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Critiques filtrées sur 3 étoiles  
Entrelacement de destins en une ronde dans laquelle je n'ai pas réussi à m'insérer…

Ce roman choral du jeune Edouard Jousselin est son second roman. Il trace le destin de plusieurs personnages des années 90 aux années 2000, à travers différents lieux. du petit village de Quarré-les-Tombes dans le Morvan aux vignes bordelaises, de Paris aux États-Unis, de l'État d'Oklahoma, en passant par le Mexique à la Californie, le monde fourmille de vies éparses et la destinée des personnages s'entrelace petit à petit, d'abord subrepticement puis de façon plus équivoque. Cette façon de tresser les destins de personnes aussi éloignées m'a fait penser à la théorie des six degrés de séparation qui évoque la possibilité que toute personne sur le globe peut être reliée à n'importe quelle autre, au travers d'une chaine de relations individuelles comprenant au plus six maillons.

Même si j'ai passé un assez bon moment de lecture, souriant de bon coeur notamment aux références culturelles et politiques des années 90 dont il est fait mention, et trouvant l'idée de base du roman original et intriguant, je n'ai pas été emportée comme je l'escomptais. Toutes les critiques, excellentes et dithyrambiques sur ce livre, mentionnaient en effet un attachement immédiat aux personnages au point de rendre le livre addictif. Force est de constater que je suis restée quelque peu au bord, sans doute du fait d'une plume qui ne m'a pas particulièrement plu tant elle manque d'âme, de singularité, de caractère. Et ce malgré une structure narrative non linéaire, l'auteur jouant avec les époques en allers-retours incessants, déstabilisants au départ puis donnant enfin la seule originalité au récit, nous permettant de sauter sans arrêt d'époques, de lieux et de personnages, l'auteur tressant ces fils du destin en éléments de plus en plus serrés. Et ce malgré une construction efficace et impeccable.
Alors je suis un peu triste d'avoir été à contrecourant avec cette lecture où moi aussi j'aurais tant aimé prendre plaisir à virevolter entre des psychés et des univers culturels, des époques, et attendre avec intérêt la façon dont l'auteur allait bien pouvoir retomber sur ses pieds…

Le texte pourtant commence fort. Il s'ouvre sur un accident de voiture et les détails qui y sont apportés donnent le ton, et quel ton, en termes de détails précis, de séquence quasi cinématographique, d'émotions. Un zoom, un traveling, puis la ronde commence avec Isabelle et Dominique, couple français habitant ce petit village du Morvan et leurs deux enfants, Max et Marine. Quarré-les Tombes est une petite bourgade du Morvan marquée par l'Histoire, depuis le Moyen Âge jusqu'à la Résistance. le père d'Isabelle, Lucien, qui meurt en 2012, était justement un ancien résistant. Isabelle a beaucoup de mal avec son garçon et ce dès la naissance. Puis il y Clarice, petite amie de Max qui rêve de devenir une star hollywoodienne et Stéphane, étudiant décadent, petit ami de l'ambitieuse Marine. Voilà, en partie, pour les personnages français. Concernant la partie américaine, il y a plusieurs personnages masculins qui vont avoir leur rôle à jouer. Il y a notamment Steve qui est fan de séries. Ben, spécialiste en crimes au FBI, William au triste destin et père de Steve et Tyler, Candido d'origine mexicaine qui rêve d'une vie normale et douce en Californie, Bruno un producteur de films, et d'autres encore.
Quel est le lien entre tous ces personnages qui ont tous des rêves et des espoirs singuliers ? Comment va procéder l'auteur pour faire en sorte que leurs destins se croisent, se frôlent, voire se percutent ?

Si la plume de l'auteur m'a laissé de marbre, j'ai apprécié en revanche les différentes facettes du roman, sa facette sociologique sur la France des lisières, sur l'importance des réseaux sociaux et d'Internet, sur les migrants et leurs conditions de vie précaires, sa facette psychologique sur la solitude et les addictions, son côté historique avec la Résistance via la voix de Lucien, même si ces facettes sont simplement abordées, elles le sont avec subtilité et sont naturellement insérées au récit.
C'est ainsi une fresque colorée au style moderne qui raconte le monde occidental de ces trente dernières années entre terrorisme, solitude, piraterie informatique et ubérisation de la société.

Beaucoup parlent d'une oeuvre-monde à propos de la géométrie des possibles, je peux le comprendre même s'il manque pour moi cet ingrédient essentiel qu'est la plume de l'auteur, la beauté d'un style, l'étonnement de tournures de phrases, le caractère d'une plume qui sait camper une ambiance. Sinon, en termes de structure narrative et de construction et dans la façon d'approcher des problématiques sociales contemporaines, ce livre est très bon et permet de passer un agréable moment de lecture.

