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EAN : 9782070373581
256 pages
Gallimard (04/03/1982)
3.7/5   1479 notes
Résumé :
Qui pousse un certain Guy Roland, employé d'une agence de police privée que dirige un baron balte, à partir à la recherche d'un inconnu, disparu depuis longtemps ? Le besoin de se retrouver lui-même après des années d'amnésie ?
Au cours de sa recherche, il recueille des bribes de la vie de cet homme qui était peut-être lui et à qui, de toute façon, il finit par s'identifier. Comme dans un dernier tour de manège, passent les témoins de la jeunesse de ce Pedro ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (139) Voir plus Ajouter une critique
3,7

sur 1479 notes
Pour beaucoup, ce que je vais raconter ici paraitra dérisoire : "Rue des boutiques obscures" est le premier livre que j'ai eu entre mes mains qui ne soit ni une surprise, un livre de poche, un livre d'occasion. Ma première volonté de lectrice, d'économiser pour m'acheter un livre des Editions Gallimard, le prix Goncourt, dont j'avais aperçu l'auteur par hasard, dans un soir d'internat où je végétais, trainais une adolescence interminable, dans la lucarne télévisuelle, une émission "Apostrophes", seule ouverture sur un monde de liberté possible. Cet auteur, nommé Patrick Modiano, un inconnu, m'avait décoché une flèche en plein coeur. J'ai acheté ce livre, cher pour moi à l'époque, et ramené chez moi. J'ai attendu quelques temps pour le lire, intimidée par cette couverture d'un livre qui me paraissait le summum du luxe et symbole intellectuel dans une famille où le livre était objet superflu. On se moqua de moi. Et puis, j'ai osé ouvrir la première page, m'aventurer dans le récit. Ce fut le début d'une histoire d'amour qui perdure encore aujourd'hui, avec l'univers de Modiano, pas évidente au premier abord, avec les méandres d'une mémoire sans cesse réinventée, un style épuré, l"histoire de destins fracturés, le début aussi de l'obsession de la lecture de l'intégralité de l'oeuvre des écrivains qui auraient l'heur de me sourire... l'affranchissement de s'autoriser l'accès à la culture qui semble réservée à d'autres que soi, de son milieu social, éducatif.
Attention, lire est un acte subversif !
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Je fais partie de ceux qui n'avaient jamais lu Patrick Modiano avant qu'il ne se voit attribuer le prix Nobel. Pour reprendre le titre d'un article qui lui a été consacré, il n'était à mes yeux « ni lu, ni connu » ; un simple patronyme parmi d'autres dans la forêt littéraire. Comme toujours, je considère comme une excellente nouvelle d'avoir tout à découvrir d'un auteur reconnu par la critique et récompensé des prix littéraires les plus prestigieux.

Le roman « Rue des boutiques obscures » débute par ces deux phrases : "Je ne suis rien. Rien qu'une silhouette claire, ce soir-là, à la terrasse d'un café." le narrateur a tout oublié de son passé. Dix ans plus tôt, un accident mystérieux l'a rendu amnésique. Il exerce la profession de détective privé. Son patron, qui lui a permis de se procurer un nouvel état civil, part à la retraite. Il décide d'enquêter sur son passé à la recherche de sa propre identité.

Cette enquête va lui permettre de remonter les pistes ténues de son passé : des hommes se souviennent vaguement de lui et du groupe qu'il fréquentait il y a plusieurs années, on lui confie une photographie sur laquelle il peine à se reconnaître aux côtés d'une jeune femme d'origine russe, on lui souffle son prénom, celui de ses proches, il trouve son ancien numéro de téléphone au dos d'un cliché qui lui permet de retrouver l'adresse d'un appartement, il découvre son extrait d'acte de mariage au coeur d'un carnet vierge….
Des bribes de souvenirs lui reviennent parfois après des déclics, comme la vue de la fenêtre d'un appartement, une cage d'escalier, la photographie d'un ancien voisin qui avait la particularité d'arpenter les boulevards en costume blanc. Autant de matières brutes qu'il va lui falloir reconstituer : "Une impression m'a traversé, comme ces lambeaux de rêve fugitifs que vous essayez de saisir au réveil pour reconstituer le rêve entier."
A l'opposé de ces données si fragiles, il y a les éléments bruts de l'enquête, qui sont dans et hors du récit, puisque livrés bruts dans un chapitre, hors de la narration. C'est le cas des fiches de polices, des extraits du bottin, de sa correspondance avec son ancien patron.

