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Myriam Bellehigue (Traducteur)
EAN : 9782330171643
432 pages
Actes Sud (02/11/2022)
3.93/5   37 notes
Résumé :
En 1937, Gayatri quitte l'Inde pour Bali, dans le sillage d'un artiste allemand, afin de retrouver sa liberté et de se consacrer à la peinture. Elle laisse derrière elle son mari et leur fils de neuf ans. Lorsque ce dernier, à la fin d'une vie façonnée par cette terrible absence, reçoit d'une ancienne voisine un paquet de lettres de sa mère, il revisite ses souvenirs et succombe à l'obsession qui a marqué son enfance : pourquoi l'a-t-elle abandonné ? Un merveilleux ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (10) Voir plus Ajouter une critique
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Acquis chez mes libraires habituels [Librairie Caractères / Issy-Les-Moulineaux ], avant le confinement, le 4 mars 2020 – Lu 28 avril 2020


Une nouvelle découverte faite en flânant au hasard, et sans calcul aucun, ou stratégie spéciale, je prolonge mes escapades littéraires en Inde, avec ce nouveau roman, et cette auteure dont j'ignorais jusqu' au nom, dont Actes Sud a déjà publié trois textes….

Le narrateur, Mychkine, paysagiste de talent et de passion, coule une retraite paisible dans sa maison natale. Passionné par les arbres, et les animaux, c'est un solitaire confirmé…Un colis inattendu va arriver du Canada, qui va bouleverser son existence : Des lettres écrites et expédiées par sa mère, Gayatri, à une ancienne voisine, de juillet 1937 [Date où Gayatri est partie pour Bali, abandonnant les siens, dont son fils de 9 ans ] à octobre 1941, date où s'arrête mystérieusement cette correspondance…
A l'occasion de la réception de ce colis inattendu, Mychkine revient sur son passé, son enfance, sa jeunesse, sa relation très aimante envers son grand-père, médecin généraliste, ne manquant pas de fantaisie…et ce manque lancinant que représenta le départ maternel, brusque, lorsqu'il n'avait que neuf ans…qu'il vit le chagrin de son père qui en fut démoli ; ce dernier partit en pélèrinage, sur la voie des moines bouddhistes ! On se dit à de multiples reprises qu'heureusement que notre « anti-héros », Mychkine, avait comme tuteur bienveillant, ce grand-père médecin original , prodigue en fantaisie et ouverture d'esprit…pour atténuer ses chagrins d'enfant !!

Au fil des évocations du passé, notre personnage central revisite l'histoire l'histoire de son pays, ses convulsions, ses violences quand les Indiens se sont révoltés contre les Britanniques, dont ils refusaient la main mise, ….Il nous offre aussi une peinture détaillée de la condition des femmes en Inde…La mère du narrateur , artiste dans l'âme, est révoltée par nature….même si son époux la laisse libre ; elle a l'impression d'être dans une cage dorée…a un tempérament d'artiste et un grand besoin d'indépendance…qui la fera fuir loin de son mari et de sa famille…

« Or, forcer ma mère à adopter une conduite convenable était voué à l'échec. Il aurait dû savoir que l'obéissance occupait une place de choix dans la liste des sept péchés capitaux qu'elle avait établie, suivie de près par le respect des convenances » (p. 140)

La narration se fait sur quatre générations, englobe la seconde guerre et la montée du nazisme…La petite histoire des personnages rencontre la Grand Histoire, fracassante et souvent terrifiante entre les bouleversements de L'Inde et le cataclysme européen avec l'arrivée d'Hitler au pouvoir…
Notre Mychkine…enfant puis adulte très solitaire raconte et se raconte plutôt comme un observateur, qui préfère l'ombre à la lumière…

« Vivre sans me faire remarquer est une habitude acquise il y a très longtemps. Même au travail où il m'est arrivé de caresser brièvement des rêves de réputation et de notoriété, j'ai fait rapidement marche arrière quand j'ai compris ce que ces notions impliquaient. Si j'étais une plante, je serais celle qui aime l'ombre et qui pousse sous un arbre, dans le fond du jardin où personne ne la voit ni ne vient couper ses fleurs pour les mettre en vase. » (p. 185)

Une très, très belle lecture , pleine d'émotions, mais aussi d'informations des plus précieuses sur l'Histoire complexe indienne…Une première révélation d'une grande dame des Lettres, que je découvre tout juste avec ce dernier texte traduit en France… J'ai noté dans ses écrits précédents, deux autres grandes curiosités , que j'ai envie de lire très vite : « Les plis de la Terre » (2013) , et « L'Atlas de l'impossible » (2011)


[***Juste un léger manque : un glossaire des termes indiens non traduits, dans le récit , aurait été bienvenu pour le lecteur…! ]


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Un récit foisonnant et précieux comme une pelote de fils de soie qui serait utilisée pour le tissage d'un sari chatoyant et changeant, un récit et une écriture illuminés comme les reflets du vêtement créé.

