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Critiques de John Le Carré (778)
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Retour de service

John le Carré, 88 ans, fait preuve d'une endurance imaginative absolument remarquable avec ce roman dopé à l'esprit du temps, pimenté de références ultra-contemporaines de l'ère post-Brexit.



Nat, quinqua vétéran des services secrets britanniques, se voit proposer une alternative à sa possible fin de carrière : prendre la direction du Refuge, une sous-station du département Russie, à la fois moribonde et bizarre avec ses espions rebuts qui semblent inutiles. Peut-être une dernière chance pour Nat de laisser sa marque sur le MI6 auquel il a consacré une grande partie de sa vie. Sauf que sa rencontre avec Ed, un grand gus dégingandé et déstabilisant avec lequel il joue au badminton tous les lundis, va l'entraîner dans un enchaînement de péripéties surprenantes jusqu'à un complot géopolitique d'ampleur.



Le scénario est excellent, construit en poupées russes qui recèlent toutes des surprises, avec un virage dans le dernier tiers vraiment ingénieux et très inattendu. C'est d'une fluidité parfaite, sur les pas de Nat, sa narration à la première personne créant une proximité et un attachement immédiats avec le lecteur. Tous les personnages sont formidablement campés et leurs interactions, heureuses ou pas, priment presque sur l'action à proprement parler.



Bien sûr, les services secrets britanniques sont toujours chez John le Carré en pleine déchéance, rongé par de petites rivalités entre collègues et services, sur-promouvant les médiocres ou les corruptibles, gaspillant les talents. Bien sûr, les thématiques obsessionnelles de l'auteur sont bien présentes : manigances et secrets d'Etat, trahison et loyauté, idéaux politiques soumis à rudes épreuves face aux fragilités humaines.



Mais ce qui ressort de ce roman, c'est sa truculence et sa mélancolie.

Sa truculence, car John le Carré régale le lecteur d'une plume pleine de verve, très ironique pour dire la crise de foi politique de notre époque, entre désespoir et incrédulité face au Brexit. Cette verve explose dans les dialogues, tous formidables, crépitants d'énergie et de drôlerie. Par exemple cette diatribe sur Trump qui sort de la bouche d'Ed, le personnage exutoire :



« Trump, c'est le balayeur de chiottes de Poutine. Il fait tout ce que le petit Vlad ne peut pas faire lui-même : il pisse sur l'unité européenne, il pisse sur les droits de l'homme, il pisse sur l'OTAN. Il nous assure que la Crimée et l'Ukraine appartiennent au Saint-Empire russe, que le Moyen-Orient appartient aux Juifs et aux Saoudiens, et merde à l'ordre mondial ! Et vous, les Britiches, vous faites quoi ? Vous lui taillez une pipe et vous l'invitez à boire le thé avec votre reine. Vous prenez notre argent et vous le lavez pour nous. Vous nous accueillez uniquement si on a assez d'envergure en tant qu'escrocs. Vous nous vendez la moitié de Londres. Vous vous lamentez quand on empoisonne nos traîtres et vous dites s'il vous plaît, s'il vous plaît, chers amis russes, faites du commerce avec nous. »





Sa mélancolie aussi. Il n'est pas beau, donc le nouveau Monde post-Brexit avec les agissement glaçants du trio Johnson-Trump-Poutine. Tout l'enjeu pour Nat, dans ce monde-là, est de trouver un moyen pour conserver son intégrité morale alors qu'il a perdu toute illusion sur le MI6 qu'il sert. En fait ce roman est profondément désenchanté au-delà de ses saillies satiriques drolatiques. Désenchanté mais qui trace une ligne morale, une droiture, celle de la force du choix individuel, de la liberté dont chacun soit s'emparer pour ne pas laisser le pessimisme le plus sombre gangréner ce monde. Les derniers chapitres sont très intéressants, mettant en scène la force de cette liberté individuelle lorsqu'elle s'allie à une autre ou plusieurs.



Lu dans le cadre du Club VIP Bepolar.com
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Retour de service

Ennuyeux comme une partie de badminton ce roman est passionnant par son analyse sociologique de la Nomenklatura anglaise.



L’intrigue « espionnage » se résume en une ligne : un agent britannique croyant trahir sa patrie au profit de l’Allemagne est tellement intelligent qu’il renseigne la Russie !



Les acteurs de cette tragi-comédie évoluent dans un univers dépourvu de tout souci financier grâce à des bourses de recherche qui financent leurs vacances au Panama ou à des spéculations servant à blanchir les fonds provenant d’opérations opaques.



La plume de l’auteur et de sa traductrice est entachée de tics datés du style « vestiaires genrés » qui plombent le texte mais colorent la caricature sociale.



Long, lent et soporifique ce texte est une déconcertante déception pour tout amateur de John le Carré ou tout admirateur de l’Intelligence Service.



Mais le romancier conserve un regard vif, malgré son âge, et le portrait de la fonction publique anglo-saxonne qu’il dessine est aussi accablant que pessimiste.



Aveuglée par une idéologie mortifère et vautrée dans un matérialisme confortable, cette technocratie passe plus de temps à aboyer contre les « populistes » qu’à se préoccuper du service public.



De tout temps les querelles byzantines annoncent la chute de l’empire ... le retour de service précède la fin de partie !



Prémonitoire et sombre, ce roman sera mobilisateur s’il contribue à un réel « retour de service » de la fonction publique à sa mission organique.
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La Petite fille au tambour

Au début des années 80, en Europe et au Moyen-Orient, le Mossad désire plus que tout débusquer un membre insaisissable de l'OLP , Khalil, qui sème des bombes un peu partout, aidé par de jeunes Européennes. Mais pour attraper un lion, il faut une chèvre, et la chèvre, c'est Charlie, une Anglaise un peu paumée, actrice dans une petite troupe, généreuse, qui milite contre les injustices, le nucléaire, le sionisme…Le Mossad sait que le point faible du Palestinien est son jeune frère lui aussi activiste, dont le point faible est les femmes. Il enlève et tue le frère. Puis un séduisant agent israélien appâte la naïve Charlie, la manipule et la forme afin qu'elle se fasse passer pour la petite amie du défunt auprès de Khalil qui ne tardera pas à sortir de sa tanière.

Si, comme l'écrivit Sénèque, «la vie est pièce de théâtre : ce qui compte, ce n'est pas qu'elle dure longtemps, mais qu'elle soit bien jouée. », celle de Charlie, actrice de seconde zone va dépendre de son talent à incarner des personnages.



A côté de Charlie, la Nikita de Luc Besson peut aller se rhabiller. L'idée de transformer une actrice en espionne est formidable, même si elle n'est pas nouvelle. Joséphine Baker était l'agent de De Gaulle, Cary Grant et Leslie Howard, de Churchill, et Sterling Hayden roulait pour l'OSS. La petite fille au tambour est certes un roman d'espionnage avec des filatures, des valises piégées, des déguisements, des planques, mais il met vraiment l'accent sur le travail de manipulation, de double jeu vécu comme un rôle dans une pièce de théâtre périlleuse qui va mener l'héroïne jusque dans les camps d'entraînement au Liban.

La finesse d'analyse de Le Carré, qui saisit si bien les contradictions et la fragilité de Charlie plongée dans un conflit qui la dépasse, sa manière de décrire le monde comme une grande scène où tous se donnent en spectacle -« La terreur, c'est du théâtre. Nous inspirons des sentiments, nous faisons peur, nous suscitons l'indignation, la colère, l'amour. Nous éclairons les gens. Le théâtre aussi. Le guérillero est le plus grand acteur du monde. »- rendent ce roman vraiment unique.



J'ai d'abord vu l'adaptation en série de The Little Drummer Girl réalisée pour la BBC par le Coréen Park Chan-Wook, avant de plonger dans cet excellent roman. En le lisant, on comprend pourquoi John le Carré reste toujours le maître inégalé du genre. La petite fille au tambour est probablement l'un des meilleurs romans d'espionnage qui m'ait été donné de lire.
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Retour de service

Je n’avais pas relu John Le Carré depuis des décennies. Dans les années soixante, cet ancien agent des services secrets britanniques avait révolutionné la littérature d’espionnage et connu rapidement une consécration mondiale avec l’un de ses premiers romans, L’Espion qui venait du froid (1964).



