J'ai déniché ce roman coup de poing, que j'ai lu d'une traite avec curiosité pour l'univers qu'il dévoile. Un univers pas facile dans lequel on pénètre grâce à une écriture à la fois prosaïque et poétique, marquée par un rythme de l'urgence. J'en ai aimé tous les changements de ton, de la gravité du récit à la cocasserie des dialogues, de l'ironie à la tendre empathie du narrateur pour les personnages marginaux qu'il nous fait rencontrer. Mettre en scène un enfant de sept ans violé par son frère aîné, un transexuel à la lucidité tranchante et à l'humour corrosif, un vieil alcoolique masochiste en proie à un amour obsessionnel et autres figures hautes en couleur et en verbe, fêlées mais rebelles au poids social et familial qui régit l'identité de genre et l'orientation sexuelle des individus, ce n'était a priori pas évident! Gageure relevée ici avec brio dans une construction solide et tenue, portée par une langue incarnée et vivante. Qu'est-ce qui relie les deux récits mis en place dès le prologue, c'est ce que l'on découvre au fil d'une narration maîtrisée, sans baisses de régime, qui nous tient tendus jusqu'au bout. Une véritable rhétorique en effet, qui déploie et articule différents discours de domination et de soumission, avec la Grèce et ses bas-fonds pour décor qui laissent à penser que la crise n'y est pas qu'économique! Je le conseille à ceux qui recherchent une littérature authentique où l'intimité est sincère et sans pose. Mention spéciale à l'éditeur que je ne connaissais pas: le livre est aussi très bien fait!
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Machine diabolique, le téléphone, dans ce pays d'exil. Sa technologie défaillante génère parfois de vraies perles d'oralité, véritables sketches impromptus, lorsque par exemple tu vas pour appeler, t'apprêtes à composer un numéro, et découvres que la ligne est bloquée, occupée par deux voix féminines qui conversent déjà. Tu poses doucement le combiné, t'allonges tout près sur ton divan, branches le haut-parleur, t'allumes une clope en silence, et tu espionnes: la culture de l'autre dans son théâtre intime...
Je suis mort. Ca m'arrive tous les jours.
PIERRE GUERY au Fiestival le 12 mai 2011