"Mais, ma chère enfant,vous voulez dire que vous ne pourriez pas m'aimer si je portais un autre nom?" s'inquiète Algernoon, un jeune aristocrate cynique londonien, alors qu'il se fait passer, auprès de la jeune et jolie Cecily (pupille de son ami Jack) pour l'Aimé qu'il n'est pas.
Cette interrogation,à quelque variante près,avait été posée,auparavant, à Gwendoline (cousine d'Algernoon) par Jack (ami d'Algernoon) prenant la place d'un hypothétique frère Aimé auprès de celle qui n'aime que les Aimé.
Quel méli-mélo! se dit le lecteur, un tant soit peu embrouillé par l'avalanche de quiproquos et de malentendus qui va s'abattre sur ces deux menteurs hypocrites amateurs de jolies filles et de supercheries.
En fait c'est très simple.Jack s'est inventé un frère Aimé pour aller à Londres lorsqu'il en a envie. Algernoon s'est inventé un ami Bunbery pour aller faire ses frasques à la campagne. Mais les deux se font passer pour des Aimé lorsque ça les arrange. Ajoutez à cela le romanesque de deux jolies bécassines, l'autorité d'une mère hautaine pétrie de préjugés et abusive,une gouvernante oublieuse,un révérend en attente,des remarques décalées,des contresens,des jeux de mots et....un brin d'amour vous obtenez une excellente comédie.
Cette pièce de
Jean Anouilh et de
Nicole Anouilh est adaptée d'un texte d'
Oscar Wilde (écrivain irlandais du XIX° siècle connu pour
le portrait de Dorian Gray mais qui a également écrit des comédies grinçantes sur l'amour comme le mari idéal et sur le mensonge comme
le déclin du mensonge).
Jean Anouilh est connu lui aussi pour son humour grinçant (à l'opposé d'une tragique
Antigone) dans des comédies fantaisistes telles
le voyageur sans bagage ou
le bal des voleurs.
Comme dans Il est important d'être aimé (titre qui prend le contrepied des pensées absurdes de Gwendoline et de Cecily pour qui, surtout, Il faut s'appeler Aimé) il égratigne l'aristocratie, il évoque l'imposture et le mensonge.
Le côté théâtral prête à rire (ex: Tante Augusta sonne d'une "façon wagnérienne").
Les dialogues complètement décalés sont pétillants ...de cynisme. Exemples: Lady Bracknell pose des questions-réponses farfelues du genre "êtes vous fumeur?" et est contente de cette "occupation" d'homme oisif.
Algernoon est médisant: les cheveux d'une veuve et amie "sont devenus entièrement blonds"...de chagrin! Il se croit supérieur et "est au désespoir" lorsque son domestique lui apprend qu'il n'y avait plus de concombres au marché.
On rit, on rit...jaune...d'un humour noir qui égratigne les préjugés!