-je, est-ce que en contexte d'auto-légitimité perçue, la raison s'absente à ce point que toute humanité se perd ?
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Attaquer la terre et le soleil

Une histoire d’Algérie, conquête inconnue de froidures et de brûlures qui, sous la plume de Mathieu Belezi, pénètre et la terre et la chair.



Le texte suggère en creux le parcours pernicieux du mensonge : il commence sur le sous-main d’un bureau puis se démultiplie jusqu’au bout de chaîne où trône l’exécutant, le soldat ivre et besogneux qui applique les ordres à la lettre et au sabre.



La colonisation pour Mathieu est cette saloperie toujours accompagnée de sa cavalcade d’horreurs : il nous soule de peurs et d’odeurs, dilate la violence de l’homme en meute en parallèle aux ravages aveugles des maladies.



Même si rien ne nous est épargné, le style hypnotisant colle au texte comme à la peau, avec ses lenteurs alternées à de courtes frappes.



Allégé d’inutiles ponctuation, les images fleurissent et les refrains envoûtent : ce n’est plus moi qui tiens le livre mais le livre qui me tient, avec ce souffle unique qui semble écrit d’une traite.



Accompagnée de ses personnages que j’aime et que je hais, la flèche qu’il laisse en moi palpite.




Lien : https://pecayral.fr/attaquer..
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Attaquer la terre et le soleil

On est au début de la colonisation algérienne, la colonisation sale, la première, celle qui s’est faite à coups de sabre et d’exils, volontaires, certes, les exils, ce qui n’enlève rien à l’iniquité faite à cette terre.



On suit deux récits, celui d’un soldat et celui d’une femme colon, Caro, mariée à celui qui a voulu partir, Henri, et mère de trois enfants, deux garçons et une fille. Dans l’aventure inconnue, elle a elle-même entraîné sa soeur et son mari, Rosette et Louis. Ils viennent d’Aubervilliers, comme tout le groupe qui achève la traversée et découvre les terres promises, en plein désert du sud algérien. Les discours émouvants et patriotiques sonnent alors comme des glas de ce qu’on leur avait présenté comme un paradis. La terre algérienne ne veut pas d’eux, les habitants leur sont hostiles et c’est escortés de soldats qu’ils s’installent dans une grande précarité. » Le sang neuf et bouillonnant dont la France a besoin sur ces terres de barbarie », la réalité va le faire couler. On leur a vendu une nouvelle vie, mais, à une journée de marche de Bone, la plus grande ville de la région, il n’y a rien, quelques tentes où ils s’entassent, la pluie, la poussière qui devient boue. La promiscuité, la faim, l’inconfort sont tels que le refrain de Caro « sainte et sainte mère de dieu » devient une rengaine qui se perd dans le froid glacial de ce premier hiver.



Le récit de Caro permet de suivre, ou de découvrir, l’inconscience des colons et la manipulation de la propagande. Même si le sort s’acharne sur eux et les décime à coup d’épidémie et d’attaques des « barbares », on ne peut les voir comme des victimes, car ce que Caro vit comme un exil et une séries d’injustices, est quand même bien une spoliation indigne d’un territoire dont ils n’avaient aucun accueil légitime à attendre. Que leur vie soit rude n’est finalement qu’une réalité que leur inconscience politique n’avait pas pris en compte.



Le récit du soldat est parfois à la limite du soutenable, et pourtant, je ne suis pas une chochotte des tripes. Sans aucune morale, le soldat raconte la pacification, c’est-à-dire les meurtres, viols, pillages, décapitations, sévices, humiliations commis par son bataillon, errant dans l’oued. Ces pouilleux se croient magnifiques, sous le commandement d’un capitaine, sorte de réincarnation d’Ubu, débordant d’une rage patriotique perverse. Galvanisés par la toute puissance que leur donne l’usage des armes et l’impunité garantie, ils massacrent au rythme d’une troupe de fous furieux, satisfaits de leur orgie de sang, fondant sur des villages isolés pour mettre « leurs couilles au chaud et avoir la panse pleine », chantant en chœur » Courons au carnage, Vive le pillage, Mitraillons, Brulons, saccageons, Et cueillons des galons, Nous colonisons »



Les deux récits ont en commun le même travail sur la langue, syncopée, où la ponctuation est rare, les mots sont crus, voire orduriers, même si ceux de Caro sont plus retenus. La mélopée obtenue est proche d’une poétique du flux, du déversement. L’idéologie colonisatrice est montrée comme un déferlement absurde des bas instincts du côté du soldat, et du côté des colons, l’absurdité de leur présence n’est interrogée que sous l’angle de leur survie. C’est un choix politique et stylistique que l’on peut comprendre mais ce livre est rude à apprécier.
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Attaquer la terre et le soleil

Superbe et terrible roman qui rend compte de la colonisation de l'Algérie par la France au 19e siècle, en alternant deux points de vue, celui des colons, et celui de soldats de l'armée française.

