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EAN : 9782021453669
336 pages
Seuil (04/03/2021)
3.45/5   94 notes
Résumé :
Conçu à la mi-mars 1821 d’un coup de reins que j’ai toujours eu quelque peine à imaginer je suis né le mercredi 12 décembre à quatre heures du matin. Il neigeait sur Rouen, une légende familiale prétend que ma mère se montra si stoïque pendant le travail qu’on pouvait entendre tomber les flocons sur les toits de la ville. Quant à moi, je serais bien resté quelques années de plus dans le ventre à l’abri de l’imbécillité du monde.
Désespéré de naître j’ai pouss... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (54) Voir plus Ajouter une critique
3,45

sur 94 notes
Au matin de sa mort, le viking de Coisset partage l'eau de son bain avec les fantômes de ses personnages. A défaut de canard jaune, Régis Jauffret se glisse dans l'eau tiède de la baignoire pour en prélever l'écume des maux de Flaubert.
Bouvard et Pécuchet, inquiets de voir l'écrivain procrastiner la fin de leur aventure - qu'il n'aura pas le temps d'achever- et surtout Emma, très chafouine au sujet des choix de l'écrivain à son sujet, viennent hanter ses dernières heures. Si souvent femme varie,la Bovary aussi.
Regis Jauffret possède l'art de la ventriloquie. Tous les personnages de ses Microfictions peuvent l'attester. C'est le Tatayet des mots. Mais ici, la première partie du récit, intitulée sobrement « Je », ne relève pas du même exercice. Jauffret n'essaye pas d'écrire comme Flaubert, ce n'est pas un perroquet (celui de Julian Barnes) et le narcissisme a ses limites, son « je » est presque un « tu », celui d'un grand familier de l'oeuvre qui connait si bien les romans de Gustave l'ermite, qu'il s'autorise une invasion de ses pensées des dernières minutes. Il s'agit selon moi d'un travail de reconstitution, pas d'usurpation.
Outre ses revenants de papiers, les hommes et les femmes qui ont traversé la vie de Flaubert, jalonnent les souvenirs de l'auteur dans un désordre chronologique qui fait tanguer l'eau de son bain davantage du côté du conte onirique que de la biographie certifiée conforme.
La seconde partie passe au « Il ». On change de pronom, mais le récit reste très autocentré. J'ai trouvé les échanges avec les personnages de ses romans plus réussis que les souvenirs rembobinés, trop sages et distanciés, de ses relations avec ses proches.
La dernière partie, intitulée « Chutier », regroupe des passages non retenus et rabotés par l'auteur. J'ai trouvé l'idée savoureuse et très originale mais la police d'écriture, taille « notes de bas de page » est une torture de lecture. Sortez les cluques et prenez un Doliprane. Cela gâche mon appréciation générale plutôt favorable. L'éditeur se rattrape un peu avec le joli bandeau de la couverture.
Ne m'étant pas encore glissé dans les célèbres correspondances de Flaubert, je ne lis jamais les courriers des autres, surtout quand ils ne le souhaitent pas (ce qui était le cas de Flaubert), et n'ayant pas encore lu salammbô, je n'ai pas l'oeil assez aiguisé pour développer une analyse plus critique de ce travail de reconstitution.
Ce que je sais, c'est que j'aime l'écriture de Jauffret, son inventivité et ses phrases impitoyables. J'apprécie moins le sujet de certains de ses romans, notamment quand il s'attaque à des faits divers scabreux.
Je ne suis pas davantage étonné que Régis Jauffret soit inspiré par Flaubert. Ils appartiennent à la confrérie des obsédés du style, aux allergiques de la répétition, aux pointilleux de la ponctuation.
Après le bain, j'attends une douche avec Emma Bovary et un pédiluve avec Maupassant.
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J'avais entendu parler de cet auteur sans pour autant le lire. Voilà qui est fait et très honnêtement, je ne regrette pas d'avoir commencé par ce livre. Disons-le sans attendre : j'ai adoré ce bouquin ! L'auteur retrace de manière fictive les dernières pensées de Flaubert lors de son ultime bain. Il sera foudroyé quelques heures plus tard. Lors de ce moment de repos, ses personnages lui apparaissent.

