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Solange Lecomte (Traducteur)
EAN : 9782743612399
322 pages
Payot et Rivages (02/04/2004)
4.33/5   26 notes
Résumé :

Visages noyés est un roman aussi vaste, profond et inattendu que la folie elle-même. Il y est décrit l’enfermement dans des hôpitaux psychiatriques mais aussi la peur des "gens normaux" à l’égard des "fous" et les chemins qu’emprunte cette frayeur pour punir et bannir ceux qui se rebellent et qui ne se défendent de la cruelle réalité du monde qu’en recréant leur propre univers.
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Cette auteure néo-zélandaise a connu une véritable notoriété internationale grâce à l'adaptation qu'a faite Jane Campion de son auto-biographie en trois volumes, Un ange à ma table. Dans visage noyés, un de ses premiers livres, paru pour la première fois en 1961, elle met, semble-t-il, beaucoup d'elle-même et de son expérience, dans le personnage principal, Istina Mavet.

Le livre évoque quasi exclusivement l'expérience d'internement psychiatrique d'Istina, expérience que Janet Frame a vécue, pendant une durée proche de celui évoquée dans le roman. le récit est à la première personne, et assume son subjectivité : il ne s'agit pas de décrire avec précision et d'une manière rationnelle ce qui a amené Istina à l'hôpital, mettre un diagnostic sur ses souffrances, ni d'expliquer vraiment pourquoi à un moment on la laisse sortir, encore moins de revenir vers son enfance et y chercher d'éventuelles causes de son état. Il s'agit d'évoquer les ressentis, les sentiments et réactions, au plus près de ce que vit Istina, de décrire la réalité quotidienne de l'hôpital, centrée sur les petits détails, de voir par ses yeux, en même temps qu'elle découvre et réagit. Sa vision est forcément un peu limitée, comme le sont les mouvements des malades, et l'essentiel est sa souffrance. Souffrance psychique, se manifestant par des fortes angoisses irrationnelles, mais aussi souffrances provoquées par son hospitalisation, par les conditions de vie et les traitements, et aussi par le fait d'être exposée aux souffrances des autres patients, enfin surtout patientes.

Comme Janet Frame elle-même Istina échappe de peu à une lobotomie, dont elle a vu les effets dévastateurs sur certaines autres patientes. Elle a subi un nombre important d'électrochocs, dont la perspective la terrorisait, une place importante dans le livre décrit l'angoisse profonde que ce traitement provoque chez elle. Elle décrit aussi l'abandon des patientes jugées les moins aptes à évoluer positivement, les plus folles des folles. Mais elle n'est pas manichéenne, elle dresse des tableaux de médecins qui ne sont pas des sadiques, ni des incompétents. Juste des êtres humains, débordés, avec au final des moyens limités pour aider efficacement les personnes qu'ils ont en charge, même s'ils ont le désir de le faire. C'est plutôt avec les infirmières, avec qui les malades passent beaucoup de temps que les choses sont plus compliquées. Mais elle suggère les raisons de certains comportements cruels. A l'époque métier peu reconnu, astreintes à toutes les tâches, seules avec les malades pour faire marcher toute la grande maison, elles sont débordées, et doivent se débrouiller seules. Elles n'ont sans doute pas non plus été réellement formées, autrement que sur le tas, à leurs activités auprès des malades mentaux. Et il y a la peur de la folie, la peur de ressembler, de se reconnaître, de finir un jour en tant que patiente. Reconnaître ces dernières comme des personnes à part entière, c'est réduire les distances entre le « normal » et le pathologique. le livre le suggère très finement.

Il y a aussi le tableau plein d'humanité de certaines patientes, surtout parmi les plus malades, à qui Janet Frame donne en quelque sorte la parole qu'elles ne maîtrisent pas, dit à leur place, et porte un regard tendre et respectueux. Parce qu'au final, j'ai eu la sensation que c'est cela qu'elle demande le plus, le respect et la tendresse pour ces malades, ces êtres sans espoir, et qu'en ce qui la concerne, c'est leur insuffisance dont elle a le plus souffert.

