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EAN : 9782080278906
256 pages
Mialet Barrault (16/03/2022)
4.06/5   17 notes
Résumé :
En revenant au domaine des Douves, Clovis est bien décidé à n'y rester que le temps de régler la succession de sa grand-mère, morte tragiquement dans l'incendie de sa maison. Mais nul ne revient impunément sur les lieux de sa jeunesse. À peine le seuil franchi, les souvenirs de cette enfance merveilleuse et cruelle ressurgissent avec violence. Happé par le passé, Clovis devra affronter les secrets cachés au fond des douves.
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Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
Quoi de plus banal pour débuter un roman ? L'annonce du décès d'une aïeule dans l'incendie de sa propriété, la demande express de venir reconnaître le corps, dont le visage a été épargné, un trajet en voiture jusqu'au domaine. Certes l'irruption d'une libellule géante sur le pare-brise pourrait étonner. Mais après de longues heures de route en solitaire, les sens ne sont-ils pas perturbés ? le doute survient aux premières touffes d'herbes rouges. La certitude advient lorsque le flic chargé de l'enquête arrive au domaine escorté de deux cerfs blancs…

Deux solutions à cette étape : faire une petite sieste et passer à autre chose, ou plonger sans hésitation au coeur de ce roman totalement déjanté, où il faut se méfier des tulipes furtives, et accepter que le trafic de lait de tiques constitue un négoce juteux pour la famille hors norme qui vit dans ce territoire incroyable.

Pire encore, Benjamin Planchon ne recule devant aucune traitrise, mêlant les vraies fausses références et les fausses vraies informations pour mieux nous perdre. de néologismes en créations délirantes que Boris Vian (L'écume des jours) ou Louis Malle (Black moon) n'auraient sûrement pas reniées.

C'est délirant, jubilatoire ! Un conseil, se laisser porter par la poésie qui se dégage de ce roman extravagant, et se laisser accompagner dans les créations hallucinées du récit. On peut détester : j'adore.

PS Même la couverture me séduit

256 pages millet Barrault 16 mars 2022

Lien : https://kittylamouette.blogs..
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Incarner un imaginaire de Jérôme Bosch dans un récit contemporain baroque, hirsute, horrifiant, hilarant et dangereusement poétique, aux marges signifiantes de l'irréel : un pari fou et pleinement réussi.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2022/06/26/note-de-lecture-le-domaine-des-douves-benjamin-planchon/

« le domaine des Douves », publié en mars 2022 chez Mialet-Barrault, un peu plus de trois ans après l'impressionnant « Capsules » paru chez Antidata, commence doucement, mais par un drame pourtant, déjà : un peintre copiste contemporain renommé (qui estime toutefois n'avoir pas suffisamment de talent pour être artiste à part entière – et cela nous sera expliqué le moment venu), vivant et travaillant à Paris, apprend que sa grand-mère, qui vivait seule désormais sur la lointaine propriété familiale, est brutalement décédée dans l'incendie de sa demeure, et qu'il doit se rendre sur place, à Saint-Loup, pour l'identification du corps.

Alors que Clovis Cardinaud se dirige en voiture vers le domaine de famille et vers des souvenirs d'enfance soigneusement tenus à l'écart jusque là, le réel tel que nous le connaissons semble se déliter, presque tranquillement, du même mouvement, laissant s'infiltrer des mots et, par là, des objets et des concepts, qui ne sauraient pourtant être familiers : noms de constellations inconnues, falaises molles pouvant gigoter, chenilles-centaures aux poils crépus, pins siffleurs, pêchers venimeux, fauteuils Henri IX, officier de police se déplaçant accompagné de deux cerfs blancs, tulipes furtives, lait de tique géante, et tant d'autres témoignant au fur et à mesure d'une rare inventivité langagière et imagée. Peu à peu, une hilarante inquiétude gagne la lectrice ou le lecteur, en commençant à subodorer peut-être (très parcellairement, bien entendu) vers quoi pourraient bien nous entraîner ces mémoires enfouies émergeant peu à peu.

Ce n'est bien entendu certainement pas par hasard que la toile sur laquelle travaille Clovis, dans les premières pages du roman, soit une étude de Jérôme Bosch réalisée en préparation de son Circus Neantis. Campant, en quelques flèches d'autant plus acérées qu'elles ont d'abord l'air patelines, un décor provincial propice à la montée en mythologie (on songera sans doute au Jérôme Lafargue de « L'ami Butler » ou de « le temps est à l'orage »), Benjamin Planchon parvient très vite à mêler indissociablement une étrangeté insidieuse – mais pourtant acceptée de toutes et tous comme pleinement naturelle – digne de celle des « Saisons » de Maurice Pons, une verve rabelaisienne renvoyant sans ambiguïtés à un foisonnement tout bakhtinien, mais en lorgnant du côté du décalage spécifique pratiqué par le Mathias Énard du « Banquet annuel de la Confrérie des Fossoyeurs » ou par le Pierre Senges de « Cendres – Des hommes et des bulletins » (où Bruegel se serait substitué à Bosch en guise de carburant secret), une omniprésence des odeurs comme marqueurs et passages, tels que portés à leur paroxysme par l'Antoine Volodine des « Filles de Monroe », une abolition soigneuse des frontières entre l'humain, le végétal et le mécanique dont aurait rêvé à son tour le Christopher Boucher de « Comment élever votre Volkswagen », ou encore une volonté de repenser en profondeur le rapport entre le réel et les arts plastiques digne du Nicolas Rozier de « L'île batailleuse ».

