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Alexandre Pateau (Traducteur)
EAN : 9782404080314
112 pages
Gallmeister (02/05/2024)
3.93/5   328 notes
Résumé :
Une panne de voiture amène Alfredo Traps, agent général et représentant exclusif du tissu synthétique Héphaïstos, à interrompre son voyage. Rien n'est libre à l'hôtel du village où il s'est arrêté et on lui indique l'adresse de quelqu'un qui ne refusera sûrement pas de l'héberger.
En effet, son hôte, un très vieux monsieur, l'invite même à dîner avec lui et ses trois amis. Aimerait-il participer aussi à leur jeu ? Chaque soir, ils exercent à nouveau pour se d... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (58) Voir plus Ajouter une critique
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Menu en trois temps.
Au choix : Entrée, plat, dessert ou… Instruction, débats, jugement.
Le coup de la panne quand on est seul dans sa voiture, c'est un peu bêta. C'est ce qui arrive à Alfredo Traps, qui non content d'avoir le pédigrée d'un coiffeur à poil long, est représentant de commerce dans le textile. Les ancêtres des influenceurs.
Il tombe donc en rade au milieu de nulle part et doit se résoudre à demander le gîte, le couvert et le code Wi-Fi (non, pas encore) à un octogénaire occupé à tailler ses rosiers et qui vit seul dans une belle maison de campagne.
Le problème de la chambre d'hôte, ce n'est pas tant la convivialité théâtralisée à outrance, la confiture à la rhubarbe faite maison imposée au petit déjeuner, l'impression de financer la piscine ou encore le règlement intérieur d'un pensionnat de jeune fille. Non, le souci c'est l'hôte. Celui qui est chez lui, et qui fait donc… comme chez lui.
Alfredo Traps, qui s'attend à passer une soirée ennuyeuse, est étonné de la proposition du maître des lieux. Ce dernier l'invite à participer à un « repas-tribunal» avec quelques vieux amis à lui. Il ne s'agit pas ici de critiquer la qualité des plats, pratique réservée aux retours de diners entre époux.
Ancien juge, le proprio s'amuse avec deux anciens collègues magistrats, un procureur et un avocat, à tomber la redingote et reprendre la robe le temps d'un bon gueuleton en simulant des procès, chacun dans son ancien rôle. le dernier invité est un bourreau reconverti. Pour un loisir et occuper sa retraite, c'est plus sympa qu'un sudoku ou un bouturage de géranium
Amusé mais un brin naïf, Alfredo accepte de participer au faux procès et d'endosser le seul rôle encore vacant : celui de l'accusé. Encore faut-il trouver un crime à lui mettre sur le dos. le VRP colporte certaines infidélités mais il pense ne rien avoir se reprocher. Pas de cadavre dans le tiroir de la conscience. C'est commode. Il décide de plaider non coupable. Mais l'innocence est-elle de ce monde ?
La Panne est un roman aussi court que délicieusement sarcastique de Friedrich Dürrenmatt, écrivain et dramaturge suisse de langue allemande du XXe siècle, qui s'intéresse à nos faces cachées, aux impuretés de l'âme et à l'injustice des hommes.
Je prescris vraiment « La panne » (en matière de lecture seulement !) à tous les mauvais esprits comme le mien, qui ne se laissent pas bercer d'illusions sur la nature humaine et qui préfèrent en rire.
C'est ma première intrusion dans un roman de cet auteur mais la récidive me guette avec la réédition par Gallmeister de ses oeuvres dans de nouvelles traductions.
Et puis comment résister à une couverture aussi réussie et évocatrice ?
Bon appétit. La serviette autour du cou...
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Oh la belle ouvrage! En une centaine de pages, Dürrenmatt parvient à nous faire rire, à distiller une vague terreur, à donner faim, et, comme si cela ne suffisait pas, à provoquer d'affolantes interrogations métaphysiques.
