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sur 852 notes
C'est au moment du décès de son père unijambiste, alcoolique mais aussi poète et doux rêveur, qu'Anne la narratrice se met à raconter ce père. Son décès, les formalités à accomplir, la dispute avec son frère Jean-François lors de l'achat du cercueil aux pompes funèbres, la préparation avec le curé de la cérémonie du souvenir, l'enterrement puis le vide à faire dans la maison familiale en vue de la vente, sont évoqués dans son récit de même que la fin de vie de cet homme atteint d'un cancer.
C'est notamment en inventoriant et en tentant d'évacuer les meubles et la multitude d'objets remplissant la demeure où vécut la famille qu'Anne va petit-à-petit être amenée à mieux comprendre qui était cet homme, à éclairer sa personnalité et l'amener à réviser quelque peu son jugement sur celui accusé plus ou moins par ses proches d'avoir pourri la vie familiale avec ses excès alcooliques.
La lettre d'une certaine Juliette sera un des moments les plus émouvants du livre. Elle apporte une clarté et une vérité sur ce que soupçonnait un peu sa fille et la véritable personnalité de ce père.
Après ces quelques lignes, vous vous attendez peut-être à un récit triste et tragique. Il peut l'être parfois, mais c'est raconté avec un tel humour, une telle tendresse, une réelle nostalgie et souvent avec beaucoup de regrets. Mais n'est-ce pas ce que chacun ressent au décès d'un proche, le regret de ne pas s'être tout à fait compris, de ne pas s'être épanché davantage, de ne pas s'être dit tout l'amour que l'on éprouvait ?
De plus Anne Pauly, dans cette autobiographie romancée, n'hésite pas à mettre en avant ces gens simples que la vie n'a pas épargnés et qui sont souvent ignorés.
J'ai aimé suivre le cheminement de cette jeune femme, qui, au fil des jours ayant suivi la mort de son père va arriver en démêlant certains faits de son existence, en comparant les apparences et la réalité, à apaiser sa douleur et parvenir à trouver un sens à sa vie.
Dans son premier roman, Avant que je n'oublie, où chagrins et situations comiques s'entrecroisent, Anne Pauly a su évoquer l'amour filial d'une manière tout à fait remarquable et originale par son style et son écriture. C'est un récit dans lequel l'auteure confie des moments d'intimité qui ont une valeur universelle.
Le Prix du Livre Inter 2020 est une récompense bien méritée !
Je n'ai pu m'empêcher, en lisant cet ouvrage, de penser à deux autres auteurs que sont Annie Ernaux et Edouard Louis.

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Édité chez Verdier, à Lagrasse, un magnifique bourg de l'Aude, ce roman signé Anne Pauly a obtenu une consécration très recherchée : le Prix du Livre Inter 2020 ! le jury, composé de lecteurs et présidé, cette année par Philippe Lançon (Le Lambeau), a surpris son monde avec ce choix mais c'est assez habituel pour ce prix littéraire de sortir des sentiers battus.

Dans Avant que j'oublie, Anne Pauly, pour son premier roman, se lance dans une aventure littéraire la plus délicate qui soit : écrire sur son père qui vient de mourir en donnant énormément d'elle-même.
Avec franchise et spontanéité, un souci du détail impressionnant, elle retrace les derniers instants de Jean-Pierre, son père, qui meurt d'un cancer. C'est, pour elle, l'occasion d'aller au-delà des mauvais souvenirs, des moments difficiles, d'années d'une vie gâchée par l'alcool et les médicaments. Petit à petit, la véritable identité de cet homme, violent avec sa femme, ressort. Anne Pauly m'a tout fait partager, des derniers instants à l'hôpital de Poissy jusqu'au cimetière en passant par la préparation des obsèques religieuses.
Tous ces détails, toute cette fausse commisération, ces textes, ces chants formatés me confortent dans ma volonté de me passer de toute cette comédie. Ce n'est pas une cérémonie, la plus réussie soit-elle, qui permet de garder au fond de son coeur le souvenir d'un être cher, disparu. En cela, Anne Pauly le démontre très bien quand elle se retrouve seule dans la maison familiale qu'elle doit ranger, son frère, Jean-François, ne s'en occupant pas. Trier, ranger, jeter, garder, lire, relire, ces moments sont terribles, riches en émotions pour celle ou celui qui tente vraiment d'aller au-delà des apparences afin de conserver le souvenir le plus juste de la personne disparue.
Enfin, il y a surtout cette lettre de Juliette, l'amie d'adolescence de Jean-Pierre. Anne la reçoit alors qu'elle est en train de trier les souvenirs familiaux et j'ai été vraiment touché par tant de clarté, de sincérité avec des mots si justes, une délicatesse admirable.
Malgré un sujet aussi triste et pourtant si proche de la vie des êtres humains de passage que nous sommes, Anne Pauly a trouvé le moyen de conclure par un dernier chapitre court et plein d'optimisme. Cette belle respiration finale était bienvenue.

