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Citations sur Chanson bretonne - L'enfant et la guerre : Deux contes (69)

Cette génération -là était encore née dans la langue bretonne, et même si à l’école publique on leur interdisait de parler « patois » -c’est comme cela qu’on appelait le breton à l’époque - l’été célébrait la liberté de la langue. C’était une langue pour être dehors, pour crier, pour jurer, pour s’injurier. L’autre langue., Celle des Parizianer, ils avaient trois longs mois pour l’oublier, pour la laisser dans un coin, dans le sac d’école avec les bouquins et les cahiers usagés.
Ils parlaient tous breton, comme leurs parents et leurs grands-parents. Ensuite , en grandissant, ils ont perdu l’usage de la langue, non parce qu’ils l’oubliaient, mais parce que c’était leur langue d’enfance, la langue d’avant, quand on n’a pas besoin de gagner sa vie ni de réussir ses études.
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La Bretagne fournissait le matériel des bateaux, les cordages, les voiles, et en échange recevait du vin ou des parfums. Ce fut pendant la fin du Moyen Âge l’origine de la postérité des bourgs bretons, à Vannes, à Quimper, puis plus tard à Locronan. La défaite de Saint Aubin du Cornier sonna le glas de cette postérité, et la Bretagne eut renoncer à son indépendance commerciale et survivre dans un statut colonial. A cette dégradation du commerce s’ajoutèrent la levée des taxes pour le roi de France, les impôts sur le sel, sur les denrées importées. A la veille de la Révolution, le territoire autrefois prospère était devenu la région la plus pauvre de France- et il le resta jusqu’aux temps modernes.
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Le choc de la bombe est terrible. Je n'ai pas le souvenir du bruit. Je me souviens seulement de l'onde qui fait bouger le sol de la salle de bains, de mes pieds qui quittent le sol et du cri qui s'échappe de ma gorge. Ces sensations ont lieu en même temps, le choc, le tremblement de terre, la chute et mon cri. Plus tard, à l'âge adulte, j'ai vécu un grand tremblement de terre, à Mexico, en 85. Cette sensation étrange que la terre devient liquide, que plus rien n'est assuré, que tout peut disparaître. Pourtant, il y a une différence : lorsque la bombe explose, je suis un enfant, qui ne peut pas mettre de mots sur ses émotions. Je ne pense pas : « Tiens, une bombe ! » comme j'ai pensé au Mexique : « Un tremblement de terre ! » Je ne pense à rien. Je suis tout entier dans mon cri. C'est un cri si strident que j'ai l'impression, en essayant de m'en souvenir, qu'il ne sort pas de ma gorge. Il sort du monde entier. Il se confond avec le bruit de la détonation qui enfonce mes tympans. Il faut un avec mon corps. C'est mon corps qui crie, pas ma gorge. Je n'ai pas choisi ce cri. Je n'ai pas choisi cet instant. C'est cela la guerre pour un enfant. Il n'a rien choisi.
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Les enfants ne savent pas ce qu'est la guerre. Je ne me souviens pas d'avoir entendu ce mot, tout le temps qu'elle a duré, ni même dans les années qui ont suivi. Pour eux, tout ce qui arrive est normal, ils ne se doutent pas que leur vie pourrait être autrement. [...] je me souviens qu'il se passait quelque chose. Ailleurs, dehors, dans la rue. On ne pouvait pas sortir. On ne pouvait pas regarder par la fenêtre. Il y avait une menace, une interdiction, invisible et présente, il fallait rester derrière les murs, à l'abri. Était-ce très différent d'une enfance en temps de paix ? Je l'ignore. Peut-être. Je peux imaginer qu'il y avait une sorte de peur extérieure, non pas la peur qu'on peut ressentir à l'arrivée d'un orage violent, ni celle qu'on peut éprouver dans une situation imprévue, si quelqu'un frappe à la porte, si quelqu'un menace. Le genre de peur qu'entretiennent chez les enfants les histoires de démons ou de sorcières, les contes dans lesquels les loups rôdent alentour, les contes évoquant des légendes de cabanes dans la forêt, d'ogres et de sorcières. Les enfants devinent l'imaginaire. Ils l'aiment parce qu'il est parfois délicieux d'avoir peur. Pour l'enfant que j'étais dans la guerre, ce n'était pas une histoire de loups ou de sorcières. C'était une peur sans visage, sans nom, sans histoire. Ce n'était pas délicieux. Cela ne l'a jamais été.
