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Critiques de John Le Carré (778)
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Une vérité si délicate

La raison d'État est toujours la plus forte. John le Carré le démontre une fois encore dans son style inimitable, so british, very précis.

Vous êtes sur le point de serrer une des clés de l'énigme et voilà que le narrateur décrit minutieusement la campagne des Cornouailles ou la façon de beurrer une tartine au cheddar, alors que vous brûlez de connaître des révélations peut-être cruciales. Rien n'est moins sûr cependant en terre espionne, où une pseudo vérité cache souvent la vraie.Les filous et les gentlemen arborent même patience et courtoisie avant d'entrer dans le vif du sujet.

Un thé ? Café ? Eau minérale ? Ou pourquoi pas un pur malt de dix-huit d'âge ?



Le diable est est dans les détails. Dans les arrangements géopolitiques aussi. Sir John règle ses comptes avec les mercenaires, regrette la loyauté de l'espionnage à l'ancienne et pourfend la vilenie du Foreign Office. Un précieux consultant l'a aidé à raconter une sale affaire, enterrée sous le boisseau. La bavure révélée trois ans après la lâche des services spéciaux paraît sacrément plausible.



Ce qui est remarquable chez John le Carré, c'est l'art d'une écriture serrée, porteuse de non-dits propices à nourrir l'imagination. En une phrase, il parvient énoncer le propos d'un interlocuteur, à dire l'intention sous-jacente et à à commenter son effet sur le récepteur. Prodigieux !

J'ai lu "Une vérité si délicate" sur le conseil de son fils cadet, légataire d'un manuscrit inachevé, publié quasiment sans retouches ( L'espion qui aimait les livres ). Dans la postface de l'ultime opus du père, Nick dit sa grande admiration pour un texte considéré comme "l'essence même de son oeuvre".

Je partage vigoureusement son point de vue.

















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L'espion qui aimait les livres

A priori c'est le dernier livre de l'auteur. Ce qui est sûr, c'est que c'est la première fois que je le lis.

J'espère que ce n'est pas son meilleur !

En tout cas, je suis passée complétement à côté.



Je le trouve très long a démarrer. D'ailleurs, en le refermant, je me demande s'il a démarré à un moment !

J'ai trouvé l'histoire très plate.

Beaucoup de personnages ou personnages doubles puisque espions.

Pas de rebondissements flagrants.

Des descriptions à n'en plus finir.

Je me suis tellement ennuyée qu'il est possible que j'ai décroché quelques fois et que du coup, j'ai loupé les rebondissements.



Bref, la plume de l'auteur ne m'a pas effleurée.

Je reste quand même comme l'espion...j'aime les livres, mais pas celui-ci.
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L'héritage des espions

Encore un roman d’espionnage époustouflant, écrit par ce vieil espion gentleman (88 ans) de John Le Carré. Est-ce un roman testamentaire, comme pourrait l’inspirer le titre ? C’est assurément une œuvre pessimiste, d’une infinie mélancolie, mais éblouissante de virtuosité. Si le schéma est simple, le détail de l’histoire est comme toujours d’une complexité déconcertante, pleine de faux-semblants, de fausses vérités et de vrais mensonges ! La trame n’est que l’exhumation de l’affaire Windfall – sujet de son premier roman « L’Espion qui venait du froid » – qui date de 1961 et qui ressort à la suite d’une plainte des descendants des espions sacrifiés à l’époque. La Guerre froide est oubliée, l’atmosphère terrible de l’époque est inimaginable pour les fonctionnaires et autres juristes d’aujourd’hui, bien lustrés et formatés, qui ne voient que le scandale d’un procès qui entâcherait le gouvernement britannique et son fairplay légendaire ! Il faut donc un coupable. Et c’est ainsi que nous retrouvons, en comparution devant d’exécrables petits merdeux arrogants, un vieille figure du « Cirque », Peter Guillam, fidèle second du légendaire George Smiley, lui-même, dans l’ombre, en filigramme, marionnetiste insaisissable.