John Le Carré a puisé son inspiration dans ce que l’on appelait la guerre froide et ses entrelacs de réseaux plus ou moins opaques de renseignement, de noyautage et de manipulation, orchestrés d’un côté du rideau de fer par les démocraties à l’Occidentale, et de l’autre par le bloc soviétique. A l’opposé des agents secrets playboys et cascadeurs ou des espionnes au galbe de séductrices fatales, les personnages de John Le Carré principaux sont d’apparence banale. Les fictions mettent en valeur la réflexion et les discussions feutrées, où l’analyse géopolitique, la stratégie d’influence et la manœuvre psychologique ont la primauté sur l’opération spéciale. Une littérature plus intellectuelle que spectaculaire, ce qui n’a pas empêché certains de ses livres d’être des best-sellers.



À quatre-vingt-huit ans, John Le Carré sort un vingt-cinquième roman, dont le titre français Retour de service est particulièrement bien trouvé, puisque le personnage principal et narrateur, prénommé Nat, est à la fois un pratiquant assidu de sport de raquette – en l’occurrence le badminton, où il excelle – et un vétéran des services actions à l’étranger, en attente de reconversion dans un poste de management à la direction centrale, à Londres.



Dans son club londonien, Nat se voit défier au badminton par un jeune homme timide prénommé Ed. En l’espace de quelques mois, Nat jouera avec lui plusieurs parties, suivies d’un verre au bar du club, occasion pour les deux hommes d’échanger des propos qu’ils pensent sans importance. Mais voilà qu’au cours d’une opération complexe de retournement d’un transfuge, avec l'objectif de transformer un agent double en agent triple, l’activité de badiste (*) de Nat va se télescoper avec sa vie d’officier du contre-espionnage. De vraies-fausses révélations en rebondissements inattendus, la situation pourrait devenir compliquée pour lui…



J’ai aimé retrouver le style de narration de John Le Carré, un peu désuet, très british, au demeurant très fluide et agréable à lire. L’auteur multiplie les digressions dont on ne sait jamais s’il s’agit de badinages accessoires ou de faits à garder en mémoire en prévision de développements futurs. On se sent quelque peu perdu dans le fil de la narration, et même carrément baladé, les intentions de Nat étant parfois confuses. Mais peu importe, ce n’est jamais ennuyeux.



Les personnages restent conformes à la vision de l’auteur. Les agents et les dirigeants des services de contre-espionnage sont des cadres et des cadres supérieurs, tel qu’on en rencontre dans l’Administration et dans les grandes sociétés privées : en parallèle de leurs missions, ils ont des vies de famille compliquées, un patrimoine personnel à faire fructifier, une santé qui les préoccupe, des états d’âme qui les rongent. Ce ne sont pas des héros.



Sur le fond géopolitique, tout a changé, mais rien n’a changé. La guerre froide appartient à l’Histoire, mais la Russie de Poutine, toute postsoviétique qu’elle soit, n’a pas perdu ses propensions à l’entrisme, ce qui oblige, pour le contrecarrer, à mobiliser la meilleure part des services secrets anglais. Et bien qu’en ces temps de Brexit, le Gouvernement de Sa Majesté cherche à s’adosser aux Américains, entre services opérationnels, ça reste un éternel « je t’aime moi non plus ». L’auteur en profite pour dire, sans mâcher ses mots, ce qu’il pense du Brexit, de Boris Johnson, et de Donald Trump.



Sur le terrain, chacun fait donc un peu ce qu’il veut, car les cadres ont une conscience propre, des convictions personnelles… et des intérêts particuliers. La plupart sont capables de trouver un compromis quand il faut tenir compte d’opinions contradictoires. Mais leur autonomie se heurte à la raideur de la bureaucratie, où les réactions sont marquées par un mélange de philosophie du soupçon et de principe de précaution, quand ce n’est pas par de simples réflexes comptables de limitation des dépenses. Décidément, le monde des espions est terriblement semblable au nôtre.



(*) Badiste : joueur de badminton.


Lien : http://cavamieuxenlecrivant...
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La taupe

Et revoici Smiley.

Georges Smiley!

Oh, ce n'est pas qu'il avait disparu bien loin, on l'avait tout simplement du bout du pied, mais fermement, conseillé d'aller cultiver ses tomates. Ce qu'il fit.

C'est un peu comme le bébé que l'on jette avec l'eau du bain, le service a été considéré comme pomme pourrie alors la hiérarchie, et quand on sait que l'on parle d'espionnage, la hiérarchie est très élevée, la hiérarchie donc a fait table rase du service.

Mais voilà t-il pas qu'un agent recueille, à Hong Kong, sur l'oreiller, les propos d'une espionne russe, Irina, pour ne pas la nommer, certifiant qu'il y aurait une taupe au "cirque", service d'espionnage de sa très gracieuse Majesté.

Que fait-on dans ce cas ? On rappelle Smiley bien sûr, chargé par le premier ministre himself de trouver qui est la taupe , d'autant qu'une mission en Europe de l'est tourne très mal pour l'agent britannique sur le terrain, preuve que la Irina n'avait pas menti.



John le Carré, c'est un peu comme la comète, il passe de temps en temps par chez moi et, à chaque fois, égal à lui même, il brille de plein de feux.

Cette fois encore cette histoire est remarquablement construite.

Il faut dire que cela se passe en pleine guerre froide et que dans la vraie vie, la Grande Bretagne a payé le prix fort pour la carence de son service d'espionnage et de contre espionnage, Secret Intelligence Service ou MI6.

Smiley lui est un personnage couleur de muraille, passe partout, d'un calme tout britannique et d'un méthode de rouleau compresseur ne laissant, rien passer.

Cet homme bien connu de son homologue russe qui reconnait que Smiley est l'adversaire le plus difficile à contrer et à surmonter.

Homme comme tout le monde en dehors de son travail il doit affronter l'adversité, y compris le fait d'être cocu, ce que dans son service tout le monde sait, et même composer avec celui qui le cocufie.

Dur, dur.

Mais une mission est une mission et, je répète, rien ne saurait le détourner de sa tâche. A vrai dire on se demande si cette situation, au fond, ne l'arrange pas.



Le livre est un modèle du genre. Certes il faut aimer l'espionnage qui ne correspond pas au bruit de James Bond 007, jamais au grand jamais, ici on n'est pas au cinéma mais proche de la vérité, à savoir pour bien espionner vivons cachés et muets le plus possible.

L'enquête pour trouver la vérité et découvrir la taupe, réalisée par Smiley est toute en nuances, en recherches, en comparaisons, en lectures, en découvertes, bref un exemple de ce qu'il faut faire pour aboutir.

Un grand livre.

Cinq étoiles +

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Silverview



"Silverview" est le 26ème et ultime roman du grand maître de la littérature d’espionnage, sorti à titre posthume le 14 octobre dernier, 11 mois après la mort de John Le Carré d’une pneumonie à l’âge de 89 ans, le 12-12-2020.



"Silverview" est le nom d’un manoir dont les propriétaires jouent un rôle central dans le présent récit et est inspiré par le nom de la maison du philosophe Friedrich Nietzsche à Weimar : "Silberblick".

Le mot en Allemand se réfère également à un léger strabisme.



Dans sa dernière aventure, l’inimitable John Le Carré nous emmène d’une nouvelle librairie quelque part dans une ville balnéaire de l’Angleterre de l’Est à un village isolé dans les montagnes de Bosnie-Herzégovine pendant l’horrible guerre de 1992-1995.

Nous visitons aussi la dernière base stratégique anglo-américaine ultra-secrète dans les Îles britanniques à 300 pieds (presque 100 mètres) de profondeur.



Tout commence paisiblement avec l’ouverture d’une librairie par le jeune Julian Lawndsley, 33 ans, qui a abandonné sa fonction lucrative de courtier à la bourse de la City de Londres et est content d’avoir "renoncé à l’éclat de l'or pour l’odeur de vieux papier".



Un soir, Julian reçoit la visite d’un homme qui fait le tour de la librairie et s’étonne que "Lawndsley’s Better Books" n’ait pas un seul exemplaire en vente du best-seller de W.G. Sebald "Les Anneaux de Saturne". Le libraire s’excuse et s’étonne à son tour de l’allure de cet homme d’une soixantaine d’années qui s’exprime dans un langage châtié et pompeux avec un soupçon d’accent d’Europe Centrale.



L’homme se fait appeler Edward Avon et habite avec son épouse Deborah Garton et sa fille Lily dans le manoir Silverview un peu à l’écart à la sortie de la ville.

