La Bretagne, ça vous gagne.
En tout cas, mes dernières vacances là-bas en été m'ont gagné l'envie d'en savoir plus sur l'Histoire de ce pays (en plus de l'envie d'y retourner). J'ai cherché un bouquin sur le sujet et j'ai opté pour celui de Philippe Turault qui nous conte les ducs et les duchesses de Bretagne. Tout se passe au Moyen-âge, débordant un brin sur les Temps modernes.
L'auteur adore la Bretagne ; cela se sent et se respire. C'est la fierté qui perce à travers la résistance de ses chefs face aux gourmands comtes d'Anjou et de Normandie ou rois d'Angleterre et de France. C'est la tristesse qui émane de la description de l'absorption du duché par la France au 16ème siècle. Usant de cette émotion palpable comme de carburant, il fait vivre son récit et combat l'ennui toujours tapi aux portes des récits historiques de non-fiction.
Qu'ai-je pu retenir des ces récits ?
D'abord l'absence de « celtitude » qui irriguerait la région et les habitants depuis la nuit des temps. Non, pas de barrière génétique ou culturelle séparant la Bretagne des duchés ou royaumes voisins. Les gens vont et viennent, le sang des ducs doit beaucoup à ses voisins. le sentiment celtique que l'on ressent aujourd'hui est en partie une construction. Déjà au 16ème siècle, les récits des origines, propagande écrite, émerge pour magnifier les particularités de la Bretagne. Comme pour le royaume de France et plus tard la République, finalement ; on embellit son passé.
Ensuite la qualité de proie quasi permanente de la région. Les voisins ont toujours souhaité soumettre, voire absorber, en tout cas dominer la Bretagne. Les comtés d'Anjou ou de Normandie, puis les royaumes d'Angleterre – surtout à l'époque de Henry II, puis
Richard Coeur de Lyon et Jean sans Terre. On se rappellera ici la belle pièce
le Roi Jean de
Shakespeare qui retranscrit l'histoire de l'assassinat du duc Arthur Ier de Bretagne – et de France ont presque toujours imposé aux ducs de Bretagne la stratégie de louvoiement du faible face au fort.
Enfin la présence de femmes de grand charisme tout au long de cette histoire. Havoise, qui exerce la régence pour son fils Alain III au 11ème siècle aussi bien que Blanche de Castille. Encore mieux : Ermengarde, épouse d'Alain IV, mère de Conan III qui met en oeuvre la réforme grégorienne et favorise l'alliance avec son Anjou natal. le conflit entre Jeanne de Flandres et Jeanne de Penthièvre, femmes respectives des adversaires Jean de Monfort et Charles de Blois pour le titre de duc pendant la guerre de Cent Ans ; ces deux-là valent bien les Cersei et Daenerys de Game of Thrones. Et bien sûr
Anne de Bretagne, qui mène par le bout du nez son Louis XII de mari avant que ce dernier ne se rebiffe, et maintient haut l'identité de la Bretagne.
Évolution de l'organisation de l'état, relations entre noblesses et clergé, nombreux conflits internes, tout est abordé avec précision mais sans entrer dans les détails pompeux. C'est aussi, en creux, l'histoire de France que l'on observe, par les yeux de ce voisin qui parfois ce serait bien passé de ce royaume encombrant mais parfois aussi est bien content de le voir venir à son aide.
Un livre qui devrait combler les amateurs de cette région.
Détail : je n'ai plus de doutes : Nantes est bien en Bretagne, son histoire en fait foi.