Même si l'histoire est romancée, on l'a bien compris, il n'en reste pas moins que l'auteur s'est amplement documenté sur la vie de Flaubert. J'ai appris de façon très plaisante énormément de choses sur ce romancier que j'aime beaucoup. Il n'y a qu'une petite chose qui m'a déstabilisée et qui est, visiblement, une habitude chez Jauffret : l'emploi des tirets. Pour moi, il signifie qu'une personne parle mais là, ce n'est pas forcément le cas. le plus souvent, il est là pour marquer une rupture dans les idées.

Quoi qu'il en soit, j'ai vraiment apprécié ce livre que l'on a du mal à quitter.

Un grand merci à Babelio et aux Editions du Seuil pour cette pépite !
Lien : https://promenadesculturelle..
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L'exercice audacieux de Régis Jauffret : le « bio-roman » de Flaubert.
Gustave Flaubert aura deux-cents ans le 12 décembre 2021, il se raconte sous la plume de Régis Jauffret
Flaubert prend un bain. Au sortir il allume sa pipe et s'assoit à son bureau dans le cabinet de travail de sa maison de Croisset d'où sont sorties toutes ses oeuvres et où il a passé des heures à les peaufiner, toujours à la recherche de la perfection, d'un idéal. La nef, comme il le nomme, est son tonneau de Diogène. Il ne le sait pas encore mais il vit sa dernière heure, heure pendant laquelle ses souvenirs vont remonter à la surface, ses fantômes vont se manifester. Est-il en train de faire une énième crise d'épilepsie ? Seul le crapaud-encrier posé sur son bureau pourrait le dire si sa salive noire n'avait pas séchée depuis belle lurette…
La première partie, « Je », est la confrontation de Flaubert avec sa vie, son enfance, ses rencontres, une personnalité qui s'élabore, ses correspondances.
La seconde partie, « Il », est la confrontation de Flaubert avec ses personnages, la schizophrénie de l'écrivain qui lui offre l'opportunité de dialoguer avec une Emma Bovary hystérique et revancharde, colérique pour la façon dont il l'a traitée dans son roman éponyme. Ses héros s'animent et le harcèlent, lui qui est au seuil de sa mort. Ils reprennent leur liberté.
La troisième partie, « le chutier », dont la petitesse des caractères est un défi pour des yeux fatigués… Une grande frustration. Quelle absurde idée ?!?...
« le dernier bain de Gustave Flaubert » est une biographie romancée, un « bio-roman », écrit avec le style de son auteur, Régis Jauffret, et dans l'esprit de son sujet, Gustave Flaubert. C'est un grand plaisir à lire pour qui a l'amour des mots et des phrases à la sonorité mélodieuse. Régis Jauffret a la plume libre. Il emporte le lecteur dans un récit dont la documentation est impressionnante et, sur la base de faits réels, l'amène dans son monde fantastique ou le héros parle à ses créatures imaginaires.
Même s'il vaut mieux se régaler de l'oeuvre du maitre plutôt que d'entrer dans son intimité, n'hésitez pas une seconde à plonger dans « le dernier bain de Gustave Flaubert » de Régis Jauffret.
Editions du Seuil, 324 pages
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Commençons par remercier Babelio-Masse Critique et les éditions du Seuil qui m'ont permis de retrouver un Régis Jauffret dans un exercice littéraire extrêmement périlleux.
Car je connaissais cet auteur à travers, entre autres, des oeuvres comme - Claustria - ou - Sévère -, lesquelles exploitaient, à la manière d'un Emmanuel Carrère dans - L'adversaire -, un fait divers ayant marqué l'opinion publique.
- Claustria -, c'est l'affaire Josef Fritzl, qui séquestra sa fille pendant vingt-quatre ans dans le sous-sol de sa maison, la viola, la tortura, lui fit sept enfants... en toute impunité jusqu'à ce que... Une affaire qui fit grand bruit, fut connue du monde entier... et un livre qui scandalisa les autorités autrichiennes mises en cause dans le bouquin.
Dans cet exercice, j'ai apprécié le travail de documentation et le "produit fini".
Cette fois, R. Jauffret, pour fêter le bicentenaire de la naissance de l'auteur de - Madame Bovary - se réincarne en Flaubert qui, dit-il " campe dans sa tête ", et se lance à travers trois approches, le "je", le "il", et un "chutier", dans un récit biographique, historique échevelé, galopant, débridé, halluciné, délirant où le temps se moque de la chronologie, où les époques se croisent et se recroisent, où vérité et fiction se font des clins d'oeil malicieux.
Tout commence par la fin ; rien que de très logique. le 8 mai 1820, dans sa propriété du hameau De Croisset, Flaubert prend un bain bouillant, et meurt peu après dans son cabinet de travail, foudroyé par une hémorragie cérébrale.
