J'ai longtemps hésité à écrire cette chronique, parce que j'avais l'impression que quoi que je puisse exprimer, ce ne serait jamais assez face à cette oeuvre remarquable. Et puis, finalement, j'ai craqué.
Je ne connaissais pas
Sophie Loubière avant de lire
Obsolète, et je dois dire que je suis ravie de cette rencontre ! J'avais vu passer plusieurs fois cette parution dans des listes de recommandations chez les libraires, sur Babelio… Et j'ai fini par l'acheter chez mes libraires. Je suis tombée sous le charme de la 4ème avant de tomber amoureuse du livre dans son ensemble ; je suis tellement satisfaite de l'avoir acheté pour moi plutôt qu'emprunté à la médiathèque ! C'est un livre que je relirai sans aucun doute, ce qui m'arrive pourtant très peu.
Je m'attendais d'abord à un roman un peu façon
Sandrine Collette, sombre, avec des réflexions profondes sur la nature humaine ; et en même temps avec pas mal d'action, comme chez
Neil Gaiman. Au final, l'histoire n'est pas si sombre même si elle parle beaucoup de nature humaine ; et si on y trouve pas mal d'action, elle a un rythme lent qui permet de construire tout un Monde. Ce dernier est d'une complexité rare. 200 ans dans notre futur, avec quelques milliards de têtes en moins, l'Humanité a dû trouver d'autres manières de vivre.
Sophie Loubière interroge absolument TOUS les aspects d'une société : politique, ressources, climat, travail, éducation, relationnel, loisirs, transports, croyances, logement… Moi qui me plains souvent de ne pas trouver assez de détails sur le contexte, ici j'ai pu tout savoir. Et relire, et discuter des solutions envisagées pour telle ou telle contrainte environnementale, et réfléchir, et rechercher. J'ai lu certains passages comme un documentaire, apprenant beaucoup, faisant des allers-retours dans les paragraphes. Je n'ai pas poussé le vice jusqu'à prendre des notes (parce que l'histoire est tout aussi prenante et que je voulais savoir la suite), mais je serais bien capable de m'y mettre à la relecture ! Quel pied…
L'histoire dans cet environnement si riche est fascinante elle aussi. Rachel vient d'avoir cinquante ans et se prépare pour le Grand Recyclage, avec deux de ses amies proches. Elle doit donc quitter son mari, ses deux enfants, son métier, sa maison, son village… tout en n'ayant qu'une version officielle relayée par Maya, l'IA universelle, et en se questionnant sur ce qu'il en est réellement. Il ne faut par contre pas être trop pressé, puisque Rachel ne quittera sa maison qu'à la moitié du roman (530 pages, rappelons-le) ; le récit comprend plusieurs arcs narratifs, dont celui du Grand Recyclage, mais d'autres le rejoignent et sont tout aussi passionnants et engagés.
L'engagement de l'autrice, parlons-en.
Sophie Loubière livre un récit profondément féministe et écologiste. de nombreuses réflexions des personnages, notamment de Rachel, invitent à penser le sexisme sous toutes ses coutures : par sa violence systémique (dont le Grand Recyclage) ou isolée. Depuis sa racine jusqu'à ses conséquences concrètes en 2224. Les pistes avancées sont passionnantes, les positionnements des personnages très éclairants. Qu'il s'agisse de la protagoniste, de son mari ou de son ami John, chacun voit les choses à travers son propre prisme, et nous dévoile à tour de rôle sa pensée. La réflexion est donc très riche et m'a grandement passionnée !
Pour ce qui est de l'écologie, c'est surtout le contexte qui l'explicite. le Grand Effondrement semble n'avoir plus laissé le choix. Dans les cours à l'école dont se souvient Rachel, on décrit notre époque actuelle d'une manière qui rebute les élèves, tant nos erreurs et nos égarements sont violents. Par rapport aux animaux (plus de chatons ni d'oiseaux en 2224, plus non plus de régime carné), par rapport à la Nature (on n'occupe plus l'intégralité des Sols), par rapport au Climat… Et les habitants de ce futur font face aux erreurs de leurs ancêtres, construisant des maisons passives, luttant contre les canicules, récupérant l'eau de pluie. Leurs habitudes, leur manière de vivre, leurs emplois, leur agriculture, tout est fonction de leur environnement. Ce programme m'a semblé si utopique, et il est si bien détaillé et expliqué, que j'aurais voté cent fois pour lui.
La question des croyances et des religions est elle aussi abordée et fouillée. Je me dis que si ce roman dérange, ce sera sûrement pour cette dimension-là. Et pourtant, j'ai beaucoup aimé la manière d'amener cette idée, et de l'expliquer.
Les personnages portent tous un bracelet de régulation des émotions, ce qui a permis à l'humanité d'éradiquer la tristesse, la colère, et par là, la criminalité. Entre le bracelet et Maya, qui répond à toutes les questions et administre la vie des humains, ces derniers n'ont plus d'émotions fortes qui pourraient les déstabiliser et mettre la communauté en péril. Si je pense que le bracelet est vraiment du domaine de la science-fiction, l'IA par contre pourrait bien devenir un futur très proche avec les Google Home, les Alexa et compagnie… A la fois rassurante et contrôlante, Maya fait partie intégrante du quotidien des nouveaux humains. Cette dimension-là m'a fascinée aussi.
Je ne vais pas m'éterniser plus je crois, j'ai été complètement hypnotisée par
Obsolète. C'est sans conteste un des meilleurs romans d'anticipation que j'ai lus, et je ne saurais que trop le conseiller. Lisez-le, c'est un roman total et bouleversant.
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