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Citations de Sorj Chalandon (2556)


Cette fois, j'étais parti en pêche sans mon couteau. Je l'avais abandonné sous mon oreiller comme une colère ancienne. Je n'avais plus peur de mourir, plus aucune raison de tuer.
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Sorj Chalandon
« Au-delà du drame de Saint-Amé, la mine a toujours guetté l’ouvrier. Elle lui a tendu des embuscades. Un jour un madrier s’écroule. Le lendemain un bloc se détache. Une galerie s’affaisse. Un wagonnet s’emballe. Un câble cède. Une lampe explose. Ce ne sont pas des catastrophes, seulement des accidents dont on ne parle pas. C’est lorsque la mine les tue qu’on se souvient qu’il y avait des mineurs. Un boiseur écrasé par sa charge, un haveur broyé par sa machine, un rouleur écrasé par sa berline. (...) Lorsqu’il remonte au jour, le mineur n’est qu’un survivant. Même s’il est décrassé, il rapporte le charbon en surface. Il lui en reste dans les cheveux, dans le nez, au coin des yeux, entre les dents. La mine a pris la place de l’air dans ses poumons. Le mineur n’est pas mort, non. Mais il sait que la mort l’attend ». (...) « Ici, on ne parle plus d’hommes, mais de numéros, de matricules »...
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Mon Irlande c’était L’Homme tranquille, Le Taxi mauve, l’île d'Émeraude, les pulls blancs torsadés, le whiskey, l'Eire de nos mots croisés. Elle paressait sur papier glacé. Elle était d’herbe verte, de rousses Maureen, de pierres plates en murets, de toits de chaume et de portes géorgiennes. Elle était gaie, rieuse, enfumée, noire de bière typique et blanche de moutons errant sur les lacets de route. Mon Irlande – j’y étais allé trois fois – s’appelait Dublin, Galway, Clifden, Lisdoonvarna, Aran. Une Irlande musicale, marine, agricole, accueillante, spirituelle, pauvre et fière, apaisée.
— Vous ne connaissez pas le Nord ? m’a demandé Pêr, ce matin de novembre 1974.
J’ai répondu que non.
— Alors, vous ne connaissez pas l’Irlande, a souri le Breton.

(Chapitre James Connolly)
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Ma mère a écrasé une larme, avec le mouchoir qu'elle cachait dans sa manche. Sa collègue avait les yeux tristes, aussi. Un hochement de tête pour me saluer, et puis tous sont partis. Retournés dans la rue puis au ministère, pour l'heure qui leur restait à tamponner. Ma mère les a regardés, puis moi, puis le paquet-cadeau ouvert sur la. table. Je me suis rapproché.

⁃ Alors dis-moi, il y avait qui à ta petite fête ?
Elle a souri.
⁃ Eh bien tu les as vus ! Catherine, Hervé et cette jeune fille très sympathique.

Elle s'est penchée, une main cachant ses lèvres.
⁃ Mais j’ai complètement oublié son nom.

J'ai regardé la table désertée. Il n'y avait que trois bolées. La jeune fille n'avait pas bu.

Et avant que j'arrive, il y avait qui ?

Ma mère a eu un geste étonné.

⁃ Avant ? Mais non, personne.

Quarante ans de travail commun, deux collègues aux adieux.

⁃ Même pas un chef ?

Elle a ri.

⁃ Un chef ? Dis donc, mon fils, je ne suis pas le ministre !
J’avais commandé une crêpe au sucre. Mais le froment beurré ne passait pas.

⁃ Tu sais, ils avaient l'air tous bien contents. Ils ont pris du cidre, une galette, ça leur a fait très plaisir.

Et toi ?

Elle s'est redressée.

⁃ C'est bien qu'ils aient pu se libérer, tu sais. D'autres amies devaient venir, mais je pense qu'elles n ont pas pu.

⁃ Ce ne sont pas des amies, maman.

Elle ma regardé.