Julian ignore que Ted Avon est d’origine polonaise et que lui et sa femme ont travaillé pour les services de renseignements du Royaume-Uni. Lui en Croatie et Serbie, elle au Moyen-Orient.



Comme Avon semble être un expert en littérature, les 2 hommes décident de travailler ensemble pour réaliser un projet super ambitieux d’une "République de Littérature", pour lequel Julian déclare solliciter l’appui du conseil communal.



Peu après une rupture électronique au quartier général des services de renseignements inquiète les hauts gradés, qui craignent une fuite ou pire une trahison. Stewart Proctor, qui nous rappelle George Smiley, un des héros favoris de John Le Carré, est chargé de mener d’urgence une enquête.



À partir de ce double perspectif du libraire Julian d’un côté et les investigations prioritaires de Proctor de l’autre côté, tous ces personnages se retrouvent dans une intrigue à vous couper le souffle.



Selon le plus jeune fils du maître, Nick Cornwell dans un communiqué à la presse, il s’agit d’un authentique Le Carré "à la fois intense, minutieux, lyrique et féroce". Son père y explore "en profondeur l’âme même des services secrets modernes".



La version française du roman paraîtra aux éditions du Seuil au plus tard en octobre 2022. Le titre français n’est pas encore connu.



J’ai lu ce dernier roman de John Le Carré avec des sentiments mitigés d’admiration d’une part pour l’écrivain qui a marqué son époque en nous racontant le jeu de l’ombre parfois perfide de ces agents et agentes de renseignements qui doivent nous protéger de conflits sanglants et le regret d’autre part que ce monsieur qui a vendu plus de 60 millions de livres n’a actuellement aucun successeur de la même trempe et classe.

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L'espion qui aimait les livres

Je remercie Masse critique et les éditions du Seuil pour la découverte de ce roman.



A chaque fois que j'ai tenu en main un roman posthume d'un auteur dont l'oeuvre m'était un peu connue, cela m'a toujours procuré un sentiment d'éternité, comme une bulle intemporelle capable d'arrêter le temps et l'état des choses.



L'espion qui aimait les livres est paru après le décès de John le Carré.

Sans pouvoir le classer parmi les meilleurs ou les plus aboutis, ce roman arbore une charge émotionnelle particulière, car pour la première fois le romancier nous laisse entrevoir les affres de la vie d'espion, le désenchantement, les doutes, les sacrifices et les vies brisées dans un monde fermé, secret et impitoyable.



Tout va un peu trop vite dans ce récit, comme si la plume de le Carré flairait l'urgence.

Le romancier aborde en accéléré une partie de l'histoire de l'Europe, de la fin de la Seconde Guerre mondiale à nos jours.

Les espions pratiquent évidemment l'art du mensonge et de la dissimulation mais ils sont cette fois-ci plus que jamais humains, on nous permet de connaître leurs angoisses et leurs regrets, ternissant ainsi quelque peu l'image d'inébranlables rocs prêts à tous les sacrifices, dont les nombreux romans de l'auteur britannique avaient encensé.



Malgré la plume bien reconnaissable, trempée dans du vitriol et dans un humour noir et au style toujours aussi impeccable, Il y a tout de même une certaine précipitation narrative qui laisse un goût d'inachevé.

John le Carré signe une oeuvre noire et acide qui raconte la fin des illusions.





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Retour de service

Une leçon de géopolitique comme on les aime, dans son dernier roman, John Le Carré met son talent, sa connaissance des relations internationales au service d'une idée : La Défense des valeurs de la démocratie, de l'Europe et de l'éthique dans les relations entre pays.

Pour cela, il crée des personnages hautement symboliques, Nat, l'agent britannique, Anatoly de son vrai nom, né à Paris d'un père écossais d'une mère fille de Russes blancs.

Prudence, son épouse "avocate associée dans un cabinet londonien établi de longue date, spécialiste des affaires à forte composante humaine et surtout des dossiers pro Bono."

Proche de la cinquantaine, Nat est rappelé par le bureau à Londres et hérite d'un placard qui ne satisfait pas son sens du service et le respect des valeurs qu'il a toujours recherché dans son travail. Il n'est pas un salaud.

Mais voilà, depuis l'époque ou avec Prudence ils étaient en poste à Moscou les choses ont changées.

Trump, Poutine, Le Brexit perturbent le jeu des forces en présence et Nat n'y retrouve plus ses petits.

Sa rencontre avec Ed Shannon, un jeune anglais germanophile et europhile va le conduire dans un imbroglio relationnel dont il ne sortira pas indemne.

Il est assez rare que des romans de John Le Carré flirte aussi impudiquement avec l'actualité et ça ne peut que réjouir le lecteur (je dis cela pour éviter de dire ça ne peut que me réjouir).

Les propos qu'il met dans la bouche d'Arkady, un ex agent double que Nat a retourné dans le passé, à propos du Brexit sont éloquents :

"Et le grand président Donald Trump qui aime tant la liberté va sauver votre économie, à ce qu'il parait. Tu sais ce que c'est, Trump ?

- Dis-moi ?

- C'est le nettoyeur des chiottes de Poutine. Il fait tout ce que le petit Vald ne peut pas faire lui-même : il pisse sur l'unité européenne, il pisse sur les droits de l'homme, il pisse sur l'OTAN. Il nous assure que la Crimée et l'Ukraine appartiennent au Saint-Empire russe, que le Moyen-Orient appartient aux Juifs et aux Saoudiens, et merde à l'ordre mondial ! Et vous, les Brioches, vous faites quoi ? Vous lui taillez une pipe et vous l'invitez à boire le thé avec votre reine. Vous prenez notre argent et vous le lavez pour nous. Vous nous accueillez uniquement si on a assez d'envergure en tant qu'escrocs. Vous nous vendez la moitié de Londres. Vous vous lamentez quand on empoisonne nos traîtres et vous dites s'il vous plaît, s'il vous plaît, chers amis russes, faites du commerce avec nous."

Nat est partagé entre la vision de son ami Arkady, celle du jeune Ed qui n'en est pas loin et celle du bureau qui en tout temps a toujours adopté le principe "réal politic" qui le conduit à ménager la chèvre et le chou.

A sa manière, et dans le cadre des limites qui lui sont imposées par le bureau, Nat (n'oublions pas qu'il est un joueur de badminton affuté) va jouer de sa connaissance des langues, des cultures européennes pour retourner la situation à son avantage et éviter les dégâts humains dont le bureau se soucie peu.

Du grand, du très grand John Le Carré. Un livre noir et pessimiste sur l'état actuel du monde qui laisse filtrer une lueur d'optimisme en démontrant que seule la rébellion des individus pourra éviter de subir l'ordre que les nouveaux dictateurs cherchent à imposer au détriment de la morale et de l'éthique !

A lire...
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La constance du jardinier

Voici un thriller engagé qui nous montre les pratiques peu glorieuses des pays riches envers le continent africain. Les laboratoires pharmaceutiques soucieux de développer leurs nouveaux médicaments rapidement et à moindre frais n’hésitent pas à recourir à l’expérimentation humaine sur des populations frappées par la misère. Le paradoxe est très douloureux car ces mêmes médicaments sont destinés à sauver à terme la vie d’autres gens. D’un point de vue très général un tel cynisme peu se défendre mais humainement il est insoutenable. Les gouvernements et tous leurs dignitaires ferment les yeux sur ce lucratif business allant même jusqu’à faciliter les opérations si besoin. Heureusement quelques individus courageux s’insurgent au travers d’associations humanitaires. Le grand mérite de John Le Carré est d’avoir porté le dilemme au sein d’un couple où Justin Quayle fera son examen de conscience de la façon la plus douloureuse qui soit après que son épouse ait été assassinée pour avoir trop fouiné dans les affaires d’un riche magnat local.



