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3,8

sur 852 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
C'est au moment du décès de son père unijambiste, alcoolique mais aussi poète et doux rêveur, qu'Anne la narratrice se met à raconter ce père. Son décès, les formalités à accomplir, la dispute avec son frère Jean-François lors de l'achat du cercueil aux pompes funèbres, la préparation avec le curé de la cérémonie du souvenir, l'enterrement puis le vide à faire dans la maison familiale en vue de la vente, sont évoqués dans son récit de même que la fin de vie de cet homme atteint d'un cancer.
C'est notamment en inventoriant et en tentant d'évacuer les meubles et la multitude d'objets remplissant la demeure où vécut la famille qu'Anne va petit-à-petit être amenée à mieux comprendre qui était cet homme, à éclairer sa personnalité et l'amener à réviser quelque peu son jugement sur celui accusé plus ou moins par ses proches d'avoir pourri la vie familiale avec ses excès alcooliques.
La lettre d'une certaine Juliette sera un des moments les plus émouvants du livre. Elle apporte une clarté et une vérité sur ce que soupçonnait un peu sa fille et la véritable personnalité de ce père.
Après ces quelques lignes, vous vous attendez peut-être à un récit triste et tragique. Il peut l'être parfois, mais c'est raconté avec un tel humour, une telle tendresse, une réelle nostalgie et souvent avec beaucoup de regrets. Mais n'est-ce pas ce que chacun ressent au décès d'un proche, le regret de ne pas s'être tout à fait compris, de ne pas s'être épanché davantage, de ne pas s'être dit tout l'amour que l'on éprouvait ?
De plus Anne Pauly, dans cette autobiographie romancée, n'hésite pas à mettre en avant ces gens simples que la vie n'a pas épargnés et qui sont souvent ignorés.
J'ai aimé suivre le cheminement de cette jeune femme, qui, au fil des jours ayant suivi la mort de son père va arriver en démêlant certains faits de son existence, en comparant les apparences et la réalité, à apaiser sa douleur et parvenir à trouver un sens à sa vie.
Dans son premier roman, Avant que je n'oublie, où chagrins et situations comiques s'entrecroisent, Anne Pauly a su évoquer l'amour filial d'une manière tout à fait remarquable et originale par son style et son écriture. C'est un récit dans lequel l'auteure confie des moments d'intimité qui ont une valeur universelle.
Le Prix du Livre Inter 2020 est une récompense bien méritée !
Je n'ai pu m'empêcher, en lisant cet ouvrage, de penser à deux autres auteurs que sont Annie Ernaux et Edouard Louis.

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Édité chez Verdier, à Lagrasse, un magnifique bourg de l'Aude, ce roman signé Anne Pauly a obtenu une consécration très recherchée : le Prix du Livre Inter 2020 ! le jury, composé de lecteurs et présidé, cette année par Philippe Lançon (Le Lambeau), a surpris son monde avec ce choix mais c'est assez habituel pour ce prix littéraire de sortir des sentiers battus.

Dans Avant que j'oublie, Anne Pauly, pour son premier roman, se lance dans une aventure littéraire la plus délicate qui soit : écrire sur son père qui vient de mourir en donnant énormément d'elle-même.
Avec franchise et spontanéité, un souci du détail impressionnant, elle retrace les derniers instants de Jean-Pierre, son père, qui meurt d'un cancer. C'est, pour elle, l'occasion d'aller au-delà des mauvais souvenirs, des moments difficiles, d'années d'une vie gâchée par l'alcool et les médicaments. Petit à petit, la véritable identité de cet homme, violent avec sa femme, ressort. Anne Pauly m'a tout fait partager, des derniers instants à l'hôpital de Poissy jusqu'au cimetière en passant par la préparation des obsèques religieuses.
Tous ces détails, toute cette fausse commisération, ces textes, ces chants formatés me confortent dans ma volonté de me passer de toute cette comédie. Ce n'est pas une cérémonie, la plus réussie soit-elle, qui permet de garder au fond de son coeur le souvenir d'un être cher, disparu. En cela, Anne Pauly le démontre très bien quand elle se retrouve seule dans la maison familiale qu'elle doit ranger, son frère, Jean-François, ne s'en occupant pas. Trier, ranger, jeter, garder, lire, relire, ces moments sont terribles, riches en émotions pour celle ou celui qui tente vraiment d'aller au-delà des apparences afin de conserver le souvenir le plus juste de la personne disparue.
Enfin, il y a surtout cette lettre de Juliette, l'amie d'adolescence de Jean-Pierre. Anne la reçoit alors qu'elle est en train de trier les souvenirs familiaux et j'ai été vraiment touché par tant de clarté, de sincérité avec des mots si justes, une délicatesse admirable.
Malgré un sujet aussi triste et pourtant si proche de la vie des êtres humains de passage que nous sommes, Anne Pauly a trouvé le moyen de conclure par un dernier chapitre court et plein d'optimisme. Cette belle respiration finale était bienvenue.