Retour en arrière le 12 décembre 1821, jour où Anne Justine Caroline Fleuriot, épouse du chirurgien-chef Achille Cléophas Flaubert donne naissance à Gustave.
À partir de là, R. Jauffret est Flaubert, et nous donne sa vision de la vie familiale, amicale, sentimentale du grand homme.
Ses rapports avec son père, homme très occupé mais ayant autorité sur son fils, l'amour indéfectible pour sa mère, la relation très forte avec sa soeur Caroline, ses liens avec les domestiques Suzanne et Julie.
Son éducation, son entrée au collège, ses études de droit à Paris.
Sa passion pour la lecture, et celle exclusive pour la littérature qui, combinée avec ses crises d'épilepsie très impressionnantes, aura raison de la volonté de Cléophas de faire de son fils un notaire ou un magistrat.
Sa vie amoureuse où les garçons ont très souvent plus de place que les femmes.
Son oeuvre... et l'immixtion de ses personnages dans ce surprenant récit.
Son dernier bain avec Emma Bovary est un trip hallucinatoire qui vaut lecture.
Son crépuscule enfin, marqué par sa ruine causée par l'époux de sa nièce Caroline, sa légataire universelle... qui s'emploiera, pour des raisons vénales, à ne pas respecter certaines des volontés posthumes de son oncle.
On est immergé ( c'est le cas de le dire ) dans un XIXème siècle très réaliste, bien documenté où l'on croise des Louise Colet, des Elisa Schlesinger ( la scène de ses noces révélée par Jauffret-Flaubert, et les conséquences qu'elle aura sur la suite et la fin de sa vie sont bouleversantes), des Maxime du Camp, des Ernest Chevalier, des Alfred le Poittevin, des Juliet Herbert, des Louis Bouilhet...mais aussi des "people" comme George Sand, Théophile Gautier, Daudet, Balzac, Hugo, Zola etc etc mais surtout Maupassant, son fils spirituel.
Ce livre m'a permis de compléter mes connaissances sur le maître des maîtres de l'écriture.
Ainsi ignorais-je que son père était mort d'une septicémie contractée à la suite d'une autopsie pratiquée devant ses étudiants dans la salle d'amphithéâtre de l'Hôtel-Dieu de Rouen. Un coup de lancette qu'il se porta à la jambe fut le talon d'Achille de cet homme de constitution plus que robuste. " La lancette de mon père avait incisé vingt-cinq mille veines sans avoir été stérilisée depuis sa première utilisation en 1740...).
J'ai appris également que deux neurologues, grâce à la description laissée par un de ses amis d'une de ses crises d'épilepsie, avaient pu déterminer avec certitude que le foyer pathogène était situé dans le lobe occipito-temporal gauche du cerveau de Flaubert.
Que sa syphilis lui fut offerte par "la putain Kuchiuk-Hanem" qu'il rencontra lors de son périple en Orient.
Que durant ces dix-huit mois exotiques, il fréquenta les bordels et eut ce qu'on qualifie aujourd'hui des rapports pédocriminels.
La plaidoirie de maître Jauffret-Flaubert vaut là aussi d'être lue... je me demande ce qu'en penseront Vanessa Springora, Camille Kouchner, Matzneff et Duhamel...
On a beaucoup supputé sur les raisons pouvant expliquer l'AVC massif qui emporta l'écrivain.
Son travail acharné et maniaque pour venir à bout de l'énorme entreprise - Bouvard et Pécuchet - ( il a lu pour préparer le premier tome pas loin de 1500 volumes ), a souvent été mis en avant... associé à ses terribles crises d'épilepsie... le cocktail était déjà détonnant.
Ce qu'on oublie de dire, c'est que Flaubert mesurait 1,84m (très haute stature pour l'époque )... pour plus de 100 kg !!!
Il fumait dès son réveil... à jeun... et aimait la bonne chère ; le tableau idéal de l'apoplectique.
J'en viens à présent au pari ( un mot d'actualité ) de Jauffret de se mettre dans les bottes de Flaubert.
Là, l'élève ne pouvait rivaliser avec le maître du style qu'au risque de ne rester qu'un élève.
À vouloir penser et s'exprimer comme Flaubert, Jauffret ne m'a pas convaincu, au contraire il m'a même souvent agacé.
Une avalanche de participes présents, des phrases commençant par "de" suivi d'un infinitif, une sophistication maniérée, des répétitions à l'épate en veux-tu-en voilà : baguenauder, cadeauter, vitement, valetaille, ad libitum, cataracte, défalquer, renâcler... Bref, une prose à faire pâlir d'effroi de vrais stylistes comme Franck Bouysse ou Marie-Hélène Lafon...
À vouloir s'élancer pour franchir comme les vagues de la mer un rocher trop élevé pour son retour... R. Jauffret ne sera sauvé que s'il bénéficie d'un épisode de grande marée sur l'achat de son livre, certes pas banal, mais qui pour moi est de l'ordre du "mitigé", voire du surfait.
Un coup d'essai à saluer même s'il n'est pas un coup de maître.
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Je ou il
Flaubert personnage d'un roman.