C'est d'abord (rude besogne) la voix d'une femme , attirée avec sa famille par des promesses de terre, confrontée dès son arrivée à des conditions de vie insupportables, que ce soit au niveau de la santé, de la sécurité, du travail de la terre. Puis (Bain de sang) celle d'un soldat français entraîné dans des massacres et viols successifs dirigés contre une population locale rurale qui ne demande qu'à pouvoir vivre tranquillement chez elle et qui n'a nullement besoin d'être "pacifiée par la France", horrible justification d'un capitaine d'armée sanguinaire. Un roman coup de poing, qui à hauteur d'hommes et de femmes raconte avec l'exemple de l'Algérie, l'ineptie des colonisations.
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Attaquer la terre et le soleil

Ce roman vient d’obtenir le Prix de l’Escale du Livre. Il le mérite sans doute. Le lecteur est tout de suite emporté par ce récit à deux voix, écrit dans un style sobre, intense, épuré, dans une langue où il déverse sa colère, sans points ni majuscules et avec un formidable sens du rythme. Ces vers de Boileau semblent avoir été écrits pour l’illustrer :

C’est un torrent débordé qui, d’un cours orageux,

Roule plein de gravier sur un terrain fangeux.

On n’avait rien lu de tel depuis Chalandon et Mauvignier, il y a quelques 10 ans de cela. Et pourtant je ferai deux réserves. Voici lesquelles.



La première parce que, du début à la fin, nous lisons un récit insoutenable. M. Belizi privilégie le sordide. Il est constamment dans l’hubris (pardon ! Je me prends pour BHL!), je veux dire dans l’excès et la démesure. Ou pour le dire en langage pop : « il en fait des caisses ». En effet, rien ne nous est épargné, et tout au superlatif. Cruauté, bains de sang, actes de barbarie, exactions de l’armée, soleil de plomb, pluies diluviennes, froid polaire, coupeurs de têtes, viols, saccages, champs infertiles, lions du désert, serpents venimeux, paludisme, typhus, choléra...il n’y manque que la peste ! « Sainte et sainte mère de Dieu ! ». Et au moment ou l’on croit souffler voilà Séraphine qui nous dit : «  Dois-je raconter ce qui ne devrait pas l’être ? ». Et bien sûr, elle en remet une couche, et quelle couche !, jusqu’à l’écœurement. Trop c’est trop. Cet excès en tout, sans la moindre nuance est un défaut et il a fini par me lasser et puis m’insupporter.



La seconde car, à mon avis, il rate sa cible. Son livre veut, à la fois, dénoncer les horreurs de la colonisation et la folie des hommes mais aussi la mission pacificatrice de la France. Et là, je trouve qu’il n’atteint pas son but. Il raconte la colonisation de l’intérieur, à travers la voix d’un colon et celle d’un soldat, français tous deux. Mais où sont donc les futurs colonisés ? J’aurais aimé qu’il leur donne la parole, en introduisant une troisième voix , et qu’il en fasse ainsi des êtres humains. Mais non, les Arabes n’ont pas droit à la parole, ils sont comme effacés, des fantômes cachés dans l’obscurité, déshumanisés, réduits à leur yatagan, toujours prêts à égorger un blanc. Belizi nous les présente, non comme des hommes, mais comme des sauvages, des barbares, des « gueunillards sanguinaires » selon l’image qu’ont d’eux les colonisateurs. Cette vision fait perdre beaucoup de force à son propos. Dès lors, il justifie en quelque sorte « la mission divine » de la France dont l’objectif est d’en finir avec ces « chiens de barbares tombés du ciel d’Allah  », les civiliser, « tirer l’Afrique de ses ténèbres » et ne pas les laisser longtemps encore dans « l’effroyable barbarie africaine » . Etait-ce là son but ? Mais ce n’est que ma façon de voir, rien d’autre.