Certes, ce genre de roman aussi intime ne me passionne pas outre mesure mais j'ai apprécié sa lecture, une réflexion salutaire et utile.


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Chère Anne, ma très chère Anne,

Permettez-moi que je vous appelle ainsi, parce qu'après ce que j'ai lu de vous, après ce témoignage poignant, je ne peux que vous considérer que comme une amie très chère.
Vous avez vécu ce que d'autres avant vous ont vécu, ce que d'autres vivront et ce que moi je vivrai.
Votre émotion, votre pudeur, vos mots percutants et si justes, si poétiques aussi, m'ont emmenée dans ces vertiges de l'émotion et j'ai pleuré, oui, j'ai pleuré.

Vous commencez par raconter la mort de votre père et votre sidération.
« Je m'étais retrouvée seule avec lui, mon macchabée, ma racaille unijambiste, mon roi misanthrope, mon vieux père carcasse, tandis qu'au-dehors tombait doucement la nuit ».
Et là, je suis tombée dans le chagrin.

Le décès est suivi de toutes les formalités, du choix du cercueil aux chants à l'église, et aux paroles prononcées lors de l'inhumation. Vous avez bien saisi toute l'inhumanité de cela, car la vie continue et est en hiatus avec l'abîme dans lequel vous êtes plongée. Et ce décalage effroyable, vous le racontez avec humour, ce qui permet de ne pas sombrer.

Et puis vient ce temps du deuil où vous pensez sans cesse à votre père, mais aussi à votre enfance. Votre père n'était pas « une idole », comme dit le curé, il était violent avec votre mère, alcoolique. Votre frère et vous en avez souffert. Mais à l'heure de lui dire vraiment adieu, à l'heure de vider la maison, vous opérez un travail d'historienne de l'âme, vous voulez retrouver ce père tout entier, dans toute son ambiguïté, dans toutes ses failles et dans toute sa gloire intime. Les objets dont votre père s'entourait, ses petits objets du quotidien acquièrent pour vous une valeur sans nom. N'oublions surtout pas la lettre pleine d'humanité que vous envoie à cette époque l'amie d'enfance de votre papa. C'est important, l'enfance, même celle de ses parents, surtout celle de ses parents lorsqu'ils sont morts.

Lentement, ce deuil vous enveloppe et vous déchire.
« Ce qui me semblait le plus difficile, c'était de ne plus l'entendre du tout, de ne plus avoir de nouvelles de lui, et au début, machinalement, je regardais mon téléphone pour vérifier qu'il ne m'avait pas appelée, mais non ».

Et doucement, j'avance avec vous. Je lis avec vous ce haïku choisi dans le recueil de votre père et je le murmure avec vous :
« Je pense seulement
À mes parents
Crépuscule d'automne »

Et enfin, j'écoute avec vous Céline Dion, « et puis là, sans prévenir, le refrain m'a sauté à la figure comme un animal enragé :
'Mais avant tout, je voudrais parler à mon père'.
Dans mon coeur, ça a fait comme une déflagration et je me suis mise à sangloter sans pouvoir m'arrêter. Mes toutes dernières larmes sont sorties ce jour-là. J'avais enfin accepté ».