Certes, ce genre de roman aussi intime ne me passionne pas outre mesure mais j'ai apprécié sa lecture, une réflexion salutaire et utile.


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La narratrice vient de perdre son père, décédé d'un cancer. Alors qu'elle range la maison désormais déserte mais encore imprégnée de la présence du vieil homme, elle se remémore sa personnalité atypique et complexe, qui fut si difficile à vivre pour ses proches. Alcoolique et violent, provocateur et insupportable, cet ours unijambiste cachait pourtant pudiquement une tendresse maladroite et une sensibilité artistique empêchée, que sa fille va s'attacher à retracer au travers des mille objets et souvenirs entassés dans sa tanière : une manière pour elle de faire petit à petit son deuil, en se réconciliant avec ce qu'il fut et ce qu'il lui a laissé.


Ce roman aux sonorités autobiographiques est émouvant à plusieurs titres : c'est bien sûr le récit d'un deuil, d'une amputation affective avec laquelle il faut apprendre à vivre, mais c'est aussi la réhabilitation d'un père que l'auteur s'applique à révéler pour ce qu'il était vraiment, un long travail nécessaire à son apaisement, pour qu'enfin la réconciliation ait lieu et l'amour puisse retrouver sa place.


Le langage employé évoque la vie de tous les jours, les mille détails absurdes, drôles ou tragiques, qui, bien au-delà du raccourci des apparences, nous font deviner les secrets parfois touchants d'un homme devenu hérisson, et que seule la fin de vie a rapproché de sa fille. La maladie, l'hôpital, la morgue, les pompes funèbres, l'office religieux et l'enterrement, puis le vide et les souvenirs, sont évoqués sur un ton doux-amer, qui oscille constamment entre le rire et les larmes, narrant avec justesse et sensibilité un cheminement douloureux et nécessaire pour le retour à la vie des survivants.


Chacun pourra trouver une émotion à sa mesure dans ce récit intimiste à la portée pourtant universelle, où l'amour, trop pudique ou masqué par le quotidien, ne trouve à s'épanouir (ou pas) que lorsqu'il est bien (trop) tard.

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Avant que j'oublie est le vibrant hommage d'une fille à son père défunt, une déclaration d'amour filial à un homme qui malgré tout a fait preuve d'insuffisances caractérisées sur le plan de la famille. Même si les violences étaient essentiellement dirigées vers son épouse, les enfants ont été les témoins et les victimes collatérales des troubles du comportement liés à une alcoolisation chronique avec des pics délétères.

Mais c'est son père, dont elle découvre des secrets en tentant de faire l'impossible tri, et de ce que cela représente de se débarrasser de tous ces objets qui sont autant de souvenirs, sans avoir l'impression de jeter avec tout ce fatras l'âme de la personne disparue.

C'est un récit très authentique et rédigé d'une écriture percutante, un vrai sens de la formule et des dialogues nature. Et la lecture en est très agréable

Cela reste un ouvrage qui semble s'apparenter à ces écrits à fonction thérapeutique pour l'auteur, le titre en est le témoin, pour ne pas oublier. Ce qui n'est pas utile pour le lecteur qui n'a pas connu le personnage, au risque de se retrouver de position de voyeur d'une intimité qui lui est proposée sans arrière pensée.

