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EAN : 9782072549458
160 pages
Gallimard (01/04/2016)
3.72/5   1426 notes
Résumé :
"J’ai voulu l’oublier cette fille. L’oublier vraiment, c’est-à-dire ne plus avoir envie d’écrire sur elle. Ne plus penser que je dois écrire sur elle, son désir, sa folie, son idiotie et son orgueil, sa faim et son sang tari. Je n’y suis jamais parvenue."
Dans Mémoire de fille, Annie Ernaux replonge dans l’été 1958, celui de sa première nuit avec un homme, à la colonie de S dans l’Orne. Nuit dont l'onde de choc s’est propagée violemment dans son corps et sur ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (219) Voir plus Ajouter une critique
3,72

sur 1426 notes
Ce n'est pas la première fois qu'Annie Ernaux revient sur un épisode de son passé, c'est même le leitmotiv de ce que l'on peut appeler son oeuvre, depuis La place, en passant par les Armoires vides, elle nous a habitués à ce discours au microscope, qui met en lumière la difficulté de s'intégrer à une nouvelle niche sociale sans renoncer à ses origines. Et pourtant, cette fois un pas a été franchi, un pas qui permet de comprendre tout le reste : des critiques ont parlé de chainon manquant, et l'auteur le confirme :

« Depuis vingt ans, je note « 58 » dans mes projets de livre. C'est le texte manquant, Toujours remis. le trou inqualifiable. »

La difficulté de l'entreprise reste palpable, et est confiée au lecteur, à travers cette justification de l'utilisation alterne du « je » et du « elle ». Et c'est fondamental, car le récit se construit à l'aide des souvenirs de l'épisode estival traumatisant, mais aussi de l'analyse que l'écrivain en fait après ces décennies, des conséquences immédiates mais aussi du rôle fondateur des traces profondes de l'événement
La tâche est rude,

« pour faire ressentir la durée immense d'un été de jeunesse dans les deux heures de lecture d'une centaine de pages »

quelques semaines suivies de quarante ans de présence clandestine en filigrane, quarante années de non-dit, mais de ressenti et qui élucident cette sensation de mal-être qui m'a toujours interpelée dans les récits de l'auteur.
Et cette fois tout est là, justifiant le reste,

« à quoi bon écrire si ce n'est pour désenfouir des choses, même une seule, irréductibles à des explications de toutes sortes, psychologiques, sociologiques, une chose qui ne soit pas le résultat d'une idée préconçue ni d'une démonstration, mais du récit, une chose sortant des replis étales du récit et qui puisse aider à comprendre - à supporter - ce qui arrive et ce qu'on fait ».

Et comme toujours, au delà de l'intime, le récit lève le voile sur les us et coutumes d'une époque, la jeunesse des années soixante. Est-elle différente? Désir de se fondre dans le groupe, au risque d'un rejet, (pas besoin de Facebook pour être mis à l'écart), vertige d'une soudaine liberté qui avec le sentiment d'immortalité induit la prise de risque, la différence est ténue, le SIDA et la technologie de communication ont juste modifié les outils.

Enfin, ce qui apparaît, c'est que cet épisode douloureux, et la période qui l'a suivi, a sans nul doute une implication majeure sur l'avenir de la toute jeune fille de 58 : serait-elle devenue cet écrivain talentueux que l'on suit avec plaisir depuis tant d'années? Aurait-elle pu accéder à cette destinée qui fait d'elle « un être littéraire, quelqu'un qui vit les choses comme si elles devaient être écrites un jour »?

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Je n'irais pas par quatre chemins, ma première rencontre avec l'auteure s'est révélée être un flop. J'étais pourtant bien disposée, au départ, pour me replonger dans l'atmosphère de la fin des années 50 et entendre l'histoire de cette jeune fille de l'époque.
Sauf que, finalement, l'histoire en question aurait pu amplement se résumer en quatre ou cinq pages. le reste n'étant qu'un questionnement égotiste qui ne sied qu'à un journal intime mais ne présente pas d'intérêt à être diffusé publiquement.

