AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782253040170
123 pages
Le Livre de Poche (15/08/1996)
3.6/5   15 notes
Résumé :
Le suicide: un mot qu'on évite, une vérité qui blesse.
Quand un homme se tue, quand il choisit la nuit, il laisse à ceux qui l'ont connu des sentiments mêlés de culpabilité et de peur. Et cette question, la plus angoissante : pourquoi ?
Pourquoi en finir avec la vie? Par quelle alchimie du désespoir le suicide apparaît-il comme la seule issue au mal de vivre?
Le désespoir n'explique pas tout. Jean-Marie Rouart a voulu aller plus loin, comprendre... >Voir plus
Que lire après Ils ont choisi la nuitVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
[Lu en mars 2014- Relecture décembre 2021 ]

Des pages bouleversantes et curieusement lumineuses sur un sujet sombrissime : le Suicide !

En plus des rangements et tris printaniers, j'en fais aussi en fin d'année, avant de prendre de bonnes et belles résolutions pour la nouvelle année à venir et à construire. Je suis retombée sur cet ouvrage qui dans des temps anciens m'avait « chavirée »… me souvenant fort bien que Jean-Marie Rouart, en dépit d'une naissance prestigieuse dans un milieu à la fois bourgeois et artistique, n'en exprimait pas moins une ambiance, finalement, mortifère. Il l'exprime d'ailleurs fort bien au début de cet écrit :

« Un autre aurait cherché un appui dans sa famille. La mienne ne m'était d'aucun secours. (…)
La grande force morale et matérielle de la famille, c'était la peinture ; sa grande faiblesse, c'étaient les nerfs. de génération en génération on était peintre, après avoir été ébéniste, comme on est chez d'autres notaire ou pâtissier. On ne se mariait qu'entre familles de peintres. La peinture était une monomanie, un culte exclusif et frénétique. On ne parlait que d'elle ; on ne collectionnait qu'elle. Surtout on la pratiquait. Avec rage. (…) Les enfant étaient enrégimentés comme modèles, les pommes, les poires et les oranges mobilisées d'office pour les natures mortes. L'odeur de l'essence de térébenthine flottait partout. Mais les plus belles passions finissent par s'aigrir. La spéculation envenimait les frustrations et enflammait les convoitises. Après avoir été une libération, l'accession pour une bourgeoisie d'argent aux valeurs de l'art, elle devenait un asservissement maniaque. Orgueil dans l'opulence, elle se muait en malédiction dans les aléas de la vie difficile. le génie de la famille se retournait contre elle. Les dons étaient devenus des chaînes. (p. 16)

Jean-Marie Rouart après nous avoir raconté son propre mal-être au sein d'une famille, nous semblant à nous, extrêmement privilégiée à première vue…nous fait « toucher du doigt » combien , malgré des apparences flatteuses , notre écrivain a eu grand mal à trouver « sa place » et des raisons de neutraliser le côté profondément mortifère de son milieu.

Il nous emmène tour à tour parmi tous les Grands de la Littérature qui se sont suicidés ou ont été tentés de se détruire et de quitter ce monde qui les laissait désespérés, insatisfaits dans leur quête : Stefan Zweig, Bejamin Constant, René Crevel, Romain Gary, Hemingway, Jack London, Drieu La Rochelle [dont un très beaux passage de son amitié fidèle avec
Malraux ],l'actrice, Jean Seberg,le peintre Léopold Robert, pour ensuite parler longuement de « L'Empereur du désespoir « , Napoléon, ayant tenté deux fois d'attenter à sa vie…mais aussi d'autres personnages de l'histoire, moins connus ; et j'allais omettre, dans un tout autre registre, les pages étonnantes sur une ville fascinante, mélancolique et mortifère à souhait : La Sérénissime Venise !

Jean-Marie Rouart, sur un sujet des plus complexes et des plus dérangeants qu'est le SUICIDE, a écrit des pages étonnantes de clairvoyance et de lumière ; ce qui pourrait paraître, au demeurant, bien contradictoire !