L'auteure montre ainsi dans cette première publication un vrai potentiel d'écriture avec une voix singulière que l'on attendra avec plaisir pour une autre oeuvre.



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Au vu du nombre de critiques tout a été dit déjà mais tant pis.

Ce roman autobiographique à l'écriture tendre, bouleversant, vous saisit aux tripes, une émotion à l'état brut pour moi, qui ait vécu ces douloureux moments où l'on regrette de ne pas s'être assez parlé , entretenu avec un père discret aimant mais pudique ô combien, secret , cela vous déchire le coeur mais c'est trop tard....
Des moments terribles ...


Anne Pauly conte son père , unijambiste , alcoolique invétéré, mais poète et doux rêveur : «  un touriste de la vie » elle n'a pas envie de faire l'inventaire de sa mémoire, même si elle regarde ses violences du passé où «  Une bonne baffe calmait efficacement les épouses récalcitrantes » .

Voyez par là que sa mère n'y a pas échappé ...

Son père est mort .
Quand la maladie a diminué ses forces , Anne l'a soutenu , pour se rattraper , sa vraie personnalité enfin débarrassée des «  hardes puantes de l'alcool » il est apparu comme un contemplatif fin mais gauche, gentil mais brutal, généreux mais autocentré , dévoré par l'anxiété et la timidité , «  incroyablement empêché » .

Contre toute attente le monstre était vulnérable, humain et attachant .
Mais une enfant même devenue adulte , que sait - elle de son parent ? .

Anne Pauly nous décrit le choix du cercueil , les chants à l'église, les mille détails tragiques ou absurdes des formalités à accomplir, le fait de vider, trier, quoi jeter après la perte d'un être cher.

Elle découvre petit à petit la personnalité vraie de son père , ce «  colosse » lecteur autodidacte de spiritualité orientale , enfin «  la lettre venue d'outre - tombe » qui dit toute la vérité sur ce père imparfait , aimé , dont elle traque avec émotion, chagrin , délicatesse , amour non - dit , tendresse, les fils incandescents de son passage sur terre.

C'est un livre vrai , tout en ressenti , sans fausse commisération, sans fard, drôle , triste et joyeux à la fois, qui mêle gravité ,humour mordant , tendre dérision , délicatesse , et fantaisie , tragi- comédie, cette maison encombrée devient le lieu d'un réseau infini de signes et de souvenirs ——-cela je l'ai vécu aussi , vider, trier, choisir beaucoup de livres lus ou offerts dont on ne savait rien.——-et bien d'autres choses encore .....un texte à portée personnelle et intime que l'on est pas prêt d'oublier car chacun , un jour ou l'autre vit ou vivra ces moments ...

Un témoignage aux mots intimes et poignants, déchirants et UNIVERSELS .
Merci à Anne-Pauly.
: Oui  «  Avant que j'oublie » .
Merci à Reine pour le prêt .
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Beaucoup de critiques déjà sur ce livre, et il le mérite. Une amie me l'a offert, je l'en remercie. Un premier roman au ton particulier, humoristique et émouvant à la fois. Cela m'a fait penser un peu aux livres de Jean-Louis Fournier, le lecteur oscillant entre rires et larmes ici aussi.

La narratrice, double de l'auteure, raconte un deuil, celui de son père, et tous les souvenirs, le manque. Un père extravagant, drôle, moins drôle quand il buvait ou se disputait avec sa femme, quand il devenait violent. Un père aux sentiments maladroitement exprimés, sensible sous ses airs de grand escogriffe . Un père aimé.

L'enterrement est un morceau d'anthologie, décrit avec un humour féroce, alors que la fin, et cette envolée d'oiseau, m'ont embué les yeux... le style original, brut et poétique, haché et ample, m'a beaucoup plu.

Vraiment une auteure à découvrir, attachante et pleine de promesses. Un beau cri d'amour à son père. Puissant, touchant.



