"La poésie a parfois ce genre d'effet. Soit on se retrouve au septième ciel, soit on barbote en pleine dépression. On pond un premier vers formidable, mais la pensée n'est pas assez puissante pour en enchaîner d'autres et, au beau milieu de la création, les mots s'ennuient et se font la guerre. (p. 88)"
Un petit opus très vivant, de souvenirs, de réflexions du célèbre écrivain américain , qui narre son parcours, ses rapports compliqués et torturés avec l'argent ... sa passion très jeune pour la poésie...les petits boulots, ses
rapports mouvementés avec les femmes, l' alcool, ses tribulations à travers le monde, son amour pour la France, divers rêves qu'il a concrétisés dont une ferme et un élevage de porcs... ce qui nous vaut des scènes franchement rocambolesques..et comiques...
Ce qui m'a le plus touché ce sont ses digressions sur l'Ecriture, son métier d'écrivain...ainsi que son autodérision envers ses défauts ou ses manques, dont ses ambivalences, inconséquences envers l'argent ... qui lui valent
quelques mésaventures et flops !!...
"L'argent est un cercle vicieux, un piège dont vous ne sortirez sans doute pas indemne. Les scénarios exceptés, je n'ai pas gagné ma vie en tant qu'écrivain avant la soixantaine. Quand j'ai cessé d'écrire des scénarios pour ne pas mourir, la vente de mes livres en France m'a sauvé la vie.
[...]
Se sentir frais comme un gardon, débordant de confiance et d'arrogance n'aboutit à rien de bon, à moins d'écrire les mémoire de Narcisse. Tout va beaucoup mieux quand on est perdu dans son travail et qu'on écrit
au petit bonheur la chance. On ignore où l'on est, le seul point de vue possible, c'est d'aller au-delà de soi.
On a souvent dit que les biographies présentaient de singulières ressemblances. Ce sont nos rêves et nos visions qui nous séparent. On n'a pas envie d'écrire à moins d'y consacrer toute sa vie. On devrait se forcer
à éviter toutes les affiliations susceptibles de nous distraire."
Je terminerai cette modeste chronique avec cet extrait touchant justement l'exigence infinie de l'Ecriture, esclavage et sacerdoce conjugués !!...Une lecture agréable et instructive d'un écrivain- baroudeur, qui nous fait partager avec humour son laborieux parcours, mais aussi ses succès littéraires tardifs mais plus abondants, en France, ainsi que ses plaisirs vis à vis de la nature, des animaux, des forêts, sans oublier la pêche !!
"Il se comportait comme
Léon Tolstoï qui, lorsqu'il devait écrire déclara : "Alors écris, pour l'amour de Dieu ! "
Faulkner se montra encore plus pervers. Quand on lui demanda de quoi un écrivain avait besoin, il répondit : " de papier et d'un crayon. " Autrement dit, trouve-toi même, il n'y a pas de raccourcis. Il faut y consacrer ta vie entière. "(p. 40)