Sous des dehors de roman à suspense et engagé, John Le Carré orchestre avec maestria la savante alchimie d’une histoire à l’échelle mondiale, à savoir le lobbying pharmaceutique et plus généralement la condescendance effroyable avec laquelle l’homme "civilisé" traite le "sauvage" africain, et de l’histoire personnelle de deux êtres, celle d'une histoire d’amour (manquée ?) entre un diplomate résigné et sa jeune femme aux idéaux humanitaires. De leurs instants rares d’intimité, comme volés avant que ne les rattrape la fatalité...Car c’est avant tout la psychologie des différents personnages qui fait la force du récit et entretient les ambiguïtés. Le protagoniste principal, Justin, est le flegme britannique personnifié. Constamment calme et maître de lui-même, respectueux des règles de bienséance et de ses supérieurs hiérarchiques. Sa principale passion est le jardinage, prendre soin de ses plantes vertes, activité qui symbolise bien son désir de ne pas importuner autrui et de s'enfermer dans sa petite bulle de codes moraux, docilement et gentiment. Ce n'est qu'au moment où cet homme qui a passé sa vie à contrôler tous ses sentiments perd pied qu'il les extériorise enfin. Tessa, son épouse, est passionnée, engagée, c'est une idéaliste. Elle a des convictions et n'hésite pas à les faire entendre ni à agir en conséquence. Personnage fascinant, entier qui s'intéresse aux autres et rêve de justice. C'est donc le récit d'un couple dont l'avenir est sacrifié pour une cause humanitaire, où l'épouse portait la culotte et faisait des cachotteries à son mari pour le préserver. Heureusement, la mort de Madame Quayle agit comme un électrochoc sur son époux si bien élevé. Une passion évidente les unissait, le mariage était précipité mais c'est à la mort de Tessa que Justin apprend réellement à la connaître et à la comprendre. Enquête politique mais enquête humaine également et qui nous fait voyager à travers le monde en faisant un arrêt prolongé dans les magnifiques paysages du Kenya.



Un très bon roman donc, qui reflète bien le sujet et la problématique de la mondialisation, ses effets pervers et inégalitaires. Une passion pour une cause humanitaire qui se transmet au sein d’un couple, prêt à tout pour se protéger l'un l'autre. Une belle leçon d'humanité et d'amour.

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Retour de service

+++++++ AGENT COURANT À TRAVERS CHAMP +++++++



Le grand maître a probablement voulu se faire un petit cadeau en publiant son 25e roman 2 jours avant son 88e anniversaire, le 19 octobre dernier.



Je dois admettre que j'ai la même fascination pour ce bonhomme que le légendaire Bernard Pivot qui l'avait invité à une de ses émissions "Apostrophes". Émission pour laquelle l'auteur avait demandé un petit délai, question de se rafraîchir son Français ! Voire mon billet du livre de Pivot "La mémoire n'en fait qu'à sa tête" (du 13-4-2017) et des mémoires de John le Carré "Le tunnel aux pigeons" (du 18-4-2017).



Je ne vais donc pas résumer un curriculum, qui je crois est de toute façon généralement fort connu et passer tout de suite à l'action.



Tout au début du récit le personnage principal se présente : Nat, 47 ans, marié à "Prue" (de Prudence) et champion local de badminton. En fait, la réalité est un brin plus compliqué. Il est né à Paris, où son père travaillait pour l'OTAN à Fontainebleau, comme Anatoly, plus tard anglicisé en Nathaniel. Sa mère, une Biélorusse de petite nobilité y fréquentait le cercle des Russes blancs exilés jusqu'à son affaire avec un riche Belge, trafiquant d'armes. Môme, il avait une gouvernante russe, Galina qui lui a apprenait les langues en lui racontant pendant quelques soirs le même conte de fées mais chaque fois dans une langue différente. À la mort de son père d'un cancer, lorsqu'il avait 12 ans, il fut expédié par sa mère en Écosse, où il fit des études de philologie slave. Depuis un quart de siècle maintenant, Nat a travaillé pour le "Secret Intelligence Service", SIS, surnommé par ses employés le Bureau ("The Office").



Pendant toutes ces années, il a été l'agent du Bureau à Moscou, Prague, Bucarest, Budapest, Tbilissi, Trieste, Helsinki et Tallinn à recruter et diriger des agents secrets de tout acabit sous couverture diplomatique ou consulaire. Et maintenant que sera sa vie ? Qui voudra d'un diplomate demeuré dans les grades subalternes ?



Un job lui est finalement offert comme responsable d'un sous-service de l'agence de Londres du Bureau, où l'on case les agents avec qui l'on ne sait pas très bien quoi faire et qu'en haut lieu l'on souhaite "dynamiser". "Haven" - refuge ou sanctuaire - comme cette unité, non sans ironie, s'appelle, permet à Nat de vivre avec sa femme Prue et sa fille de 19 ans, Stephanie, (Steff pour les amis), à Londres, tout en recevant un salaire et, sans enthousiasme, notre homme accepte le poste.



Dans ce dépôt des cas paumés, la jeune, brillante et dynamique Florence tranche avec ses collègues et elle a le dénommé Orson dans le collimateur. Ce soi-disant oligarque ukrainien, qui s'est acheté dans les quartiers chics de Londres un duplex de 75 millions de livres sterling (88 millions d'euros ), a ses entrées au Kremlin et fait partie du gang ukrainien à Kiev favorable à Poutine. Apparemment cette riche demeure dans l'exclusive Park Lane constitue la plaque tournante d'éléments non désirables appartenant au FSB - le successeur du KGB - ou à des groupes de businessmen mafieux, qui bénéficient de la confiance de l'entourage immédiat du Président russe. Quoi qu'il en soit, ce serait intéressant de savoir ce qui s'y trame au juste et l'opération Rosebud (bouton de rose), soit l'installation d'un système ultrasophistiqué électronique de surveillance, est décidée.



Peu d'écrivains savent aussi bien ce que ce genre d'opération de grande envergure et délicate dans une démocratie implique que John le Carré. La préparation de Rosebud se lit presque comme un article du journal Le Monde mais en plus littéraire et avec beaucoup plus d'ironie britannique, bien entendu.



Puis, il y a l'apparition d'un jeune homme étrange, Ed Shannon, à peu près 25 ans et mesurant presque 2 mètres, qui défie Nat de jouer un match de badminton. Comme Ed est un excellent joueur, plusieurs matches ont lieu, suivis de discussions à bâtons rompus à la cafétéria, où le jeune homme vilipende les folies de Trump et du Brexit. Nat est impressionné par ses connaissances, mais se montre réservé. Ed, qui a une soeur handicapée mentale et physique, Laura, pour lui faire plaisir, demande à Nat de faire une partie de badminton à 4. Nat se déclare d'accord et mobilise Florence.



C'est le lendemain de ce 2 x 2 que la bombe éclate : Opération Rosebud a été annulé en haut lieu, pour des raisons de "risques" disproportionnés et Nat apprend que Florence à été renvoyée du service. Les chefs estiment qu'elle est trop émotionnelle pour ce travail.



L'histoire ne s'arrête pas là bien sûr, car à Moscou on n'a pas du tout abandonné les intrigues contre l'Occident et nos héros, Florence, Ed, Prue et Nat ne sont pas au bout de leurs aventures.



Ce roman est une histoire à suspense digne du grand spécialiste qu'est John le Carré depuis 1964 et son inoubliable "L'espion qui venait du froid" . Le maître incontesté des intrigues, du double jeu et des fluctuations de loyauté.



Le contexte est très contemporain, puisqu'a un moment donné, un haut placé du Bureau, regrette que les alliés et voisins ne prennent plus l'Angleterre au sérieux, qui est gouverné par une poignée de nostalgiques de feu l'empire, mais incapables de même gérer une simple stalle de fruit. Mais que voulez-vous "nous sommes spéciaux. Nous sommes British. Nous n'avons pas besoin de l'Europe...Nous sommes des supermen".

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Retour de service

Nat, le narrateur, est un sympathique espion britannique, qui est supposé prendre une retraite bien méritée. Mais une dernière mission s’offre à lui : prendre le management du « Refuge », un repère d’espions décatis censé observer les mouvements des services secrets russes.

Nat vit avec la pétulante Prue, avocate de gauche qui combat les lobbys pharmaceutiques, et ils ont une fille, Steph, dont le moins qu’on puisse dire est qu’elle ne suit pas le chemin que ses parents rêveraient de la voir suivre.

Nat est sympathique. Donc quand, dans son club de badminton préféré, dont il est le Président, un jeune homme vient le défier et lui demander de remettre en jeu son titre de champion du club, il accepte.

Commence alors une relation sportive entre un espion vieillissant et un jeune homme aux idées très arrêtées sur l’actualité : le Brexit est une très grosse bêtise, et Donald Trump une catastrophe pour les États-Unis.