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J'ai eu du mal à démarrer cette lecture moderne, mais après...
L'autrice raconte l'histoire d'un deuil, celui de son père, violent et ivrogne, mais pourtant plein de tendresse et d'attentions.
Sa famille dysfonctionnelle est malgré tout heureuse. le roman est centré sur la vie d'un homme qui n'est pas tout-à-fait celui qu'on pourrait croire, d'où la nécessité de ne pas se fier aux apparences !
D'ailleurs, je vous incite, lectrices et lecteurs, à ne pas vous attarder sur l'affreux bandeau de couverture mais à entre pleinement dans le bouquin.
J'ai eu par moments un peu de mal à comprendre l'amour de cette fille pour ce père difficile mais le travail de deuil (travail dans son sens de douleur) est justement rendu.
Anne Pauly passe par toutes les phases (abattement, colère, désespoir) avant - comme l'indique si bien le titre - d'arriver à oublier un peu cette disparition. L'attention aux petits signes (de l'au-delà ?) l'aidera beaucoup.
J'ai trouvé la fin (contrairement au début) du récit magnifique et émouvante, comme la plus grande partie du roman.
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Avec la politesse du désespoir
Pour son premier roman Anne Pauly s'est emparée d'un sujet difficile, la mort d'un père. Mais elle a réussi un hommage aussi drôle qu'émouvant, en mettant le doigt sur toutes ces petits détails absurdes et en trouvant pour cela une langue très originale.

Dieu sait que ce père que la narratrice vient de perdre est vraiment loin d'avoir été parfait. le «gros déglingo» comme elle l'appelait se laissait aller à la violence, n'hésitait pas à téter quelques bouteilles, à rouspéter après le personnel médical ou à se prendre à sa famille qui pourtant l'a accompagné durant ses dernières années, alors que la maladie gagnait du terrain et qu'il ne se déplaçait plus. Une rudesse un peu contrebalancée par une vie plus secrète, dont les objets qui entourent le défunt viennent témoigner, «des mots fléchés force 4, sa petite bible, un recueil de haïkus, son livre sur Gandhi». Une recherche de spiritualité dont on reparlera, car pour l'heure, il s'agit de «mettre de l'ordre» et de préparer les obsèques.
Des obligations qui permettent aussi d'oublier son chagrin et de se concentrer sur des choses plus triviales comme le choix d'un cercueil, la rédaction de l'annonce mortuaire, l'envoi des faire-part et la préparation des obsèques avec le curé.
Si ce roman sensible et émouvant est si réussi, c'est qu'il balance constamment entre le rire et les larmes, démontrant avec grâce que la politesse du désespoir permet de ne pas sombrer, que l'humour est une soupape vitale.
Anne Pauly a aussi trouvé l'écriture qui se marie parfaitement à ce temps de crise, jouant beaucoup sur l'oralité, comme lorsque la narratrice accompagne son frère à l'entreprise de pompes funèbres: «du racket organisé, du délit d'initié, moi monsieur, je ne marche pas dans votre marge de malade et vos combines de merde, avait dit mon frère à monsieur Lecreux fils […] Au fond, j'étais d'accord avec lui sur l'obscénité de ce business de boîtes mais en ce moment difficile, ce n'était pas trop la peine de s'énerver parce qu'en réalité, la mort était déjà passée.»
On peut aussi rapprocher cette manière de parler de la mort de ces haïkus qui plaisaient tant au père disparu. de courtes formules dont l'usage immodéré est aussi un hommage au disparu. Je ne résiste du reste pas au plaisir de vous en livrer quelques-unes ici. À la morgue: «Ses sourcils et ses cheveux brillaient dans la lumière, pleins de laque et de givre parce qu'il sortait d'un putain de congélo.» À la lecture de l'épître aux Corinthiens: «Petite, j'imaginais des types plutôt retors spécialisés dans le négoce de raisins secs.» ou encore lorsque la famille monte en voiture: «En parcourant les cinquante mètres qui séparaient le parking de la chambre funéraire, tous vêtus de noir, j'ai eu un bref instant l'impression qu'on allait braquer un casino.» Je n'oublierai pas non plus Céline Dion, invitée surprise venue à la rescousse et offrant «la catharsis par la pop-check.»
Mais avant ces «toutes dernières larmes», on aura découvert les multiples facettes de la vie de cet homme qui donnent au fil du roman un portrait bien différent des premières pages avec – autre trouvaille de la romancière – une surprise de taille lorsque se manifeste une femme qui a bien connu cet homme. L'occasion d'une ultime pirouette qui prouve que fort souvent on se fait une idée fausse ou pour le moins partielle des gens. Une belle leçon d'humilité qui peut aussi être un manuel à l'usage de ceux qui vivent un deuil.

