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Citations de Sorj Chalandon (2556)


Il m’aura fallu des années pour l’apprendre et une vie entière pour en comprendre le sens : pendant la guerre, mon père avait été du « mauvais côté ».
(page 31)
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Sorj Chalandon
■ L'Ethiopie file un mauvais coton.
Lire l'étiquette d'un vêtement avant de l'acheter est devenu une habitude, histoire de ne pas enfiler trop facilement ce joli tee-shirt bariolé cousu par des esclaves à l'autre bout du monde. Souvent, aussi, la question se pose : mais au fait, combien gagne l'ouvrier qui a assemblé cette petite robe fleurie ?
Le 7 mai, le Centre Stern pour les affaires et les droits de l'Homme de l'Université de New York a répondu à cette question. Et le résultat de son rapport est glaçant. Bien loin derrière la Chine, qui paie ses petites mains 326 dollars mensuels, le Kenya (207 $) ou le Bangladesh (95 $), l'Ethiopie remporte la palme des ouvriers du textile les plus mal payés du monde, avec un salaire moyen équivalent à 23 euros mensuels.
Et que les grincheux ne viennent pas expliquer que cette aumône est en rapport avec la coût de la vie, car, note encore ce rapport, même en Ethiopie, cette somme « ne suffit pas pour vivre » (Le Point, 08/05).
Ce qui explique que les ouvrières, jeunes paysannes venues à la ville pour la plupart, quittent leur atelier au bout d'un an, épuisées par les conditions de travail et les grèves incessantes, et dégoûtées par leur semblant de revenu.
Ces parcs industriels, qui emploient 70 000 personnes, ont attiré 2.5 milliards de dollars d'investissements étrangers directs (Chine, Inde), au cours de ces neuf mois. Et l'exportation du 'made in Ethiopia' rapporte chaque année 103 millions de dollars de devises au pays.
Le nom des marques qui ne répugnent pas à sous-traiter avec Addis-Abeba ? Guess, H&M, Calvin Klein, notamment. Mais difficile de remonter la piste jusqu'aux ateliers de misère.
Sur le site de vente de H&M, par exemple, et alors que la marque suédoise se fait fort d'informer sa clientèle de la provenance d'un pull ou d'un chemisier, la Chine, la Roumanie, la Turquie, la Birmanie ou le Cambodge se bousculent, au milieu de quelques articles mystérieux sobrement estampillés : « Malheureusement, les informations relatives aux fournisseurs et aux usines de fabrication ne sont pas disponibles pour ce produit. »
C'est ballot, ça...

▪️ article dans le Canard enchaîné, 15 mai 2019
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J'ai tendu mon passeport au Libanais. Confiance absolue. Et pas le choix non plus. Sam m'avait décrit son chauffeur comme un prince. La soixantaine, bel homme, grand, mince, le visage anguleux, cheveux gris, moustache et cicatrice ancienne, du coin de la bouche à la tempe droite. C'est elle que j'ai vue en premier. Puis sa main tendue. Son sourire. Et cet accent roulé, qui ourle les phrases en modulant la dernière voyelle. Il y a des hommes comme ça. Au premier regard, au premier contact de peau, quelque chose est scellé. Cela n'a pas de nom, pas de raison, pas d'existence. C'est l'instinct qui murmure de marcher dans ses pas. (p 120)
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Je ne me souvenais plus des cheveux de Jojo, ni de ses yeux, ni de sa voix, ni de son beau rire de grand frère. Depuis qu'il était parti, c'était comme ça, la vie.
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Sorj Chalandon
■ Indécence giratoire.
On en compte entre 40 000 et 50 000 en France. Ils sont ronds, souvent laids, parfois posés en pleine campagne, et le coût de leur installation s'élève à près de 20 milliards d'euros. Selon 'Le Figaro' (28/12/201), la France est la championne du monde du rond-point. [...]
Apparus en 1906, les ronds-points sont aujourd'hui six fois plus nombreux en France qu'en Allemagne et dix fois plus qu'aux Etats-Unis. En fait, quelque 500 nouveaux ronds-points sont inaugurés chaque année dans l'hexagone. Et, si la Sécurité routière estime à 40% le nombre d'accidents évités grâce à ces ralentissements, certains s'interrogent quand même sur leur agencement et leur coût.
Ainsi, les Contribuables associés ont lancé un grand concours, qui sera clos le 8 janvier, pour élire triomphalement « le plus moche rond-point de France ». Pas la placette elle-même, mais l'oeuvre d'art qui trône en son centre, incarnation plus ou moins heureuse de la région traversée.
Parmi les ouvrages nommés se trouve la fameuse soucoupe volante [de 12 mètres de diamètre] de La Haye-Fouassière (Loire-Atlantique). Un engin très années 60, en aluminium, entouré de deux astronautes, l'un brandissant une bouteille de Muscadet, l'autre un petit-beurre LU monté en étendard*. Coût de l'oeuvre : 400 000 euros, répartis entre le biscuitier et la ville. [...]