Tout d’abord enthousiasmons-nous pour le tour de force : ce livre, composé presque exclusivement de dialogues, interrogatoires, lectures de rapports ou monologues, réussit à vous tenir en haleine tout du long, tel un polar musclé à l’américaine ! La véracité en plus. Le style parfaitement maîtrisé et toujours adapté à la situation y contribue beaucoup. Et pourtant c’est un livre que j’ai écouté en livre-audio, ce qui n’épargne aucun style un peu bancal. Pensez à «  l’épreuve du gueuloir » de Flaubert !

On va et vient donc entre aujourd’hui et le début des années soixante et son mur de Berlin tout neuf. Nos héros d’alors ont soit disparu soit bien vieilli. « Ils ont pris sur eux la responsabilité d’essayer de changer le monde. Et n’y sont pas parvenus. »
Cynques patriotes, ils étaient déjà désenchantés et lassés de leur monde de risques, de trahisons, de mensonges, de doutes sur toute réalité. Maintenant s’y ajoutent le remord, la culpabilité, la hantise d’avoir «  pêché ». 
En outre John Le Carré dresse, comme à son habitude, un merveilleux portrait de femme en la personne de Tulip dont il se sentira à jamais inconsolable. Mais ne trahissons rien, il y a assez de traîtres au « Cirque » et à la Stasi !
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La Maison Russie

Je suis assez étonné de constater que l’audience de John Le Carré est aujourd’hui bien loin de refléter la notoriété et la qualité de son œuvre. Pourquoi si peu de lecteurs, si peu de commentaires pour une œuvre dont douze romans ont été portés à l’écran avec des interprètes du niveau de Richard Burton, Anthony Hopkins, James Mason, Diane Keaton, Pierce Brosnan, Jamie Lee Curtis, Alec Guiness ou Ewan Mac Gregor ?

La Maison Russie, adaptée au cinéma en 1990, n’a rien à voir avec une énième aventure de 007, en dépit de la présence en haut de l’affiche de Sean Connery associé à Michelle Pfeiffer. Il me semble que, pour un néophyte, cette aventure éminemment romanesque serait une introduction idéale à l’univers de John Le Carré qui associe à une langue impeccable des destins individuels, des personnages complexes souvent bouleversants et des réflexions philosophiques et politiques de qualité.

Ici, il est question de littérature, de secrets bien sûr, mais aussi d’idéalisme, de sacrifice et d’amour sincère et altruiste. On y découvre de nombreux aspects de la vie quotidienne du Moscou des années 80, dans le milieu littéraire et les coulisses de la foire du livre entrouverte aux éditeurs étrangers sous le regard vigilant et indiscret d’un KGB nullement désarmé par la Perestroïka (reconstruction) et la Glasnost (transparence). On y apprécie un personnage aussi magnifique qu’excentrique, le genre de type, cultivé, amusant et volubile, qui illumine votre soirée ou votre week-end avec son saxophone et ses histoires drôles, et sait charmer en un clin d’œil deux gros bras de la CIA ou le président de l’union des écrivains soviétiques. Un personnage volage et flambeur, capable d’appeler sa fille au téléphone vers une heure du matin pour lui demander « pourquoi les rhinocéros se peignent-ils en vert ? » mais aussi, alors qu’ils sont tous les deux ivres morts, de promettre à Goethe : « si vous arrivez à être un héros, je serai un être humain digne de ce nom ».

Qui est le mystérieux Goethe, que les artistes moscovites révèrent et qui ne veut parler qu’à Barley ? Les hommes du MI6 et de la CIA aimeraient bien le savoir. Goethe sera-t-il héroïque, Barley tiendra-t-il sa promesse ? Espion par hasard et par amitié de beuverie, trouvera-t-il l’amour véritable ou un destin fatal ?

Pour le savoir, interrogez « les hommes en gris » de La Maison Russie et partez avec Barley pour la foire du livre de Moscou. Vous y entendrez les espoirs de liberté des écrivains russes, tandis que le KGB vous écoutera. Vous croiserez la belle Katia qui vous expliquera comment deux billets pour la Philharmonique deviennent deux chemises de cow-boy pour ses jumeaux et son père vous contera ses combats de Leningrad pendant la Grande Guerre Patriotique. Sur la tombe de Pasternak, restez près de Barley qui récite la première strophe de « Prix Nobel » et ne le quittez pas de la soirée, sauf si vous n’aimez pas la vodka. Bon voyage et vive John Le Carré !

