Nicholas Fandorine est un jeune historien britannique. Il a choisi d'étudier l'histoire russe en dépit d'une forte allergie à la poussière qui le handicape dans ses recherches surtout par intérêt pour l'histoire de sa propre famille : en effet, il est l'arrière-petit-fils d'Eraste Fandorine, le célèbre conseiller, détective… Nicholas mesure 1,99 mètre, a joué au basket en amateur et a publié quelques articles mais tant ses professeurs que lui-même le considè-rent comme médiocre. Son père, Sir Alexander, médecin de renom, a été anobli par la reine et aurait sans doute été nobélisé s'il n'était mort dans le naufrage du Christania avec son épouse alors qu'il se rendait à Stockholm dans l'espoir d'accélérer le processus et n'avait choisi le bateau plutôt que l'avion pour allier une agréable croisière à un déplacement professionnel. Voilà donc Nicholas, devenu baronnet qui décide de se rendre en Russie (voyage vivement condamné par son père jusque là) pour partir sur les traces du demi-testament de son ancêtre Cornélius van Dorn, officier alle-mand parti réorganiser les armées russes. Nicholas possède en effet la moitié du testament et a appris par une lettre que l'autre moitié a été découverte en Russie.
Parallèlement (stricto sensu, un chapitre sur deux), nous découvrons aux côtés de Cornélius la Russie, un monde inconnu et considéré comme barbare. Très vite, dès la frontière franchie, il est détroussé par des brigands et se laisse surprendre avec une candeur qu'on n'aurait pas crue possible de la part d'un mercenaire de cette fin du XVIIe siècle. Dans le même temps, dans le train que Nicolas a choisi comme moyen de transport pour coller le plus possible aux pas de son aïeul, il est lui aussi victime de la même mésaventure…
Akounine, que ce soit dans la série des Eraste Fandorine ou dans ce roman particulier, excelle à surprendre le lecteur en variant à la fois la trame de son récit mais aussi son mode de narration, d'une histoire à l'autre. Ici, sont juxtaposées deux aventures à trois siècles d'intervalle en apparence fondamentalement différentes : d'une part, un jeune historien caricaturalement britannique découvre la Russie d'aujourd'hui et se retrouve aux prises avec des truands dans une course poursuite digne des meilleurs thrillers et qui se termine par une scène familière aux spectateurs des séries B des années 60, dialoguées par Audiard, comme, par exemple Les Tontons flingueurs et, d'autre part, un reître, attiré par des promesses mensongères, connaît des aventures picaresques dans le cadre de la Russie corrompue et politiquement agitée par les rivalités de palais juste avant le règne de
Pierre-le-Grand. En remarque toutefois très vite que les deux hommes connaissent un parcours presque parallèle, ce qui peut s'expliquer dans un pays où, comme le dit Sosso, mafieux en voie de reconversion dans l'économie de marché, « on ne peut pas tout faire à la fois. Hier, on grimpait encore aux arbres et on se bouffait les uns les autres, vous n'allez pas aujourd'hui nous demander de traverser au feu rouge. Il faut y aller doucement, progressivement. Par voie d'évolution. Il n'est pas interdit de tricher un peu, après tout, c'est humain… »
C'est cela qui est jubilatoire dans les romans d'Akounine : un portrait de la Russie d'aujourd'hui et une auto dérision rafraîchissante dans une intrigue bien ficelée, construite et écrite avec talent, riche d'informations diverses et d'allusions littéraires variées.