Parfois entre les ténèbres de deux romans que j'ai choisi sombres et oppressants, j'ai envie d'un peu de lumière et de douceur. D'une bulle de tendresse, d'une lecture aussi réconfortante qu'un feu en hiver et aussi douce qu'un carré de chocolat praliné.
Surtout s'il fait froid.
Surtout si l'actualité est triste, grise. Désespérante.
Il y a, par ailleurs, longtemps que la couverture de "Mémoires de la Forêt" m'attirait avec son vert doux et ses deux personnages qui me rappelaient tout à la fois une version illustrée que je possédais enfant du "Vent dans les Saules" et les graphismes des "Animaux du bois de Quat'sous", ce dessin animé que j'adorais, même s'il me faisait parfois pleurer.
Une couverture pareille ne pouvait être que douceur, non?
C'est ainsi qu'affamée de tendresse, je me suis rendue en la forêt de Bellécorce où j'ai fait la rencontre d'Archibald Renard, libraire perfectionniste et un rien timorée et de Ferdinand Taupe, le vieillard le plus sympathique qui soit.
Le pauvre vieux souffre de la maladie de l'Oubli-tout et perd jusqu'à ses repas... Alors ses souvenirs... C'est pour ça que plus que tout, il voudrait retrouver ses mémoires, écrites il y a longtemps, pour garder une trace de son existence de taupe aventureuse. Hélas, le livre qui patientait sur les étagères du compère Renard a été acheté par un mystérieux client...
Il ne reste donc de son passé à Ferdinand que quelques photos jaunies au bord dentelé et un prénom qui le réchauffe et lui allume le regard (aussi myope soit-il!): celui de Maude. de sa Maude. Il a dû l'aimer, c'est sûr, mais il l'oublie peu à peu, il ne sait plus où elle est partie et la petite taupe en souffre à un tel point que j'en aurais pleuré sur les très belles illustrations de Sanoe.
C'est là qu'Archibald a une idée: se servant des clichés anciens que serre si fort Ferdinand dans sa petite patte, les deux amis vont partir à travers la forêt et remonter le fil des souvenirs de notre taupe. Au bout du chemin, il y aura les mémoires, sans doute. Et Maude, sûrement.
Il y aura des silences et des cauchemars, des rêves et des souvenirs. La mélancolie du temps qui s'enfuit, la douceur des jours d'avant et la douleur des vieux secrets qui font toujours aussi mal.
Quelle émotion dans ce roman doux-amer, au charme un peu désuet et si beau!
"Mémoires de la Forêt" est bien plus qu'un délicat roman jeunesse destiné à faire rêver les plus jeunes. C'est un roman qui saura, qui sait sans doute, leur parler de la vie, de la vraie vie et de ce qu'elle peut avoir de beau mais de fragile et de triste aussi.
C'est un roman en forme de moment suspendu, de tendresse et de tristesse, mais de cette tristesse douce et heureuse qui étreint le coeur quand on pense à ceux qui ne sont plus là mais qu'on aime encore...
Un roman forêt. Un roman pétri d'amour, d'humanité.
"Mémoires de la Forêt" parle de deuil, de vieillesse, de ces maladies qui saisissent parfois nos anciens et qu'on ne comprend pas toujours. Il parle de famille et de solitude. Il parle surtout d'amour et d'amitié.
Et moi l'adulte qui sait, j'ai été remuée, j'ai pleuré, j'ai pensé à ma grand-mère qui ne nous reconnaissait plus, qui avait peur du noir et qui s'en voulait. J'ai pleuré, mais j'ai eu la sensation de comprendre un peu mieux sa maladie... J'ai été avec elle comme je ne l'avais pas été depuis longtemps... et ça m'a fait sourire.
A mettre entre toutes les mains.
Pour tout ça et pour la poésie de cette forêt et de ces animaux bien plus attachants que ceux
De La Fontaine.
Pour la beauté, pour l'émotion.
Pour l'or des souvenirs les plus doux.
Pour le temps qui passe.
Et parce que les belles histoires sont tout ce qui nous reste quand la vie boite un peu.