L'originalité de la frontière américaine réside dans cette ligne même qui concentre derrière elle les énergies d'un peuple en pleine expansion et qui, par une loi qui lui est propre, ne cesse d'aller au-devant de nouvelles conquêtes.
Ce qui fait l'originalité des institutions américaines, c'est précisément ce besoin d'adaptation aux changements qui se produisent chez un peuple en pleine expansion - qu'il s'agisse des changements impliqués par la traversée d'un continent, la conquête d'un désert ou la transformation, à chaque stade de cette marche en avant, de conditions économiques et politiques rudimentaires en une vie urbaine complexe.
Il serait imprudent de prétendre que la vie américaine a perdu ce caractère expansionniste. Le mouvement l'a trop caractérisé ; et à moins que celui-ci n'ait aucun effet sur la formation d'un peuple, l'énergie américaine a toujours besoin d'un champ d'action accru.
Mais la frontière eut surtout pour effet de développer la démocratie dans notre pays et en Europe. Comme nous l'avons déjà indiqué, la frontière engendrerait l'individualisme. Le désert transforme une société complexe en un système primitif, fondé sur la famille. C'est une tendance fondamentalement anti-sociale. Elle éveille une aversion à l'égard de tout contrôle direct.
Ce que la Méditerranée fut pour les Grecs, les poussant à rompre avec les habitants, eur proposant des expériences, des institutions et des activités nouvelles, cela, et même davantage, cette frontière qui battait sans cesse en retraite, le fut pour les Etats-Unis et, indirectement, pour les nations européennes.
La démocratie américaine est née dans la forêt.