Le héros (très peu héros au demeurant) est contraint de demander l'hospitalité à des vieillards fort peu compassés qui lui feront prendre conscience, à grands renforts de crus classés et par un habile interrogatoire, qu'il est sans doute un fort vil assassin.
La panne n'est pas seulement celle qui immobilise la voiture de notre commercial, Dürrenmatt y voit le symbole même de notre société matérialiste : nous craignons davantage les caprices des objets qui nous entourent que les coups d'un dieu vengeur découvrant nos turpitudes.
De fait, Alfredo Traps connaît son épiphanie justement de se connaître assassin. Il se sent magnifié par son crime qui le sort de sa médiocrité et lui donne un destin. Et surtout il pleure d'extase d'avoir été mis à nu, « appesanti et pacifié par le vin, il goûtait comme une volupté d'être ce qu'il était, (...) d'être vraiment soi-même et sans mensonge, sans plus rien à cacher, sans secret ». Dieu sonde les reins et les coeurs et le pécheur crie encore. Si Dürrenmatt a souffert de son éducation religieuse, il n'était pas catholique. Pourtant, je ne peux m'empêcher de lire ce conte comme une réflexion sur la confession -un peu à la manière de Rousseau, autre Suisse, qui tirait son sentiment de supériorité de sa grande capacité à s'autoflageller.
Et je trouve que ce texte mérite d'autant plus d'être lu que sa critique de notre individualisme est particulièrement mordante: comme le dit le juge dans ses attendus, « Il avait tué parce qu'il trouvait naturel d'acculer son semblable sans égard ni pitié ». Cinquante ans plus tard, on ne saurait mieux dire.
Ma sentence sera donc sans appel: lisez Dürrenmatt !
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Intriguée et séduite par la critique de ODP31, je me suis empressée de découvrir à mon tour cet auteur suisse allemand irrévérencieux et drolatique qu'est (était) Friedrich Dürrenmatt.
Cette nouvelle que j'associerai volontiers aux films « Le dîner de cons » et « La grande bouffe », dont les images ont envahi mon esprit à chaque page, est une énorme farce burlesque et dramatique en même temps. le malaise est grandissant et les faces d'abord rubicondes et goguenardes deviennent d'horribles épouvantails gesticulants et hurlants. Quant à la fin, elle est… non, je ne vous en dirai rien tant elle est surprenante.
Il n'y a pas à dire, l'auteur ne cache pas ses sentiments face à la nature humaine, son côté obscur bien sûr. Les gens du tribunal sont cyniques à souhait et se moquent sans vergogne de ce pauvre Traps, accusé malgré lui et spectateur d'un jeu dont il n'entend rien et fait les frais.
Mais les questions affluent et concernent les notions de culpabilité, de justice, de cynisme ou de bienveillance, de légitimité. Oui décidément, un texte court mais de grandes questions.

« Suite à une panne de voiture, Alfredo Traps trouve refuge pour la nuit dans la maison d'un juge à la retraite. En plus de l'inviter à un somptueux dîner, son hôte lui propose de participer à un procès fictif auquel il se livre avec trois amis — un procureur, un avocat de la défense et… un bourreau Traps ne voit pas ce qu'on pourrait lui reprocher, mais il accepte d'endosser le rôle de l'accusé, le temps de cette étrange soirée. Au cours d'un festin copieusement arrosé, les quatre vieillards lui font comprendre que tout le monde a quelque chose à cacher. Traps saura-t-il prouver son innocence avant que ce jeu dangereux ne tourne au cauchemar ? »
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Un voyageur de commerce, Alfredo Traps, tombe en panne dans un petit village. Par paresse, et par l'espoir d'une aventure galante, il décide de ne pas rentrer en train et de passer la nuit sur place. le seul hôtel du coin affiche complet, et on le redirige chez un juge à la retraite qui héberge volontiers quelques voyageurs de passage.

