C'est Georges Bertram senior qui constitue l'épine dorsale de cet impressionnant roman. Il est immensément riche, il est pingre et il éprouve un malin plaisir à maintenir ses héritiers potentiels dans l'ignorance de ses intentions.
Ils sont cinq à lui être apparentés et à donc pouvoir espérer être couchés sur son testament.
Il y a d'abord Lionel, le frère, un panier percé toujours à court d'argent, qui, entretenant de très mauvais rapports avec lui, se fait peu d'illusions et escompte bien que les millions vont tomber dans l'escarcelle de son fils, Georges Junior, qui, lui, l'en fera généreusement profiter.
Ce Georges est un idéaliste qui s'éprend de sa cousine, Caroline Waddington, dont la mère était la fille du vieillard et qui est donc, elle aussi, son héritière potentielle. Payé de retour, il voudrait que le mariage ait lieu dans les plus brefs délais. Elle préfère, quant à elle, attendre qu'établi il ait des revenus suffisants. Incompréhension, orgueil mal placé, ils finissent, bien qu'éperdument amoureux l'un de l'autre, par se brouiller, par se rendre leur liberté, et Caroline épouse Henri Harcourt, un brillant avocat qui escompte bien que le magot va lui échoir, par femme interposée.
Sont également en lice Mademoiselle Baker, une nièce par alliance et Arthur Wilkinson, un cousin éloigné.
Qui diable finira donc par hériter ? le tour de force d'
Anthony Trollope, c'est de nous faire nous passionner, nous aussi, lecteurs, pour une question qui finalement nous importe peu et de nous maintenir dans le doute jusqu'aux toutes dernières pages. En attendant, on vit au quotidien en compagnie de ces cinq « héros » et d'une foule de personnages secondaires tous plus attachants les uns que les autres. C'est toute une société qui prend corps sous nos yeux avec ses préjugés, ses codes, ses passions, ses façons de vivre, de voyager, de se distraire.
C'est un texte extrêmement foisonnant, très visuel et, ce qui ne gâte rien, en permanence teinté d'humour. Un véritable ravissement.