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Ce n’est pas par goût pour la nostalgie que je voudrais reprendre cette histoire, en abouter les segments, retrouver le courant de la vie. C’est pour rendre compte de la magie ancienne, la voir apparaître à travers le reflet illusoire du présent.
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Il confessait qu'il ne pouvait entendre sans émotion les paroles de l'hymne breton (traduit d'ailleurs du gallois), le célèbre Breizh bro koz ma zadou, "Bretagne, vieux pays de mes ancêtres", qui est entonné chaque fois qu'une occasion solennelle le demande.
Il aimait aussi le Gwenn ha Du, le drapeau décoré de ses neuf bandes blanches et noires symbolisant les pays de Bretagne, portant à l'angle les queues d'hermine héraldiques du duché.
Ce sont les couleurs des bannières qui flottèrent il y a cinq cents ans, avant l'affrontement tragique de Saint-Aubin-du-Cormier.
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La bombe qui est Tombée dans le jardin de l’immeuble de la grand mère a fait un grand bruit, un bruit épouvantable, a pulvérisé tous les carreaux. C’était une bombe de 277 kilos. Dans les bombardements, aujourd’hui, l’aviation américaine (anglaise, française, ou de n’importe quel pays) lâche sur des civils des bombes de 2000 kilos. Il m’arrive souvent de penser aux enfants qui sont sous ces bombes, en Irak, en Afghanistan, en Syrie, en Libye, en Palestine, au Liban. Les enfants, qui comme je l’ai été, sont dans la salle de bain de leur grand mère , en train de regarder l’eau emplir la baignoire. Ou qui sont Tout simplement chez eux, en train de jouer avec un petit camion, Avec une poupée, avec un gobelet en plastique.
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Aux grandes marées, deux fois par mois, la mer se retire si loin qu’il semble qu’on puisse toucher au plus profond de l’océan, marcher sous la mer comme les scaphandriers du roman de Jules Verne. On avance au milieu des écueils aiguisés couverts d’algues, le long de vallées où l’eau des flaques prend par endroits une couleur sanglante à cause des anémones, on contourne des trous noirs où frémit la vie. Ce ne sont pas les coquillages ni les crevettes qui m’intéressent. C’est comme marcher au fond d’un rêve, partir à la rencontre avec les trésors engloutis et les monstres.
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Ces nuits d’été, si calmes, au ciel rempli d’étoiles. Je n’arrive pas à trouver le sommeil. Il me semble que tous mes nerfs sont des cordes vibrantes. Alors je me lève, je passe par la fenêtre du rez-de-chaussée, sans faire de bruit pour ne pas réveiller ma grand-mère qui campe dans la salle à manger. Dehors la lune peint en blanc le chemin qui va vers les dunes. Le vent souffle par rafales, et par-dessus le froissement des aiguilles de pin je perçois une rumeur légère, lointaine, continue comme un bruit de moteur, mais un bruit vivant, régulier, une respiration qui se mêle à mon souffle et aux coups de mon cœur dans les artères de mon cou.
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Mais les mots, en français ou en breton, ne disent pas la sensation de dériver dans le courant du fleuve, le balancement des remous, la réverbération du soleil et les bruits de l’eau. L’eau du fleuve, dans la plate, qu’il fallait écoper à la boîte de conserve, même dans l’air en pluie fine comme une poussière qui trempait nos habits, toute cette eau qui nous emmenait rêveusement, ster ar sorenn, rivière du sommeil, pour la traversée du temps.
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