En 2020, le festival Oh les beaux jours ! a répondu à la proposition du Barreau de Marseille de créer un
prix littéraire récompensant un auteur dont le livre (fiction ou non-fiction) traite d'un sujet en lien avec les
préoccupations professionnelles ou éthiques des avocats : sujet de société, famille, travail, environnement
Chaque année, un comité de sélection composé d'avocats du Barreau de Marseille et de l'équipe du festival
fait une première sélection de six livres, romans et récits, où la fiction côtoie le réel.
Le jury, composé d'avocats, se réunit ensuite pour désigner le lauréat ou la lauréate. Cette année, c'est
l'écrivain Abel Quentin, lauréat du prix l'an dernier, qui présidera ce jury.
Sélection 2023
Ceci n'est pas un fait divers, Philippe Besson, Julliard, 2023.
le Coeur ne cède pas, Grégoire Bouillier, Flammarion, 2022.
Les Contemplées, Pauline Hillier, La Manufacture de livres, 2023.
Sa préférée, Sarah Jollien-Fardel, Sabine Wespieser, 2022.
Un homme sans titre, Xavier le Clerc, Gallimard, 2022.
le Colonel ne dort pas, Émilienne Malfato, Éditions du sous-sol, 2022.
Le
Le prix, doté de 3 000 , sera décerné le 24 mai 2023 au théâtre de la Criée, en présence du ou de la lauréate.
Contact
presse :
Alina Gurdiel
alinagurdiel@gmail.com
Le Prix littéraire du Barreau de Marseille est soutenu financièrement par la Société de Courtage des Barreaux.
http://ohlesbeauxjours.fr
#OhLesBeauxJours #OLBJ2023 #prixlitteraire @barreaudemarseille527
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Ce dimanche de mai. J'aime ce mois qui ponctue pour un temps les nuits interminables. J'aime l'espoir qu'il amène avec ses journées qui s'étirent gentiment. J'aime les odeurs qui pépient sous chaque brin d'herbe. J'aime la fertilité qui point, les tulipes et les gentianes en grappes, le muguet qui essaime partout. J'aime la majesté des pivoines charnues qu'un orage peut saccager en quelques minutes. J'aime les amabilités encore tendres du soleil. J'aime devoir enfiler un pull le soir, mais rester dehors quand même.
De mes quinze mille jours, combien disent l’espérance de la vie ? Combien en ai-je retenus ? Tout me ramène dans cet endroit que j’ai fui. Alors que maintenant je pourrais tourner la page, vivre sans la peur, ne plus sursauter à chaque bruit, chaque appel téléphonique, chaque éclat de voix, car il n’est plus là. Il est toujours là. Et des milliers de pages lues et des centaines de chansons ? Qu’est-ce que je retiens ? Si peu. Alors je sais. Je sais que je n’ai jamais trouvé de sens. Je n’ai pas fait semblant, j’ai vécu un jour derrière l’autre sans qu’aucun ait pu effacer la peur et la rage de mon enfance. Ce n’est pas grand-chose pourtant, une enfance. Mais c’est tout ce qui subsiste pour moi. Je ne sais pas me réfugier ailleurs.
Je sais que rien ne m’émeut jusqu’au bouleversement, jusqu’à déliter ma colère. Que les fondations de mon enfance ne sont pas assez solides pour que je tienne debout. Je pense à la terre des jardins qu’on retourne au printemps, à ce que disaient les vieux du village : « Y a pas moyen, t’as beau rajouter du fumier, ça prend pas. La terre n’est pas bonne. »
Je ne suis pas bonne. Ça prend pas. Mauvaise terre, mauvaise graine.
Elle m'avait choisie pour fuir son milieu.Comme moi. A l'envers. Je me rends compte que, malgré le déni, malgré les singeries que nous nous imposions pour nous métamorphoser, l'empreinte des origines restait. On avait beau lutter, Charlotte dirait toujours "zut" et moi toujours "putain".
Elle écoutait avec une tendresse inconnue, du bout de ses doigts, elle chatouillait ma main quand je butais sur les mots. Elle n'était jamais inquisitrice comme Charlotte, ne forçait pas le passage de mon chagrin.
(p.85)
Je découvre la ligne ferroviaire Sion-Lausanne avec un émerveillement primesautier. Lorsque Villeneuve apparait, je le vois pour la première fois. Le Lac. Hypnotique. Fascinant.
J'aurais tout donné pour me nourrir de réminiscences heureuses. Repenser, la joie au cœur, à cette gommette coccinelle qui avait ensoleillé le visage de maman, à l’écureuil qu'Emma et moi avions essayé de capturer, en vain, durant un après-midi entier, à Paul endormi contre mon dos, à mon corps plongé dans l'eau vivace du lac Léman alors que le ciel est prêt à imploser de rouges, aux baisers sur le front, au temps arrêté devant un coucher de soleil ahurissant à Querceto avec Marine, à cet inconnu qui dit merci avec un sourire, à l’eau turquoise du lac de Moiry, aux errances sur les bisses, aux terrasses, aux soirées, à Nina Simone ou à L'Homme qui plantait des arbres, que j'avais relu mille fois. À la place, infuser dans les limbes de mon chaos. Demeurer dans cette destructrice intranquillité. Je ne m'en arracherai pas. p. 195-196
Qui n'a trouvé de ciel ici-bas -
N'en trouvera pas là-haut -
Où que nous allions
Les anges ont loué la maison voisine
Emily Dickinson
Cent dix-sept poèmes
On sait tous que les paroles ne sont pas forcément la vérité, mais qu'elles peuvent modifier la réalité. Définitivement. Radicalement. L'avant et l'après. L'avant, rassurant. L'après, vertigineux. Alors on verrouille l'estomac, on clôt les lèvres qui veulent articuler, on les pince avec les dents, pour être bien certain qu'elle se tairont, ces insensées.
Ce moment où vous dites un mensonge. Cet instant suspendu, une fraction de seconde. Ça bascule dans un sens ou dans l'autre. Je savais manier le regard, le tenir sans faillir, l'enrober d'innocence. J'écartais bien les yeux et étirais mes lèvres dans un faux sourire fermé. Ça marchait toujours.
(...) je suis gaie, soulagée d'être loin de là d'où je viens. Cent kilomètres. Une pécadille. Pourtant, l'un après l'autre, ces kilomètres ont poli mes origines jusqu'à les rendre invisibles. En surface.