Une enfance où il fait bon lire et observer. Gustave a le temps de s'émerveiller, de jouer avec sa soeur Caroline, de partir en vacances, de flâner dans la bibliothèque, d'écouter les histoires au coin du feu, de goûter les bons petits plats préparés par Julie. Il ne fait pas partie de ses enfants d'ouvriers qui usent déjà leur santé dans les usines, de ceux qu'il aperçoit, promenés en brouette comme des petits vieux dans l'hôpital de son père, par des bonnes soeurs en cornettes. Bien qu'il soit épileptique, il est chanceux.

Il peut même, à l'adolescence, jouer la comédie du désespoir. Peut-être fallait-il cela pour devenir un écrivain illustre. Regarder la réalité à travers la lunette des mots. La décortiquer, l'habiller de personnages, s'y prélasser, s'y fondre.
Il peut choisir son avenir. le droit ou l'écriture. le droit l'ennuie. Il préfère créer en toutes lettres une réalité de papier.

Mais que reste-t-il au moment de son dernier bain, de cette vie de voyage, toujours à la recherche de belles phrases, d'aventures amoureuses ? Parfois il perd le fil, son histoire se découd, la couverture gondole, les mots l'insultent. Les personnages lui demandent des comptes, ils se libèrent de leurs liens, de leurs boucles trop serrées, de leur boue d'encre noire, de leurs habits qui sentent le moisi entre les pages. Emma Bovary revient le plus souvent sur la scène de sa vie. Elle lui fait boire la tasse et bien plus encore. Emma c'est un peu lui, au fond. Elle veut vivre encore, à sa guise, quitte à n'être que pauvre, analphabète, vêtue de nippes, éleveuse de bovins.