• Le Canard enchaîné, 03/01/2018

* pour ceux qui n'ont pas la chance de le connaître : https://actu.fr/pays-de-la-loire/clisson_44043/le-rond-point-de-lespace-ne-plait-pas-a-jack-lang_8996250.html
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Et seule à part, une ombre agenouillée, habillée de fragile, qui cueille une fleur de talus pour dire adieu à sa mère.
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Après avoir épuisé nos certitudes, nous étions orphelins d’idéologie. Et je savais que les lendemains chanteraient sans nous (p.33)
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Il a son front de peine, ses rides profondes, ses paupières lourdes et la bouche en soucis.
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Personne n'en sait rien. Personne, jamais, ne parlera de cette solitude. De cette misère. De l'immensité d'une nuit sans toit lorsqu'on dort sous le ciel. De la rosée du matin, qui perle sur la veste d'un pauvre.
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Le salaud, c’est le père qui m’a trahi.
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Sorj Chalandon
Je n'aime pas l'expression "il faut tourner la page"... les pages, d'abord il faut les lire, il faut les garder. Moi je suis la somme des pages lues, des pages douloureuses, mais des pages que je tiens absolument à conserver. Je ne veux pas oublier... je ne veux rien oublier, jamais.
... ça ne me guérit pas mais je partage. Moi j'ai envie que quelqu'un qui ouvre ce livre-là, au-delà de mon père, au-delà de cette histoire, j'ai envie qu'il ait les noms des quarante-quatre enfants d'Izieu.

21 août 2021. Matinale de France Inter.
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À Belfast, on ne fuit pas le malheur, on prête assistance à ceux qu'il frappe.
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Sorj Chalandon
■ TERRE D'EXILS.
En 1925, un enfant bouclé et souriant envahit les murs des villes et des villages. « Le plus beau bébé de France », proclame le savon Cadum, qui a choisi ce garçonnet parmi des milliers d'autres. Seize ans plus tard, en pleine guerre et au nom de la race, [ce] symbole de la jeunesse française est dénaturalisé. Maurice Obréjan était juif, de père roumain et de mère polonaise. Résistant français, il a été déporté.
[...]
Voici racontée [dans ce documentaire] une autre Histoire de France. Celle des travailleurs étrangers, des immigrés, des réfugiés de toutes les guerres, des échoués, des naufragés qui, depuis 130 ans, ont donné naissance à 20 millions de Français. Voici une autre histoire de la République, bien décidée, après la défaite française de 1871 et la Commune, à forger un socle commun.
Et à convaincre le paysan lorrain, le canut lyonnais, le pêcheur marseillais ou le berger savoyard que tous appartenaient à une même nation. Car, en ces temps, l'identité nationale ne voulait pas dire grand chose. On était de son village, de son clocher, de son quartier. Et c'est avec le pays des petits pays que la République a voulu en finir en se lançant dans une tâche immense : la fabrication des Français.
[...]
Car oui, le pays veut faire la France, mais pas avec n'importe qui. Révolution industrielle, guerres mondiales, Trente glorieuses, les bras manquent au pays. Pour le défendre comme pour le reconstruire. Alors on va chercher des travailleurs partout dans le monde. Ou eux-mêmes s'invitent, poussés par le malheur. Invisibles, sous-payés, ils aident à relever les ruines. On coupe la natte des Chinois débarqués par bateau. On entasse les Arabes dans des bidonvilles. Les Ritals dans les cités. Les Polacks dans les corons. Une France accueille les étrangers, l'autre les rejette. Intégration contre expulsion.
[...]
Racontée par des personnalités et par de nombreux anonymes, cette aventure - riche en films d'époque - est aussi une histoire de nos lois. Et de nos frontières. Invisibles aux heures de la croissance, barbelées les jours de crise. Et tellement vaines, lorsque 11 garçons, venus de partout, chantent avec elle que la France est championne du monde.
____