Comme dans les circonvolutions circassiennes des « Bosch Dreams » d'Abraham Per Mortensen (image ci-contre), il s'agit bien ici, en jouant à merveille d'une codification baroque et profuse de l'horreur (d'ailleurs, lorsque Clovis parvient au village voisin de la propriété familiale, ne tombe-t-il pas en pleine « semaine internationale du gothique » ?) et d'une aventure déterminée dans l'irréalité immédiate (pour reprendre le beau titre de Max Blecher servant de devise officieuse aux éditions de L'Ogre), pour bâtir une exceptionnelle métaphore à étages faisant de chacun de nous, lectrice ou lecteur, l'étrange collapsonaute (comme dirait Yves Citton) fantastique d'un autre monde en voie de possible dissolution.
Lien : https://charybde2.wordpress...
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Attention, il émane de ce roman des effluves hallucinogènes. Signalez à votre libraire tout effet secondaire non souhaitable.
Tout commence comme une banale enquête. Clovis exerce avec passion son métier de peintre restaurateur. Il s'adonne au jogging dans le bois de Saint-Ouen quand un appel téléphonique l'oblige à replonger dans ses souvenirs d'enfance. le Domaine des Douves qu'il a quitté 25 ans auparavant a été ravagé par un incendie. On y a retrouvé un corps, probablement celui de Phéodora Portemer, sa grand-mère, qu'il est le seul à pouvoir identifier. Voilà pour les premières pages. Mis à part le détail de Bosch en couv, de très mérovingiens prénoms (et le fait que j'ai pioché ce bouquin-là à la Librairie Charybde), rien ne prépare à autre chose que de très ordinaire.
Et Clovis entame son retour au Domaine, s'immergeant peu à peu dans le territoire de son enfance. Très vite, ma lecture pantouflarde est chahutée par des métaphores audacieuses. La réalité semble factice et se peuple de figures féeriques, tantôt grotesques, tantôt cruelles. Ici, c'est un cheval échappé sur l'autoroute, là c'est le langage même qui se contamine. "Sirulgeineuse"? Ça existe? Dans ma grande naïveté, d'abord, j'ai cherché. de page en page, mes repères se brouillent, se fissurent, se fracassent de toutes parts, sous la pression d'une nature à la vigueur foisonnante d'ogresse.
Me voilà prisonnière d'un album de Claude Ponti ou d'une nouvelle de José Carlos Somoza. Au domaine des douves, on trait des tiques obèses, les méduses papillons fanent et l'alcool de larmes se récolte lors des funérailles.
L'imagination est bombardée de visions, de "rouges déments, de jaunes à dents, de oranges hérissés", le nez épuisé d'odeurs jusqu'à la nausée. Et quand on croit reprendre pied, c'est pour se laisser berner par un catalogue de références artistiques digne de la rabelaisienne bibliothèque de Saint-Victor. le faux contamine le vrai, plongeant la lecture dans une permanente insécurité intellectuelle. Les souvenirs se forment, se déforment, se confondent avec les rêves. Quelle idée, aussi, d'aller chercher la vérité dans la littérature!
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Poétique, étonnant et détonant !
Clovis, restaurateur d'art en apparence banal, est issu d'une dynastie extraordinaire qui règnait sur un territoire à la frontière de notre monde, peuplé de créatures et de plantes mystérieux et effrayants. Son retour aux sources nous plonge dans cet univers où chaque détail contient une poésie noire. le style d'écriture précis et plein d'humour rend cette lecture très gratifiante, on en sort avec des idées plein la tête, on voit le monde différemment. Je conseille vivement ce livre inclassable, c'est une vraie découverte !
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Ce récit incroyablement original est à l'image de sa couverture: pleinement encré dans le fantastique et l'irréel.
En retournant sur le domaine dans lequel il a grandi, Clovis retrouve ses souvenirs d'enfance et nous entraîne avec lui dans un monde fantasmagorique rempli de bêtes effrayantes et de personnages hauts en couleurs.
Une grand mère qui trait des tiques de plusieurs tonnes, des arbres à viandes, des insectes qui nous font remonter le temps si on les écrase, un piano à oublier les mauvais souvenirs, un livre pour s'en créer de nouveau…
J'ai eu la sensation de plonger dans un roman tiré d'un album de Claude Ponti.
Une histoire que j'ai trouvée totalement loufoque et poétique. Mais derrière l'apparente hilarité de certaines scènes se cache le poids des secrets de famille et des enfances difficiles qu'on fuit.