Pour ce qui est de cet effet de style consistant à employer tantôt le "je", tantôt "Annie D.", tantôt "la fille", pour parler de sa seule personne, je n'ai pas trouvé que cela apportait un plus à l'écriture, sinon un certain agacement pour la lectrice que j'étais de son roman.

Sur la 4ème de couverture, on peut lire : "Annie Ernaux replonge dans l'été 1958, celui de sa première nuit avec un homme. Nuit dont l'onde de choc s'est propagée violemment dans son corps et sur son existence durant deux années."
Sachant à présent de quoi il en retourne - et tout en admettant que je ne suis pas d'un romantisme exacerbé -, je cherche encore les raisons du "traumatisme" annoncé.
Que l'on soit fille ou garçon, rares sont ceux d'entre nous qui peuvent se remémorer leur première fois comme s'apparentant à un feu d'artifice. On est gauches, empotés, intimidés, on se connait peu soi-même et pas du tout l'autre. Et si cela reste pour tous un moment inoubliable, nous avons pour la plupart, la bienveillante sagesse d'y repenser avec une certaine indulgence et un amusement attendri. Vraiment pas de quoi en faire une opérette ou un drame.

Quant aux comportements stupides, aux réactions inadaptées, à tous les loupés, de notre adolescence, lequel d'entre-nous, devenu adulte ne s'est-il pas dit : "Bon sang ! Qu'est-ce que j'ai été nul !". Toujours pas de quoi en faire une thèse, non plus. C'est l'apprentissage de la vie et de notre relation aux autres. Rien de plus.
Et, sur ce point, je ne vous cache pas que, aujourd'hui, encore et toujours, je me mettrais des baffes quand je me surprends parfois à réagir aussi connement que si j'avais encore quinze ans.