Et c’est ainsi qu’Allah est grand comme disait, avec humour et dérision, A. Vialatte à la fin de ses chroniques. Qu’il me pardonne pour cet emprunt.
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Le petit roi

« FINISSONS-EN »



Premier roman de 1998, réédité par le Tripode, Le petit roi dérange et percute. L’écriture est sèche et intime, puissante et large et vient réveiller le calme ambiant d’une littérature parfois trop amorphe (On reparlera du rôle de la littérature au XXI ème siècle dans un prochain débat). À travers le jeune Mathieu, douze ans, on arpente la Provence telle une âme en peine. La guerre d’Algérie en toile de fond, elle germe déjà dans l’esprit de l’auteur. Mathieu, on le voit. On le sent. On l’imagine. On l’aime. On le déteste. On le craint. On s’inquiète pour lui mais aussi pour les autres. On aimerait le calmer, l’adoucir ou le raisonner. Il est fictif et pourtant il parait si réel. Nous avons beau secouer le livre, rien n’y changera, il continuera d’agiter notre esprit lorsqu’on y pense.



Sans jamais édulcorer ce dont est capable un Homme au XXI ème siècle, sans aucun jugement ni manichéisme, Mathieu Belezi bouscule son lecteur pour ne pas nier la cruauté humaine. L’autre Mathieu, le narrateur se venge. De la vie. De ses parents aux disputes qui le hantent. De la solitude qui l’a « condamné à l’abime ».

Il se venge. Sur les animaux qu’il découpe. Qu’il dissèque. Qu’il écrase. Qu’il tue ou humilie. Poules, chat, fourmis, peu importe tant que coeur bat. « Ce sang me venge de la désinvolture du monde à mon égard ». Sur Parrot son compagnon de classe et souffre-douleur préféré. Il faut urgemment expulser la violence qui l’anime. Spectre d’un exutoire à la tristesse. L’adolescence, âge de tous les dangers permet de déceler l’intention de cet enfant qui lutte contre ses démons. La violence l’épuise et il n’y reste aucune alternative tant il demeure seul. Rien ne l’apaise.



« Je ne peux éviter les larmes qu’en basculant dans la cruauté (…) J’ai tant de raisons de pleurer que je ne pleure pas. »



À chaque personnage qu’il croise, la tension s’installé. Une mère battue qui abandonne son fils alors que ce dernier la réclame tout au long du roman. Il réclame sa tendresse, son amour, et fait preuve d’une grande pudeur voire d’une certaine dignité pour cacher sa véritable sensibilité. Nous sommes sur un fil. À tout moment tout pourrait basculer. La narration est entrecoupée de flashback sur les disputes des parents sans les distinguer du coeur textuel. Ces moments s’entremêlent comme des souvenirs traumatisants. La lumière ne viendra que de Papé, cet homme reclus et taiseux, qui fera office de père de substitution. Le sauvera t-il de cet état ?



«  Je bute contre le mystère de cet homme qui voit ce que je ne sais pas voir, qui entend ce que je ne sais pas entendre. Je préfère qu’il ne parle pas, je comprends mieux ce qu’il veut me dire. À mon âge je suis déja soulé de la parole d’adulte »



On y croise la nature, émerveillement évident pour cet enfant qui vient de la ville et qui doit apprendre les codes. « Ici, les ciels sont écurés par un mistral qui n’a pas la main légère (…) derrière les vitres, je regarde comment le vent s’y prend pour dénuder les arbres ». On aperçoit un semblant de lumière au gré d’un premier amour et puis le cercle vicieux continue. « Finissons-en »

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Le petit roi

Dans le cadre d'une masse critique Babelio, j'avais sélectionné ce titre après avoir lu tant d'éloges sur le dernier opus de l'auteur (Attaquer la terre et le soleil).

.

Qu'elle n'a pas été ma colère quand à la page 12, soit 3 pages après le début du texte, j'ai eu violemment envie de jeter ce livre loin de moi !

Je ne suis pourtant pas dérangée habituellement par la violence dans mes lectures (au contraire des films durant lesquels je supporte un peu moins la vue du sang), je me délecte des bastons, je râle presque lorsque les scènes de torture ne sont pas assez développées (coucou ma Team yakuza !), en tout cas j'accepte complètement de lire du hardcore quand cela sert le propos...