Quel fil, quelle nuance, allez-vous privilégier pour lire cette histoire ? Car c'est bien là, une des richesses du texte, il peut être lu (vécu?)d'autant de façon qu'il y a de personnages différents, provenant d'autant de directions qu'il y a de points de vue dans le récit.

Choisirez-vous d'avoir les yeux de Mychkine, cet homme presque âgé qui reçoit, un beau jour, une liasse de lettres venues du passé ? Celui qui se souvient : de l'enfant qu'il était, de sa mère partie alors qu'il avait encore terriblement besoin de sa présence, le laissant finalement seul pour se construire lui et sa vie.
Serez-vous cette mère, Gayatri, dont tout le monde dit qu'elle a suivi un homme... Celle qui décide , un matin, de s'envoler , d'aller habiter la liberté, de vivre au rythme de ses passions ? de choisir une existence à laquelle elle aspire dans laquelle l'art et le droit de choisir son chemin lui sont accordés ?

Serez-vous Lisa, la voisine, la femme célibataire libre de son temps et de sa vie, confidente et amie de Gayatri, celle qui observe, veille, celle qui a gardé toutes ces lettres ?

Enfin serez-vous Walter Spies, celui qui réapparaît, un matin, dans la vie de Gayatri, comme un souvenir, un signe. Celui qu'elle a rencontré , jeune fille, alors qu'elle voyageait avec son père sur les pas de Rabindranath Tagore ?
Cet artiste, allemand, peintre, désireux d'apprendre la Culture du pays, désireux de vivre en harmonie avec la nature omniprésente dans ce roman ? Celui qui permet à Gayatri d'écouter ses talents, et de choisir une vie qui lui donnera la possibilité de les faire grandir ?

Ou encore, Beryl de Zoete, cette femme mystérieuse et volontaire qui accompagne Walter Spies désire tout étudier des danses indiennes, véritable portrait d'une émancipation qui subjugue Gayatri ?

Un magnifique roman qui fait s'entremêler l'histoire intime des êtres et l'Histoire du monde qui bascule à l'approche de la Seconde guerre mondiale. Un texte qui parle de la volonté contenue, et finalement libérée, de vivre sa vie selon ce qu'on désire en faire. Un récit qui dit le désir d'indépendance d'un peuple, sa résistance à cette nation qui l'occupe.
Un roman à mi-chemin entre réalité et narration d'invention qui fait cheminer aux côtés du lecteur, au fil des pages, des personnages dont l'esprit ne peut se détacher.

Les mots du textes colorent l'histoire en créant le paysage, l'atmosphère tout en descriptions de la nature, de la végétation luxuriante et flamboyante, de la faune qui en deviennent presque palpables à force de détails, aux côtés des chiens croisés, personnages-charnières du récit.
Au fil des souvenirs, Mychkine racontera sa vie, celle de sa famille, de ses voisins, de son peule, de son pays, de cette région de l'Inde , de Bali et les images de ce puzzle autant visuel, qu'olfactif, on l'aura compris, viendront s'agencer quand il ouvrira les lettres reçues et répondront ainsi à toutes les questions qui étaient restées irrésolues.


