Acquis chez mes libraires habituels [Librairie Caractères / Issy-Les-Moulineaux ], avant le confinement, le 4 mars 2020 – Lu 28 avril 2020
Une nouvelle découverte faite en flânant au hasard, et sans calcul aucun, ou stratégie spéciale, je prolonge mes escapades littéraires en Inde, avec ce nouveau roman, et cette auteure dont j'ignorais jusqu' au nom, dont
Actes Sud a déjà publié trois textes….
Le narrateur, Mychkine, paysagiste de talent et de passion, coule une retraite paisible dans sa maison natale. Passionné par les arbres, et les animaux, c'est un solitaire confirmé…Un colis inattendu va arriver du Canada, qui va bouleverser son existence : Des lettres écrites et expédiées par sa mère, Gayatri, à une ancienne voisine, de juillet 1937 [Date où Gayatri est partie pour Bali, abandonnant les siens, dont son fils de 9 ans ] à octobre 1941, date où s'arrête mystérieusement cette correspondance…
A l'occasion de la réception de ce colis inattendu, Mychkine revient sur son passé, son enfance, sa jeunesse, sa relation très aimante envers son grand-père, médecin généraliste, ne manquant pas de fantaisie…et ce manque lancinant que représenta le départ maternel, brusque, lorsqu'il n'avait que neuf ans…qu'il vit le chagrin de son père qui en fut démoli ; ce dernier partit en pélèrinage, sur la voie des moines bouddhistes ! On se dit à de multiples reprises qu'heureusement que notre « anti-héros », Mychkine, avait comme tuteur bienveillant, ce grand-père médecin original , prodigue en fantaisie et ouverture d'esprit…pour atténuer ses chagrins d'enfant !!
Au fil des évocations du passé, notre personnage central revisite l'histoire l'histoire de son pays, ses convulsions, ses violences quand les Indiens se sont révoltés contre les Britanniques, dont ils refusaient la main mise, ….Il nous offre aussi une peinture détaillée de la condition des femmes en Inde…La mère du narrateur , artiste dans l'âme, est révoltée par nature….même si son époux la laisse libre ; elle a l'impression d'être dans une cage dorée…a un tempérament d'artiste et un grand besoin d'indépendance…qui la fera fuir loin de son mari et de sa famille…
« Or, forcer ma mère à adopter une conduite convenable était voué à l'échec. Il aurait dû savoir que l'obéissance occupait une place de choix dans la liste des sept péchés capitaux qu'elle avait établie, suivie de près par le respect des convenances » (p. 140)
La narration se fait sur quatre générations, englobe la seconde guerre et la montée du nazisme…La petite histoire des personnages rencontre la Grand Histoire, fracassante et souvent terrifiante entre les bouleversements de L'Inde et le cataclysme européen avec l'arrivée d'Hitler au pouvoir…
Notre Mychkine…enfant puis adulte très solitaire raconte et se raconte plutôt comme un observateur, qui préfère l'ombre à la lumière…
« Vivre sans me faire remarquer est une habitude acquise il y a très longtemps. Même au travail où il m'est arrivé de caresser brièvement des rêves de réputation et de notoriété, j'ai fait rapidement marche arrière quand j'ai compris ce que ces notions impliquaient. Si j'étais une plante, je serais celle qui aime l'ombre et qui pousse sous un arbre, dans le fond du jardin où personne ne la voit ni ne vient couper ses fleurs pour les mettre en vase. » (p. 185)
Une très, très belle lecture , pleine d'émotions, mais aussi d'informations des plus précieuses sur l'Histoire complexe indienne…Une première révélation d'une grande dame des Lettres, que je découvre tout juste avec ce dernier texte traduit en France… J'ai noté dans ses écrits précédents, deux autres grandes curiosités , que j'ai envie de lire très vite : «
Les plis de la Terre » (2013) , et « L'Atlas de l'impossible » (2011)
[***Juste un léger manque : un glossaire des termes indiens non traduits, dans le récit , aurait été bienvenu pour le lecteur…! ]