Le dernier Américain fait le portrait d'Eustace Conway, un personnage singulier entre un Thoreau sous amphétamines et un
Davy Crockett devenu chef d'entreprise. Un héros des temps modernes...
Depuis l'enfance Eustace est passionné par la géologie, l'anthropologie, l'histoire, la biologie et la survie en milieu sauvage. Il a fréquenté assidument le petit musée d'histoire naturelle proche de chez lui, a couru librement à travers bois et a appris bon nombre de ses compétences dans les livres et en plein air, encouragé par une mère libre d'esprit. Mais son père très autoritaire l'a sans cesse humilié, puni sévèrement et traumatisé en le traitant de «plus stupide qu'un négre». Une enfance entre rêve et cauchemar donc, qui déterminera son parcours de vie marqué par la dualité et le désir d'être toujours plus performant pour, peut-être un jour, obtenir la reconnaissance de son père. A 17 ans après avoir quitté le foyer familial, Eustace vit enfin selon ses principes, dans des conditions très rudes, inspirées du mode de vie des Amérindiens. Puis, grâce à un travail acharné et à beaucoup de transactions, il réussit à acheter des parcelles de terre encore sauvages en Caroline du Nord pour créer, sur 400 hectares, la réserve de Turtle Island au coeur des Blue Ridge Mountains où il enseigne à ses apprentis les techniques de vie primitive dans l'espoir de convertir le plus grand nombre possible de personnes à son mode de vie on ne peut plus écologique.
Cette biographie montre que l'obsession d'Eustace d'avoir toujours plus, de faire toujours mieux et toujours plus vite, de pousser plus loin les limites, entre en totale contradiction avec sa recherche d'une relation harmonieuse avec la nature. II en va de même dans ses relations avec les autres car il ne peut tout simplement pas tolérer d'autre voix que la sienne. Il sait tout et a toujours raison ! Malgré ses nombreuses conquêtes féminines, Conway reste célibataire. Pas d'épouse docile en robe vichy, entourée d'une douzaine d'enfants: toutes les femmes le quittent. Ses apprentis aussi. Personne ne peut supporter longtemps l'intransigeance de ses exigences. Sous un air de séducteur charismatique il ressemble à son père, c'est un macho tyrannique incapable d'accorder à autrui la reconnaissance qu'il est en droit d'attendre. Eustace, lui, n'attend des autres qu'une seule chose: qu'on lui obéisse. Et en silence, s'il vous plaît.
Un portrait pas particulièrement flatteur d'un «maudit trou du cul imbu de lui- même » (selon l'une de ses ex) que j'ai pris plaisir à découvrir. Malgré tous ses défauts Eustace Conway reste un personnage attachant car
Elizabeth Gilbert réussit à en montrer une image nuancée, faite de force mais aussi de faiblesses qui m'ont touchée.