(Juillet 2021)
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Pas facile d'avoir Roy comme patronyme quand on est une romancière indienne. Moins connue que sa consoeur Arundhati, Anuradha mérite pourtant bien que l'on s'intéresse à elle, mais cela, les lecteurs de L'Atlas de l'impossible, son premier livre, ne l'ignorent pas. Toutes ces vies jamais vécues, son quatrième roman, sans être une oeuvre fleuve, est un ouvrage dense et intense comme la littérature indienne nous en offre souvent, avec ici beaucoup de niveaux de lecture : historique, féministe, filial. L'histoire commence quand Mychkine, un homme déjà âgé, reçoit un certain nombre de lettres de sa mère adressées autrefois à une amie. Cette mère qui l'a quitté enfant et qu'il n'a jamais revue ni su ce qu'elle était véritablement devenue. le contenu de ces missives, Anuradha Roy ne nous le révélera qu"au 2/3 du livre (suspense) après avoir lancé la machines aux souvenirs du vieil homme. Une grande partie du livre se déroule donc en Inde, près de l'Himalaya, dans un pays agité par un fort désir d'indépendance. Au moment du départ de la mère,, la deuxième guerre mondiale n'est plus très loin et va chambouler la vie des habitants de cette partie du monde et davantage encore les Indes Néerlandaises où la fuyarde s'est réfugiée (à Bali). Sans perdre de vue son intrigue et sa progression chronologique, mais sans en être prisonnière non plus, la romancière rend captivante la psychologie d'un enfant déboussolé par l'abandon et fin observateur de l'univers qui l'entoure. C'est le regard de l'homme pas loin du crépuscule de sa vie sur le garçon qu'il était qui est touchante mais le livre contient aussi une galerie de portraits très vivante au sein d'un tissu social précisément décrit. Et puis, bien sûr, il y a cette mère, symbole de femme libre et artiste dans une époque qui admettait encore moins qu'aujourd'hui qu'elle ne se plie pas aux contraintes et aux servitudes traditionnelles d'une femme mariée. A travers sa correspondance retrouvée, depuis Bali, son fils Mychkine et, par la même occasion, le lecteur découvriront une facette différente et anxieuse d'une femme qui a sacrifié beaucoup pour vivre sa vie et sa passion. Anuradha Roy nous laisse libre de juger si elle a fait le bon choix ou si le prix à payer était trop lourd.
Lien : https://cin-phile-m-----tait..
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Nous découvrons avec ce roman l'inde des années 20 aux années 40, période à laquelle elle se battait pour son indépendance et ensuite l'impact que la deuxième guerre mondiale a eu sur le pays.
Mychkine, le personnage principal, revient sur sa jeunesse et surtout sur le départ de sa mère qui l'a profondément marqué. Cette jeune femme était indépendante, artiste, mais étouffait dans cette vie guindée que peut avoir les épouses indiennes. Elle ne supportait pas le dédain de son mari pour sa peinture, un "passe-temps tout au plus", le regard des voisins qui l'empêchait de vivre librement, de danser comme bon lui semblait dans le jardin, la peur du qu'en dira-t-on et des ragots. La situation de la femme indienne est donc plutôt bien décrite, la réalité est palpable, comme le besoin viscéral de la jeune mère de vivre pleinement sa vie et de ne pas passer à côté, le souhait de s'épanouir et de vivre de son art.
J'ai beaucoup apprécié le personnage de Walter Spies qui, j'ai découvert grâce à la postface, a réellement existé. Cet artiste semblait planer, venu d'un autre monde, généreux, sensible, s'intéressant à tout et ne voyant le mal nulle part.
J'ai été touché par l'innocence de ce petit garçon, son attente et sa tristesse. Il a de très belle description de sa mère, femme vivante, évanescente et enjouée, jeune femme qui parlait aux arbres, aux tenues colorées, aux bijoux teintant sur son passage.

Mon petit bémol : j'ai trouvé qu'il y avait quelques longueurs.