Merci pour votre partage intense. Pour votre douleur. Et enfin pour votre apaisement, votre acceptation. Vos mots intimes sont universels et pour cela, vous m'avez aidée.
Merci.
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La narratrice vient de perdre son père, décédé d'un cancer. Alors qu'elle range la maison désormais déserte mais encore imprégnée de la présence du vieil homme, elle se remémore sa personnalité atypique et complexe, qui fut si difficile à vivre pour ses proches. Alcoolique et violent, provocateur et insupportable, cet ours unijambiste cachait pourtant pudiquement une tendresse maladroite et une sensibilité artistique empêchée, que sa fille va s'attacher à retracer au travers des mille objets et souvenirs entassés dans sa tanière : une manière pour elle de faire petit à petit son deuil, en se réconciliant avec ce qu'il fut et ce qu'il lui a laissé.


Ce roman aux sonorités autobiographiques est émouvant à plusieurs titres : c'est bien sûr le récit d'un deuil, d'une amputation affective avec laquelle il faut apprendre à vivre, mais c'est aussi la réhabilitation d'un père que l'auteur s'applique à révéler pour ce qu'il était vraiment, un long travail nécessaire à son apaisement, pour qu'enfin la réconciliation ait lieu et l'amour puisse retrouver sa place.


Le langage employé évoque la vie de tous les jours, les mille détails absurdes, drôles ou tragiques, qui, bien au-delà du raccourci des apparences, nous font deviner les secrets parfois touchants d'un homme devenu hérisson, et que seule la fin de vie a rapproché de sa fille. La maladie, l'hôpital, la morgue, les pompes funèbres, l'office religieux et l'enterrement, puis le vide et les souvenirs, sont évoqués sur un ton doux-amer, qui oscille constamment entre le rire et les larmes, narrant avec justesse et sensibilité un cheminement douloureux et nécessaire pour le retour à la vie des survivants.


Chacun pourra trouver une émotion à sa mesure dans ce récit intimiste à la portée pourtant universelle, où l'amour, trop pudique ou masqué par le quotidien, ne trouve à s'épanouir (ou pas) que lorsqu'il est bien (trop) tard.

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Les morts vont vite. Le chagrin a besoin de lenteur. 

Aux premières pages, l'émotion est déjà là, mais masquée  derrière les fous- rires.

Entrée dans la nef  sur les pas du cercueil de son père,  au bras de son amie, comme une fiancée qu'elle mènerait  à l'autel, à l'heure des manifs anti mariage pour tous, Anne, la narratrice doit  attendre deux heures d'un interminable sermon par un curé qui parle plus de l'épouse exemplaire et maltraitée que de son  brutal et défunt epoux, ( pour un peu elle devrait suivre le convoi qui mène son père à sa dernière demeure  sur l'air des Chariots de feu alors que c'est un cul-de-jatte qu'on enterre!), mais elle se voit confisquer le  dernier mot par un croque-mort-en-chef ivre- mort  - dernier hommage foutraque et cocasse à son père alcoolique...

Un premier  portrait de Jean-Pierre Pauly est déjà brossé, à grands traits hâtifs : mari violent porté sur la bouteille, handicapé et vivant pauvrement dans une solitude farouche,  dont les enfants, Anne et Jean-François ( la mère est morte d'un cancer depuis des années) , ne retiennent pas que de bons souvenirs.

Mais si le fils est plein de colère, la fille, elle , est partagée : exaspérée par l'égoïsme d'un père qui semble n'avoir jamais pensé qu'à lui et débordée de tendresse pour ce grand escogriffe maladroit qui l'aimait.

Leurs fous-rires à tous deux  sont l' acclimatation à une disparition brutale, si rapide qu'elle ressemble à un escamotage. le rire traduit cette inadaptation des rythmes.

Comme chante Lénore, dans le poème d'August Bürger: "Les morts vont vite". 

Les morts vont vite - et le chagrin a besoin de lenteur.