Biographie romancée où Flaubert est ce personnage talentueux, frileux, boiteux, malmené. de sa baignoire sabot, il voit s'échapper sa vie.
Un regard en arrière :
« La vie au fur et à mesure effacée. Elle laisse une trace plus labile encore qu'une barque sur l'eau. »

Il se console à peine en pensant à ses romans qui continueront à le faire vivre à chaque fois qu'un lecteur en commencera l'histoire. C'est une part de lui. Un jour ou l'autre l'encre disparaîtra aussi. Les pages seront grignotées par le temps. Et puis les hommes n'auront plus le même langage. La morale le condamnera, (lui ce pédophile pour qui les petits garçons d'Orient comptaient pour rien), la mode le trouvera ennuyeux, se perdra au bout de ses phrases, de ses images jaunies.
« Non content de nous effacer le temps nous tourne en ridicule. »

Ce qui m'a plu dans ce roman, ce sont les voix de Flaubert et de Jauffret emmêlées, l'ironie à fleur de page. (Les lettres de leurs noms sont presque semblables). Régis Jauffret imagine les pensées de Flaubert, cet éternel jouisseur désespéré. Une vie de plume d'oie qui trempe dans la grenouille encrier, gratte le papier, oublie la réalité. le lecteur voit se dessiner un Flaubert un peu agaçant tout de même, un peu barbant (avec ses longues phrases, parfois délirantes), égocentrique. Un homme illustre quoi, d'un autre temps.


Ce roman jette un regard incisif sur la vie et la mort, qui ne font qu'une dans un même cri de solitude.
« On passe l'infime ration d'années qui nous est consentie à pousser devant nous la cage où nous sommes enfermés. »

C'est aussi une réflexion sur la création littéraire, le talent, l'obsession du mot, de la perle.
« La réalité attend d'être écrite pour être. »
Mais au fond la réalité n'attend rien de nous, elle est, un point c'est tout. En l'écrivant on l'imite, en la lisant on tente d'en comprendre sa couleur. Elle fuira toujours quoique les mots en disent. Les hommes passent, illustres ou non.

Je remercie Les Éditions du Seuil et Babelio pour ce roman d'une forme originale. Il me reste à lire le "chutier", écrit un peu petit je prendrai mon temps.

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critiques presse (5)
LeFigaro
06 mai 2021
’auteur de Microfictions offre un portrait vivant et contemporain du célèbre écrivain à travers un roman plein de fulgurances.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
SudOuestPresse
31 mars 2021
Régis Jauffret se met dans la peau, et dans le bain de Flaubert, pour une fantaisie qui plonge au plus secret de la vie de l’auteur de « Madame Bovary ».
Lire la critique sur le site : SudOuestPresse
Elle
22 mars 2021
Sans doute est-ce la biographie idéale : formellement inventive, elle ressuscite Flaubert en lui donnant la parole post mortem.Elle lui prête des colères qui lui vont comme un gant, car l'auteur de " Salammbô " était volcanique.
Lire la critique sur le site : Elle
LeMonde
12 mars 2021
Son intimité avec l’œuvre et les archives permet à l’écrivain français de se glisser dans la peau du maître.
Lire la critique sur le site : LeMonde
LeSoir
08 mars 2021
Le romancier réinvente la vie de l’écrivain dans l’inspiré « Le dernier bain de Gustave Flaubert ».
Lire la critique sur le site : LeSoir
Citations et extraits (100) Voir plus Ajouter une citation
Parfois le bonheur me prenait comme une quinte de toux. Je regardais autour de moi, émerveillé, ravi, comme si j’avais accès à l’existence pour la première fois. Aujourd’hui je me demande si ce n’est pas de m’être joué la comédie du désespoir dès ma prime adolescence qui fit de moi l’homme accablé que je suis devenu. Le romantisme a agi sur ma génération comme un lent poison qui peu à peu nous a empêchés de voir les couleurs de la vie. Gens et paysages nous semblaient des archives jaunies comme si le présent était d’ores et déjà un souvenir usé auquel seule la mémoire pourrait un jour donner ses couleurs. Nous échangions des lettres crépusculaires dignes de vieillards se remémorant la vie assis sur le bord de la fosse où on les ensevelira bientôt. Nous nous serions sentis sots de n’être pas funèbres. J’ai gardé de cette jeunesse désespérée un acharnement à créer un double solide et parfait de cette réalité imprévisible et fragile que nous voulions surpasser.