Alors quand sa collaboratrice Florence veut monter une opération très spéciale d’espionnage radical, Nat la soutient activement, jusqu’à ce qu’elle quitte mystérieusement le service, du jour au lendemain, et que, tandis que l’opération va se dérouler, un coup de théâtre saisisse Nat qui n’est pourtant pas né de la dernière pluie …



Comme toujours chez John Le Carré les rebondissements ne cessent de happer le lecteur et font de « Retour de service » un véritable « page turner ». Mais derrière les histoires d’espion très documentées, l’auteur nous livre aussi une réflexion politique sur le monde d’aujourd’hui, dans un contexte de Brexit, de puissance souterraine de la Russie en Angleterre, et d’abandon par les États-Unis de leur rôle de gendarme du monde, livrant ainsi une belle leçon de géopolitique.

Quant Nat, interrogé par ses collègues, diagnostique que Trump est une catastrophe ambulante, on imagine que son auteur n’est pas loin d’épouser les propos de son personnage principal.

Mené tambour battant, « Retour de service » est ma fois plus agréable à lire qu’un exemplaire du Monde Diplomatique, tout en dénonçant finalement la même dérive de nos démocraties occidentales, bien naïves devant toutes les forces qui cherchent à leur nuire.

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L'espion qui aimait les livres

Paru après la mort de son auteur, L'espion qui aimait les livres présente plusieurs personnages attachants. Dès le premier chapitre qui joue le rôle de prologue, on est plongé dans « le renseignement » et on fait très brièvement connaissance avec deux figures importantes du roman. Pour ma part, je les ai oubliées jusqu'à ce qu'elles réapparaissent, et je suis alors retournée lire ce très court chapitre. On découvre les deux personnages principaux au deuxième chapitre. Julian Lawndsley, jusqu'à très récemment brillant trader à la City, a tout plaqué pour acheter une librairie dans un village touristique sur la côte du Suffolk. Les affaires ne marchent pas très bien et Julian commencent simplement à comprendre que le métier de libraire ne s'improvise pas. Alors qu'il prend son petit déjeuner dans le restaurant du coin, le vieux monsieur qui est rapidement passé à la librairie la veille l'accoste et s'installe à sa table. Il se présente comme un (modeste) universitaire à la retraite, passionné de littérature (classique) : Edward Avon. Il a, dit-il, bien connu le défunt père de Julian : ils fréquentaient la même (épouvantable) école privée avant que Henry Kenneth Lawndsley ne rejoigne un groupe d'évangélistes et ne devienne pasteur avant de tout laisser tomber, perdant sa réputation et ses derniers sous, se retrouvant à la rue avec sa femme et Julian. Avon, décidément bavard, confie à Julian que sa femme Deborah est mourante. Il lui suggère aussi d'aménager le sous-sol de sa librairie pour qu'il devienne « un écrin pour une sélection soigneuse des plus grands esprits de notre temps et de tous les temps » qui pourrait s'appeler La République de la Littérature. Julian se méfie un peu du personnage, mais ne peut s'empêcher d'être tenté.

***

Court, pour un John le Carré, si on compare avec les autres, non ? J'ai dû lire 5 ou 6 de ses romans, pas plus, mais je garde un souvenir ému de la Petite Fille au tambour, de Une vérité si délicate, et surtout, surtout, de la Constance du jardinier que j'avais adoré et que je relirai avec plaisir. J'ai trouvé dans L'Espion qui aimait les livres ce que j'ai aimé dans les autres livres de cet auteur : un humour discret et souvent cruel, une ironie sous-jacente, une intrigue complexe présentée de manière à ce que le lecteur doive lui-même faire les liens pour reconstruire une histoire cohérente. On est loin ici des espions à l'intelligence acérée, bardés de gadgets, armés jusqu'aux dents et exterminant leurs adversaires sans états d'âme. le Carré met en scène des espions vieillissants, souvent en quête de rédemption, s'interrogeant sur leur utilité, reniant leur passé par sens moral ou, dans le cas de Avon, écrasé par des traumatismes trop lourds à supporter. Dans la postface, Nick Cornwell, le plus jeune fils de John le Carré, écrivain lui-même, conclut en forme de bilan « […] les espions britanniques ont, comme beaucoup d'entre nous, perdu leurs certitudes sur ce que représente leur pays et sur leur identité véritable. […] notre camp doit le reconnaître : l'humanité des services de renseignement n'est pas à la hauteur de la tâche, et ceci nous interroge sur le fait que cette tâche en vaille la peine. » Les désillusions de l'auteur paraissent dans la colère de certains de ses personnages, me semble-t-il, celle de Julian ou de Philip (voir les deux citations), comme dans la révolte de Lily ou dans celle d'Edward.

***

Je remercie infiniment l'opération masse critique privilégiée de Babelio et les éditions du Seuil pour ce roman original et touchant.

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Le tunnel aux pigeons

Cadeau du nouvel an. Merciii. Merci qui ? Ca, je garde le secret.

Encore une autobiographie, oui mais de qui ? de David Cornwell ? de John le Carré ?

Tantôt plutôt de l'un, tantôt plutôt de l'autre ou l'un raconté par l'autre par petites touches à fleuret moucheté. Et derrière ces anecdotes de vie se cachent en secret ces grandes questions : en fin de compte, qu'est-ce qu'un homme et qu'est-ce qu'une vie ? Ne seraient-ce pas les souvenirs que l'on fabrique et que l'on garde ?



En somme John le Carré s'est regardé dans le miroir aux espions et nous dit y avoir retrouvé nombre de reflets de David Cornwell. Fascinante construction littéraire que ce kaléidoscope de papier où au fil des 350 pages nous pouvons découvrir pas moins de 37 facettes de la vie mouvementée de cet ancien membre des services secrets britanniques passé à l'écriture. Une vie riche de rencontres multiples, inattendues, interpellantes parfois, et de moments en des lieux divers, exotiques, improbables nous laisse entrevoir un message caché : rien ne vaut l'audace de vivre *.



Ne vous attendez pas à de tonitruantes révélations sur Cambridge Analytica (data brokers de vos données personnelles) ni sur Alexandre Varskoï, 31 ans, membre du Batman groupe de hackers russes qui auraient ... (voir Le Point 2314 du jeudi 12 janvier). N'attendez pas non plus la mise à jour de très anciens secrets toujours profondément enfouis. Et rappelez-vous les grands principes de base des services secrets où sont passés maître les services de sa Majesté : la traque de l'information et la dissimulation par la désinformation qui ont toujours prévalus dans l'oeuvre de John le Carré.



Ce qui me fait penser : avez-vous oblitéré la webcam de votre pc ? Est-il bien sécurisé ? Un livre très plaisant à lire, une approche de la vie avec beaucoup de tact, de pudeur d'un caractère bien trempé se protégeant derrière une parfaite ironie. Des Histoires finement écrites, reprises de cette vie sur le fil du rasoir toute en retenue et discrétion. Quelques pistes de l'écrivain sur sa manière de mélanger des éléments de réalité pris sur le vif à une construction imaginaire, jeu cérébral auquel il a été exposé dès son enfance. Bien calé en fin de bouquin le chapitre le fils du père de l'auteur m'a paru le plus personnel, celui où probablement il se livre le plus.



Un autre chapitre m'a marqué Sur le terrain, une leçon de vie et que dire de la très inspirante Yvette Pierpaoli dont on ne peut qu'admirer la bravoure et l'humanité. Des histoires riches qui méritent le temps d'être détaillées, décryptées. D'autres lecteurs trouveront sans nul doute plus leur bonheur dans d'autres histoires comme celles tournant autour du monde du cinéma et des nombreuses adaptations sur le grand écran des romans de l'auteur ou tentatives avortées. Certains seront plus enclins à celles qui se passent en des endroits lointains et exotiques dans des conditions souvent tourmentées. D'autres encore se délecteront de certaines rencontres improbables avec des puissants de ce monde ou bien seront charmés par la puissance de l'autodérision qui apparaît ci et là. Un kaléidoscope de papier où l'ordre des chapitres n'a finalement pas grande importance et comme au sortir d'un tour complet l'on en arrive à la conclusion : c'est beau. Oui au fond le voilà peut-être le message dissimulé, L'ultime secret officiel livré par John le Carré : C'est beau la vie !



Sur ce je vais le prêter à un cousin éloigné qui l'appréciera grandement car il a parfois été sur le terrain près des opérations combinées avec des militaires et je l'ai souvent remarqué, il est à la fois très bien informé et extrêmement discret. Beaucoup plus que moi qui ne peut vous cacher que comme par hasard il vient de se découvrir un grand intérêt pour les oiseaux et le baguage des pigeons.





