Extrait du livre audio "Mise à feu" de Clara Ysé lu par l'autrice. Parution CD et numérique le 16 février 2022.
https://www.audiolib.fr/livre/mise-feu-9791035407605/
Dehors, je courus à toute allure. Le vent frais séchait mes larmes, refroidissait mes cuisses, faisait danser mes cheveux autour de moi, mon cœur accélérait ses battements, se libérant de la nasse d’angoisse dans laquelle je l’avais jeté.
(page 49)
Il est des silences qui sont le signe d'un apaisement. D'autres suivent le coup lancé par un fusil dans la nuit et sont plus bruyants que la détonation qui les précède. Certains vibrent, habités par tous les sons, comme le noir est traversé de toutes les couleurs. D'autres encore soignent des plaies inguérissables.
La première fois que j’ai eu mes règles, j’ai pleuré. Le mois suivant, l’odeur me plut, elle me rappelait l’Amazone, je la trouvais âpre, presque carnassière, et il me semblait qu’elle me rapprochait un peu de la princesse Mononoké, l’héroïne de Miyazaki, avec ses lignes de sang séché tracées sur le visage pour faire peur aux hommes et signer son appartenance au royaume des loups.
(page 83)
L’Amazone avait cette forme d’insouciance qui ne se distingue de l’égoïsme que par l’inconscience qu’elle a d’elle-même, et peut-être aussi par une soif profonde de liberté.
(pages 16-17)
Ma tête reposait sur l’épaule de Gaspard qui avait le torse enserré par les cuisses de Quentin, dont le front était logé sous le sein de Golnâr, sa joue à elle reposant sur l’épaule de Camille, qui souriait à Elio, étendu entre mes jambes écartées.
(page 154)
Sa maladresse m’émut. Son incapacité à communiquer sans violence, sa solitude, son anxiété aussi, me rendaient triste, et faisaient naître en moi une tendresse dont j’avais peur, car elle nous menaçait, Gaspard et moi.
(page 77)
La peur a un vocabulaire physique qu’elle ne partage qu’avec l’amour. Et c’est peut-être pour cette raison que c’est toujours l’amour qui nous en sauve.
(pages 140-141)
Ses yeux s’embuèrent et les miens, immédiatement, répondirent à l’appel. Les larmes tombaient de ses paupières et dévalaient mon visage en écho.
Nouchka sort en volant de la voiture et tournoie autour du chêne-liège devant lequel on est garés. On l’a recueillie oisillon, sur ce chemin, treize ans plus tôt, et voilà qu’elle retrouve sa terre.
(page 184)
Le Lord pâlit. Il savait que la peur orchestrait nos rapports. Elle maintenait l’ordre au quotidien. Si elle cessait de nous régir, le pouvoir de notre oncle s’érodait.
(page 112)