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Citations de Sorj Chalandon (2604)


Au nom de l’amitié, du respect et de la mémoire. [...] Au nom de ce qui reste, de ce qui doit rester. Au nom de l’automne qui fane les regards.
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Dehors, il fait septembre, c'est-à-dire presque rien.
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Je lui disais que ce local était une bibliothèque, un centre d’archives, un bureau de travail, mais c’était un tombeau. Je l’avais creusé avec colère et à mains nues pendant toutes ces années. J’y avais enfermé mes effrois de charbon. Il était rassemblé là, le peuple du fond de la terre. Elle était là, notre armée noire. P 43
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Comment approcher l’évident, le simple, des feuilles qui frissonnent. Parce qu’écrire frissonner, c’est déjà s’éloigner de la feuille. Elles ne frissonnent pas, les feuilles. Elles font tout autre chose que ce qu’en dit le vent. Elles ne bougent pas, ne remuent pas, ne palpitent pas. Elles feuillent. Voilà, elles feuillent, les feuilles. Et le ciel, il nuage.
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Après avoir épuisé nos certitudes, nous étions orphelins d’idéologie. Et je savais que les lendemains chanteraient sans nous.
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La guerre, c'était ça. Avant le cri des hommes, le sang versé, les tombes, avant les larmes infinies qui suintent des villes, les maisons détruites, les hordes apeurées, la guerre était un vacarme à briser les crânes, à écraser les yeux, à serrer les gorges jusqu'à ce que l'air renonce.
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Alexis Danan, un journaliste parisien, traitait lui aussi la colonie de bagne. Il avait enquêté. Nous n’étions pas seulement des détenus mais aussi des esclaves. Charpentiers, chaudronniers, cordiers, ferblantiers, pêcheurs, usineurs de boîtes de sardine, nos ateliers produisaient pour le reste de la population. Les colons paysans de Bruté nourrissaient les gens honnêtes. Les plus sages des détenus étaient loués aux fermes alentour, aux commerces, à des particuliers et c’est la colonie qui touchait leurs salaires. Haute-Boulogne avait pour ambition de vivre en autarcie, mais c’est Belle-Île tout entière qui en profitait.
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Deux femmes allaient nous dire la douleur extrême. Mais comment faire ? Comment venir dans cette grande salle, monter les marches qui mènent à la barre des témoins, parler dans un micro face à un homme sévère à robe rouge et col d'hermine blanche, lorsque les mots sont si profondément enfouis ? Les griffons qui ornent les murs, les colonnes corinthiennes, les signes du Zodiaque inscrits dans les voûtes, les hommes de loi, les neuf jurés, les bancs d'avocat, le public, les journalistes, la bonne ordonnance d'une audience criminelle, le rappel au dossier, les articles du code de procédure pénale. Un ensemble glacial. Un bloc de pierre sans frissons où viennent s'échouer des vies brisées. Comme si ne comparaissaient que des silhouettes, des esquisses de femmes et d'hommes anéantis.
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Alain s’est allongé à son tour.
- Il faut faire confiance aux autres, neveu.
Sa voix tranquille.
- Sans la confiance, tu es seul au monde.
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Éducation correctionnelle , comme ils disent. Ils veulent nous instruire, nous ramener au bien. Pour nous inculquer le sens de l'honneur ils nous redressent à coups de trique et de talons boueux. Ils nous insultent, ils nous maltraitent , ils nous punissent du cachot, une pièce noire, un placard étroit , une tombe. Ils nous menacent le jour et la nuit. Ils nous malaxent , nous brisent, nous pétrissent comme de la pâte. Ils concassent les mauvaises graines . Ils nous veulent tendres et lisses comme du pain blanc. À la salle de police les chenapans, les nuisibles, les voyous. À la taloche les dégénérés , les vicieux, les incorrigibles. Au mitard les infâmes. Briser les tout-petits, étrangler les plus grands, les rêves des uns, la colère des autres. Transformer ces gibiers de potence en futurs soldats, puis en hommes, puis en plus rien ."
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- Ton père, il était du mauvais côté.
Mon grand-père m'avait abandonné avec cette confidence. Mon père avec ses fables , et moi, enfantde salaud, j'entrais dans la vie sans trace, sans legs, sans aucun héritage. Ne restaient en moi que son silence et mon désarroi.
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Plus je lisais tes dépositions plus j’en étais convaincu : tu t’étais enivré d’aventures. Sans penser ni à bien ni à mal, sans te savoir traître ou te revendiquer patriote. Tu as enfilé des uniformes comme des costumes de théâtre, t’inventant chaque fois un nouveau personnage, écrivant chaque matin un autre scénario.
(pages 176-177)
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Sorj Chalandon
■ CLAP DE FAIM ?
Aujourd'hui, 22 août 2018, cela fait exactement 101 jours que le cinéaste ukrainien Oleg Sentsov est entré en grève de la faim. Opposé à l'annexion de son pays par la Russie, condamné à 20 ans de détention pour terrorisme et emprisonné dans le nord de la Sibérie, Sentsov a refusé de s'alimenter normalement le 14 mai dernier. Pour protester contre sa détention et exiger la libération de 70 autres prisonniers politiques ukrainiens.