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Un homme très recherché

Parrallèlement à la sortie du très beau film ( dernier rôle de l'immense acteur Philip Seymour Hoffman), Les Editions Points réédite le livre dans lequel je me suis plongé dans la foulée et si l'intrigue m'a paru un peu plus complexe moins claire que celle du film, la lecture démontre que les livres de Carré sont des romans dans lequel le récit a moins d'importance que les personnages pour lesquels on s'attache bien plus dans des romans d'espionnage.



A lire en priorité pour ceux qui ont raté le film en salles et qui veulent vérifier que l'espionnage ne résume pas qu'à 007.
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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L'espion qui venait du froid

J'aurai aimé apprécier ce livre plus encore. Ayant été quelque peu déçu par une première lecture de John Le Carre (Single & Single), j'abordais l’œuvre phare de l'auteur avec un peu d'appréhension mais également avec espoir.



Certes on retrouve dans ce roman iconique les imageries traditionnelles (et espérées) du roman d'espionnage des années de guerre froide : faux passeports, documents secrets, mallettes,... On y découvre aussi un peu les arcanes de cet univers perclus de cynisme.



Mais en dépit de ces bons ingrédients et d'une mécanique aboutie , je n'ai malheureusement pas été emporté par cette écriture. Peut-être parce que l'auteur à un trop grand souci de coller à la réalité, peut-être parce que le style est déjà un peu daté, peut-être parce que le héro n'en est pas vraiment un également.



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L'espion qui aimait les livres

Angleterre. Julian s’est extirpé d’une vie tumultueuse à La City pour s’exiler dans le Norfolk et y ouvrir une librairie. Le calme sera de courte durée. Edward, immigré polonais habitant une demeure cossue à l’entrée du village, pousse la porte de la librairie et s’immisce peu à peu dans la vie professionnelle et familiale de Julian.



Pendant ce temps à Londres, un agent haut placé des services de renseignements reçoit une curieuse missive laissant supposer qu’une taupe divulguerait des informations confidentielles. La traque est lancée.



John Le Carré nous livre ici une intrigue palpitante et savamment orchestrée. Il immerge son lecteur dans les méandres de l’espionnage à travers un portrait au vitriol du renseignement britannique. Il y a, outre une plume habile, juste ce qu’il faut d’humour et de cynisme pour dépeindre un système qui déraille jusqu’à mettre en danger la diplomatie quitte à sacrifier ses agents.



Ecrit dans les années 2010 mais jamais publié, on peut deviner la raison pour laquelle ce roman est resté dans le tiroir secret. John Le Carré était convenu avec son fils, lui-même écrivain, de publier tout texte (achevé ou non) à sa mort. L’espion qui aimait les livres était en revanche abouti et à en juger la teneur, l’auteur apporte ici à titre posthume la dernière brique, et non des moindres, à son héritage littéraire. Comme un dernier témoignage de celui qui, dans une ancienne vie, était agent du renseignement britannique, ce récit aux allures d’ultime avertissement lance un sacré pavé dans la mare.



J’ai découvert John Le Carré à travers ce roman et ne peux donc le relier à l’ensemble de son oeuvre. Il est sûr que je vais pallier rapidement ce manque !



Merci à Babelio et aux éditions du Seuil pour cette découverte et leur confiance.
Lien : https://mamanlyonnaise.wordp..
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L'espion qui aimait les livres

Julian Lawndsley, 33 ans, a décidé de fuir sa carrière à la City de Londres : il s'installe dans une petite station balnéaire sur les côtes du Suffolk et ouvre une librairie.

Il y rencontre les habitants et notamment Edward, vieil homme qui serait allé à l'école avec son père et dont la femme est mourante.

Mais les apparences sont parfois trompeuses et le paisible vieil homme dissimule pléthore de secrets!

Un roman très sympathique d'espions plus ou moins retraités qui lève le voile sur la vie privée des serviteurs de sa majesté.

Un grand merci à Babelio et aux éditions du Seuil pour cette lecture.

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Retour de service

Ultime feu d'artifice pour le magicien de la géopolitique et de l'espionnage. A 88 ans, un an avant sa disparition, la grand écrivain britannique n'a pas raté sa cible : le Brexit -que cet europhile convaincu considérait comme une faute majeure-, mais aussi les deux clowns grotesques menaçant une planète destabilisée, le duo Trump-Poutine.