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Voici une histoire toute simple comme je les aime, une histoire que l'auteure, Anne Pauly, a puisée dans son vécu : la perte d'un proche.
Elle a su avec sensibilité et sobriété raconter l'annonce d'une mort, celle du père, et avec elle la sidération.

Alors qu'elle doit vider la maison, trier les affaires de son père, elle parle de l'absent et le fait revivre sans pathos, avec une tendresse teintée d'humour. Revoilà le père dans son quotidien banal, dans les plus infimes détails et au travers des personnes qui l'ont côtoyé. Elle découvre ainsi des morceaux de sa vie qui lui avaient échappé.
Ce père, elle n'en fait pas un héros car cet ours misanthrope et alcoolique était violent avec sa mère, ce qui rendait la vie à ses côtés difficile.
Tout le cheminement pour accompagner le malade puis le mort est décrite avec simplicité : des visites à l'hôpital à la visite ultime à la morgue, les pompes funèbres et, enfin, l'inhumation.
C'est en écoutant Céline Dion à la radio que le refrain de sa chanson « Mais avant tout, je voudrais parler à mon père » provoque ses sanglots et le constat qu'enfin, le deuil se réalise avec l'acceptation de l'absence.

Les relations père-fille sont relatées avec une tendresse pudique.
Ce livre intimiste et tendre nous rappelle combien la vie passe vite et nous parle des regrets d'une relation à laquelle la mort a mis fin.
Une lecture émouvante qui peut faire résonance avec son propre vécu.


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''Avant que j'oublie'' d'Anne Pauly est un premier roman dans lequel je me suis plongée presqu'en apnée, entre mélancolie, tristesse et sourire.
Dans ce récit, une jeune femme, Anne, se livre sur sa famille et plus exactement sur son père. Elle écrit sur son père, pour son père alors qu'il vient de mourir d'un cancer. Elle nous parle de sa relation qu'elle a entretenu avec lui, de l'homme qu'il était à ses yeux : personnage ambivalent, alcoolique, violent avec sa femme, dur avec ses enfants, solitaire et, en même temps, curieux, aimant la nature, le silence, les lectures sur la spiritualité, les haïkus, capable d'être tendre et inquiet pour sa fille Anne, après la mort de leur mère, alors que la relation avec Anne est devenue plus douce.

C'est un roman, fleurtant avec l'autobiographie, sur les enfants adultes et leur relation avec leurs parents, partagés entre différents sentiments et désirs : à la fois culpabilité à ne pas s'occuper assez de leurs ainés, à ne pas aller assez souvent les voir, alors que ces derniers se font vieux, malades, fragiles ; ces responsabilités parfois difficiles à porter, ne serait-ce qu'à réaliser du fait de l'amertume du passé, et à la fois ce besoin impérieux d'être libres, de s'offrir des moments pour soi-même, loin de la famille, l'esprit paisible, et, la nécessité de se construire, de grandir à peu près droits et pas trop cabossés et de vivre.
C'est un roman intime, sur les souvenirs, ceux qui font grincer les dents, serrer les poings, ceux qui coupent un peu le souffle, qui amènent l'arme à l'oeil et le blues à l'âme.
Je l'ai lu presque d'une traite, jusqu'à 3 heures du matin, incapable de le lâcher. J'ai tourné les pages comme au rythme de son écriture. Cela nous raconte le quotidien et les (res)sentiments ; et on peut alors le lire avec une certaine lenteur. Mais, du fait même de sa structure, avec ces paragraphes denses, sans partie bien distincte, nous avançons dans la lecture de manière fluide, sans réelle pause, curieux de tous ces moments introspectifs. C'est comme tourner les pages d'un herbier de souvenirs et d'anecdotes familiaux, avec comme ligne conductrice la mort de son père, ponctués de tous ces petits flashbacks sur ces moments passés avec lui. Par ces longs paragraphes sans chapitres, ce roman ressemble à une longue lettre écrite à son père.
La narratrice se livre presque sans concession, en essayant de ne pas trop se mentir à soi-même, de ne pas trop édulcorer les souvenirs et les traits de caractère de chacun.