Un livre magnifique, superbement écrit, sans doute douloureux, mais aussi très touchant et lumineux dans certains passages.
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Célèbre dans son pays, l'écrivaine néo-zélandaise Janet Frame (1924 – 2004) s'est fait principalement connaître chez nous par l'intermédiaire de l'adaptation de sa trilogie autobiographique, intitulée Un ange à ma table et réalisée par Jane Campion.

Après avoir lu la dite trilogie, on ne peut d'ailleurs que féliciter Jane Campion et sa scénariste Laura Jones pour avoir effectué une très bonne adaptation, qui tout en privilégiant certains épisodes par rapport à d'autres, demeure d'une grande fidélité aux écrits de Janet Frame.

Mais un épisode de la vie de Janet Frame m'avait particulièrement intriguée, celui concernant son internement psychiatrique, comportant de nombreuses ellipses et laissant planer de multiples zones d'ombre. Rappelons que cette dernière a été internée pendant huit années en milieu psychiatrique et qu'elle a subi quelques deux cents électrochocs, tout en évitant de peu la lobotomie (une opération en vogue à cette époque). Si le film et l'autobiographie de Janet Frame laissent entendre qu'elle avait fait l'objet d'un mauvais diagnostic (elle ne serait pas schizophrène et son internement serait donc principalement imputable à cette erreur d'estimation), j'avais tout de même des difficultés à accepter le fait qu'on puisse être interné autant de temps en asile psychiatrique sans autre raison que celle qui vient d'être évoquée, d'autant plus que des phases de rémission eurent lieu durant ce laps de temps (pendant lesquelles elle vécut en famille), suivies de près par des rechutes conséquentes et un retour en psychiatrie.

A cet égard, ce roman (mais qui a tout d'une autobiographie) de Janet Frame apporte un éclairage des plus bienvenus pour mieux cerner cette période de sa vie. Si dans la première partie du récit, l'auteur traite principalement de l'enfermement et de la vie en milieu psychiatrique en érigeant comme une barrière mentale entre les malades et elle-même (les folles, ce sont les autres), nous abordons un moment charnière du roman à mi-parcours dans lequel l'auteur admet que tout n'est sans doute pas aussi simple que cela. Et Janet Frame nous livre peu à peu quelques éléments bien plus personnels, dans lesquels des épisodes composés d'angoisses morbides, de délires et autres hallucinations, accompagnés d'une certaine agitation et de violence (notamment à son encontre) ne font pas défaut. Un exercice de reconnaissance bien difficile pour Janet Frame, qui à défaut de faire partie de son autobiographie, sera abordé à un moment donné par le biais de cette pseudo-fiction. Comme s'il fallait au moins cette distance-là pour lever quelque peu le voile sur ces moments d'extrême solitude de la maladie mentale.

Si « Visages noyés » apporte un éclairage essentiel sur la vie de Janet Frame, il est tout aussi remarquable par son observation tout en finesse et en sensibilité de la souffrance humaine au coeur de l'asile psychiatrique. Un ouvrage que je recommande donc fortement aux lecteurs intéressés par ce sujet.
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Janet Frame , dans ce roman en partie autobiographie, renoue avec son expérience des hôpitaux psychiatriques.

L'auteur se mets dans la peau d'Istina, une jeune femme d'une vingtaine d'années, qui va vivre pendant huit ans l'enfer des hôpitaux psychiatriques dans les années 50. Elle raconte les traitements à l'électrochoc, évoque la lobotomie et le quotidien de ces femmes perdues.

En décrivant ces allers-retours d'un service à un autre, du pavillon des calmes à celui des agitées, Istina dresse le portrait de certaines patientes, des infirmières, des médecins ; elle évoque le quotidien routinier et presque miséreux parfois de ces hôpitaux : l'odeur d'urine persistante, les cris de certaines femmes, les comportements étranges, mutiques ou violents.
Mais Istina raconte surtout ses ressentis, ses peurs, ses hallucinations, son effroyable frayeur de l'électrochoc.

Un roman bouleversant, difficile, surtout quand on connaît la vie de l'auteur et son expérience dans ces hôpitaux où elle a été diagnostiquée schizophrène à tort et où elle a perdu de nombreuses années de sa jeunesse.
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Dans ce récit autobiographique, Janet Frame se cache sous le nom d'Istina Mavet pour opérer la catharsis de ses années d'enfermement en hôpital psychiatrique et nous faire descendre, avec elle, dans l'enfer de l'incompréhension et de la déshumanisation.