Rassurez-vous, ce livre n'est nullement un pamphlet académique. John Le Carré a conservé à cette occasion toute sa verve et son humour pour nous offrir une histoire magnifiquement ficelée. Tout commence par une partie de badminton, cadre d'un rapprochement amical improbable entre Nat, membre des services secrets anglais en fin de carrière (quasiment sur une voie de garage) et Ed, un jeune idéaliste hostile à la politique de son pays tournant le dos à l'Europe, hostile egalement au duo précité.

La suite va de manipulations en retournements entre espions de plusieurs obédiences jusqu'au moment où Nat choisit de prendre le contre-pied de son service pour éviter au malheureux Ed, devenu par naïveté le jouet de l'espionnage russe, de sombrer.

Cette fois donc, dans cet univers de l'ombre et du faux-semblant, l'humanisme triomphe du cynisme avec les conséquences qu'on imagine pour les protagonistes de ce billard à multiples bandes.

D'aucuns avaient voulu mettre au rancart l'auteur de "La Taupe" lorsque la chute du mur de Berlin avait signifié la fin de la guerre froide. C'était faire fi de la capacité du Maître à analyser chacune des époques traversées à travers le prisme éclairant de l'espionnage pour en donner une représentation pertinente. Le tout proposé avec un style unique où la dérision et le désenchantement enrichissent le propos.

Le vieux lion a rugi une dernière fois. Avec panache et majesté.
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L'espion qui venait du froid

Faux passeports et valises de billets,  pellicules, échanges de coups tordus et basses exécutions.. rien ne manque pour nous plonger dans cette époque de guerre froide, dont John Le Carre fut un maître quasi documentariste...

Pas toujours facile à suivre, les négociations sont tortueuses, le double langage est permanent et chaque indice nécessite une attention soutenue pour arriver à garder le contact avec l'intrigue.

Rien de spectaculaire, pas de second degré, l'auteur nous fait partager au plus près du terrain et dans les pas de Leamas cette ambiance d'incertitude, de danger permanent, de méfiance envers tout le monde.

Je ne suis pas un fan des romans d'espionnage mais il faut avouer que celui-là est vraiment bien fait, et aujourd'hui il prend une valeur historique !
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La constance du jardinier

Un roman plus facile à lire que la série des gens de Smiley mais un peu moins intéressant à mon goût surtout si on le lit en ne voyant que l'enquête menée par le mari de l'avocate assassinée. On peut aussi y voir des sujets plus proches de l'actualité sur le pouvoir de l'industrie pharmaceutique, sur le mépris du tiers-monde ou sur le choix bénéfices-risques de thérapie. J'ai aussi voulu y voir une vraie histoire d'amour entre une belle avocate qui veut protéger son mari de ses activités et un mari qui est prêt à risquer sa vie en mémoire de son épouse sur fond de confiance mutuelle inébranlable. Tout ceci a fait une lecture agréable.
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La taupe

Certainement un des meilleurs romans d'espionnage.... Parce que tellement réaliste.... Très loin des James Bond hollywoodien;... Même à l'écran... (voir la version avec Bénédict Cumberbatch, Colin Firth, Mark Strong, et surtout dans le rôle de Smiley: Gary Oldman) . le Film ne trahit pas du tout le livre, malgré quelques petits changements, que je vous laissent découvrir... Si vous avez aimez le film, lisez le livre.... Parce que l'on en apprend tellement plus sur chaque personnage... Et surtout un peu plus sur les motivations de la Taupe... Un être tellement déçu et désabusé.... Ambiance dramatique post affaire des 5 de Cambridge garantie....

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Retour de service

Tout a déjà été dit dans les excellentes autres et précédentes critiques : ce roman est un bon John le Carré. Je ne le qualifierai pas d'excellent, car la fin me dérange. Ne lisez pas si vous ne voulez pas vous faire divulgâcher la fin du livre : mais enfin, qu'est-ce qui a pris le Carré de nous torcher une fin pareille ?