C'e roman m'a tellement parlé, tellement fait remonter le fil de mes propres souvenirs, de ma propre famille pas facile, de mes propres cicatrices, m'a tant rappelée ma propre relation avec mes parents que j'ai souvent eu l'impression de le lire comme dans un miroir sur mon passé. Et j'ai mêlé les souvenirs d'Anne avec les miens.

Anne, ma soeur Anne, parfois j'aurais voulu te dire que toutes les familles ont leurs épreuves à surmonter, à supporter, dont il faut s'échapper, au moins un peu, parfois plus longtemps. Et je voulais te rassurer et te dire combien je comprenais toutes tes émotions parfois si contradictoires. Anne, ma soeur, cette confidente, on aurait tellement envie de te prendre dans les bras, pour essayer d'apaiser un peu le chagrin que tu ressens à l'absence de ton père. Anne, en refermant ce roman, je fredonnai la chanson « Mon vieux » en pensant au tien, en pensant au mien, chanson qui me donne toujours des trémolos dans la voix
Parce que, si tu savais comme cela m'a rassuré aussi de lire tes propres interrogations, agacements, douleurs, en me disant que je n'étais pas la seule à vivre cette « famille je t'aime, famille je te hais » ; à avoir essayé de faire table rase sur le passé, parce que ceux sont quand même nos parents, avec leurs propres qualités et défauts, comme tout humain et pas un être qu'on idolâtre au temps de l'innocence des yeux de petit enfant, l'innocence avant que les yeux s'ouvrent.
Avec les années, il peut arriver que des qualités apparaissent chez le parent, après avoir connu cet amas de défauts, qui aurait pu nous faire prendre nos jambes à notre cou de manière définitive, rédhibitoire, salvatrice. Mais on était restés, malgré tout, même après une longue pause pour tenter de se rafistoler un peu. On était restés même entre guillemets, même de loin, même à des centaines de kilomètres de là, pour avoir un peu d'air. On a l'impression d'être comme des funambules sur un fil fragile, un lien ténu et qu'à la moindre anicroche, au moindre léger coup de vent, le fil pourrait se casser, pour toujours, et nous avec.
Mais, avec les années, les décennies, les angles s'émoussent parfois par miracle et s'attendrissent, heureusement et nous rassurent un peu de ne pas avoir coupé le lien définitivement. Parfois il faut se rappeler que chacun fait ce qu'il peut, que leur propre enfance a sûrement été plus compliquée que la nôtre et essayer d'oublier de notre enfance les images les plus violentes. Et il arrive alors qu'il y ait ces petits moments de tendresse, de lumière, de regards un peu complices, et qui valent le coût, malgré le prix parfois si exorbitant et douloureux qu'on a dû payer pour cela.

Par ce regard lucide sur la famille et la vie, par cette clairvoyance sur les défauts de chacun, cet humour un peu piquant et moqueur sur l'attitude des autres et d'elle-même, avec cette sensibilité, ces émotions passant du sombre à la lumière, et parce que cela parle de famille, de l'intime, ce roman se lit avec intenses émotions.
Le regard d'Anne Pauly sur la (sa) famille est intelligent, d'une grande finesse, drôle et émouvant. C'est un beau roman, sur la complexité des sentiments, sur la complexité des relations familiales, de ce sang qui coule dans nos veines, et finalement sur l'amour qu'on porte à nos parents, notre famille. Un roman de qualités qui mérite le prix Livre Inter reçu en 2020.
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