Dans les années 70, en Russie soviétique, un gréviste de la faim était nourri de force, attaché sur une chaise et gavé à l'entonnoir avec un mélange de grains bouillis, d'oeufs crus et d'eau. C'est ainsi qu'est mort l'écrivain dissident Anatoly Marchenko, en décembre 1986, après 117 jours de grève de la faim. Et c'est de ce même traitement terrifiant, abandonné aujourd'hui, qu'avait été menacé Oleg Sentsov. S'il refusait les repas, il serait attaché sur son lit et gorgé au tuyau à la façon d'une oie.
Depuis juillet, selon son avocat, il a finalement accepté de recevoir deux cuillères quotidiennes de glucose et de compléments alimentaires. Ce qui ne fait que prolonger le martyre.
Malgré cette becquée de vitamines, une grève de la faim saccage le corps, de façon parfois irrémédiable. Entre coeur atteint, reins touchés, respiration difficile, escarres dues à l'immobilité, faiblesse extrême et abolition du discernement, les jours du protestataire sont comptés.
Au début du mois d'août, le réalisateur ukrainien a écrit à sa cousine. Pensant sa « fin proche », il disait « perdre espoir ». Et ce n'était pas du cinéma.

• article dans le Canard enchaîné du 22/08/2018
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La femme de ce mineur, s'appelait Marthe. Elle a lavé son linge noir sa vie durant. Et lorsqu'il a eu droit à la retraite, elle a nettoyé le sang de ses mouchoirs. Il a survécu deux ans à sa pension, l'ouvrier magnifique. Deux ans, le mari aimant. S'arrêtant dans la rue, une main contre le mur et l'autre sur sa canne, pour recracher tout ce que le charbon avait fait de lui. Deux ans il a tenu, celui qui n'avait jamais levé ni la voix, ni le poing. (p 312)
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Et puis j'ai vu mon premier mort de guerre, à quelques mètres de là. Un bras qui dépassait d'une couverture, brancard posé sur le trottoir. Le bras d'une femme, avec sa chemise de nuit soudée à la chair. Séanna a posé une main sur mes yeux. Je me suis dégagé.
− Laisse-le regarder, a lâché mon oncle.
D'un geste, j'ai repoussé mon frère. J'ai regardé. Le bras de la femme, sa main aux ongles faits, sa peau qui pendait du coude jusqu'au poignet comme une manche arrachée. Nous sommes passés tout près. La forme de sa tête sous l'étoffe, sa poitrine et puis rien, la couverture affaissée au niveau de la taille. Plus de jambes. Dans la rue, un crieur de journaux vendait le "Belfast Telegraph". Il hurlait des centaines de morts, un millier de blessés. Moi, j'ai vu un bras. Je n'ai pas pleuré. J'ai fait comme tous ceux qui passaient. Mon index et mon majeur sur mon front, ma poitrine, mon épaule gauche, mon épaule droite. Au nom du père et de tous les autres. J'avais décidé de ne plus être un enfant.
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L'odeur du tabac brun a la voix de mon père.
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On raconte qu'après la mort d'un enfant, heurté par un blindé devant sa maison, les habitants de sa rue avaient repeint leurs façades. Toutes les façades, barbouillées de blanc en une soirée, du sol à hauteur d'homme. Le lendemain, la ruelle était parcourue d'un long ruban clair, peint sur deux mètres de haut. C'était en mai. Deux nuits plus tard, un parachutiste écossais a été abattu d'une seule balle dans la gorge par un tireur de toit. C'est en fouillant une à une les maisons basses et en interrogeant rudement la population que les soldats ont compris. Dans cette rue aux réverbères brisés, il fallait que les intrus se détachent du sombre. Il ne fallait pas les prendre pour un passant, pour un voisin pressé, il ne fallait pas les confondre avec la noirceur des briques. Il fallait qu'ils soient visibles, qu'ils se détachent, que tout ce blanc les cerne et les offre au fusil. Les soldats britanniques devenaient ainsi ombres, et donc cibles, et donc morts. Les habitants avaient repeint en blanc les murs de leur rue, pour qu'aucun ennemi n'en réchappe.
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Au contraire des hommes remontant de la nuit, je m'apprêtais à y descendre.
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Son retour de camp, c’était cela. Des résistants en trop, des déportés en plus, une humanité barbelée dont on n’a su que faire.
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Je me suis assis sur mon lit. Quatre jours. Mon enfance en éclats. Avant de me coucher, j'ai rassemblé mes carnets de croquis, mes peintures, mes pinceaux dans un sac. Pour la première fois, j'ai fait l'inventaire de ma petite vie. Mes vêtements tenaient dans une penderie et trois tiroirs. J'avais deux paires de chaussures, un manteau, quelques livres et une valise. Je n'avais plus rien, ni personne. (...)
Je suis rentré à la nuit, il n'y avait plus rien. Seul l'écho de mes pas. Le salon, la salle à manger, la cuisine, leur chambre. Vides, tout.
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