Tout le récit , sincère,  juste,  aussi émouvant dans ses rires incongrus que dans ses larmes irrépressibles, est une danse de deuil pour retrouver le pas, le rythme et mettre enfin  cette mort fugace, sauvage, emballée au pas si lent de l'amour orphelin.

Comme dans un morceau de musique, après la carmagnole cruellement burlesque du début,  surviennent trois moments magiques.

La lettre de Juliette comme un thrène, un chant d'apaisement,  une douce consolation- qui dit à  Anne les mots que personne n'a su dire et redonnent au défunt tendresse, douceur, humanité. 

Les piles jumelles et leur étrange électro-cardiogramme qui scandent le ballet mesuré du  temps, l'attente de la mort. Et provoquent un adagio vibrant  à la patience du défunt, son attention à la modestie des choses. Anne s'avoue vaincue:  " j'ai cru mourir d'amour et de melancolie ".

Et enfin la chanson de Céline Dion qui provoque une pop-catharsis d'un genre inattendu chez cette programmatrice du festival queer,  Loud & Proud, ... qui se découvre soudain un coeur de midinette.

Bouleversée, Anne retrouve l'image vraie et réhabilitée d'un père tendrement chéri:  les larmes peuvent jaillir.

Les morts vont vite. Le chagrin a besoin de lenteur.

D'ailleurs tout est devenu signe : le mort a encore des choses à dire à ses enfants qu'il a quittés trop vite ou trop mal. Il faut que les remords ou la colère s'apaisent. Il suffit parfois d'une R 10 déglinguée  à l'angle d'un carrefour ou d'une pie dans la tempête.

Un livre qui m'a bouleversée et dont j'ai relu plusieurs fois,  dans les rires et dans  les larmes,  bien des passages.

Anne, ma soeur Anne, ton livre fait du bien à tous ceux, toutes celles qui ont mis du temps, parfois,  à retrouver,  comprendre, vider  et dépasser leur chagrin.

Les morts vont vite. Le chagrin a besoin de lenteur. 
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Avant que j'oublie est le vibrant hommage d'une fille à son père défunt, une déclaration d'amour filial à un homme qui malgré tout a fait preuve d'insuffisances caractérisées sur le plan de la famille. Même si les violences étaient essentiellement dirigées vers son épouse, les enfants ont été les témoins et les victimes collatérales des troubles du comportement liés à une alcoolisation chronique avec des pics délétères.

Mais c'est son père, dont elle découvre des secrets en tentant de faire l'impossible tri, et de ce que cela représente de se débarrasser de tous ces objets qui sont autant de souvenirs, sans avoir l'impression de jeter avec tout ce fatras l'âme de la personne disparue.

C'est un récit très authentique et rédigé d'une écriture percutante, un vrai sens de la formule et des dialogues nature. Et la lecture en est très agréable

Cela reste un ouvrage qui semble s'apparenter à ces écrits à fonction thérapeutique pour l'auteur, le titre en est le témoin, pour ne pas oublier. Ce qui n'est pas utile pour le lecteur qui n'a pas connu le personnage, au risque de se retrouver de position de voyeur d'une intimité qui lui est proposée sans arrière pensée.

L'auteure montre ainsi dans cette première publication un vrai potentiel d'écriture avec une voix singulière que l'on attendra avec plaisir pour une autre oeuvre.



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Une vraie pépite sur un sujet « casse-gueule » !! C'est d'ailleurs pour cette raison que j'ai reculé à plusieurs reprises devant l'acquisition de ce premier roman, appréhendant un récit larmoyant et mortifère !! Devant la mise en avant perdurant depuis la parution de cette «catharsis intime » à l'automne 2019, je me suis décidée et j'en suis très heureuse !
En réalité, nous, lecteurs, avons droit à un véritable arc-en-ciel d'émotions et de sourires, dû à un style vivant, sensible, tour à tour provocateur ou grave ! Un moment de lecture intense…où à un moment avancé, on ralentit , n'ayant pas envie de quitter Anne, cette fille si complice de son père, tout en étant souvent agacée ; toutefois, il reste « son héros », contrairement à son frère, retenant que les défauts et failles paternelles…apparemment seulement… nous le comprendrons plus tard …!
La narratrice qui n'est autre que la fille aimante
[l'auteure ], est la seule conductrice du récit…Elle , nous emporte dans ses émotions contradictoires, mais aussi dans l'amour fou ressenti pour ce père atypique, défaillant, protecteur, et aimant à la fois !