- extrait d'un article de SC dans le Canard enchaîné du 19/09/2018, à propos de l'émission 'Histoires d'une nation', série en quatre parties, diffusée les 25/09 et 02/10 à 21h sur France 2.
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Sam s'est arrêté.
- Sais-tu combien de juifs de Salonique sont morts dans les camps ?
J'ai secoué la tête.
Il a repris sa marche lente sur le boulevard parisien.
- Près de 55 000. C'est Brunner qui a planifié la Shoah des Séfarades.
Il m'a donné un coup de coude.
- Alois Brunner. Tu te souviens ?
Il a contemplé mon regard désolé. Il a ri. Il a dit que j'avais un papillon dans la tête et un cœur de trop.
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- Le whiskey, c'est une boisson écossaise, américaine, quoi. C'est une boisson d'homme, pas comme le vin, le pastis, toutes ces conneries françaises.
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Depuis toujours, je me demandais ce qui n'allait pas dans notre vie. Nous ne recevions personne à la maison, jamais. Mon père l'interdisait. Lorsque quelqu'un sonnait à la porte, il levait la main pour nous faire taire. Il attendait que l'autre renonce, écoutait ses pas dans l'escalier. Puis il allait à la fenêtre, dissimulé derrière le rideau, et le regardait victorieusement s'éloigner dans la rue. Aucun de mes amis n'a jamais été autorisé à passer notre porte. Aucune des collègues de maman. Il n'y a toujours eu que nous trois dans notre appartement. Même mes grands-parents n'y sont jamais venus.
(p. 57)
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Tu vois, le boche, aujourd'hui, tu ne vas tuer personne,
parce que personne ne va me pleurer.
Ma mère m'a abandonné, mon père m'a fait enfermer dans un bagne pour enfants.
Mon seul ami s'appelait Camille et la France l'a pendu
à 18 ans.
En me fusillant, tu ne fais aucun mal à la France.
Elle s'en fout de moi, la France.
Ce n'est pas pour elle que je me suis battu, c'est contre toi.
Parce que tu es le pire des salauds.
Ma France, tu vois, c'est un pêcheur breton, une infirmière,
un communiste, un frère basque et un garde champêtre
de Mayenne.
Ce sont eux, mon pays. Ils m'ont entendu, secouru et protégé.
L'autre France, celle des braves gens, un jour elle te foutra dehors.
Mais qu'est-ce que je serais devenu moi, le jour de la
victoire ?
Pas de place pour la Teigne au grand bal tricolore.
Alors tu sais quoi, le Boche ? Cette France te dit merci.
C'est toi qui va faire son sale boulot.
Tu ne lui fabriques pas un héros, tu la débarrasses d'un vaurien.
Et moi, le Boche, je te botte le cul !
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Remarquant le reporter de Détective qui prenait des notes, le gars s'est levé, son verre de blanc frais à la main.
- Hé, le journaliste ! Tu peux marquer mon nom si tu veux : Henri Lagorce, responsable de la maison de péage du pont Albert Louppe, qui relie Plougastel au Relecq-Kerhuon.
Le touriste était fier de lui. Il a méme précisé au photogaphe du magazine qu'il était fonctionnaire au Conseil Général. Comme les deux journalistes parisiens se dirigeaient vers d'autres témoins, il a commencé à leur donner les tarifs de passage du pont.
- 50 centimes pour une personne à pied, à cheval ou en voiture, pour un âne, une brebis, un cochon, mais seulement 25 centimes pour un chien.
Personne ne l'écoutait plus, mais il a continué.
- Et c'est Gaston Doumergue qui a inauguré mon péage. Vous le saviez ? J'étais là ! J'ai vu le président de la République comme je vous vois. L'évêque de Quimper m'a même serré la main.
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Un poème ? J'étais déçu. Le poème, c'était un truc pour nous endormir. Une berceuse trempée dans du miel. Le poète, pour moi, c'était un riche qui jouait au pauvre. Qui n'avalait pas la fumée des cigarettes. Qui buvait du muscat dans des verres à pied. Le poète ne racontait ni la peine ni le travail. C’était un danseur en collant. Il ne souffrait que de lui. Ses histoires ne nous ressemblaient pas, ses couleurs n'existaient pas, ses mots étaient trop malins pour nos gueules.
[Le narrateur parle ici du poème de Jacques Prévert La chasse à l’enfant]
(p.302)
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Cette fois, j'étais parti en pêche sans mon couteau. Je l'avais abandonné sous mon oreiller comme une colère ancienne. Je n'avais plus peur de mourir, plus aucune raison de tuer.
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