Le juge l'accueille avec plaisir, et l'invite au souper qu'il allait partager avec deux autres amis. Les trois vieillards, juge, procureur et avocat à la retraite, lui proposent de participer à un jeu : à chaque dîner, ils s'amusent à refaire un procès célèbre. Puisqu'Alfredo est présent, accepterait-il de jouer le rôle de l'accusé ? le voyageur acquièsce avec plaisir, mais se déclare parfaitement innocent de tout crime, au grand dam de l'avocat qui lui conseille vivement de confesser quelque chose d'anodin, plutôt que de laisser le procureur trouver un crime par lui-même.

Comme Alfredo s'entête dans son innocence, le procureur, au cours du dîner, lui pose quelques questions adroites sur sa réussite professionnelle, l'accident cardiaque de son ancien supérieur et son comportement avec la femme de ce dernier. L'accusé répond à ces questions avec une totale franchise, dans la joie et la bonne humeur. On lui construit petit à petit un crime astucieux, pour sa plus grande fierté.

Drôle de petit livre, sur le thème de la justice, la culpabilité et la conscience, et bien difficile à classer : nouvelle, conte, pièce de théâtre ? L'ambiance est particulière, un procès qui se déroule pendant un somptueux repas, au milieu des rires, des embrassades et des déclarations d'amitié, tout en conservant une touche de gravité. La chute m'a beaucoup surpris, et fait beaucoup réfléchir. Un livre qui se lit vite, mais qu'on oubliera pas facilement.
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Il faut avoir du courage et aimer Dürrenmatt pour se plonger dans ce petit recueil au titre peu accrocheur et à la couverture austère. Tous les témoins de la lecture ennuyeuse sont au vert. C'est donc vraiment à reculons que j'ai ouvert ses pages.
J'ai lu trois oeuvres de Dürrenmatt. J'aurais dû savoir qu'avec lui il faut s'attendre à tout : au plus fou, au plus délirant, au plus dérangé, au plus surprenant, au plus pétillant. La panne ne déroge pas à la règle.
Dès les premières pages, j'ai revu mon avis et j'ai dévoré avec un immense plaisir cette histoire décalée.
La panne de voiture est le prétexte à ce huis-clos drôle à souhaits qui met en scène une affaire judiciaire de la plus haute importance. Les personnages-acteurs sont attachants et jouent leur rôle à la perfection. Et j'aurais donné n'importe quoi pour pouvoir assister, participer à cette folle soirée en compagnie des 4 compères fous, autour de succulents mets et de vieux vins très rares.
Les mots se succèdent, les sourires apparaissent, la panse se remplit, les fous rires envahissent l'histoire pour délivrer une fin aussi délicieuse que le vacherin servi au dessert.
Friedrich Dürrenmatt est décidément un grand maître. A lui va toute mon admiration !

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Citations et extraits (15) Voir plus Ajouter une citation
“Traps quitte la fenêtre et va inspecter la bibliothèque.
A en juger par les titres, la soirée promettait d’être fameusement ennuyeuse : Hotzendorff, Le Meurtre et la peine de mort; Savigny, Système actuel du Droit romain; Ernst-David Hölle, Pratique de l’Interrogatoire. Aucun doute là-dessus : le maître de maison était un juriste (…) Il n’y avait plus qu’à s’attendre à des discussions sans fin et parfaitement oiseuses, car les lettrés de cette sorte, que savent-ils donc de la vie réelle ? Rien, absolument rien du tout ! Les lois sont faites comme cela.”
