Une belle découverte que la poésie de
Roger Munier et de son recueil
le visiteur qui jamais ne vient, un ouvrage publié en 1983 aux belles éditions des Lettres Vives.
Ce recueil est constitué de nombreux aphorismes, de courts textes dans lesquels l'auteur scrute avec minutie notre rapport au monde sensible, aux objets et les représentations que nous avons d'eux. Une approche qui ne va pas sans exclure le domaine de la pensée et avec elle, le temps, l'absence, la mort, le silence, la nuit,....
« Quelque chose nous appelle, nous interpelle et peut-être nous oblige. Mais est-ce bien à la parole ? Ce qui nous appelle ne nous requiert peut-être qu'a silence, à son silence, à son mutisme... »
L'image que nous possédons d'un objet ne peut se suffire à elle-même, elle n'est réelle que dans l'instant où nous la pensons, où nous l'observons, mais son essence se tient elle dans un entre-deux, dans un espace qui sépare l'objet et son double. Un espace intangible que seul la méditation et le langage peuvent rendre sensible.
« Il y a la beauté du monde. Mais, derrière elle, il y a le monde sans sa beauté, le monde hors l'apparence. Qu'est-ce que la mer sans ce qui la fait telle ou telle : calme ou démente, grise ou brillante-bleue et lisse comme une soie ?
Un nuage passe et la mer change de visage. Où est « la » mer?
Nombre d'étoiles que tu regardes ne sont plus là où tu les vois. Celles qui sont là ne se verront qu'infiniment plus tard, par d'autres qui ne verront pas ce qu'ils voient. Que voit-on ? »
L'écriture de
Roger Munier est ce moment où se resserre le lien entre poésie et philosophie. Tout en méditation, toute réflexive, elle est intuition très particulière de l'instant, celui où se perpétue l'origine et le cours des choses. Un très beau recueil.
« le désir est beau comme désir sans plus. Pourquoi ne pas s'en tenir au seul désir, sans vouloir l'assouvir – sans non plus le nier ? Habiter le désir, sans qu'il brûle ? »
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