Ce roman écrit en 1947 et édité seulement en 2014 avait exactement toutes les caractéristiques pour me séduire : Un auteur qui a laissé des stigmates indélébiles dans le coeur de Dylan, Springsteen, Baez et bien d'autres, le portrait brut d'un couple de fermier, la grande dépression qui frappe de plein fouet le Texas, la misère sociale, les tempêtes de poussière, le froid, l'amour, la révolte, l'espoir. Un récit dépeint par un des plus grands auteurs compositeurs de country,
Woody Guthrie à la verve de Steinbeck et une postface plus qu'élogieuse de Johnny Depp et Douglas Brinkley. Mais malgré toute cette effervescence je n'étais pas au rendez-vous.
J'attends d'un roman que les mots me coupent le souffle ou me fasse rire aux éclats à en oublier l'heure. Quand j'aime un livre, les pages défilent mais voilà, l'émotion ni était pas. Je venais de finir un roman troublant et saisissant dont chaque mot avait l'empreinte de la cruauté sociale et c'est «
La Maison de terre » qui en subit les conséquences.
Woody Guthrie, icône et grand parolier folk américain (1912-1967), réputé pour ses chansons à texte au goût amer de l'Amérique profonde, brosse le portrait d'un couple d'agriculteurs texans des années 30.
Tike et Ella May, jeunes agriculteurs, vivent au coeur même de la précarité, une maison en bois, premier cliché de leur misère. Cette ferme n'est ni plus ni moins qu'une ruine bouffée par les termites, vermoulue, fissurée, lézardée et puante. Ils vivent sur des terres arides et désertiques, le Caprock, région chère au coeur de Guthrie. La crise économique est à son apogée. Les catastrophes climatiques détruisent les récoltes. Jamais la vie n'avait été si cruelle que durant ces années de grande dépression. Les fermiers meurent de faim, s'épuisent et sont obligés de tout vendre pour une bouchée de pain. Les banquiers sont là comme des requins sans pitiés et attendent que les têtes tombent. Une nouvelle forme de ségrégation s'élève « le Métayage ». Mais Tike et Ella May résistent et n'ont qu'une idée en tête, bâtir une maison de terre, leur rêve américain, pour accueillir comme il se doit leur premier enfant. Une maison aux murs épais qui les mettrait à l'abri du feu, du blizzard de l'hiver et du soleil qui cogne en été, des tempêtes de sables, de la crasse et des insectes. L'état et les rouages du système financier leur promet monts et merveilles mais la dure réalité de la vie les rattrape, épuise leur dernier espoir et les anéantit un peu plus chaque jour.
A chaque page, j'ai attendu que ce couple de fermiers me prenne par la main, je l'ai tendue en vain. La plume de l'auteur ne m'a ni saisi ni bouleversé dans cette misère et cette poussière, et pourtant dieu qu'elle était grande. Les mots de Guthrie ne m'ont pas convaincus, une écriture certes aiguisée et sans fioriture mais je n'ai pas retrouvé la violence, la rage, l'érotisme que peut retranscrire Steinbeck à travers ses livres. J'aurai aimé sentir la poussière et le sable décrits, grincer sous mes dents, sentir les mains calleuses de Tike, avoir de la compassion pour ce couple à la dérive, sentir les larmes me monter aux yeux, mais non ! Rien de tout cela ! En revanche la trentaine de pages de la postface ont décrit un auteur-compositeur engagé, bouleversant et bouleversé que je ne connaissais pas et qui m'a intéressée et surprise plus que le roman lui-même.
«
La maison de terre », comme un rendez-vous manqué ou peut-être est-ce moi qui n'ai pas su descendre à l'arrêt du Bus Stop pour aller à la rencontre de ces deux écorchés !
Merci à Babelio et aux éditions Flammarion pour cette découverte.
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