J'ai l'impression que ce qui importait surtout à John le Carré c'était de balancer ses vérités sur Trump, Poutine, le Brexit, l'incurie des services secrets de sa très gracieuse Majesté. Et peut-être aussi de faire passer un message à l'Europe par le biais du roman ? Quand il faut à tout prix protéger ses sources, on ne peut pas forcément publier une information sensible dans un journal, dès lors le roman s'avère un excellent moyen. le message le plus important, le plus fort que nous fait passer John le Carré est le résumé du document « Jéricho » :

« ce qu'il a lu était la preuve indiscutable d'une opération secrète anglo-américaine déjà au stade de la planification avec le double but de saper les institutions sociales-démocrates de l'Union européenne et de démanteler nos tarifs douaniers internationaux, dit-elle avant de prendre une nouvelle inspiration, puis de continuer. Dans l'ère post-Brexit, la Grande-Bretagne aura désespérément besoin d'intensifier ses relations commerciales avec les États-Unis. Les États-Unis sont d'accord pour répondre aux besoins de la Grande-Bretagne, mais en y mettant leurs conditions. Une de ces conditions sera une opération secrète conjointe pour recruter par la persuasion (chantage et pots-de-vin compris) des officiels, des parlementaires et des faiseurs d'opinion de l'establishment européen. Et aussi de propager des fake news à large échelle pour exacerber les différends existant entre les États membres de l'Union. »

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Un pur espion

Le Carré affirme qu'il a créé le personnage de George Smiley pour remplacer le père, honnête et respectable, qu'il n'avait pas eu. "Je me sentais socialement désorienté, privé de repères parentaux auxquels me raccrocher, et je me suis inventé ce père de substitution", dit-il. "Il représentait pour moi une catégorie de gens en voie de disparition, dotés d'une sorte de décence, de dignité, dont on pensait communément qu'elle était l'apanage du gentleman britannique", dit-il encore avec un sourire indéfinissable (Arte. 9 nov 2008).

Ici, il règle (une partie de) ses comptes avec ce père qu’il décrit sans concessions, comme charmeur, hâbleur, noceur, flambeur, menteur, voleur, tricheur, sans cœur et sans honneur. C’est fait avec la distance et le style admirable qu’on lui connaît. L’ironie est implacable d’autant qu’elle est placée dans la bouche et les pensées de l’enfant d’une dizaine d’années qu’était l’auteur à l’époque.

Il règle également le compte des services secrets, de leurs rivalités intestines, de leurs égos et de leurs chefs de service ineptes, prenant les vessies qu’on leur sert pour des lanternes qu’ils vont ensuite agiter en hauts lieux avec autant de certitudes que de satisfactions. Derrière les paravents des Défenses nationales, ne cache-t-on pas également de nombreux intérêts personnels ?

Que reste-t-il, sinon l’amitié ? Une amitié de jeunesse, celle des années de vaches maigres et de bohême. Si elle a bien survécu à la séparation et à l’usure du temps, est-elle, pour autant, exempte d’arrières pensées ? L’amitié est-elle de taille à résister à la raison d’état ?

Nous sommes ici au cœur de l’œuvre de Le Carré, toute entière centrée sur le mensonge et l’abandon. Le rideau de fumée initial toujours très épais ne se dissipe que sur la fin en posant une nouvelle fois une des questions centrales de son œuvre : tous ces mensonges, ces coups tordus, ces renoncements, ces sacrifices, ces existences en pointillés ou massacrées sont-ils justifiés par un intérêt supérieur ? Si dans certains de ses chefs-d’oeuvre, la réponse est positive, ici elle est clairement négative. Et lorsqu’il apprend que son escroc de père a rendu son dernier soupir, au moment où il déclare « Je suis libre », c’est toute une vie de mensonges qui peut enfin voler en éclat. Il va, en remontant le temps, entraîner son lecteur à la recherche de l’ultime escroquerie, plus forte que toutes celles de son père, l’escroquerie de sa vie entière, lui l’espion de haut vol, méthodique, sérieux et brillant.

« Dans la vie, dit Proust, on finit toujours par faire ce qu’on fait le moins bien. Je ne saurai jamais ce que Pym aurait pu faire de mieux. Il accepta la proposition de la Firme. Il ouvrit son Times et découvrit avec un détachement similaire l’annonce de ses fiançailles avec Belinda. Voilà, je suis casé, songea-t-il. Si la Firme se charge d’une partie de moi-même et Belinda de l’autre, je ne manquerai plus jamais de rien. »

Il ne pouvait pas savoir que, sur la fin, c’est la vérité qui lui manquerait le plus. Peut-être était-il fait pour une vie limpide, droite et digne. Comme un George Smiley ?