Ce roman est donc un bel hymne à la liberté et à l'art, sur fond de quête d'indépendance (que ce soit de la part du pays que des femmes)
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Ceci est le roman d'une émancipation : celle de l'Inde des années 20 d'abord qui ne supporte plus la colonisation britannique, celle d'une femme indienne appartenant à une certaine bourgeoisie ensuite. Car Gayrada est enfermée dans un mariage qu'elle n'a pas voulu, elle qui rêvait de voyages et de s'accomplir dans l'art. Elle est enfermée aussi dans la maternité car si elle aime son fils Mychkine, qui est par ailleurs le narrateur du roman, il ne lui laisse pas la possibilité de se consacrer à la peinture. Alors elle décide de tout abandonner pour suivre Walter Spies, son ami peintre homosexuel qui l'emmène sur l'île de Java.
Mais il sont rattrapés par la montée du nazisme qui touche également les Indes. Allemand et homosexuel, Walter est interné dans un camp. Et Gay, qui survit grâce à ses toiles, tombe gravement malade.
Le récit de Mychkine transcrit l'abandon de sa mère pour l'art et celui de son père pour la politique indépendantiste. Il permet également de découvrir des artistes comme Walter Spies ou Maitreyi Devi et des activistes indépendantistes indiens.
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Citations et extraits (37) Voir plus Ajouter une citation
Notre pays est dans la tourmente, notre peuple se bat pour la liberté et, toi, toi, tu ne penses qu'à toi.
-Peux-tu me dire en quoi la liberté de la grande nation me fera du bien ? Vas-y, je t'écoute ! ça va me libérer ? ça va me permettre de choisir la vie que j'ai envie de mener ? Je vais pouvoir y rester et peindre aussi ? (...) Je vais pouvoir passer une nuit à la belle étoile, à l'extérieur de la ville, comme ton père l'autre jour ? Même Mychkine ( le fils de l'interlocutrice ] est plus libre que moi. Alors, s'il te plaît, ne me parle pas de liberté ! (p. 88)
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Il y a ici plusieurs institutions charitables qui offrent à manger aux moines et aux pèlerins, écrivait-il (père du narrateur), mais celles dans lesquelles je suis allé fonctionnent selon les castes. On est nourri et respecté si on fait partie des brahmanes. Autrement, on est traité comme un mendiant. Dans les endroits qui acceptent de nourrir quelqu'un comme moi, de caste indéterminée et sans religion, un simple gueux en clair, je dois me contenter de galettes sèches et d'un peu d'eau. Je comprends mieux à présent ce que signifie dans notre pays être pauvre et de caste inférieure ou inconnue. (p.161)
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Je ne suis pas triste, je ne pense pas au chagrin. L'eau est bleue et belle, j'ai seulement envie de la peindre.
elle avait immédiatement plaqué la main sur la bouche, épouvantée d'avoir contredit le poète. L'avait-elle irrémédiablement offensé ? Bien au contraire : son refus spontané de faire preuve d'un respect béat avait soulagé Tagore, qui étouffait sous l'adoration continuelle qu'il suscitait. Il avait par conséquent sollicité sa compagnie et lui avait demandé de venir le rejoindre chaque jour sur le pont. (p. 31)
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Entouré de mes chiens, je me sens heureux et comblé comme je ne l'ai jamais été avec des êtres humains. Les gens interprètent ma solitude comme un signe d'excentricité ou une forme d'échec, ils pensent que je me suis rapproché des animaux et des arbres parce que les hommes m'ont trahi ou que je n'ai personne à aimer. Il est difficile de leur expliquer que je trouve dans l'ombre d'un arbre planté il y a des années ou la fougue fiévreuse d'un chien occupé à poursuivre en vain un papillon ce qu'aucune interaction humaine ne peut m'apporter. (p. 62)
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Quand vous aurez mon âge, vous comprendrez que le mal est partout. est-ce que quiconque a pris Hitler au sérieux quand il a annoncé pour la première fois qu'il allait éliminer les juifs ? C'était il y a quinze ans ! Je me souviens que, dans les années 1920, tout le monde était persuadé qu'il retournerait en Autriche s'occuper de son potager.
- J'évite de penser à tout cela. On doit se concentrer sur cette vie qu'on doit vivre, cette vie qu'on doit aimer, cette vie qu'on doit jouer. Il faut être au coeur de la vie. Arrêter de penser à toutes ces choses graves, arrêter de mourir à petit feu à force de s'inquiéter. (p. 117)
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Videos de Anuradha Roy (2) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Anuradha Roy
LE FESTIVAL AUQUEL VOUS AVEZ [HÉLAS] ÉCHAPPÉ !
Cette année, Oh les beaux jours ! aurait pu prendre une couleur indienne. L'Institut français nous avait proposé d'accueillir des auteurs indiens. Et puis le confinement est arrivé, de #Marseille à #Dehli, et nos échanges n'ont pu hélas aboutir. Nous avons tout de même eu envie de vous faire découvrir la voix d'Anuradha Roy, traduite en français chez Actes Sud.
À lire : Anuradha Roy, Toutes ces vies jamais vécues, Actes Sud, 2020. Traduit de l'anglais (Inde) par Myriam Bellehigue .
http://www.ohlesbeauxjours.fr
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