Citations de Yves Simon (216)
l'amour. est"ce une niche dans laquelle on se love? est-ce un morceau d'univers sur lequel on règne? est-ce un vague arrangement? un contrat pour remédier à la solitude?...
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Je pensai qu'il me faudrait au moins mille pages pour décrire son visage. Un millier de pages pour sculpter les contours et reliefs d'une figure de femme, avec le seul usage des mots, les lettres d'un alphabet, une grammaire et des adjectifs pimpants. Décrire avec une minutie raffinée ses lèvres ourlées, un nez joyeusement épaté, des yeux noirs effilés pareils à des corps d'abeilles. Mais encore le pigment d'une peau métissée, sa couleur exacte - ambre tendance pain au lait -, les minuscules grains de beauté disposés au pic de ses joues. Après ce travail titanesque, une image à peu près correcte parviendrait-elle à se visualiser dans l'imaginaire d'un quelconque lecteur ?
Désir d’écrire, désir de voyage, désir de Léonie, le désir se moque des futurs disait-on : avec lui point de lendemain. Pourtant je m’imaginais que de l’avenir avec cette femme, accompagné de son corps, de ses mots, de sa beauté d’âme pour visiter le monde à mes côtés. L’essentiel étant de jouir non des corps, mais du temps.
Mais les débuts ...
Ceux des rencontres entre les personnes, ce qui les relie entre elles, les débuts d'histoires d'hommes et de femmes sont mystérieux parce qu'invisibles et imprécis, et ceux qui les vivent n'en perçoivent rien.
Partis, oubliés dans nos mémoires les premiers mots prononcés, la première compassion, le premier mot griffonné...
Lorsque je pense à l'enfant, ce n'est pas le regret qui s'impose, mais quelque chose de plus mortel.
Apprendre de la vie, des choses et des êtres, non pour la quantité de connaissances, mais tout simplement se trouver un jour plus apte à vivre qu'au début : en élégance avec le monde.
Les lieux ne comptent jamais pour eux-mêmes, mais dans ce que la mémoire ou l’art en décident.
On dit que l'amour est la seule chose à ne jamais chercher puisqu'on ne le trouve justement pas de cette manière.
Cette étreinte des gares où un homme et une femme se retrouvent est le plus terrifiant des gestes que chacun ait un jour à vivre. Les bras ressemblent à deux rames qui essaieraient de franchir la mer en un seul mouvement... Mais l'émotion ne peut, à elle seule, remplacer les distances parcourues par deux mondes qui ont si longtemps dérivé l'un de l'autre.
Je voudrais que tu saches que mon envie de toi est l'envie de l'histoire que tu possèdes dans ta mémoire. La moitié du monde est en moi, l'autre moitié se trouve dans les souvenirs de ton corps. Quand je fais l'amour avec toi, je fais connaissance avec quelques unes de tes douleurs et de tes déchirures et je sais comment étaient les lèvres de ton premier baiser et le désespoir de ton premier chagrin
Mais il savait que les rencontres sont rarissimes, celles qui émeuvent, transforment et tracent une frontière sur le temps pour qu'il y ait un avant et un après.
J'essaie d'exister avec seulement les yeux qui regardent. Etre heureux de cela et ne pas désirer un sexe, une plage ou l'autoroute qui transporte les rêves.
L’écriture naît souvent d’une mince fracture entre pouvoir et fragilité. Le pouvoir des mots et l’extrême faiblesse qu’il y a à se manifester en eux. Les poètes s’imaginent être des dieux capables d’envoyer à l’univers des gammes de sensations qui tenteront d’émouvoir des inconnus alors que, dans le même temps, ils se sentent misérables de ne pas parvenir à conquérir les sommets de sensualité qu’ils s’imaginent pouvoir atteindre. Vulnérables d’eux-mêmes et des mots, ils s’emploient à devenir les illusionnistes d’un monde opaque, tout de mystères, où ils se devinent les élus désignés à en dissiper les énigmes.
Les mots des livres sont à tout le monde. Ils sont à moi puisque je viens de te les lire, à toi puisque tu viens de les écouter, et c'est exactement cela que j'avais envie de te dire à cet instant.
Je ne peux pas dire que le malheur m'assaille, que la maladie a envahi mon corps, que je suis las de vivre et qu'à l'instant même je veuille disparaître. Je ne suis que triste. Vous comprenez cela ? Triste, c'est-à-dire que je regarde la vie, perclus de rêves en court-circuit, harassé d'un amour commencé qui n'a pu attendre une saison de plus pour s'en aller voir la mer.
Lorsque je pense à vous, je ne ferme pas les yeux, au contraire, je regarde les toits des maisons, les feuilles des arbres, ou seulement à l'intérieur d'un rêve que j'ai pu préserver de la lumière. Penser à vous n'est pas une évasion. Ni une nostalgie. C'est une manière de me parler sans mensonge. Lorsque votre visage m'apparaît, je n'ai qu'à lever la tête pour être certain que je suis en vie et que le moment de mourir n'est pas arrivé.
Qui saura si l'étendue de nos rêves a pu recouvrir l'infini désarroi qui était le nôtre, ardents et fous de compassion, vous pour un étranger, moi pour une étrangère.
Comme Ulysse, nous étions des gens pauvres et simples, et nous n'avions aucune certitude, sinon celle de l'existence de cet ailleurs, convaincus que la vie est multiple et que nous étions uniques.
Au fait je ne vous ai pas demandé ce qui vous séduisait dans la vie ?
Chacun pense à la fin, l'appréhende, mais les mots prononcés, les gestes assumés tracent déjà les points de suspension d'une phrase commencée.
Alors on imagine une strophe, un paragraphe, et c'est un roman qui s'annonce avec ses chapitres, ses drames et son point final.
Quelques centaines de pages plus tard, l'histoire est bouclée.
Les livres se referment et les amours se tuent.