Un roman à decouvrir pour les lecteurs souhaitant sortir des sentiers battus et découvrir un récit aussi hilarant que horrifiant. Un roman inclassable (dans le bon sens du terme).
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Les enfants n’avaient pas le droit d’entrer dans la chambre de Pépin et Phéodora, mais il m’arrivait de m’y faufiler ; j’avais parfois de l’audace, pour impressionner les cousins. La pièce sentait l’avoine battue et le lait fertilisant. C’était, devais-je l’apprendre de Yohan, expert dans l’espionnage de ma famille, l’odeur de la douche à punaises que ma grand-mère cachait derrière un magnifique paravent olmèque – Phéodora avait une maladie de peau que seul parvenait à apaiser un jet d’insectes à haute pression. Je me souviens que les murs de la chambre étaient couverts de petites photos sous verre de membres de la famille, souvent laides, souvent passées ; que s’accumulaient sur les étagères des sculptures d’animaux (pour la plupart, des oiseaux et des renards) ; que sur des tables basses, d’innombrables tasses, pots, timbales et assiettes peintes prenaient la poussière. Et surtout, bien rangés dans une petite bibliothèque d’ivoire, on trouvait d’obscurs livres horrifiques dont je me demandais comment ils avaient atterri là. Je me rappelle encore certains d’entre eux, avec leurs terrifiantes couvertures illustrées – Douche de viscères en Alabama, À l’ombre des nonnes écartelées ou, le plus dégoûtant de tous, J’ai reconnu ma sœur dans un plat de tripes au vin. Aujourd’hui, je suis convaincu que ces ouvrages étaient des blagues de mon grand-père ; il devait savoir que les enfants aimaient fouiller en douce dans la chambre royale et riait probablement en imaginant les têtes que nous faisions en tombant sur ces bouquins étranges, qu’il avait dû fabriquer lui-même. Grand-Père était un farceur.
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Je l’ai entendue grommeler un jour, alors qu’elle tondait les porcs, une vieille phrase de Lénine : « pour un oeil, les deux yeux ; pour une dent, toute la gueule. » C’était une femme déterminée.
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Je n’ai jamais été un gardien, un veilleur ou un châtelain. Je m’en rends compte aujourd’hui. J’étais bien incapable d’endiguer l’effondrement du domaine, ni même de le ralentir. Quels bras il faudrait pour retenir un monde en train de basculer ! Mon rôle est plus modeste : je suis un grand témoin, chargé d’enregistrer la catastrophe ; d’en recenser chaque nuance, la plus petite avancée, le moindre tremblement. Je suis l’archiviste qui consigne la fin du monde. Le greffier du désastre.
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Je ne repense jamais à mon enfance. Je n’en rêve pas et ne ressens pas le besoin d’en parler. Ce n’est pas que je sois plus insensible qu’un autre, ni plus amnésique. En faisant quelques efforts, je peux même me souvenir de détails précis – l’inflexion d’une voix, des boucles rousses roulant dans une nuque, le parfum putréfié d’un marécage ou la lumière sèche éclaboussant un matin de douleur. Ma mémoire n’a rien effacé. Simplement, ça ne m’intéresse plus. Mon passé est derrière. Je suis relié à lui, mais la corde a suffisamment de mou pour ne pas me retenir. Lorsqu’on me questionne, j’esquive, je change de sujet. Je n’aime pas ressasser. Certains de mes amis s’inquiètent pour moi ; ils adorent imaginer que je couve une abominable dépression – on ne peut pas être à ce point détaché de sa propre histoire. Ils pensent que je fuis quelque chose, mais en tout honnêteté, ils se trompent. Et j’ai l’impression que l’on vit très bien – mieux, peut-être – en n’étant pas trop près de soi. Mon enfance, ce continent étrange et inquiétant, est à sa place : enfouie dans les bas-fonds. Muette, entre les algues.
Il s’est passé quelque chose de terrible au domaine des Douves.
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Les lumières des phares, sur la voie d’en face, émergent du néant, flottent quelques instants dans les ténèbres, puis disparaissent. Près de la sortie 287 scintillent des gyrophares et des panneaux lumineux. Je dois quitter l’autoroute, dont un segment est fermé. La radio m’apprend qu’un cheval blanc échappé d’un haras voisin s’est engagé sur les voies. Alors que j’emprunte une bretelle, je l’aperçois, au loin, qui galope dans la nuit, seul et sublime. Une beauté frémissante. Les caméras ne vont pas tarder. Les scènes comme celle-ci devraient être peintes, pas filmées. La caméra les transforme en fait divers. Il faut un artiste pour déceler la vérité. On manque de peintres d’actualité, disponibles à toute heure. Le terroriste dans sa mare de sang, à la manière pointilliste ; cent vingt résidents d’un Ehpad noyés dans la crue du siècle, façon impressionniste ; le suicide du ministre de l’Intérieur, version pop art. Il faut du style pour déchirer les voiles et raconter ce qui se passe vraiment. Je m’engage sur les routes secondaires en me frottant les yeux.
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