« Moins quinze. J'avais le visage comprimé, mes cheveux qui s'effilochaient dans l'eau. Moins trente.
Je sentais mes muscles essorés, mais je n'avais pas mal. C'est alors que la mer m'a aspiré. J'ai dû dépasser trente-cinq, quarante mètres, le seuil à partir duquel il n'est guère difficile de descendre. Je connaissais cette sensation d'être aspiré à l'infini. On oublie qu'on respire et on a la certitude que l'abîme nous accueillera. J'ai rouvert les yeux et allumé la lumière du profondimètre : moins trente-six mètres. Un dernier renvoi d'air s'est évaporé à travers les pores de la peau. Pfffsh. de petites bulles dans la mer. »
Oublie que tu respires,
Kareen de Martin Pinter @kareendemartin @editions_la_derniere_goutte
La mer, un apnéiste… dès les premières pages, la lecture est immersive!
« Je m'allongeais alors sur le sable tout au fond, immergé dans le silence des profondeurs, ce silence qui n'en était pas un, car l'eau ne s'arrête jamais, et on entend son propre coeur battre lentement, nager au milieu de la poitrine. »
Ce récit m'a bien sûr évoqué #legrandbleu de #lucbesson: « Près d'un demi-siècle s'était
écoulé depuis que, dans les années 1950, un médecin français avait fixé la limite maximale que les poumons humains pouvaient supporter à moins cinquante mètres et que
Jacques Mayol avait franchi cette limite.
Mais chaque fois qu'on arrachait un mètre de plus à l'obscurité de la mer, on se demandait logiquement si cette prophétie ne se réaliserait pas à ce moment précis. », mais il va plus loin encore dans la psychologie du protagoniste, son expérience vécue sous l'eau, l'immersion, la connexion, les flashbacks qui lui reviennent quand il est en apnée…
Et puis, un monde sous-marin se révèle à nous avec la présentation de certaines espèces, fascinantes, la vie qui habite le grand bleu…
La plume de l'autrice est incroyablement immersive et moi qui ne suis pas très attirée par les profondeurs, me suis retrouvée charmée par ce qu'elle nous en conte!
L'apnée est détaillée de manière intéressante et fascinante à la fois: les différents types, en quoi ils consistent… technique et envoûtement entremêlés!
Enfin, il y a cette rencontre avec les ama, ces femmes japonaises de l'île d'Hekura, qui plongent en apnée pour pêcher… un instant d'une beauté magnétique!
« Enfin elles ont plongé dans l'eau. Je les ai suivies. Les ama ont commencé à pêcher et moi aussi. J'observais à travers le masque le fond de sable et de gravier, ainsi que les nombreuses algues. Attachés aux rochers, les awabi se cachaient derrière elles. Pour les trouver, il fallait chercher avec les mains. Parfois nous échangions un geste, elles me montraient un denté ou un autre poisson, et je désignais de l'index une cachette à awabi. »
Une lecture envoûtante qui cache des écueils tranchants au fond de ses profondeurs fascinantes…
Un roman, comme une apnée, qui se révèle plus profond et sombre au fur et à mesure que l'on plonge dans ses pages…
Une expérience de l'abîme!