J'ai été frappé par la proximité des univers romanesques de Patrick Modiano et de Georges Simenon. Pour ces deux auteurs, l'enquête n'est jamais qu'un prétexte, celui de parcourir Paris, le plus souvent à pied, ses quartiers mais aussi ses mondes. le narrateur de la « Rue des boutiques obscures » va rencontrer des personnages du milieu de la nuit, des émigrés russes, un pianiste qui joue dans un bar, un critique gastronomique, etc. Il n'y a pas d'analyse sociologique des milieux traversés parlons plutôt d'empathie. le narrateur, à la différence d'un Maigret plus massif, s'efface par sa timidité, ses doutes, ses incertitudes, sa mémoire défectueuse. Son interlocuteur se livre dans sa vérité d'homme et livre le peu de souvenirs ou d'éléments matériels qu'il lui reste.
Certaines scènes auraient pu être écrites par Simenon, même si elles sont magnifiées par l'écriture épurée de Modiano, notamment lorsque le détective se rend dans un café tenu par un patron flamand à la forte personnalité, établissement fréquenté par des mariniers belges, où la buée et la fumée des cigarettes rendent l'atmosphère floue.

Le narrateur est à la recherche d'un ‘'temps perdu'' qui est très court, puisqu'il s'agit des années noires de l'Occupation. Il reconstitue le fil de sa vie durant cette période tragique : l'angoisse des contrôles d'identité, les trafics de bijoux, les états civils usurpés, le chaos qui règne dans l‘entrée d'un hôtel d'une ville de province : Vichy, les personnages dangereux… Certains de ces éléments sont inspirés de la vie du père de l'auteur à cette époque. le narrateur se souvient qu'avec ses amis, ils firent le choix de se cacher à Megève, dans une pension, mais rompant leur volonté de discrétion, ils feront des rencontres qui leur seront fatales.

Ce roman est une quête de l'identité ou plutôt des identités puisqu'elles sont souvent multiples, falsifiées ; certains personnages ne seront jamais connus sous leur vrai nom et le détective prénommé Guy, s'appelle en fait Jimmy mais est tout le monde le nomme Pedro… Dans un passage, il oppose ces identités multiples à la seule vérité, celle du moi, qui cristallise les sensations, qui renoue avec le passé grâce à la mémoire retrouvée du passé .
Le récit s'achève - ou plutôt ne s'achève pas – sur une nouvelle piste, celle de l'identité originelle du narrateur. Il a connaissance d'une adresse : Via delle Botteghe Oscure, qui est le titre du roman, rue de la ville de Rome, nouveau monde, bel et bien « obscur », à parcourir. C'est une quête sans fin et pour paraphraser une citation du livre « Un pedigree » (un titre qui parle à tous les lecteurs de Simenon), le narrateur devra « s'efforcer de trouver quelques empreintes et quelques balises dans ce sable mouvant comme on s'efforce de remplir avec des lettres à moitié effacées une fiche d'état civil ».

Rue des boutiques obscures est une excellente introduction à l'univers «modianesque». L'écriture épurée est magnifique. Les thèmes principaux de l'auteur sont traités : la quête de l'identité, les années noires de l'occupation, Paris. le roman est remarquable. le lecteur y trouve un style, une construction et un univers qui appartiennent à la noblesse (et non Nobel-esse) de la littérature contemporaine, mais il manque peut-être une accroche ou une étincelle qui rende le roman passionnant. Pour terminer sur Simenon, avec non pas une parenté, mais une différence, s'il ne maniait pas la langue avec une telle minutie qui confine au classicisme, il savait, lui, envoûter son lecteur.
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Rue des Boutiques Obscures, avec lequel Modiano a obtenu le prix Goncourt en 1978, est le sixième roman de l'écrivain. Lors de sa publication, la critique a été assez divisée sur ce roman, un des plus connus de Patrick Modiano, et aussi l'un des meilleurs selon certains, « le « détective » Modiano y est à son sommet ». Alors que j'écris ce commentaire peu de temps après le tour de France, ce sommet me fait plus penser à un faux plat qu'à un col de 4ème catégorie.