* Marrant ces associations spontanées qui me viennent à l'esprit de faire soudain germer le titre L'audace de vivre d'Arnaud Desjardins : faudrait-il y voir un sens caché ?
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L'espion qui aimait les livres

Les milieux britanniques du renseignement n’avaient pas de secrets pour John le Carré, décédé fin 2020 à l’âge de 89 ans. Il en avait fait partie dans sa jeunesse, puis avait écrit une vingtaine de romans d’espionnage, parmi lesquels des ouvrages primés et des best-sellers. Publié après sa mort, à l’initiative de l’un de ses fils, L’espion qui aimait les livres avait été écrit au début des années 2010.



L’affaire prend place dans le Suffolk, sur la côte Est de l’Angleterre. A l’exception d’un personnage, tous émargent directement ou indirectement aux services de sécurité du Royaume-Uni. Comme il se doit, ils sont plus ou moins menteurs, manipulateurs et paranos. Lectrice, lecteur, sache que l’auteur en a profité pour te dresser un panorama confus et tronqué des événements qu’il a imaginé. Tu auras au début du mal à t’y retrouver ! Mais si tu sais faire preuve de patience et à condition que tu retournes parfois en arrière pour relire certains chapitres, les choses finiront par s’éclaircir.



Julian n’en sait pas plus que toi. Seul personnage fiable de l’intrigue, parce qu’il ne fait pas partie — du moins pas encore ! — des services de renseignement, c’est un jeune retraité de la City, désormais installé dans une petite station balnéaire, où il vient de racheter une librairie. Ce trentenaire, qui a eu la sagesse, fortune faite, de prendre ses distances avec la finance londonienne, va se trouver plongé à son corps défendant dans un maelström de contrespionnage.



Que cache cet homme âgé nommé Edward Avon, qui s’introduit partout et trouve réponse à tout ? Est-il un ami d’enfance du père de Julian, comme il le prétend, ou est-il né en Pologne, d’un père qui fut complice des nazis ? Ses convictions politiques sont-elles convenables, son pacifisme affiché n’est-il pas douteux ? Est-il un agent britannique et si oui — ne jouons pas sans cesse à cache-cache, c’est oui ! —, quel rôle a-t-il joué, en Pologne, puis en Bosnie dans les années 90, avant d’être rapatrié en piteux état, après avoir assisté à des massacres épouvantables ? Pour être clair, pour qui travaille cet homme cultivé qui affiche son amour des livres ? La question est brûlante, car Edward est depuis plus de vingt ans l’époux de la spécialiste du Moyen-Orient à la direction des Services de sécurité.



L’homme qui devra s’atteler à ces questions est un quinquagénaire d’allure banale, nommé Proctor (un mot qui en anglais signifie procureur ou responsable de la discipline). Tu découvriras, lectrice, lecteur, qu’il est le grand responsable de la Sécurité intérieure du Royaume-Uni. Une longue missive lui a fait part de possibilités de fuites au sein de son administration. Il enquête donc discrètement, afin d’éviter un scandale qui pourrait l’éclabousser… En même temps, il aimerait en savoir plus sur l’intérêt de sa belle épouse pour l’archéologie…



A lire John le Carré, les services secrets britanniques constitueraient une sorte de communauté ; ses effectifs vivraient comme les membres d’une confrérie à plusieurs étages, où des fonctionnaires ayant fait les mêmes études se reçoivent, se marient entre eux, s’entraident mutuellement. La hiérarchie sociale s’aligne sur les grades ou les postes, et chez les plus anciens, les niveaux de réussite professionnelle influent sur les modes de vie, les uns côtoyant l’aristocratie, les autres menant ou préparant une retraite étriquée. Sur le plan de l’efficacité, l’administration paraît poussiéreuse, à l’image de ses locaux datant de la Guerre froide, vétustes, mal entretenus, souvent obsolètes ; ses processus internes sont anciens et peu respectés. Elle semble avoir été conçue naguère comme une structure supplétive du Pentagone américain et elle serait devenue incapable, après le retrait des Etats-Unis de certains fronts, de se trouver une vocation nationale autonome. Un fonctionnement en surplace influant sur le moral et l’engagement de ses agents. Cela ne te laissera pas, lectrice, lecteur, une opinion flatteuse sur la maison qui employait James Bond.



Pour suivre l’enquête de Proctor, tu auras dû reconstituer la chronologie d’indices lâchés dans le désordre par l’auteur. Comme je t’en ai averti(e), il t’aura parfois fallu aussi rebrousser chemin pour relire certaines pages. Une façon pour John le Carré de te prendre au jeu, avec le risque que la fin te laisse sur ta faim. Son intention était, selon son fils, de « dire la vérité, trousser une belle histoire et (te) révéler le monde ». A toi de voir s’il y est parvenu.


Lien : http://cavamieuxenlecrivant...
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L'espion qui venait du froid

L’espion qui venait du froid est le premier roman de John Le Carré, celui par lequel il s’est fait connaître et s’est imposé comme un maître du genre.

Son héros, Leamas est un agent hors pair. Il est «résident» à Berlin. C’est avec Le Carré que l’on se familiarisera à toute la subtilité, l’ambiguité, la duplicité, l’hypocrisie qui se cache derrière ce terme de «résident».

Mais l’agent hors pair connait un passage à vide, ses agents sur place se font assassiner un par un. Le responsable de cette déconfiture (marmelade) anglaise est le responsable des services secrets de RDA.

Son dernier agent encore en vie, Karl Riemeck, se fait descendre alors qu’il tente de franchir un poste frontière en vélo :

«Et brusquement, il s’affaissa et roula par terre, et Leamas perçut distinctement le fracas métallique de la bicyclette heurtant le sol. Il pria le ciel que Karl fût bien mort.» (Page 16)

La façon dont Karl a été piégé reste obscure. Le rôle de sa compagne, en se liant avec une femme il a contrevenu aux règles élémentaires de prudence, est trouble.

Cette dernière est passée en zone libre quelques jours avant lui, et connaissait la date et l’heure à laquelle Karl devait passer. Elle a pu divulguer des informations sensibles malgré elle, dans une RDA où chaque habitant est un informateur en puissance.

Le Cirque avec à sa tête le fameux Geroges Smiley, décide de supprimer l’agent allemand qui est à l’origine de la disparition du réseau de Leamas. Ce dernier se voit confier un rôle déterminant pour construire le piège et le refermer sur «Hans Dieter Mundt, quarante-deux ans, né à Leipzig.(...)Il connaissait par coeur les circonstance de son ascension au pouvoir, jusqu’au grade de sous-directeur de l’Abteilung et chef effectif des opérations. Partout, Mundt était haï, jusque dans son propre service.» (Page 18)

A son retour de RFA, Leamas est censé végéter quelques mois dans un placard du Cirque, il est ensuite remercié sans égards et surtout sans maintien de pension. Les rumeurs sur sa responsabilité et sur ses fautes professionnelles se précisent, Il perd ses amis. Sombre dans l’alcoolisme et vit dans un taudis. Il fait tout pour s’attirer les antipathies de ses voisins et de toute personne qui l’approche.

Il devient un aigri. Un paria. Un rebelle.

Il trouve un travail dans une bibliothèque publique qui est en fait une officine du PC britannique. C’est son premier contact avec l’ennemi. Il est alors approché par des taupes du KGB.

Il commence à balancer des renseignements faisant en sorte d’installer le doute chez ses nouveaux amis quant à la loyauté de HD Mundt.

Mais Leamas doit montrer patte blanche, alors que les rencontres avec les responsables de RDA sont censés se dérouler en Hollande, ces derniers proposent à Leamas de se déplacer en RDA pour confondre le traitre.

Je suis au rancart, répondit-il en grimaçant un sourire stupide. Au rebut, comme une vieille chaussette.

J’ai un peu oublié ce que tu fabriquais à Berlin. Tu n’étais pas par hasard, un de ces Fregolis de la guerre froide ?

« Fichtre ! pensa Leamas, tu brûles un peu les étapes, mon mignon.»

(...)

Tu ne sais pas fit Ashe, (...) tu devrais voir Sam ; je suis sûr que vous vous entendriez bien. Mais au fond, Alec...je ne sais même pas où te joindre(...)

Nulle part, répondit Leamas, apathique. (Page 75)

Ce passage du roman est admirable, dans le style, A sait que B sait qu’il ment, mais veut le convaincre du contraire. B sait que A ment et veut lui faire croire qu’il l’ignore.

Jeux de dupes, jeux de cons, jeux de barbichette où le dernier qui rira recevra une balle dans la tête.

Bien entendu, on pourrait trouver euh...un endroit plus sûr, vous ne croyez pas ?