« J‘'en revenais pas, pas du tout. D'abord qu'elle me dévoile simplement et avec de si jolis mots la vérité de cet attachement adolescent qui avait continué de rougeoyer dans les replis silencieux de leurs existences. Puis qu'elle me dise, l'air de rien, que, depuis toujours, il était fier de nous, de moi, alors même qu'il ne nous l'avait jamais vraiment dit. Enfin, qu'elle me fasse l'ultime cadeau de me confirmer qu'il avait toujours été, avant que la vie, la violence et l'alcool ne viennent s'en mêler, celui que je pensais qu'il était : un juste, un sensible, un contemplatif, un silencieux dans la bulle duquel être admis valait toutes les protections, un ogre timide à qui il était arrivé, autrefois, d'être un adolescent amoureux, de détester l'école et de jouer les Huck Finn devant des feux de camp, le soir, au bord de rivières »

Le ton est donné à ce petit trésor de tendresse, de provocations, de drôlerie, en dépit du sujet douloureux : la mort d'un Père…foutraque et très abîmé par l'existence…Entre gravité, tragi-comédie, pieds-de-nez aux convenances…grande tendresse et cocasserie !

Un sommet d'émotion lorsque Anne reçoit après les obsèques du papa…une lettre d'une amie, attachement datant de l'adolescence paternelle, lien distendu par les circonstances de l'existence, resté comme une petite lumière de part et d'autre… révélant la richesse et la complexité de sa personnalité !
« Oui, sûrement, il avait exagéré et pourtant, c'était bien cette âme-là que j'avais sentie à proximité de la mienne pendant toutes ces années et c'était bien cet homme-là qui, entre deux saouleries, m'avait serrée dans ses grands bras à chaque fois qu'il avait senti que l'angoisse m'agrippait avec ses mains noires. »

Je ne peux m'empêcher de transcrire un dernier extrait, qui exprime avec une sobriété absolue le manque, l'épreuve du deuil, et la manière dont chacun tente de poursuivre sa route !...
"Il reste d'une personne aimée et disparue une matière subtile, immatérielle : une absence que l'on peut ressentir comme une présence dont plus rien désormais ne peut ternir l'éclat. Mais cela n'enlève rien au chagrin qu'il fait affronter pour continuer sa propre route. Il n'y a pas d'âge pour se sentir orphelin.
On n'oublie jamais, on apprivoise le manque avec les moyens propres à chacun... Les mots sont souvent inefficaces. (...) Juliette "

Un magnifique texte d'autant plus bouleversant qu'il évite justement le ton de circonstance classique…Bravo et reconnaissance à l'auteure… pour ce moment fort et authentique de lecture !
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Au vu du nombre de critiques tout a été dit déjà mais tant pis.

Ce roman autobiographique à l'écriture tendre, bouleversant, vous saisit aux tripes, une émotion à l'état brut pour moi, qui ait vécu ces douloureux moments où l'on regrette de ne pas s'être assez parlé , entretenu avec un père discret aimant mais pudique ô combien, secret , cela vous déchire le coeur mais c'est trop tard....
Des moments terribles ...


Anne Pauly conte son père , unijambiste , alcoolique invétéré, mais poète et doux rêveur : «  un touriste de la vie » elle n'a pas envie de faire l'inventaire de sa mémoire, même si elle regarde ses violences du passé où «  Une bonne baffe calmait efficacement les épouses récalcitrantes » .

Voyez par là que sa mère n'y a pas échappé ...