Dans sa Mémoire de Fille, Annie Ernaux se reproche, entre autres, son orgueil de l'époque. De mon point de vue, c'est en le publiant, qu'elle a véritablement fait preuve d'orgueil.
Petite introspection et grand délayage qui n'offre d'intérêt que pour la personne concernée, soit Annie Ernaux, dont je lirais sans doute un autre ouvrage plus tard afin de ne pas rester sur cette première mauvaise impression.
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Je ne sais jamais trop, avec Annie Ernaux, sauf pour "La femme gelée" et "Une femme", dont je sens qu'ils sont très bons.
Là, je suis partagée. Je l'ai lu vite, peut-être trop vite. J'attendais quelque chose, qui n'est jamais venu. J'attendais pourquoi elle nous annonce au début un tel drame. La raison pour laquelle elle nous dit que ce livre la hante depuis 1958 et qu'elle n'a jamais réussi à l'écrire avant cette année là, 2014. Je ne vois pas ce qu'il y a d'extraordinaire et de traumatisant dans l'expérience de "la fille de 1958". Il faut dire que je suis peut-être aveuglée par mes récentes lectures un peu dures, autour de la seconde guerre mondiale...
Voilà, Annie nous raconte sa "première fois". Dans une colo avec le mono. le mono, comme tous les monos, est blond, baraqué, bronzé, prof de gym. Il saute tout ce qui bouge, normal, c'est un mono (Annie, t'as pas vu les Bronzés ? ) Annie est une intello à lunettes toute naïve et qui fait la folle parce que c'est la première fois qu'elle est en "vacances" sans ses parents. A la sur-pat (surprise-partie, c'est Retour vers le Futur, on est en 1958, Doc) H, le mono, saute sur Annie sans tambour ni trompette, l'emmène dans sa chambre et passe directement aux choses sérieuses. Bon, c'est un peu rapide et violent. Annie ne dit pas non, pas vraiment oui, en fait, elle ne pense pas grand chose et, en réalité, ce n'est pas vraiment une "première fois". (Désolée pour le spoil, mais ce n'est pas vraiment un texte à suspens) Ensuite, Annie gaffe, le mono la jette pour "la Blonde", Annie tombe folle de lui, et elle se met aussi à sauter sur tout ce qui bouge à la colo. Sauf qu'Annie est une fille, et que ça change tout. Les autres -filles et garçons-la jugent "putain sur les bords" (sic) , fille facile. Mais pour elle, malgré tout, c'est un été de liberté, enchanté...Mais dans les deux années qui suivent, son psychisme se rebelle...
Annie est beaucoup plus intelligente que ce que je résume là. le texte est très intéressant sous plusieurs angles :
-d'abord, sa réaction à l'assaut du mâle, qui est une absence de réaction, comme si de l'innocence totale de son esprit naissait tout à coup une soumission ancestrale à cette violence animale. Mais le corps d'Annie, malgré le mâle, malgré la fille, se refuse.
-Ensuite sa réaction de libération complète des carcans de l'éducation dont on ne sait jamais clairement si c'est elle, l'attitude saine et pourtant violemment critiquée par les autres, ou si ce sont les conséquences qui sont normales, cette honte qui naît peu à peu, ce repli du corps et de l'esprit. Qui est dans le vrai, la fille de 1958, totalement folle d'elle-même et de son désir des hommes, ou celle de 1960, qui a honte ?
-Le paradoxe entretenu entre une libération sexuelle incontrôlée en 1958 et la naissance chez elle d'une conscience féministe en 1959, à la lecture du Deuxième Sexe, qui la poussera à se ranger...Pour se protéger de la honte de son propre désir.
-C'est la description d'un monde entièrement dominé par le désir masculin, un monde qui vacille un peu aujourd'hui, qui tangue sur ses bases, mais très difficilement.
-L'écriture d'Annie tente d'approcher au plus près celle qu'elle appelle "la fille de 1958". C'est une entreprise de pure autobiographie (certainement pas d'autofiction !!) avec un pacte autobiographique en béton armé : la vérité, rien que la vérité...Mais, je trouve qu'elle ne va pas encore assez loin. Sinon, je ne me demanderais pas : mais qu'y avait-il de si terrible pour que cette expérience soit à ce point une brûlure au fer rouge ? Sois plus claire, Annie. Qu'est-ce que cet homme a détruit en toi ? Tu ne vas pas assez au fond des ténèbres, tu les effleures. C'est à cause de ton écriture neutre, de ta froideur. Il y avait encore des choses à sortir, à montrer, sur l'innocence et le sang, la violence du monde.
Très intéressant, en tout cas. Une véritable expérience littéraire, au sens poétique.
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Un chien qui tourne en rond en essayant d'attraper sa queue. Voilà l'image singulière qui me vient spontanément à l'esprit lorsque je referme ce livre, à la fin de ma lecture.

Je n'ai pas choisi ce livre. Personnellement, je m'en serai bien passé. Mais je fais partie d'un groupe de lecture dont le choix s'est porté sur ce titre et cette auteure.
J'avais lu d'autres récits d'Annie Ernaux (La place et L'autre fille), toujours centrés sur elle-même et que je n'avais pas appréciés. Je n'aime pas les gens qui se regardent se regarder. Je n'aime pas les gens narcissiques. Je regrette d'avoir eu à payer cette consultation, j'aurais préféré que ce soit elle qui me paie pour avoir abusé de mon temps, j'aurais trouvé ça beaucoup plus rationnel et méritant. Une autre chose encore que je n'aime pas dans ce genre d'écrits, ce sont les règlements de compte sur fond de papier, en faisant semblant d'utiliser les initiales de personnes ou de lieux pour maintenir un hypocrite anonymat.

Dans ce livre, l'auteure s'arrête sur la jeune fille qu'elle était en 1958 et de son premier rapport sexuel. De cette introspection, je n'ai apprécié que l'analyse de la vie quotidienne des jeunes des années cinquante et soixante, et surtout celle des filles, avec l'émancipation féminine en marche et sa difficile mise en place. Une analyse qui replace la femme, celle d'aujourd'hui n'en est pas exclue, dans ses attentes, ses désirs et ses désillusions quant à la sexualité et la condition féminine.