« Modiano donne l'impression de toujours écrire le même livre, à quelques variantes près […]
On sait combien la question de la mémoire hante l'univers Modiano. Ses personnages sont la plupart du temps mystérieux […] Généralement chez Modiano, l'intrigue prend la forme d'une investigation rappelant les enquêtes policières […]
Dans un aller-retour permanent entre le passé et le présent, ce roman est une déambulation permanente dans Paris qui a beaucoup évolué. Comme souvent, Modiano pose des énigmes mais ne souhaite pas qu'elles soient résolues. A sa manière, ce qu'il cherche constamment à exprimer dans ses romans, c'est que l'oubli n'existe pas vraiment. » Avais-je déjà écrit au sujet de son roman « L'herbe des nuits », paru en 2012. Effectivement rien n'avait changé au fil des romans où l'auteur mène l'enquête sur un personnage qui lui ressemble et qui finit par s'incarner dans l'écrivain qu'il est.

On voit cette fois un détective amnésique se lancer sur ses propres traces, partir à la recherche de son passé et se glisser dans la personnalité de différents inconnus qu'il a " pu être ". Ce besoin de se retrouver lui-même après des années d'amnésie fait qu'il va essayer de retrouver ses anciens amis afin de reconstituer ses souvenirs. L'enquête avance lentement et le narrateur doit sans cesse suivre une nouvelle piste avec d'autres personnages. Cette longue série de rencontres va chaque fois lui permettre d'en apprendre un peu plus sur son passé et de retrouver petit à petit une identité et son histoire.

Modiano exprime peu ses sentiments dans ce roman qui, raconté à la première personne dans un style simple et composé de phrases courtes, nous emmène de piste en piste, à la manière d'une enquête policière. On ne saura jamais comment le narrateur a perdu la mémoire dans cette enquête où les pièces du puzzle sont finalement trop dispersées pour être toutes réunies, ce qui peut être frustrant pour le lecteur. Les personnages rencontrés sont tous originaux mais aucun n'est attachant. Une nouvelle fois l'écriture de Modiano m'a déçu, mais certainement que j'attends trop d'un Goncourt (souvent décevants) mais surtout d'un prix Nobel de Littérature.
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Il y a parfois du bon à rouvrir de vieux cartons...cartons de livres ayant été lus pas d'autres que vous avant vous et qui vous en font don...histoire de refaire vivre le passé à nouveau et pourquoi pas, de découvrir de précieuses richesses ? Aussi, quoi de plus extraordinaire comme entrée en matière d'avoir trouvé cet ouvrage dans un vieux carton relégué dans un grenier pour découvrir l'histoire de cet homme qui, lui aussi, tente de refaire vivre son passé ?

Le roman débute sur ces quelques mots "Je ne suis rien". En effet, Guy Roland est un homme qui a strictement tout oublié de son passé et de ses origines, oubliant même son propre nom. Guy Roland lui a été suggéré par son ami et collègue de travail Hutte, enfin disons plutôt employeur. Hutte est en effet un détective privé qui a pris Guy sous son aile et tous deux ont travaillé ensemble durant une dizaine d'années avant qu'il ne décide de prendre sa retraite et de se retirer sur la côte méditerranéenne. Fini les affaires pourrait-on dire mais pour "Guy", celles-ci ne font que commencer car, tout au long de son roman, il va s'acharner à reconstituer son passé afin de pouvoir enfin savoir qui il est. Mais d'ailleurs, le sait-on vraiment un jour ?
Ce ne sera pas une quête facile car il s'aventurera sur des fausses pistes, s'imaginant tantôt issu de la haute noblesse ou simple immigré.

Bref, un superbe roman sur la quête d'identité, roman qui se déroule durant la Seconde Guerre mondiale où justement l'identité était au coeur des débats. Un roman poignant, extrêmement bien écrit et laissant le lecteur à ses propres réflexions et interrogations. Peut-on être sûr que l'on se connaît vraiment soi-même ?
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Rue des boutiques obscures

Conjonction des fêtes de fin d'année 2014 et du prix Nobel (tiens donc chérie, que pourrait-on lui offrir qu'il n'aurait pas encore lu ?) je me retrouve avec le prix Goncourt 1978.


