Il est possible sans doute d'établir des comparaisons entre les Etats-Unis et le Canada, par exemple, voire entre les pays du nord et les pays du sud de l'Amérique, mais leur état de croissance, leur civilisation in potentia, est instable, disparate, au moins pendant le temps qu'il faut aux adaptations. Ce qui semble clair aujourd'hui risque de n'être plus vrai demain, ou plus tout à fait vrai; en sorte que, dans ces masses en fusion, ce sont des reflets, des tons plus ou moins accentués, qu'il faut distinguer et rapprocher comme on fait des nuances sur la palette d'un peintre.
L'Amérique s'est donc peuplée par l'accroissement naturel, qui a subi des fortunes diverses, et par l'immigration. Les Etats-Unis et le Canada ont reçu les mêmes afflux d'humanité. Les recensements confirment le phénomène qui, on le sait, a plus d'ampleur aux Etats-Unis, mais qui garde une allure et une variété identiques. Les mêmes races, par un ordre spontané, comme si une semblable impulsion les déterminait les unes après les autres, se répandent dans les creusets d'Amérique où parfois elles se condensent. L'immigration est déterminée par les mêmes causes: similitude d'origine, appât du gain, recherche du bien-être, élan vers la liberté.
Suivant les affinités de race ou de religion, des groupes se forment, dans les deux pays, aussi bien qu'en Amérique latine. Moins nombreuse, la la population du Canada est tout de même compartimentée. Comme aux Etats-Unis, les groupes détachés d'Europe se reconstituent. Ils accentuent le caractère de certaines régions: l'est, français et anglo-saxon; l'ouest, cosmopolite. Victoria est encore britannique, au moins d'aspect; Halifax garde des traits « loyalistes »; mais les rues de Montréal, et surtout de Toronto et de Winnipeg, ont des reflets de New-York ou de Chicago.