Les titres de certains chapitres , en les parcourant, sont d'une éloquence sans équivoque : « Ecrire avec son sang », « Une blessure qui devient lumière », « Aimer la vie à en mourir », « La plus fraternelle des impuissances »…

Comme l'écrivain l'exprime au plus juste : même si il a finalement échappé , par l'écriture, par l'acte créateur, au désespoir d'être, il reste et se sent toujours « le frère des suicidés », et de l'adolescent au bord e l'abîme qu'il fut… ;J'achève ce billet par deux extraits se complétant très justement entre les exigences de tout créateur et les profondeurs des êtres inquiets écorchés vifs, et idéalistes…

« J'aime ceux qui souffrent, les écorchés, les coeurs douloureux, ceux que leur sensibilité torture, ceux qui ont l'âme inquiète et l'ambition toujours déçue. Je hais les capitalistes du succès, les nouveaux riches de l'arrivisme, les carriéristes rassasiés. J'aime les inquiets, les passionnés, les météores qui traversent la stratosphère de leur rêve et se consument dans leur course « (p. 174)

« La plus fraternelle des impuissances-
Pour un écrivain, tout commence par le chaos de l'adolescence. Il paraît alors encore plus impérieux de détruire que de construire. (...)
Cette soif de détruire qui précède toute création est aussi une ivresse. On se grise de sa puissance en voyant s'effondrer le monde des grandes personnes qui, il y a si peu de temps, vous faisait si peur. (...)
Pas de créateur qui n'ait été d'abord dynamiteur, tout comme il n'y a pas de législateur qui n'ait commencé par être anarchiste. « (Grasset, 1984, p. 146)
Un texte vécu de l'intérieur…en tous points , bouleversant, et interpellant… même si le sujet, universel à la condition humaine reste et restera avec sa complexité et ses questions sans réponse !
Commenter  J’apprécie          340
Ceci n'est pas un roman, s'il y a une idée force dans cet essai, c'est celle , diffuse, que la liberté ne peut s'éprouver qu'au bord du gouffre quand on est célèbre par vocation.
Commenter  J’apprécie          00

Citations et extraits (14) Voir plus Ajouter une citation
J'aime l'écrivain dont le talent et la voile sont gonflés par l'air du grand large; celui qui a cherché son chemin dans les étoiles, qui s'est perdu dans les forêts, qui s'est baigné dans les lacs glacés et dans la vie élémentaire, qui a tenu dans sa main des épis de blé mûr, qui a vu fumer devant un feu ses chaussures boueuses, qui s'est enivré dans les bordels, qui a connu la vérole, la guerre, la prison, la peur, la faim, qui a éprouvé la trahison des femmes du monde et la fidélité des putains, que ses rêves ont vivifié et stimulé autant que l'oxygène : Brantôme, Knut Hamsun, Malraux, Tolstoï, le colonel Lawrence, Jan Potocki, Chateaubriand, Conrad n'étaient ni des brutes ni des barbares. Mais quand on les lit et les regarde vivre, on s'aperçoit que la bonne littérature ne s'attarde pas forcément dans les bibliothèques, qu'elle tira sa force ailleurs, des tempêtes, des orages et des amples mouvements de la terre. Les grands amoureux de la vie ne font pas le détail. Ils aiment tout d'elle : la rêver, la transformer, la pétrir, la caresser, la fouetter, en tirer toutes les extases, immanquablement suivies de toutes les déceptions et de toutes les tristesses.
Commenter  J’apprécie          200
Chamfort, chapitre V : Les noyés de l'histoire
Quand la Révolution éclate, il la croit faite pour lui. Il la courtise et la caresse. Elle le nomme conservateur de la Bibliothèque nationale. Mais il y a dans sa nature une infidélité et une ingratitude qui le poussent toujours à mordre ses bienfaiteurs. Oubliant que le monde a changé, il continue à décocher ses épigrammes : venu d'une époque où les mots faisaient rire, il ne peut concevoir qu'ils puissent aussi vous faire tuer. Il est emprisonné, relâché. La menace d'une nouvelle arrestation est insupportable à cet homme qui a chéri plus que tout la liberté, même s'il l'a aimée à sa manière en amant volage et dissipé. Il décide de se supprimer. Il y met tout l'acharnement qu'il avait mis à vivre : il charge un pistolet, veut tirer sur son front, se fracasse le haut du nez et s'enfonce l'œil droit. Il saisit un rasoir et se taille la gorge. Il se porte sans plus de succès plusieurs coups vers le cœur. Enfin il se coupe les deux jarrets et s'ouvre plusieurs veines. « Le sang coulait à flots sous la porte », dira son ami Ginguené. Il expirera, après de terribles souffrances, six mois plus tard. Les blessures de Chamfort sont toujours ouvertes : le sang qui s'en échappe, c'est celui de tous ces écrivains, épris d'idéal, qui ont été broyés par le nouveau monde qu'ils avaient appelé de leurs vœux.
Commenter  J’apprécie          120
Ecrire avec son sang