Ces « faces in the water » (traduit par « visages noyés »), ce sont les pâles reflets d'êtres humains que sont devenues les femmes internées avec le personnage principal. Rien ne nous sera épargné de leur déchéance, de la blessure faite à leur humanité et à leur esprit...

La suite sur mon blog :
Lien : http://www.delitteris.com/in..
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Istina est internée dans un hôpital psychiatrique. Elle nous décrit les autres patients, les activités, ses chutes…

Janet Frame, je l'ai découverte avec le biopic de Jane Campion Un ange à ma table. J'avais envie de découvrir cette auteur via ses poèmes et je la rencontre avec une fiction proche de ce qu'elle a vécu.

Istina est une jeune femme suffisamment lucide pour analyser le lieu et les patients de l'hôpital. Elle nous dépeint cet univers d'un regard tendre et compatissant. Grâce à elle, on se met à aimer certaines personnes,par exemple Lorna, une jeune femme cultivée, se retrouve internée. Istina ne parle jamais de sa maladie sauf à l'aide de métaphores dont la fameuse Faces in the water (voir ci-dessous dans les extraits).

La folie comme elle était "soignée" au début du XXe siècle par ECT (choc électrique) et dans les cas les plus extrêmes, l'opération fatale, la lobotomie. Istina a ce genre de traitement, la lobotomie est suggérée à la fin du livre mais elle réussira à l'éviter grâce à un médecin.

Istina nous raconte la difficulté de rester humain, de garder ses repères, de ne pas se laisser submerger par cette vague folle qui détruirait son cerveau. Elle est envoyée quelques fois chez elle mais elle n'arrive plus à s'intégrer et retombe dans un hôpital rapidement.

Janet Frame a un style imagée fait de métaphores filées. Une poétesse en même temps ne peut que nous servir avec un style magique, non ?

Je n'ai pu m'empêcher de penser à l'auteur qui a mis une grande part d'elle-même dans ce roman. En effet, Janet Frame a été internée sept ans et a été sauvée in extremis d'une lobotomie grâce à son écriture !