⁃ Qu’est-ce que tu racontes, mon fils ?
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Lorsque je suis devenu adulte, mon père ne m’a plus parlé de la Résistance. Son fils, son spectateur, son captif avait quitté le théâtre sur lequel il régnait. Il n’y avait plus de petites mains pour applaudir sa bravoure. J’ai passé mon enfance à croire passionnément tout ce qu’il me disait, et le reste de ma vie à comprendre que rien de tout cela n’était vrai. Il m’avait beaucoup menti. Martyrisé aussi. Alors j’ai laissé sa vie derrière la mienne.
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Elle parlait, parlait. Prenait la place de ma tumeur.
- Vous verrez, m'avait glissé Flavia avec malice, votre cancer, ce sont les autres qui en parleront le mieux.
Mon oncologue avait raison. Ils passaient ma vie à se raconter.
(p. 159)
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Je m'étais dit que j'étais en guerre. Une vraie. Une bataille où il y aurait des morts. et que l'ennemi n'était pas à ma porte mais déjà entré. J'étais envahie. Ce salaud bivouaquait dans mon sein.
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L’odeur de Belfast, cet écœurement délicieux de pluie, de terre, de charbon, de sombre, de malheur.
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Mon oncle a dit le bénédicité à sa manière.
− Mon Dieu, faites que notre assiette soit toujours pleine, que notre verre soit toujours rempli. Faites que le toit sur nos têtes soit suffisamment solide. Et que nous arrivions au paradis une petite demi-heure avant que le diable apprenne notre mort. Amen.
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Je savais que les menottes enserraient, pas qu'elles mordaient comme un animal.
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"Si tu jettes une pierre à travers la vitre d'un pub, tu blesses deux poètes et trois musiciens", dit le proverbe irlandais.
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Pour vivre avec le sourire de son mari dans un cadre de deuil, soigner son fils qui rentre au petit jour, tenir la main de son enfant au dernier souffle du jeûne, il faut un coeur barbelé. Et Sheila était de ces femmes.
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L’océan, encore et toujours. Depuis le premier jour à la colonie, il ne m’avait jamais quitté. Même après avoir fait le mur. Lorsque je pêchais dans sa houle, la mer ne me portait pas, elle m’encerclait. Sa fureur hantait mes jours, mes rêves. Quand j’ouvrais les yeux, elle me barrait l’horizon. Lorsque je les fermais, elle me submergeait. J’étais devenu une île. Une prison ancrée au milieu de l’eau.
(page 321)
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Un poème pour moi, c’est un écrit qui dénonce.
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Même nos gaffes, avec leurs casquettes de garde-barrière, leurs pantalons trop courts, leurs uniformes fripés, leurs boutons manquants, leurs moustaches luisantes de mauvais vin et roussies de tabac, ne sont que les laquais de l’océan. C’est lui notre haut mur. Notre véritable prison. L’océan, c’est notre gardien le plus cruel. Celui qui nous surveille, qui nous épargne ou qui nous assassine.
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Ce n’est pas pour le bagne que la fanfare joue. Ni pour la fierté de François-Donatien de Colmont, ni pour le plaisir frissonnant des familles d’après messe. Leur musique te pleure, Camille. Toi, l’orphelin abandonné à 12 jours, enveloppé de langes et oublié sur les marches d’une église. Toi, le chétif, abîmé par les gardiens, sali par les caïds. Toi, l’enfant de la honte, caché par la Justice aux yeux des braves gens, par lâcheté, par paresse, par bêtise. Toi, l’évadé joyeux, dénoncé par les sœurs Derrien pour une pièce d’argent.
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Tout était en train de disparaitre. Les insultes, les brimades, les vexations, les humiliations, les coups. Le froid de l'hiver, la brûlure de l'été, l'odeur de nos corps sales, la faim, les punaises, les poux, la gale. Je nettoyais sept ans de bagne à grande eau. À coups de hargne. J'étais enragé. Je vivais.
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J’avais trop espéré de ce procès. Prêté à mon père une intelligence qu’il n’avait pas. Ni empathie, ni pitié, ni humanité, il n’avait pas même profité de cette tempête pour prendre le temps de réfléchir à son passé. La cohorte des suppliciés défilait lentement devant lui et il lissait son revers de veste. Il arrangeait le pli de son pantalon. Il bâillait.
(page 283)
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J'ai été contente de voir Hélène. Et aussi la librairie. Jamais cet endroit ne m'avait paru aussi paisible. Ici, contrairement à la vraie vie, les hurlements, les pleurs, les rires, les cris, les joies, les drames étaient prisonniers des pages. Le tumulte ne s'offrait qu'à celui qui les ouvrait. Mais j'avais quitté le domaine de la fiction.
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Au nom de l’amitié, du respect et de la mémoire. [...] Au nom de ce qui reste, de ce qui doit rester. Au nom de l’automne qui fane les regards.
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