Les tourments de ses amitiés blessées apparaissent chez Drieu plus pathétiques encore que ses amours déçues: Aragon, Emmanuel Berl demeureront des échardes douloureuses. Seule subsistera une amitié forte, indestructible, avec Malraux, faite d'admiration et d'estime réciproques. Si son amitié avec Malraux n'a pas connu d'orage c'est peut-être parce qu'elle était elle-même l'orage constitué de ces deux natures violentes venant des deux pôles de la vie politique. Rien de plus romantique, de plus noble que ces rencontres passionnées entre deux hommes qui pendant des nuits entières se raccompagnaient l'un chez l'autre dans Paris, tentant de rester lucides dans une époque où le dialogue n'existait plus, à l'ombre des étendards où fascistes et communistes aiguisaient leurs longs couteaux. Prévoyant la tourmente qui les emporterait, les séparerait , ils l'admettaient par le même amour fasciné de l'histoire, convaincus qu'à travers toutes les péripéties, la mort même, leur amitié survivrait. Ils étaient des chevaliers qui communiaient dans une même admiration pour leurs héros. (p. 64, Grasset, 1984)
Commenter  J’apprécie          120
Le secours, je le cherchais dans l'amour. C'était l'erreur à ne pas commettre. Comme la psychanalyse, il n'est bénéfique qu'à ceux qui n'en ont pas vraiment besoin. J'imaginais – le plus bête est que je le crois encore – qu'il me dédommagerait de tout; qu'il serait ma famille, mon baccalauréat, mes études supérieures. De fait il a été un peu tout cela – et je lui pardonne d'avoir bien failli être aussi mon bouillon de onze heures. Je n'ai appris vraiment que des femmes. Je leur dois, en plus de cette intelligence particulière qui naît comme une ultime lumière d'espérance au cœur des souffrances qu'elles infligent, ce sentiment de la fragilité douloureuse de toutes choses. J'ai toujours considéré les bonheurs de la vie, ses dérisoires conquêtes, à l'image de l'amour : fou de joie de les découvrir, certain qu'ils ne m'appartenaient pas, triste de les voir me quitter, ne désespérant jamais de les retrouver.
Commenter  J’apprécie          130
A propos de Barrès à Venise :
Ce qu'il aime dans l'Orient, c'est le soleil et le feu. Il a trouvé sur le Grand Canal un tremplin à ses rêves de coupoles et de minarets et aussi quelques puissants ferments de désespoir. Entre les palais délités, dans les eaux vertes qui réfléchissent des dorures fanées et des grandeurs abîmées, il joue avec l'idée de la mort. Elle fascine ce ténébreux comme le grand instrument musical de l'infini, l'orgue sur lequel les souffles de la vie animent une partition fatale composée par le néant.(Chapitre II, La destruction par l'amour)
Commenter  J’apprécie          180

Lire un extrait
Videos de Jean-Marie Rouart (44) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Jean-Marie Rouart
Jean-Marie Rouart vous présente son ouvrage "La maîtresse italienne" aux éditions Gallimard. Entretien avec Jean-Claude Raspiengas. Rentrée littéraire janvier 2024.
Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/2979979/jean-marie-rouart-la-maitresse-italienne
Note de musique : © mollat Sous-titres générés automatiquement en français par YouTube.
Visitez le site : http://www.mollat.com/ Suivez la librairie mollat sur les réseaux sociaux : Instagram : https://instagram.com/librairie_mollat/ Facebook : https://www.facebook.com/Librairie.mollat?ref=ts Twitter : https://twitter.com/LibrairieMollat Linkedin : https://www.linkedin.com/in/votre-libraire-mollat/ Soundcloud: https://soundcloud.com/librairie-mollat Pinterest : https://www.pinterest.com/librairiemollat/ Vimeo : https://vimeo.com/mollat
+ Lire la suite
autres livres classés : suicideVoir plus
Les plus populaires : Littérature française Voir plus


Lecteurs (37) Voir plus



Quiz Voir plus

Retrouvez le bon adjectif dans le titre - (2 - littérature francophone )

Françoise Sagan : "Le miroir ***"

brisé
fendu
égaré
perdu

20 questions
3736 lecteurs ont répondu
Thèmes : littérature , littérature française , littérature francophoneCréer un quiz sur ce livre

{* *}