Mais ici, l'auteur fait étalage de violence gratuite envers des êtres sans défense en donnant comme prétexte que le jeune garçon a eu des parents violents entre eux et une mère qui a fini par l'abandonner chez son grand-père (c'était d'ailleurs sûrement mieux pour lui, elle lui a sûrement rendu service).

Cette violence là m'est tout bonnement insupportable



Je ne comprends pas à quoi sert ce texte et qu'est-ce que l'auteur peut/veut apporter aux lecteurs, à part du dégoût ?

Je suis aussi dérangée parce qu'en plus de la violence j'y décèle une part d'auto-fiction qui me met d'autant plus mal à l'aise.

J'essaie de me mettre à la place de l'éditeur et avoue ne pas comprendre qu'est-ce qui peut fasciner assez dans ce genre de texte pour décider de le publier (contrairement au Démon de la colline aux Loups qui proposait, en plus d'un texte d'une grande puissance, une forme tout à fait particulière).

Je n'ai absolument pas été émue par ce personnage, il m'a dérangée au plus profond de mon estomac mais ne m'a jamais touchée au cœur.



Mais auto-fiction ou pas, je m'interroge : à quel moment peut-on excuser des actes inqualifiables, sous prétexte que ce garçon est malheureux ? Une personne cambriolée un jour serait-elle excusée si elle se mettait à cambrioler ? Tous les gamins violés dans leur enfance seraient-ils pardonnés s'ils violaient à leur tour ? Une adolescente à l'enfance malheureuse peut-elle tout brûler sur son passage pour évacuer sa colère, sans qu'on ne lui dise rien ?

De manière générale, serait-on plus facilement pardonné si l'on prouvait que l'on a soi-même souffert ?

Pour moi, c'est sans équivoque : la réponse est NON. NON, NON, ET ENCORE NON.
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Attaquer la terre et le soleil



Le fond : au milieu du dix-neuvième siècle, à la suite de l’armée, les colons français débarquent en Algérie des rêves plein la tête. Dès leur arrivée, les familles déchantent. Etouffés par la poussière, accablés par la chaleur puis le froid, décimés par le choléra, en proie aux raids vengeurs et à une terre récalcitrante, les colons vivent plus l’enfer que l’eldorado promis par le gouvernement. De son côté, l’armée française commet exaction sur exaction et pourrit la situation.

La forme : le style est simple et les dialogues sonnent juste, tout comme la description des scènes de violence et de mort, omniprésentes. A noter une mise en page déroutante (pas de majuscule en début de phrase) qui s’avère reposante.

Pour conclure, un roman terreux bien écrit sur une période mal connue.

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Attaquer la terre et le soleil

2 histoires parallèles prises dans les débuts de la colonisation de l'Algérie:

Séraphine et sa famille au sens élargi du terme décident de quitter Marseille pour venir coloniser cette nouvelle terre qui a été vendue comme une terre promise : des terres, une nouvelle maison, un nouveau tournant de paysan. Déception violente et amère ! Les colons ne sont pas réellement attendus : conditions de vie pitoyables, la terre : un lopin pauvre quasi inexploitable, maladies et hostilité très réelle des autochtones.

Un soldat pris dans la colonisation de cette terre, suivant un capitaine sanguinaire voire complètement halluciné (on n'est pas des anges). Massacres, vols, viols, incendies, baïonnettes et tueries en tout genre. Les autochtones sont déshumanisés et les soldats se déshumanisent dans leurs actes.



C'est violent, c'est cru et cruel et pourtant cela reste intéressant car on nous parle régulièrement de la guerre de décolonisation (guerre d'indépendance pour les Algérien.nes) mais très rarement de celle de la colonisation. Attaquer la terre et le feu nous jette dedans de façon magistrale, grave avec tout ce qui peut être dégue*****.



C'est un livre court (ou plutôt ce n'est pas un pavé) mais c'est direct, précis. Il y a une force quasi tellurique dans ce roman (le titre lui va bien). Et du coup, soit on se laisse embarquer soit on reste sur le bas-côté.



J'ai apprécié même si par moments j'ai été un peu choquée . Néanmoins, je n'ai pas été totalement convaincue d'où mes 3.5 étoiles.



Déjà la narration et sa présentation : des phrases coupées en milieu de ligne et qui sont reprises la ligne en dessous sans ponctuation. Cela m'a fatigué et pompé l'air par moments.

Pas de répit dans la violence du propos et des scènes. Fatigant aussi par moments.



Livre à lire.
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