Pour moi qui ne l'ai jamais lu, Modiano était une sorte de jeune bourge giscardien, un Claude Sautet de la littérature. Quelqu'un qui ne va pas au fond des choses de peur d'y voir une bataille sans combattants, d'y voir sa propre absence qu'on masquera plutôt que d'y trouver la raison objective de cette absence…

Cette « rue des boutiques obscures » est l'exacte métaphore de ce que je tente plus haut d'expliquer. le « héros » amnésique (comme c'est commode) cherche qui il est et traîne sa grande carcasse élégante et distinguée dans le Paris des années 65. Attention pas le Paris des faubourgs (malgré une courte incursion vers le quai d'Austerlitz), mon cher Paris des Beaux-Arts, rue de Seine et de l'échaudé, non, le Paris de « la haute », huitième et seizième, la rive droite huppée. On habite rue Cambon ou rue Cambacérès, on se rencontre rue de la Boétie. On travaille à la légation de l'ambassade de Saint Domingue (Mais où est donc ce foutu pays ma chère… ?: près du musée d'Art moderne mon ami...).

Comment devient-on amnésique, M. Modiano ? Pas de réponse, ni dans le livre ni dans la tête du pauvre garçon obligé de fuir en 1942 vers la Suisse via Megève avec sa compagne et de payer des passeurs (déjà !!!) 50 000 francs par tête pour fuir la vie frivole de la station alpine ;Pourquoi fuit-on au fait, passant par Vichy. On est étranger avec de faux passeports, on n'existe déjà à peine sans perdre la mémoire. Serait-on juif ? Peut-être…Résistant, sûrement pas à ce prix-là. Non, on est victime pleurnicharde, un peu à l'image du dernier discours de Stockholm. On fuit. On est là malgré soi, sans savoir. On n'a pas choisi d'être le meilleur ami d'un châtelain et d'un jockey célèbre, de faire des études à Nice dans une institution privée pour jeunes godelureaux. On pète dans la soie et on peut se permettre de perdre la mémoire et même de partir à sa recherche (du temps perdu !) pour mystifier les gogos qui vous lisent.
Vers la fin, Machin se paye le grand saut jusqu'à Papeete (A l'époque, une sacrée aventure) comme çà d'un coup d'ongle pour retrouver un carré de mémoire... Quel talent… Quel compte en banque.

Plus tard il suffira de retrouver la rue des boutiques obscures à Rome, hors texte, hors roman. Rendez-vous donc au prochain épisode pour un nouveau prix littéraire, une autre distinction qui ne dérangera personne. le Goncourt à Enid Blyton en quelque sorte.
Ça commence bien et ça ne finit pas.

Bonne idée, mauvais développement d'autant que le style est un peu lourdingue par rapport à la légèreté du propos :
« La place de la gare serait déserte si un enfant ne faisait du patin à roulettes sous les arbres du terre-plein » est français mais très maladroit, sans compter l'abus des imparfaits du subjonctif préférés systématiquement au passé du même genre pourtant recommandé en langage soutenu. Peut-on passer là-dessus en finissant sa timbale de ris chez Drouant ?

Pour moi cette littérature appartient au passé mais pas à l'histoire. C'est propre, c'est sans danger, c'est « trente glorieuses ».
Et pendant ce temps-là, Marguerite Duras écrivait. Et puis le nouveau roman faisait ses brasses.

Pas rancunier, j'en lirai d'autres de ces pastilles Vichy pour pouvoir me contredire moi-même. En plus il y a des promos.
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critiques presse (1)
LeFigaro
21 juin 2022
L'auteur et critique Paule Constant souligne les multiples qualités de cette «enquête impeccablement menée» à la conclusion étonnante.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Citations et extraits (86) Voir plus Ajouter une citation
Je crois qu'on entend encore dans les entrées d'immeuble l'écho des pas de ceux qui avaient l'habitude de les traverser et qui, depuis, ont disparu. Quelque chose continue de vibrer après leur passage, des ondes de plus en plus faibles, mais que l'on capte si l'on est attentif.
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"Jusque-là, tout m'a semblé si chaotique, si morcelé...Des lambeaux, des bribes de quelque chose, me revenaient brusquement au fil de mes recherches...Mais après tout, c'est peut-être ça, une vie..."
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« Quelquefois, quand les autres étaient partis, nous restions seuls à la Croix du Sud. Le chalet était à nous. Je voudrais revivre certaines nuits limpides où nous contemplions le village, en bas, qui se découpait avec netteté sur la neige et l’on aurait dit un village en miniature, l’un de ces jouets que l’on expose à Noël, dans les vitrines. Ces nuits-là, tout paraissait simple et rassurant et nous rêvions à l’avenir. Nous nous fixerions ici, nos enfants iraient à l’école du village, l’été viendrait dans le bruit des cloches des troupeaux qui paissent…Nous mènerions une vie heureuse et sans surprises.