Son père est mort .
Quand la maladie a diminué ses forces , Anne l'a soutenu , pour se rattraper , sa vraie personnalité enfin débarrassée des «  hardes puantes de l'alcool » il est apparu comme un contemplatif fin mais gauche, gentil mais brutal, généreux mais autocentré , dévoré par l'anxiété et la timidité , «  incroyablement empêché » .

Contre toute attente le monstre était vulnérable, humain et attachant .
Mais une enfant même devenue adulte , que sait - elle de son parent ? .

Anne Pauly nous décrit le choix du cercueil , les chants à l'église, les mille détails tragiques ou absurdes des formalités à accomplir, le fait de vider, trier, quoi jeter après la perte d'un être cher.

Elle découvre petit à petit la personnalité vraie de son père , ce «  colosse » lecteur autodidacte de spiritualité orientale , enfin «  la lettre venue d'outre - tombe » qui dit toute la vérité sur ce père imparfait , aimé , dont elle traque avec émotion, chagrin , délicatesse , amour non - dit , tendresse, les fils incandescents de son passage sur terre.

C'est un livre vrai , tout en ressenti , sans fausse commisération, sans fard, drôle , triste et joyeux à la fois, qui mêle gravité ,humour mordant , tendre dérision , délicatesse , et fantaisie , tragi- comédie, cette maison encombrée devient le lieu d'un réseau infini de signes et de souvenirs ——-cela je l'ai vécu aussi , vider, trier, choisir beaucoup de livres lus ou offerts dont on ne savait rien.——-et bien d'autres choses encore .....un texte à portée personnelle et intime que l'on est pas prêt d'oublier car chacun , un jour ou l'autre vit ou vivra ces moments ...

Un témoignage aux mots intimes et poignants, déchirants et UNIVERSELS .
Merci à Anne-Pauly.
: Oui  «  Avant que j'oublie » .
Merci à Reine pour le prêt .
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Beaucoup de critiques déjà sur ce livre, et il le mérite. Une amie me l'a offert, je l'en remercie. Un premier roman au ton particulier, humoristique et émouvant à la fois. Cela m'a fait penser un peu aux livres de Jean-Louis Fournier, le lecteur oscillant entre rires et larmes ici aussi.

La narratrice, double de l'auteure, raconte un deuil, celui de son père, et tous les souvenirs, le manque. Un père extravagant, drôle, moins drôle quand il buvait ou se disputait avec sa femme, quand il devenait violent. Un père aux sentiments maladroitement exprimés, sensible sous ses airs de grand escogriffe . Un père aimé.

L'enterrement est un morceau d'anthologie, décrit avec un humour féroce, alors que la fin, et cette envolée d'oiseau, m'ont embué les yeux... le style original, brut et poétique, haché et ample, m'a beaucoup plu.

Vraiment une auteure à découvrir, attachante et pleine de promesses. Un beau cri d'amour à son père. Puissant, touchant.



