Comme souven tchez Eco, plusieurs hisoires en une seule, plusieurs niveaux de lecture, qui forment un tout, et accessoirement un chef d'oeuvre.
Un roman d'aventures: la vie extraordinaire et mémorable de
Baudolino, fils d'un paysan du Piémont, qui devient le confinent et l'ami de l'empereur Frédéric Barbetousse, partage sa vie jusqu'à sa mort mystérieuse, dont il donne l'explication, raconte la fabrication du Suaire de Turin, assiste au sac de Constantinople, explore le Royaume du Prêtre Jean auquel il apporte un message du Pape....du Prêtre Jean(*)?
Mais çà ne va plus!
A partir de là, nous voyageons au pays des légendes, au milieu des mythes et des créatures fabuleuses, où
Baudolino nous promène avec autant de sérieux, ou si peu, que dans la réalité; ou dans ce qu'il nous a dit être la réalité
Et c'est là que commence le deuxième livre, enchâssé dans le premier, un conte philosophique sur la nature de la réalité et du mensonge, qui nous incite d'ailleurs à envisager sous un autre aspect les évènements relatés dans la première partie du livre.
Et c'est là qu'intervient le paradoxe du menteur.
Epidémis, qui est crétois, dit que tous les Crétois sont les menteurs; il doit bien le savoir, puisqu'il est lui-même crétois. Mais réfléchissons: puisqu'il est un crétois, il a menti; les Crétois ne sont donc pas des menteurs et lui non plus; donc il a dit la vérité; mais justement il a dit que les Crétois sont des menteurs; donc les Crétois sont bien des menteurs. Donc il a menti; mais alors les Crétois sont bien des menteurs.
Baudolino serait donc un menteur, puisque nous savons, ou croyons savoir, que le Royaume du Prêtre Jean n'existe pas; d'ailleurs il nous a avoué avoir menti en au moins une occasion, au sujet de son voyage à Rome: en en revenant, il a affirmé avoir visité une ville magnifique,celle à laquelle croyaient ses interlocuteurs, alors qu'il nous avoue avoir en réalité visité la triste Rome enruines du douzième siècle.
Mais alors que devons-nous croire du reste de son récit, y compris des épisodes qui nous paraissent les plus vraisemblables ?
Le jeu est particulièrement pervers en ce qui concerne le Suaire de Turin;
Baudolino nous dit que c'est un faux médiéval; et nous inclinons à le croire, puisque, selon l'analyse au carbone 14 qui en a été réalisé, il ne remonterait en effet pas en effet au-delà du Moyen-Âge (**). Mais allons-nous pour autant le croire au sujet du Royaume du Prêtre Jean; évidemment non, mais alors pourquoi le croirions-nous pour le reste, notamment pour le Suaire, mais aussi, par exemple, sur les circonstances de la mort de Frédéric Barberousse (dont les légendes allemandes médiévales disaient qu'il dormait sous le mont Brocken, et que, lorsque sa barbe aurait fait sept fois le tour de la table à laquelle il était appuysé, il sortirait de sa tombe et viendait restaurer la puissance de l'Allemagne; d'où une certaine Opération Barbasarossa...)
Et finalement qu'est-ce que la vérité? Elle existe dans l'absolu, autrement je ne pourrais même pas dire qu'elle n'existe pas, et serais ramené au paradoxe du Crétois. Mais n'est-elle pas souvent pour nous ce que nous avons envie de croire, comme les Piémontais avaient envie de croire aux merveilles de Rome, comme les chrétiens en lutte avec les musulmans avaient envie de croire au Royaume du Prêtre Jean, et comme, selon nos inclinations personneles, nous avons envie de croire, ou pas, à la datation du Suaire?
Et à part celà, bien sûr, c'est un livre extraordinaire, qu'on lit et relit, en y trouvant à chaque fois quelque chose de nouveau
(*)On croyait alors à l'existence d'un royaume chrétien très puissant, dirigé par
Le Prêtre Jean, situé quelque part en Afrique (on a parfois tenté de le trouver en Abyssinie) ou en Asie (c'est là où
Baudolino va le chercher), avec lequel une alliance aurait peris de prendre les Sarrazins à revers
(**) je ne vais pas m'engager dans une controverse à ce sujet, qui est beaucoup plus comlexe que le disent les rationalistes. Je dirai seulement que, s'il n'est bien sûr pas question de contester la validité de principe de la datation au carbone 14, des doutes ont été émis sur le protocole de l'expérience, et sur ses résultats. A me connaissance, ces objections n'ont été ni réfutées ni même examinées.
Au demeurant, une datation positive prouverait seulement que le licneuil a été tissé au premier sicle de l'ère chrétienne, mais rien au-delà
(*)