D’autres nuits, la neige tombait et j’étais gagné par une impression d’étouffement. Nous ne pourrions jamais nous en sortir, Denise et moi. Nous étions prisonniers, au fond de cette vallée, et la neige nous ensevelirait peu à peu. Rien de plus décourageant que ces montagnes qui barraient l’horizon. La panique m’envahissait. Alors, j’ouvrais la porte-fenêtre et nous sortions sur le balcon. Je respirais l’air froid qu’embaumaient les sapins. Je n’avais plus peur. Au contraire, j’éprouvais un détachement, une tristesse sereine qui venait du paysage. Et nous là-dedans ? L’écho de nos gestes et de nos vies, il me semblait qu’il était étouffé par cette ouate qui tombait en flocons légers autour de nous, sur le clocher de l’église, sur la patinoire du cimetière, sur le trait le plus sombre que dessinait la route à travers la vallée ».

« Une petite filles rentre de la plage, au crépuscule, avec sa mère. Elle pleure pour rien, parce qu’elle aurait voulu continuer à jouer. Elle s’éloigne. Elle a déjà tourné le coin de la rue, et nos vies ne sont-elles pas aussi rapides à se dissiper dans le soir que ce chagrin d’enfant ? »
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[ Incipit ]

Je ne suis rien. Rien qu'une silhouette claire, ce soir-là, à la terrasse d'un café. J'attendais que la pluie s’arrêtât, une averse qui avait commencé de tomber au moment où Hutte me quittait.
Quelques heures auparavant, nous nous étions retrouvés pour la dernière fois dans les locaux de l'Agence. Hutte se tenait derrière le bureau massif, comme d'habitude, mais gardait son manteau, de sorte qu'on avait vraiment l'impression d'un départ. J'étais assis en face de lui, sur le fauteuil de cuir réservé aux clients. La lampe d'opaline répandait une lumière vive qui m'éblouissait.
- Eh bien voilà, Guy... C'est fini..., a dit Hutte dans un soupir.
Un dossier traînait sur le bureau. Peut-être celui du petit homme brun au regard effaré et au visage bouffi, qui nous avait chargé de suivre sa femme. L'après-midi, elle allait rejoindre un autre petit homme brun au visage bouffi, dans un hôtel meublé de la rue Vital, voisine de l'avenue Paul-Doumer.
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Je n'entendis d'abord que les sonneries brèves et répétées qui annoncent que la ligne est occupée. Et puis, dans l'intervalle des sonneries, je distinguai des voix d'hommes et de femmes qui se lançaient des appels : - Maurice et Josy voudraient que René téléphone... - Lucien attend Jeannot rue de la Convention... - Mme du Barry cherche partenaire... - Alcibiade est seul ce soir...
Des dialogues s'ébauchaient, des voix se cherchaient les unes les autres en dépit des sonneries qui les étouffaient régulièrement. Et tous ces êtres sans visages tentaient d'échanger entre eux un numéro de téléphone, un mot de passe dans l'espoir de quelque rencontre. Je finis par entendre une voix plus lointaine que les autres qui répétait :
- "Cavalier bleu" est libre ce soir... "Cavalier bleu" est libre ce soir... Donnez numéro de téléphone... Donnez numéro de téléphone...
Chapitre XX, p. 123-124, nrf.
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Géraldine Mosna-Savpye et Nicolas Herbeaux en parlent avec nos critiques, Elise Lépine, journaliste littéraire au Point, et Virginie Bloch-Lainé, productrice à France Culture.
#litterature #critique #livres
Vignette : Maryna Terletska/Getty Images _____________ Livres, films, jeux vidéo, spectacles : nos critiques passent au crible les dernières sorties culturelles par ici https://youtube.com/playlist?list=PLKpTasoeXDrosjQHaDUfeIvpobt1n0rGe&si=ReFxnhThn6_inAcG une émission à podcaster aussi par ici https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-midis-de-culture
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