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« J'ai cru mourir d'amour et de mélancolie... »
Je reprends ici une phrase du roman pour dire à quel point ce livre m'a profondément touchée.
Oui, j'ai vraiment senti la présence d'une voix très personnelle, d'une intense émotion et d'une sensibilité à fleur de peau qui m'ont bouleversée.
Et puis, parfois, vous le savez bien, l'amour que l'on a pour un livre naît d'une rencontre : des mots qu'on peinait à trouver et qui soudain sont là, devant vos yeux, comme par magie, et la chose incroyable, c'est qu'ils disent précisément, à la nuance près et avec une très grande justesse, l'émotion qui a été la vôtre ou qui aurait certainement été la vôtre dans un moment semblable…
Et ces mots, ces phrases, on sait tout de suite qu'on va avoir un impérieux besoin, tôt ou tard, de s'y replonger, de les relire, de s'y accrocher désespérément en cas de tempête... 
Le coup de coeur que l'on a pour un roman vient aussi de petits détails, de petites remarques (très tristes ou très drôles) qui nous font aimer l'auteure parce qu'on se sent furieusement sur la même longueur d'onde… Oui, c'est une sensibilité commune, une façon de concevoir la vie, l'amitié, l'amour, les relations aux autres, la mort, une espèce de feeling, un truc qui passe, qui nous happe et nous touche de façon très intime…
Et puis, bien sûr, c'est aussi une écriture, un style, une façon de parler du monde, des êtres et des paysages… En effet, les mots d'Anne Pauly claquent, pulsent, vont dans les coins et les recoins, ne tournent jamais la tête, n'ont peur de rien ni de personne. Ils ont la tenue des gens qui savent rester discrets et l'oralité de ceux qui disent ce qu'ils ont à dire.
Il y a aussi cet humour, cette énergie du désespoir qui est là, toujours, et qui aide à supporter le monde, car « chacun se tient en vie selon ses moyens » et rire du plus triste est peut-être la meilleure façon de tenir la tête haute et de continuer d'avancer.
Et là, on se dit que ce livre ne nous quittera jamais parce qu'on en aura toujours besoin, oui besoin, comme d'un aliment, d'une musique, d'un lac dans lequel se jeter en plein été parce qu'on a trop chaud.
Un indispensable, quoi. Un nécessaire. Un vital.
Bon…
Reprenons.
« Avant que j'oublie » (ah ce titre…) est un roman. C'est écrit au début. Mais dans ce roman, la narratrice s'appelle Anne Pauly et son père Jean-Pierre Pauly. Alors, évidemment, on est fortement tenté d'y voir une autobiographie. Bien sûr, il y a de nombreux éléments qui correspondent sans doute à la vie de l'auteure, mais ils sont, je pense, passés par le filtre de la littérature, de l'écriture, du souvenir aussi…
Ce père qui meurt dans les premières pages est un homme qui n'a pas une bonne réputation : on dit de lui qu'il n'a pas toujours été très agréable avec sa femme (vous noterez l'euphémisme), ni avec ses enfants d'ailleurs (le frère d'Anne semble lui en vouloir beaucoup.) Dans le fond, c'est un personnage que l'on découvre au fur et à mesure des pages, que l'on apprend à connaître, j'allais dire à aimer (j'exagère peut-être), en tout cas un être original que le regard de sa fille finit par rendre presque attachant.
Unijambiste, alcoolique, attiré par les ouvrages de spiritualité orientale, il n'a pas été facile à vivre et après sa mort, le frère d'Anne n'a qu'une hâte : que les obsèques aient lieu, que la maison soit vendue et qu'on n'en parle plus.
Mais pour Anne, c'est plus compliqué. Comme, Bartleby, elle « préférerait ne pas. » On sent que malgré toute sa colère et son agacement, la narratrice aime ce père dont elle se sent proche, dont elle se sent être la fille et surtout dont elle a besoin pour vivre. L'enterrer, lui dire adieu, trier les objets, liquider la maison et continuer à vivre sans lui ne vont pas être simples, il va falloir du temps, beaucoup de temps. Il va falloir aussi prendre sur soi. En triant ses objets et en lisant quelques lettres, elle va découvrir un homme qu'elle ne connaissait pas vraiment mais dont elle sentait qu'il n'était pas seulement ce qu'il laissait paraître.
« Sa vraie personnalité, enfin débarrassée des hardes puantes de l'alcool, était ressortie : un contemplatif fin mais gauche, gentil mais brutal, généreux mais autocentré, dévoré par l'anxiété et la timidité, incroyablement empêché. Un touriste de la vie. Contre toute attente, le monstre était humain, vulnérable, attachant. »
Écrire sur lui, sur ce père qui n'est plus, c'est révéler, dévoiler une forme de vérité, la sienne, celle que les gens n'ont pas vue ou celle qu'il n'a pas voulu montrer.
Écrire sur lui, c'est dire au monde qui il a été. Et le dire avec une tendresse infinie...
Un bel hommage qui permet l'apaisement, la réconciliation et peut-être même, enfin, l'amour. Un amour total.
Un livre sensible, fort, drôle aussi, très drôle même, et d'une très grande beauté.
Il m'a bouleversée.
Et je l'aime.
Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
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