Derrière le rideau de fer ?

Pourquoi pas ? (Page 97)

Pour donner le change, Leamas accepte le voyage en RDA :

«Il se demanda ce qu’il allait faire. Control n’en avait pas soufflé mot ; il n’avait été question que des détails techniques de l’affaire.

«Ne lâchez pas le morceau d’un seul coup ; laissez-les un peu se décarcasser de leur côté, lui avit-il dit, soyez irritable, insupportable, buvez comme un trou. Ne cédez en rien question idéologie, ils ne vous croiraient pas.» (Page 147)

Là-bas, il rencontre Fiedler, l’adjoint de Mundt, convaincu lui aussi que son supérieur est un agent double.

«Fiedler adorait poser des questions. Parfois sa formation de juriste prenait le dessus, il les posait pour le seul plaisir de souligner les contradictions existant entre la preuve irréfutable et une vérité toujours perfectible. Il possédait néanmoins cette curiosité inlassable qui, chez les journalistes et hommes de loi, est une fin en soi.» (Page 171)

Leamas et Fiedler se ressemblent, à la défense d’un système, qui est le moteur de l’ambition de leurs collègues, il préfèrent le travail bien fait, la précision, la justice, la justesse, tous ce qui rebute leur hiérarchie.

Le roman prend un virage à ce moment. Les deux hommes échangent sur leur métier en oubliant pourquoi ils sont ensemble.

S’ils ne savent pas ce qu’ils veulent, comment peuvent-ils être sûrs d’avoir raison ?

Qui a jamais prétendu qu’ils l’étaient ? répliqua Leamas, excédé. (Page 172)

Leamas s’appuie sur cet allié pour parvenir enfin, pense-t-il à neutraliser Mundt. Ses accusations confirment les éléments d’un dossier à charges constitué par Fielder. Un procès est organisé dans lequel Leamas est le témoin principal. Il jubile.

C’est compter sans la duplicité des services secrets, des deux côtés du rideau de fer. Ils raisonnent selon la logique de la rentabilité optimale et non comme Fiedler ou Leamas sur la légitimité d’une action.

En RDA, on accorde soudain beaucoup d’importance au fait que Fiedler est juif.

En Grande Bretagne, Leamas, comme son dernier agent Karl, a eu une liaison avec Liz Gold, une collègue de la bibliothèque dans laquelle il a travaillée.

A l’Est comme à l’Ouest on va utiliser cette «faute» de Leamas pour considérer qu’il n’est pas un témoin fiable.

Via le PC Britannique on organise un voyage de Liz Gold à Berlin et elle est obligée de témoigner pour clairer le tribunal sur la nature de sa relation avec Leamas :

«- Voila donc, déclara-t-il en se tournant vers le Tribunal, les preuves fournies par la défense. Je regrette qu’une jeune fille dont le jugement est oblitéré par les sentiments et le discernement émoussé par l’argent ait été considérée par nos camarades anglais comme apte à occuper un poste de responsable dans notre parti.» (page 273)

La construction initiale s’écroule :

Mundt était bien un agent double, sa valeur pour Le Cirque a justifié le sacrifice de plusieurs agents britanniques.

«Et, brusquement, avec la terrible lucidité d’un homme trop longtemps abusé, Leamas comprit toute l’effroyable machination.» (Page 284)

- Le juif est confondu, on considère qu’il voulait nuire à Mundt uniquement pour prendre son poste. Leamas et Liz Gold sont saufs. Leur ex-filtration est programmée.

« Ils nous l’on fait tuer, tu comprends, ils nous ont fait tuer le Juif. Maintenant tu sais tout, et que le ciel nous aide tous les deux.» (Page 294)

Leamas sacrifie Fiedler en échange de sa vie et de celle de Liz. Elle, ne le comprends pas.

«Adieu ! dit Mundt d’un ton indifférent. Vous êtes un idiot, Leamas, ajouta-t-il. Elle ne vaut pas mieux que Fiedler. C’est de la racaille, tout ça.» (Page 292)







Le roman boucle. La scène du début où Karl est abattu au pied du mur est rejouée.

Leamas comme Karl chute au pied du mur, il s’est aussi, contrevenant à toutes les règles de prudence, encombré d’une femme durant une mission sensible...

Leamas se rend compte de sa naïveté devant Smiley et de la vanité de son choix guidé par la vengeance, il a vu Mundt comme un ennemi personnel et non comme le bras armé d’un système où il n’y a pas de place pour les sentiments chevaleresques.

Le Cirque s’est appuyé sur la vanité de Leamas pour le convaincre de monter un piège dont il serait la dupe.



L’espion qui venait du froid, fonde l'oeuvre de John Le Carré. On y décèle la marque de ce qui caractérise chacun de ses romans. L’humanité de personnages confrontés à l'autisme de systèmes tournés vers eux-mêmes, broyant tout ce qui s’oppose à leur logique froide, valorisant les hommes uniquement lorsqu’ils peuvent être mis au service de leurs objectifs inhumains.

A lire absolument.
Lien : http://desecrits.blog.lemond..
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Retour de service

Je tiens à remercier les éditions du Seuil pour l’envoi de ce roman.



Talentueux auteur de romans d’espionnage, John le Carré revient à l’âge de 88 ans avec » Retour de service « publié en ce mois de mai 2020 aux éditions du Seuil. Né en 1931, David John Moore Cornwell, dit John le Carré, est un romancier britannique. Durant les années 1950 et 1960, Cornwell a travaillé pour le MI5 et le MI6 pendant la guerre froide et a commencé à écrire des romans sous le pseudonyme de « John le Carré ». Dans son nouveau roman, l’auteur nous plonge au cœur des services du renseignement de Sa Majesté, à l’heure du Brexit, au moment où la Grande-Bretagne cherche de nouveaux alliés entre les manipulations de Trump d’un côté et les agissements souterrains de Poutine de l’autre.



p. 67 : » – […] pour la Grande-Bretagne comme pour l’Europe et la démocratie libérale dans le monde entier, le Brexit pendant l’ère Trump et la dépendance totale que la Grande-Bretagne va avoir envers les Etats-Unis , qui sont entrain de plonger dans le racisme institutionnel et le néofascisme, c’est un méga boxon à tous points de vue. «



À 47 ans, Nat est un ancien membre des services de renseignement britanniques et champion de badminton à l’Athletic Club de Battersea. Marié à Prudence, une ancienne spécialiste de la contre-surveillance, elle s’est reconvertie et traque désormais les agissements des grandes multinationales pharmaceutiques dans un cabinet d’avocats à Londres.



p. 23 : » Pendant plus de deux décennies, d’abord avec Prue puis sans elle, j’ai servi ma souveraine sans couverture diplomatique ou consulaire à Moscou, Prague, Bucarest, Budapest, Tbilissi, Trieste, Helsinki et dernièrement Tallinn, pour recruter et gérer toutes sortes d’agents secrets. «



Comme tous les lundis soir depuis son retour à Londres, Nat se bat pour conserver son titre de champion de badminton, pendant que Prue consacre cette soirée au bénévolat. Mais lorsqu’un certain Ed lui propose de se confronter à lui, Nat pourtant formé à l’analyse et la détection de comportements suspects, ne sait quoi penser de lui.



p. 12 : » Je vous ai regardé jouer, ok ? Et j’ai battu un ou deux types que vous avez battus et aussi un ou deux qui vous ont battu. Je crois bien que je pourrais vous donner du fil à retordre. Sérieusement. Très sérieusement, voilà. «



Dans le même temps, Dom – son ancien chef de station à Budapest et nouveau directeur du Central de Londres lui propose une nouvelle mission.



p. 32 : » – Tu as bien dit » station externe russe basée sur notre sol et restée trop longtemps dans l’ombre » ? La seule que je connaisse, c’est le Refuge, et ce n’est pas une station externe, c’est une station annexe moribonde sous l’égide du Central Londres qui sert de dépotoir pour les transfuges sans valeur qu’on a réinsérés et les informateurs de cinquième zone qui partent en vrille. Aux dernières nouvelles, le Trésor était sur le point de le fermer, mais ils ont dû oublier. C’est vraiment ça que tu es en train de me proposer ? «



Mais aucune rencontre n’est hasardeuse ni les faits un simple concours de circonstance. Tous ont une couverture qu’ils prennent tant à cœur qu’elle se confond avec leur réelle identité ; le mensonge est omniprésent. Les espions sont à la merci des services de surveillance du contre-espionnage. Tout est lié. Personne n’est à l’abri. Personne n’est innocent. C’est une bataille intérieure incessante entre la conscience et le devoir.