Une plongée dans un hôpital psychiatrique en compagnie d'Istina servie avec un style superbe !
Lien : https://novelenn.wordpress.c..
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Citations et extraits (17) Voir plus Ajouter une citation
Je retrouvai l’exaltation teintée de mélancolie et d’inquiétude que j’avais ressentie jadis, quand j’avais dix ans, en pénétrant pour la première fois dans la bibliothèque de ma ville natale. Cette bibliothèque portait le nom impressionnant d’institut des Lettres et des Sciences et l’on ne pouvait y entrer sans passer devant la reconstitution monumentale d’un oiseau préhistorique à l’air féroce qui se trouvait au bas de l’escalier, et devant une bibliothécaire à la voix acerbe qui trônait derrière un guichet. Elle distribuait des cartes, des reçus et des livres tout en surveillant du coin de l’œil la salle de lecture voisine où étaient assis des vieillards, pétrifiés apparemment par des pancartes qui recommandaient le silence… Il me semblait que les livres devaient être des trésors merveilleux puisqu’on ne pouvait les obtenir qu’après avoir surmonté tant d’épreuves. Je croyais qu’ils étaient réservés aux personnes assez courageuses pour ne pas se laisser intimider par la taille gigantesque et les yeux de verre d’un oiseau empaillé. Ces pancartes, qui suppliaient de se taire là où personne n’aurait songé à parler, m’avaient donné à penser que la pièce recelait des présences mystérieuses et dangereuses, apparentées étrangement à la mort et à la reconstitution délicate de l’oiseau préhistorique. Je me disais que, dans les livres, les caractères d’imprimerie devaient être semblables à de petits animaux empaillés et qu’on leur avait attribué une signification pour les faire tenir debout, comme on met une armature de fil de fer dans la carcasse des bêtes naturalisées, et qu’on les avait enfin ressuscités pour former des mots et leur donner une allure impressionnante… Ainsi, c’était pour se protéger que la bibliothécaire se cachait derrière un guichet et suspendait des pancartes sur les murs : elle était obligée de faire l’impossible pour dompter des êtres bien plus effrayants que les timides abonnés qui se promenaient sur la pointe des pieds devant les rayonnages.
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« Je veux couvrir d’épaisses chaussettes de laine les pieds de ceux qui dérivent vers l’autre monde. Mais je rêve et ne puis m’éveiller. On me précipite du haut d’un rocher et je m’y raccroche, je ne tiens plus que par deux doigts que le Géant Irréalité vient piétiner en dansant. […] Je ne sais pas la différence qui existe entre les choses, je ne vois entre elles que des ressemblances. Pour moi, la différence s’est flétrie comme une fleur, elle s’est éparpillée dans le vent. Et, de même que le chaton du noisetier s’envole pour laisser place à la noisette, il ne m’est resté qu’un fruit, la similitude. »
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Voici, tout près de moi, le lit où l’on me mettra tout à l’heure. Les draps sont ouverts, et l’oreiller préparé… On m’y portera sans que je m’en rende compte. Je le regarde comme s’il fallait que nous fassions connaissance tous les deux. Peu de gens peuvent à l’avance jeter un coup d’œil sur le cercueil. S’ils le pouvaient, peut-être seraient-ils tentés de glisser dans le satin qui le capitonne quelques babioles personnelles qui les empêcheraient d’oublier qui ils ont été. En ce qui me concerne, je glisse en esprit sous l’oreiller de mon lit de torture un ticket de consigne qui me permettra de retrouver à mon réveil – si jamais je me réveille – la notion de temps et d’espace, pour m’empêcher de me perdre complètement dans ces ténèbres où je ne saurai plus ni qui je suis, ni si j’existe…
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Quand un prisonnier est condamné à mort, on enlève, paraît-il, toutes les pendules qui se trouvent au voisinage de sa cellule. On croit sans doute que le fait d’enlever une pendule va interrompre l’écoulement du temps et isoler le prisonnier sur un rivage d’éternité où les instants, comme des vagues, s’élèvent et s’enflent sans toucher la côte.
Mais la mort d’un océanographe n’a jamais arrêté le mouvement des mers. Et il n’existe pas de mer qui ne rencontre un jour la terre.
Aussi dans la cellule du condamné à mort, le temps s’écoule comme si tous les carillons, tous les coucous, tous les réveils résonnaient ensemble à son oreille.
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Listening to her, one experienced a deep uneasiness as of having avoided an urgent responsability, like someone who, walking at night along the banks of a stream, catches a glimpse in the water of a white face or a moving limb and turns quickly away, refusing to help or to search for help. We all see the faces in the water. We smother our memory of them, even our belief in their reality, and become calm people of the world; or we can neither forget nor help them. Sometimes by a trick of circumstances or dream or a hostile neighbourhood of light we see our won face. (p.130-131)
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Vidéo de Janet Frame
Une petite fille, presque adolescente, façonne un bonhomme de neige dans son jardin. Celui-ci observe à travers ses yeux de charbon de bois l'agitation humaine. Ces êtres de chair et de sang ne sont-ils pas destinés à la décrépitude et l'anéantissement ? se demande-t-il avec circonspection et un rien de pitié. En tant que créature minérale et glacée, il se sent invincible, apte à survivre à sa créatrice. Le Flocon de Neige Éternel apparaît alors pour lui expliquer la vie, la mort, celle des êtres humains, mais aussi la sienne.
Après avoir présenté sur France Inter ce conte métaphysique et poétique de Janet Frame au micro d'Augustin Trapenard dans l'émission « Boomerang » du 25 mars 2022 , Isabelle Carré lit aujourd'hui « Bonhomme de neige Bonhomme de neige » dans son intégralité en livre audio pour « La Bibliothèque des voix ».
En précommande dès le 1er août 2022, le livre audio numérique sera disponible à la vente à partir du 18 août. Retrouvez-le le 1er septembre 2022 en librairie au format CD MP3.
Le texte français, traduit depuis l'anglais (Nouvelle-Zélande) par Élisabeth Letertre et Keren Chiaroni, a paru aux éditions des femmes-Antoinette Fouque en 2020. Le conte original a été publié pour la première fois en recueil en 1963.
Directrice artistique : Francesca Isidori.
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