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L'espace d'un instant, il y eut de nouveau comme un silence de mort dans la pièce. Et brusquement ce fut un tumulte assourdissant, un véritable ouragan de rires, une tempête de jubilation, des cris, des hurlements, des gesticulations insensées. La tête chauve vint embrasser Traps sur les deux joues, le serrer à pleins bras ; le défenseur perdit son lorgnon à force de rire, clamant et hoquetant qu'avec un pareil accusé, on ne pouvait décidément pas se fâcher ! Une liesse délirante avait emporté le juge et le procureur en une folle sarabande autour de la pièce : ils tambourinaient sur les murs, ils cabriolaient sur les chaises, se congratulaient avec effusion, brisaient les bouteilles vides, ne savaient plus que faire pour exprimer l'intensité vertigineuse de leur plaisir. Grimpé sur une chaise au beau milieu de la pièce, le procureur glapissait de toute la force de ses poumons que l'accusé avait avoué, avoué, avoué, et bientôt, assis maintenant sur le haut dossier, il chanta les louanges de ce cher invité qui jouait le jeu à la perfection de la perfection !
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Il n'y a pas d'innocence qui tienne, mon jeune ami ! Et dites-vous bien : ce qui importe, ce qui décide de tout, c'est la tactique ! Ce n'est plus de l'imprudence, croyez-moi, c'est de l'impudence que de prétendre à l'innocence devant notre tribunal, si vous voulez bien me permettre d'exprimer la chose en termes mesurés. Il serait beaucoup plus adroit, tout au contraire, de s'avouer coupable et de choisir soi-même le chef d'accusation : la fraude, par exemple, si profitable aux hommes d'affaire ! Il reste alors toujours possible, au cours de l'interrogatoire, de faire ressortir que l'accusé s'était exagéré les choses : qu'il ne s'agissait nullement d'une fraude caractérisée, mais bien d'un innocente accommodation des faits, d'une manière de présenter les choses sous un certain jour, à des fins purement publicitaires, ainsi qu'il est couramment d'usage dans le monde des affaires. Sans doute, le chemin qui conduit de la culpabilité à l'innocence reconnue est-il un chemin ardu, mais aucunement impraticable; vouloir conserver une innocence intacte, par contre, est vraiment sans espoir et ne peut guère entraîner que des conséquences catastrophiques. vous ne risquez plus que de perdre, là où vous aviez des chances de l'emporter; sans compter qu'en négligeant de choisir vous-même votre culpabilité, vous serez contraint de porter celle qu'on vous imposera !
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Car le petit bourgeois, l"homme moyen limité aux seules apparences n'aurait rien su voir d'autre, ici, qu'un quelconque accident, un simple fait du hasard, ou tout au plus une fatalité naturelle, (...) ; mais à la faire ressortir sur le plan moral, dans l'enchaînement profond des effets et des conséquences, on redonne à la vie son sens plein, sa valeur de chef d'oeuvre, son mystère; on pénètre dans la tragédie où tout le tragique humain se fait jour, se dégage des ombres, monte en pleine lumière, prend forme, prend son sens pur, se dessine, se parfait, s'accomplit sous nos yeux. (pge 118/119 Ed LdP)
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Le juge, pendant ce temps, avait soufflé les bougies moins une seule, à la flamme de laquelle il s'amusait à faire jouer sur le mur toutes sortes d'ombres fabuleuses : têtes de chèvres, diables ricaneurs, chauves-souris, gnomes et lutins. Pilet*, de son côté, tambourinait sur la table, faisant sauter verres et assiettes, plats et couverts, avant que d'annoncer d'une voix suraigüe que cela promettait une condamnation à mort : une condamnation à mort!

* Le bourreau
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Videos de Friedrich Dürrenmatt (6) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Friedrich Dürrenmatt
"Dans un bois des environs de Zurich, la petite Gretl Moser vient d'être assassinée à coups de rasoir. Confronté au terrible regard d'une mère dévastée, le commissaire Matthias promet de trouver le meurtrier. La police arrête un potentiel coupable, qui avoue avant de se suicider, mais Matthias est persuadé que le véritable tueur court toujours. Hanté par cette affaire, il décide de le traquer seul, en lui tendant un piège aux conséquences tragiques. Une promesse est une promesse, mais la fin justifie-t-elle toujours les moyens ?"
La Promesse de Friedrich Dürrenmatt, dans une nouvelle traduction d'Alexandre Pateau, à retrouver en librairie.
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