John le Carré exploite les failles d’un Brexit à venir, profitant de cette instabilité politique et économique pour y construire son intrigue. L’auteur s’amuse avec son lecteur en usant de nombreux indices trompeurs, de personnages obscurs et tout cela sur fond d’espionnage. Sans contexte, la mayonnaise prend, ses astuces narratives sont efficaces et l’intrigue soignée. L’utilisation du badminton comme métaphore est très astucieuse ! Tout au long du roman, John le Carré s’en sert pour comparer les qualités nécessaires à la pratique de ce sport tout comme elles sont nécessaires à un bon espion : réflexe, patience, stratégie, feinte et réactivité. » Retour de service « s’est révélée une lecture passionnante !
Lien : https://missbook85.wordpress..
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La constance du jardinier

Le diplomate John Quayle débarque à Nairobi au Kenya avec sa jeune épouse Tessa, avocate. La vie de cet agent gouvernemental bascule dans l'horreur lorsque sa femme, révoltée par le sort des autochtones et militant auprès d'OGN est retrouvée violée, assassinée. Partie avec le docteur Bluhm, médecin africain très impliqué auprès de la population celui-ci a disparu. Effondré, Quayle doit néammoins prouver son innocence car la rumeur enfle disant que Tessa voyageait avec son amant. Dès lors l'homme effacé, discret va se faire violence pour faire la lumière sur l'abominable meurtre de Tessa. Et découvrir l'hypocrisie meurtrière de l'Angleterre qui cache la vérité pour protéger le lobby de l'industrie pharmaceutique. Les lecteurs coutumiers de Le Carré seront surpris car ici, point de manipulation, de poker menteur, d'espions retournés, Justin est juste un homme blessé dans sa chair et son honneur, ,indigné et seul, il n'a qu'une idée, laver l'honneur de l'être aimé.

La charge de Le Carré bien que fiction, fait bien évidemment penser aux scandales qui éclaboussent régulièrement les laboratoires pharmaceutiques et l'on ce dit que le réel est peut être dans ces pages.

La belle Tessa hante constamment le récit et l'on se dit que le combat pour rétablir la vérité coute que coute est une formidable preuve d'amour.

Passionnant, glaçant, captivant. Le meilleur Le Carré pour moi.





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L'espion qui venait du froid

On présente ordinairement ce livre comme celui qui a fondé le roman d'espionnage moderne. N'ayant encore jamais lu John le Carré, j'avais bien compris que je n'allais pas me retrouver plongé en pleine jamesbonderie, mais il me faut bien reconnaître que je venais chercher quelque chose d'un peu stéréotypé peut-être : le bon vieux parfum de la Guerre Froide au début des années Soixante, l'atmosphère si particulière de Berlin à l'époque du Mur, le frisson qui vous parcourt l'échine tandis que le Vopo examine votre passeport de son regard implacable, et toutes ces sortes de choses. C'était au temps où le monde se figeait dans un équilibre précaire, équilibre que les nostalgiques de tous poils assimilent aujourd'hui à une stabilité désirable.



En fait, le livre de John le Carré ne parle que très accessoirement de cela. Il n'y a ici ni bons ni méchants : le monde est gris, et plutôt gris très sombre. L'espionnage n'est qu'un jeu où chacun redoute par-dessus tout d'être dupe de l'autre. Tous mentent, tout le temps, à tout le monde et souvent à eux-mêmes pour commencer. La machination que décrit le roman est d'une perversité glaçante, le lecteur ne comprenant qu'à la fin qui en est la cible réelle. C'est un microcosme qui n'existe qu'à travers le jeu impitoyable des rapports de puissance. Pas d'éthique, pas de conscience, ni règle ni droit. Les simples mots d'humanisme ou de justice feraient se tordre de rire si quelqu'un osait encore les prononcer. Le Bureau des légendes, à côté, c'est les Bisounours.

La fin du roman voit le triomphe des arrangements glauques et des compromissions nauséabondes. Tous ceux qui conservaient une part d'innocence ou simplement de sens moral ont été éliminés sans états d'âme. Et ne restent dans le jeu que les cyniques aux mains sales. Très moderne, en effet.
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La constance du jardinier

489 pages c'est beaucoup... Et si je veux être plus sévère encore, je vais écrire tout ça pour ça! Bien sûr, il y a quand même eu quelques passages que j'ai appréciés, mais beaucoup trop de longueurs, dans la lecture de documents ou de mails, dans des échanges oraux... Beaucoup de pages à lire avant que le livre m'intéresse vraiment... Et puis une histoire qui fait la part belle à la voyoucratie qu'elle émerge de la fange ou qu'elle soit en col blanc! A quoi bon se battre puisque les méchants tirent toujours les marrons du feu?

Pas convaincue, je suis même plutôt déçue.
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L'espion qui aimait les livres

Proposition de masse critique particulière de la part de mon fournisseur de lecture préféré "Babelio", j'ai répondu favorablement pour ce livre et je l'ai reçu dans ma boîte aux lettres



Il y a très longtemps, (bien avant la tenue de mon blog ...) j'avais lu "La constance du jardinier" de cet auteur, je n'ai hélas pas trop de souvenirs mais j'avais aimé, je pense…



Le titre de celui-ci m'attirait "L'espion qui aimait les livres", je ne pouvais que succomber.



Mais bon, mon attirance a été de courte durée et je peux dire que cette lecture ne m'a pas réellement conquise.



Il a manqué selon moi, d'une peu de "liant" entre les différents personnages de ce roman et surtout d'explications.



Julian apparait comme le personnage "candide" en quelque sorte de cette histoire ou l'espionnage et le contre espionnage et les espions qui s'espionnent ont semé le trouble dans mon esprit...



Qui est qui, que font-ils, au nom de qui ? Voilà autant de questions restées pour moi sans réponses …



Julian le personnage qui ouvre sa librairie m'a plu mais son personnage n'est pas tellement mis en avant…



On comprend qu'il est le fils d'un espion et qu'il a décidé de changer de vie professionnelle en passant de trader à libraire… Un grand écart qui est assez brumeux et que j'aurais apprécié voir un peu plus expliqué.



L'entrée en scène d'Edward, l'énigmatique Edward va prendre en main la création de sa librairie….Comme ça, l'air de rien…. Edward a bien connu le père de Julian, dont on ne sait pas vraiment grand chose aussi, comme son fils d'ailleurs…



Dans ce livre, les divers personnages se trouvent en parallèle et les chapitres alternent en passant des uns aux autres et j'ai eu du mal à faire les liens entre eux.



On se doute bien que tout va se rejoindre sur la fin et que le livre s'achemine vers ça, mais honnêtement pour moi il manque des explications, des petits guides pour le lecteur et même à la fin je n'avais pas vraiment tout saisi.



J'ai appris par la suite, que ce livre n'a pas été édité du vivant de l'auteur, mais que c'est un de ses fils Nick Cornwell qui l'a sorti a titre posthume…



Alors, selon le fils c'est parce que ce livre en disait trop sur le renseignement et que John le Carré se serait abstenu par respect pour ses anciens employeurs … Mais pour moi c'est peut être parce qu'il manquait dans ce livre des éléments reliant tous les personnages et que John le Carré n'était pas satisfait de son travail d'écrivain….



Mais je fais là, bien des suppositions hasardeuses et je vous invite à lire la postface du livre où le fils de John le Carré s'exprime au sujet de son père et de ce livre.



Toujours est-il que au final, je n'ai pas tellement aimé cette lecture. Tout d'abord, pour son côté un peu "non finalisé ". Je n'aime pas ne pas tout comprendre dans une histoire, et là les zones d'ombres étaient un peu trop nombreuses à mon goût et elles ont gâché ma lecture



Je remercie néanmoins Babelio et les éditions SEUIL



pour m'avoir offert ce livre.



Je suis désolée de ne pas en faire vraiment une promotion formidable…



Je me rends compte aussi que mon billet est nébuleux et pas très bien construit, je m'en excuse.



Mais il reflète le brouillard qui m'a assailli à cette lecture…



Mais je sais que l'oeuvre littéraire de John le Carré, n'en a pas vraiment besoin et que vous trouverez bien d'autres romans pour vous faire plaisir.





Bon long week-end les amis et belles lectures à vous



dans cet automne qui semble enfin s'installer !
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