Citations de Henri Pichette (136)
dents de loup
POÈTES
Est-ce parce que le verbe
Vous appelle à l'orée de l'aurore
Et met en lumière vos faiblesses,
Que l'on vous dit illuminés ?
Si votre devoir remis est encore hérésie, qu'on vous reprenne
Et vous comprenne. Il y avait de l'intention,
Tant est vrai que vous avez froid
Pour les pauvres diables jetés dans l'hiver de ce siècle
Et chaud
Pour les belles âmes qui s'expliquent la damnation éternelle.
Que Pégase vous soit ce cheval de labour
Pour qui chaque sillon est une règle d'or
Et que vient la rosée adoucir de ses perles.
1955
p.61
dents de loup
VIVRE
En tout sillon de terre je verrai une ligne de
vie mienne.
p.59
dents de loup
VIVRE
Avec le nuage léger comme un soufflon de soie
et le bois qui flotte à bûche perdue je ferai corps.
p.59
dents de loup
PETITE SUITE
Avons trouvé le sommeil en nous cherchant
querelle.
Avons été.
1954
p.56
dents de loup
PETITE SUITE
Avons vu une virgule rose dans une phrase
noire.
1954
p.55
dents de loup
PETITE SUITE
Avons entrevu une danseuse qui se neigeait
les pieds avec du talc au gardénia.
1954
p.55
dents de loup
PETITE SUITE
Avons surpris un avocat prier ou un prêtre
plaider, une après-dînée que nous nous promenions
dans le coupe-gorge du Palais de Justice.
1954
p.55
dents de loup
PETITE SUITE
Avons mis la pointe du pied sur un hérisson en
extase.
1954
p.55
dents de loup
PETITE SUITE
Avons tiré la langue à une fleur portant une
verrue.
1954
p.55
dents de loup
PETITE SUITE
Avons vu passer la timidité traîneuse de sabre
de carton bouilli. Avons senti le sang nous monter
à la tête. En pensée, sommes tombés lardés de coups
de miséricorde.
1954
p.55
dents de loup
AUX AURORES DES TEMPS NAIFS
Je me rappelle la naissance de la mémoire.
La source de la mer était pure d'aucun nau-
frage.
Nul n'avait pris le deuil sur les misères de la
neige ; pas d'idée noire à la tête chenue ; la mort
était vierge.
Le pleur de joie, perle de la plus belle eau et
d'un très-pur orient, roulait sur la joue encore hir-
sute de l'ancêtre.
p.50
dents de loup
Je vois des poèmes plus malheureux que des
roses frappées par la censure de l'Éternité.
1950
p.41
dents de loup
L'ÉTÉ
Enfin le firmament sincère accueille un songe
vertical et bien fol : la vie, la vie, ô miracle advenu !
Combloux, 1949.
p.40
dents de loup
L'ÉTÉ
— Mon âme soit lisse, nette comme une parcelle
de névé, puis s'en aille vers l'astre luminifère d'une
seule tire-d'aile !
Mais, au sol, maintes plantes mordent aima-
blement aux mollets le marcheur.
Une sapinière chante en roitelet ; une chaîne
herminée de neiges éternelles paresse avec délice.
p.39
dents de loup
L'ÉTÉ
Un torrent tourne des galets aussi doux que
le ventre de la truite.
p.39
dents de loup
L'ÉTÉ
Les abeilles sucent le cœur des bouquets exta-
siés.
p.39
dents de loup
L'ÉTÉ
Une ombre méridienne semble rêver de boire à
quelque gourde de cytise fané.
Les faulx sont contre les murs, posées dans la
magnificence ; leurs lames tels des croissants de
lunes éblouies.
p.39
dents de loup
L'ÉTÉ
Jouir me déchire entre la terre et le ciel.
La strideur d'un cygne au bec noir coupe l'es-
pace, et des sortes de poivres tourbillonnent dans
l'air vif.
Des vapeurs surchauffées étouffent de formi-
dables rompements de rocs.
p.39
dents de loup
NERFS
Naguère, le miel vivant. Aujourd'hui, l'encaus-
tique du parfait petit cireur de patinoire bourgeoise.
p.27
dents de loup
NERFS
Oui.
Un cerveau. Non, un porte-bouteilles. Oui,
mieux ! des miroirs pilés, où tous les reflets ne soient
que de la bouillie d'ombre.
p.27