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La 4ème de couverture annonce un roman choral où on va chercher le fil invisible reliant de multiples personnages. « Des forces mystérieuses tressent leurs vies pour les plonger dans la tourmente, hantées par l'ironie de l'Histoire, son cours impitoyable. » L'ambition, le mensonge, la fatalité les attendent au tournant. Il est ensuite question de ce deuxième roman, qualifié d'audacieux et addictif, confirmant le talent d'Édouard Jousselin. Avant l'envolée lyrique qui en promet trop à mon avis : « Sous sa plume se déploie une oeuvre-monde foisonnante, chronique vertigineuse de notre époque. »
A ce stade j'étais plutôt inquiet. Il faudrait éviter de lire les 4ème de couverture et celle-ci particulièrement.

Heureusement c'était le premier roman choral lu dans le cadre du Prix du livre Orange. Il y en avait plusieurs. Ce type de roman, s'il confirme le talent des auteurs pour entremêler des histoires, n'est pas le plus facile à lire, encore moins à analyser puisqu'on est très occupé à suivre les personnages. Ici on fait la connaissance avec une belle brochette d'individus originaires de France (Morvan ou bordelais), des États-Unis et du Mexique, pour qui la vie ne va pas être facile.

Casting en France : Max est hacker, il gagne de l'argent via le dark web et les sites pornographiques. Son curieux grand-père, résistant (ou se faisant passer comme tel) participe à toutes les commémorations officielles, côtoyant l'élite. Marine, la soeur de Max, est en prépa avec Stéphane (que l'on retrouvera auteur à succès sans scrupule). Clarisse, petite amie de Max au début, est une starlette de la télé-réalité prête à tout pour percer. Bruno, amant d'Isabelle, la mère de Max, fait des études de cinéma. Casting aux États-Unis : Benjamin (et ses « ambitions académiques ») devient directeur au FBI. Il est amoureux de Jessica, sa colocataire, qui partira enseigner à Paris. William, dit Bill, est le père de Steve et Tyler. Bill sera gravement handicapé suite aux attentats d'Oklaoma city en 1995. Je ne dis pas que Steve à la dérive deviendra parricide, ce serait divulgâcher... Càndido est un exilé exemplaire cherchant une intégration improbable, alors que sa femme America est restée au Mexique (notez l'ironie des prénoms...).

La première partie permet de faire connaissance avec les personnages avant que le récit ne prenne son envol. Il y a ces listes qui indiquent que les biens et la nourriture sont omniprésents pour ceux dont on raconte l'histoire, liste de marques décrivant mieux les individus que leurs traits et caractères, formant une toile de fond de l'environnement économique. Celui-ci est là, on peut le relier à l'aliénation, le vide de la plupart des personnages… La construction est complexe et ne laisse que peu de place pour creuser les caractères qui apparaissent flous.

On traverse l'histoire sur plusieurs décennies en quelques lignes lapidaires, sans nuances, sur les gilets jaunes, sur Chirac, Mitterrand, la cgt, la sncf... On s'attarde un peu plus sur les attentats d'Oklahoma et ceux du 11 septembre, mais ces éléments sont donnés comme des titres sur les chaînes d'info en continu, comme si pris dans la tourmente, plus personne ne saisit les causes et les enjeux.

Comme il le dit dans une interview, l'auteur est parti d'histoires qui l'ayant accompagné. Il s'est inspiré de son parcours, particulièrement à l'aise pour parler des grandes écoles, d'un milieu ayant accès à des positions élevées dans la société… dont la traversée de l'océan est une simple routine. Quelle place prend Édouard Jousselin dans tout ce discours ? Faut-il lire au second degré ou interpréter à notre guise alors que les biais et raccourcis cognitifs sont innombrables... Les clichés sont-ils ceux des personnages alors que certains sont indiqués en italique et d'autres pas, le lecteur ne pouvant faire la différence entre ce qui sort de la bouche des personnages et ce qui émane du narrateur, bien présent derrière tout cela.

« Par le truchement de l'acte littéraire, par le coup de plume précis et cinglant, et en prenant le prétexte d'un personnage, ce Yannick qui est mon double, j'ai désiré viser un système tout entier. J'ai voulu taper fort. »

C'est Stéphane qui dit cela interviewé par Matthieu de Bailly pour l'émission télévisée Mots du monde qui le relance ensuite :

« Et ceux qui vous regardent, mon cher Stéphane, ce sont les jurys de prix littéraires. Vous êtes de toutes les listes, et l'automne s'annonce des plus fastes. »

La construction du livre a bien des qualités mais je suis resté perplexe devant ces destins issus d'un déterminisme, d'une fatalité dont on ne pourrait pas vraiment s'extirper. J'ai souvent pensé au malaise éprouvé lorsque j'ai lu Michel Houellebecq écrivant sur des situations possibles, réelles peut-être, sans que je n'arrive à accrocher.

J'ai lu ce roman dans le cadre de ma participation au jury Orange du livre 2024. C'est un des 20 livres de la première sélection établie lors des échanges et votes du 26 mars. L'avez-vous lu ?
Lien direct vers le blog, avec illustration, ci-dessous

Lien : https://clesbibliofeel.blog/..
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