p.68
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Le temps des horloges est frustre, grossier.
- C’est une mauvaise pendule.
L’enfance est plus étendue que l’âge adulte. Vous pourrez vivre cent ans, elle occupera malgré tout plus de place dans votre mémoire que le reste de votre vie. Elle ne m’a jamais intéressé du temps où je vivais car ce n’était pas la mode de la ressasser. On la considérait comme une simple préface à l’existence.
- Moins encore.
On ne lui accordait en ce temps-là guère plus d’importance qu’à une page de garde. Je me rends compte aujourd’hui que manquera toujours à mon œuvre un grand livre où j’aurais déposé soigneusement mes souvenirs d’enfance comme des fleurs séchées entre les pages d’un herbier. Mais dix siècles ne suffiraient pas pour raconter ses dix premières années.
- Quand les instants s’attardent, s’écarquillent.
Ensuite, le temps ne prend même plus la peine de vous serrer la main, il passe en coup de vent et peu à peu les heures deviennent les secondes des vieux.

p.38
Commenter  J’apprécie          150
On peut aussi se demander si après plus d'un siècle et demi, un souvenir inventé ne peut pas prendre le pas sur une réalité vieillotte. Du reste, le Flaubert que vous avez déduit de mes romans, de ma correspondance, des témoignages, des on-dit, des ragots, des essais, des fantaisies et des thèses dont je fus l'objet est une construction si imparfaite, si lacunaire, qu'on la pourrait dire fictive à force d'être éloignée de la vérité de l'être qu'au tréfonds de moi je fus. Je fais cependant le serment de m'en tenir à mon passé officiel en tout point conforme aux documents dont je donnerai en fin de volume la bibliographie et qui font autorité parmi les flaubertiens. Si d'aventure je m'en éloignais, si j'allais même jusqu'à en prendre le contre-pied, je le signalerai au fur et à mesure afin que le lecteur ne répète pas ces mensonges en société au risque de se discréditer auprès des érudits qui refusent encore d'admettre qu'un passé de qualité évolue comme un grand cru.
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Madame Colet fut courtisée par nombre d'écrivains auxquels elle céda par amour, par arrivisme, pour survivre dans ce monde littéraire si misogyne qu'à l'époque les deux plus grandes romancières de France et d'Angleterre, les dames Sand et Eliot, en furent réduites à s'appeler George pour permettre au public de supposer que leurs ovaires étaient des couilles.
(page 88)
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"Nous communiions dans la passion de l'art auquel nous avions décidé de nous vouer. (..) Nous Avions fait le pacte solennel que rien d'autre que la littérature n'occuperait notre existence. En guise de descendance, nous accoucherions d'une haute pile de romans qui jamais ne brailleraient ni ne souffriraient d'être au monde. Nous pensions que le bonheur était une affaire de bourgeois avides, nous cherchions dans l'art quelques moments d'exaltation et le reste du temps d'ataraxie."

Moi qui le voyais macho le Jauffret, ça ne manque pas de sel sous sa plume, bien sûr prêtée au jeune Gustave qui fut l'amant régulier d'Alfred. Mais où est-il encore allé se fourrer dans cette nouvelle galère pas possible. Décidément Jauffret jouit de la transgression dans ce monde où fuir de la plus sulfureuse façon semble la seule conjugaison possible, il nous en montre "les fulgurances", comme il dit ..
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Vidéo de Régis Jauffret
Augustin Trapenard accueille Tatiana de Rosnay pour "Poussière blonde", roman qui raconte la rencontre entre une femme de chambre et Marilyn Monroe, paru chez Albin Michel. A ses côtés, Sonia Kronlund présente "L'Homme aux mille visages", l'histoire d'une extraordinaire imposture éditée chez Grasset, François Garde évoque "Mon oncle d'Australie", paru chez Grasset. Régis Jauffret publie, lui, "Dans le ventre de Klara", aux éditions Récamier, et Julia Malye, âgée d'à peine 18 ans, présente son premier roman, "La Louisiane", paru chez Stock.
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