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Le Tailleur de Panama

Ce que j’aime le plus dans les romans d’espionnage, et dans ce livre, ce sont les fins ou plus exactement le moment avec LA révélation qui fait s’enchaîner toutes les conséquences des décisions prises dans le roman. Le moment où il n’est plus possible de reculer et quand les personnages savent qu’avancer est la seule option même s’ils doivent y laisser des plumes.

Le roman agit comme une partie d’échecs, à la différence que l’auteur est le seul à pouvoir manipuler les pièces et donc à pouvoir faire un coup de maître, comme c’est le cas ici avec John le Carré.

Les chapitres courts donnent un rythme effréné au livre et en font un bon page-turner. Le sujet est toujours d’actualité, traffic, corruption, difficile de ne pas faire le lien avec les Panama papers.

Quoi de mieux que l’aide d’un tailleur pour faire tailler un costard à tous ces gens véreux ? C’est avec lui qu’Andrew, notre espion, va tenter de délier cette affaire. Sa jeunesse rivalise avec sa naïveté, il se laisse aussi prendre les mesures par le tailleur car après tout c’est bien d’Harvey Pendel dont parle le titre. J’ai aimé le fait d’avoir des doutes sur son rôle, cela rajoute à ses phrases un intérêt particulier.
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Un traître à notre goût

"Ma conclusion d'expert, assène-t-il, est que, en tant que grande nation, nous souffrons de pourriture managériale du sommet à la base."

De quelle grande nation nous parle cet Hector, des services secrets britanniques? Et bien, de la sienne, bien sûr..



La rencontre d'un couple de jeunes anglais avec un mafieux russe en très mauvaise posture.

C'est vrai qu'il y a un côté peut-être un peu caricatural dans certains portraits , notamment de celui de ce jeune couple britannique.

Mais j'ai retrouvé Le John Le Carré tel qu'il est depuis un certain temps. En colère. Et si les écrivains ne se mettent pas en colère, qui va s'y mettre. Enfin, pour commencer..

Mais une colère à l'anglaise, pleine d'ironie et d'humour, assez noir , mais quand même, toute en allusions.

L'empathie, c'est pour ce mafieux russe qu'il l'exprime, pour ce qui l'a amené là,et pour l'enchainement inéluctable de certains parcours de vie . De ceux qui amènent à se retrouver à la Kolyma à 14 ans, ou emprisonné dans une grotte à Bogota. Ou à aller voir son fils deux fois par semaine en prison.

Avec un récit encore une fois très construit .

Avec, et il est très fort pour cela, encore une fois une fine analyse des rapports de force entre les personnages.

Ce qui fait une oeuvre, finalement.



J'ai appris un peu plus ce qu'étaient les vors à la Kolyma.

J'ai appris à quoi pouvaient servir certaines loges à Roland Garros, ça alors!

Je n'ai pas appris qu'en matière de blanchiment d'argent, la ville de Londres n'avait pas à rougir.



Quant à la fin.. Logique, non?

Elle m'a rappelé un évènement similaire survenu il y a quelques années en Polynésie française. Jamais de preuves, bien sûr,et il n'y en aura jamais, mais survenu après certaines disparitions très très suspectes et toujours non élucidées malgré les familles qui, courageusement, ne se résignent pas.Certains avaient avoué, d'ailleurs.. mais sont revenus sur leurs aveux , on se demande pourquoi. D'autres ont eu des accidents tout à fait regrettables, ça arrive, bien sûr, mais quand ces accidents mortels se répètent, c'est que sur ce groupe qui ne sait pas tenir sa langue, la malchance s'acharne vraiment..

Des évènements qui surviennent au bon moment pour certains , du ni vu, ni connu , et hop, on passe à autre chose. Les océans profonds sont des tombeaux bien pratiques.

Et d'aucuns voudraient qu'on ne soit pas en colère?





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La constance du jardinier

Un roman d’espionnage et l’enquête sur l’assassinat de Tessa, épouse de Justin Quayle, employé au Haut-commissariat de Nairobi. Un roman ressenti comme un prétexte à dénoncer les pratiques des laboratoires pharmaceutiques en Afrique.

Pour moi, 100 pages de trop ! Beaucoup de longueurs quand l’auteur évoque les exactions des laboratoires pharmaceutiques tout en précisant, de façon très claire à la fin du livre, que tout n’est qu’invention, autant les personnages que les firmes et organisations.

L'élement positif que j'accorde à l'auteur c'est la qualité de son écriture.

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La taupe

"La Taupe" est mon premier roman d’espionnage. Le film sorti en salles en début d'année m’avait assez favorablement impressionnée pour que je me lance dans la lecture de John le Carré. Verdict ? Et bien, c’est bon, c’est même très bon ! Contrairement à ce que je craignais avant de commencer ma lecture, les intrigues sont certes très cérébrales, mais n’ont rien de mécanique ou de déshumanisé. Au contraire : si les machinations ont la part belle chez le Carré, les personnages restent très humains et c’est cette humanité qui grippe la machine et fait dérailler les plans les mieux huilés.



J’avoue un gros faible pour le personnage principal : ce bon vieux Georges Smiley, petit homme rondouillard et binoclard, pétri de scrupules et de principes, et dont les seuls atouts sont un QI ahurissant et un sens de la déduction qui ne l’est pas moins. Il est attendrissant comme tout ce petit bonhomme et puis un espion humaniste, ça vaut tout de même le coup d'oeil… Avec ça un style très vivant et agréable à lire.



Oh et le plan des russes était tout de même sacrément bon : certes il a fini par foirer, mais force est de reconnaître que c’était un plan splendide et que ce n’était vraiment pas la faute de ce « cher ange » de Karla, le maître-espion soviétique – comme l’appelle Connie la subordonnée de Smiley dans un passage joliment surréaliste – si les choses ont un peu déraillé sur la fin. Décidément une excellente lecture !
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L'espion qui aimait les livres

Le libraire



Je suis vraiment chanceuse ! J’ai reçu ce livre dans le cadre d’une masse critique privilégiée et je ne saurais trop en remercier Babelio et les éditions du Seuil.

J’ai lu beaucoup de romans de John Le Carré, pas tous cependant, il y a même quelques années que je ne l’avais pas fait. Aussi lire son tout dernier livre, publié de manière posthume grâce à son fils Nick, revêt, à mes yeux, une importance particulière. En fait, je n’ai pas lu L’espion qui aimait les livres, je l’ai dévoré (bon, il ne fait que 225 pages, il est vrai !).

Le livre tourne autour de trois personnages principaux : Stewart Proctor membre éminent des services de renseignement britanniques, Julian Lawndsley, un jeune homme qui a quitté son job très rémunérateur de trader à la City et vient d’ouvrir une librairie dans une petite ville balnéaire du Suffolk, et Edward Avon… Ah Edward, ou plutôt Edvard, un riche rentier, d’origine polonaise semble-t-il, vivant dans une belle demeure (un peu décatie toutefois) de la station balnéaire en question, avec son épouse mourante et sa fille Lily… Edvard se présente à Julian comme un vieux camarade de feu son père et s’enthousiasme pour la librairie ! En quelques visites, il gagne la confiance de Julian qui, il faut bien le reconnaitre, s’ennuie ferme dans son nouveau rôle de libraire. Quant à Proctor, eh bien il est « dans la mouise » pour parler franchement… et avec lui le Service, à cause d’une taupe qui ferait fuiter des informations très sensibles vers l’étranger…

Roman d’espionnage et sur l’espionnage, L’espion qui aimait les livres ne fait pas dans l’esbroufe. Les espions sont des êtres humains, avec des sentiments, des doutes, des failles, que les services de renseignement, devenus d’affreux rouages bureaucratiques et administratifs, gangrénés par des rivalités politiques et politiciennes, broient lentement. Le chapitre mettant en scène Proctor et les anciens officiers traitants, Philip et Joan, est particulièrement édifiant.

Roman profondément humain, à l’image de l’œuvre de John Le Carré (je pense particulièrement à La Constance du Jardinier qui reste, pour moi, l’un de ses meilleurs livres) poignant même par certains aspects, même si l’humour est très présent, c’est également un roman résolument engagé (dans la postface, Nick Cornwell explique dans quel état d’esprit son père a écrit ce roman, et pourquoi –selon lui- il ne l’a pas publié de son vivant -alors qu’il l’avait terminé bien avant son décès survenu en 2020).



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Retour de service

Cela faisait bien longtemps que je ne m'étais plongée dans les labyrinthes du Renseignement britannique dont John Le Carré est sans aucun doute le meilleur guide. Mais, faute de nouvel épisode de James Bond terrassé comme tout le monde par le virus, ce Retour de service m'a semblé particulièrement approprié pour terminer en beauté le mois anglais. Et je ne me suis pas trompée. Comme d'habitude, c'est subtil et addictif avec une réelle portée politique et sociétale, ce que j'aime chez Le Carré ; j'ai encore en mémoire les dénonciations des abus des laboratoires pharmaceutiques dans La constance du jardinier. Ici, l'auteur interroge avec brio la notion de patriotisme, sur fond de Brexit, de Trumpisme et de réorganisation politique en Europe. Le point de vue qu'il nous offre sur le monde, par l'intermédiaire d'un vétéran des services secrets qui le contemple comme il le ferait d'un jeu d'échecs est à la fois instructif et glaçant. Heureusement, l'ironie, si chère aux esprits anglais est là pour nous rappeler que nous pouvons encore peut-être garder le contrôle.



C'est Nat qui a la parole. A quarante-sept ans, le voici de retour à Londres après de multiples postes sous couverture et sur le terrain ; alors qu'il s'attend à être mis sur la touche, on lui confie la direction du Refuge, une sorte de dépendance du département Russie, pas très reluisant. Ce qui lui laisse du temps pour s'adonner à son passe-temps favori, le badminton (ce qui n'est pas anodin : "Le badminton, c'est de la subtilité, de la patience, de la vitesse, des remontées impensables. (...) Les badistes sont généralement des solitaires qui ne cultivent guère la convivialité. Pour les autres sportifs, nous sommes un peu bizarres et sans amis"). C'est d'ailleurs à son club qu'il est un soir abordé par Ed, un jeune homme qui tient absolument à jouer avec lui. Après quelques parties, une relation se noue, Ed, très remonté contre son époque déverse ses sarcasmes anti-trump, anti-brexit, Nat l'écoute d'une oreille amusée tout en s'investissant dans une opération initiée par l'un de ses agents, Florence qui semble avoir levé un lièvre au cours de la surveillance d'un agent dormant. De manière inexplicable, les trois vont se trouver pris dans un enchaînement d'événements dont ils étaient loin d'avoir perçu les véritables enjeux ; et il faudra tout le savoir-faire de Nat et l'ingéniosité de sa femme, Prue pour s'extraire de la nasse.



Tiens, Prue. Je crois que c'est mon personnage préféré. Elle est étonnante, avocate spécialisée dans les actions contre les laboratoires pharmaceutiques (décidément...) elle a d'abord séjourné avec Nat lors de ses premières missions avant de préférer s'installer à Londres. Très aguerrie aux méthodes des services de renseignements, peut-être plus espionne qu'une vraie, intelligente, pleine d'humour (rien que cette répartie lorsque Nat lui propose d'inviter Ed à la maison pour lui présenter : "J'ai comme l'impression que vous vous faites beaucoup de bien l'un à l'autre, mon chéri. Garde-le donc pour toi et laisse-moi en dehors de tout ça"), elle forme avec Nat un couple équilibré comme on aimerait en voir plus souvent. Un vrai bonheur. Au-delà des personnages et de l'intrigue, tout est dans le ton qui oscille entre la chronique d'un monde devenu fou et la satire alors qu'une pointe d'humour et de flegme irrigue chaque page. Le maître-mot de ce texte est le patriotisme, un mot que Le Carré semble placer sur le volant de son jeu de badminton, un mot qui sort de ce livre complètement essoré par les coups de raquettes. Quant au lecteur, il termine plutôt essoufflé par la tension qui va crescendo jusqu'aux dernières lignes. Et un peu inquiet aussi, de la façon dont on lui a montré le monde.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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