D'aucuns disent que son écriture est sublime et que Marcel Proust n'a qu'à bien se tenir. Moi, ça me fait doucement rigoler, ce genre de propos. Des Marcel Proust, j'en connais plein. J'entends par là des personnes qui aiment parler d'elles. Elle écrit bien certes et se lit facilement. D'autant plus facilement qu'elle ne parle que d'elle donc ça devient ronronnant, surtout lorsqu'elle nous livre ses investigations sur Internet pour retrouver ses copains d'avant...
D'autres disent que ce livre est le chaînon manquant de sa biographie et de la compréhension de son auteure. Pourquoi donc freiner ainsi Annie Ernaux ? Elle ne nous a pas encore parlé de la jeune femme de 1969 (année érotique), ni de celle des années 80 (femme jusqu'au bout des seins), etc. Et surtout, moi, j'aimerais qu'elle nous parle de la centenaire qu'elle sera en 2040. Qu'elle fasse preuve, pour une fois, d'imagination pour nous annoncer l'avenir et terminer de ressasser le passé. Mais je gage que la critique qualifiera ce livre de celui de la maturité !

J'assume mes choix et mes non-choix. de toute façon, il y a tant de nouveautés à lire chaque année que je peux faire l'impasse, et sans me priver, sur ceux d'Annie Ernaux.

Lien : http://mes-petites-boites.ov..
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Il y a toujours un peu de gêne pour le lecteur dans ces livres très introspectifs, comme ceux d'Annie Ernaux ou de Christine Angot par exemple, qui cherchent une vérité, une explication dans un événement vécu.
Malgré cette gêne, j'avais beaucoup aimé les autres récits d'Annie Ernaux, mais je n'ai pas compris le sens de celui-ci.
Annie Ernaux, qu'elle va nommer "la fille" au lieu de "je" parce qu'elle ne se retrouve pas en elle, revient sur une période de sa vie qui l'a fortement marquée sans avoir jusqu'ici réussi à l'écrire.
A 19 ans, elle quitte pour la première fois ses parents, dont une mère omniprésente lui laissant peu de liberté, pour être monitrice dans une colonie de vacances. Très vite, le moniteur-chef, beau gosse, lui saute dessus, l'embrasse plutôt brutalement, essaie de coucher avec elle mais n'y arrive pas donc lui demande - ou plutôt la force - à lui faire une fellation.
Le lendemain, il fait comme si rien ne s'était passé mais elle, n'étant pas sûre d'avoir été déflorée, s'en vante quand même à sa co-turne et bientôt tout le monde est au courant. A partir de là, d'autre moniteurs s'intéressent à elle, cataloguée "fille facile". Elle parle de honte, la honte qu'elle a, ou qu'elle refuse d'avoir.
Mais surtout, ce qui est surprenant mais sans doute lié à l'époque - les années 50 - , Annie tombe amoureuse de cet homme qui a juste eu envie de baiser et qui s'en est pris à la première ingénue venue pour tirer son coup. Aujourd'hui, on pourrait presque parler de viol, mais elle, malgré la brutalité de la relation, fait une fixation sur lui, s'imagine qu'ils sont liés, qu'une romance commence. Une année durant, elle sera obsédée par cette histoire qu'elle s'imagine, se sentant différente des autres parce qu'elle a accédé au sexe, fière de ne plus être vierge, devenue femme, supérieure aux autres filles qu'elle fréquente.
Ce qui me dérange ici, ce n'est pas tant cette naïveté et cette fierté liées éventuellement à ses 19 ans à l'époque, mais c'est que quarante ans plus tard, l'autrice en est encore à considérer cette relation, le fait qu'elle ait eu une relation sexuelle à cet âge, de cette manière, hors mariage, comme un acte rebelle qui la place hors de la norme, qui la rend différente, délinquante? (elle a aussi volé des bonbons quand elle a eu sa période de boulimie).
Comme d'autres lectrices, j'ai attendu que le moment vraiment subversif arrive pour comprendre l'importance que les années 58-59 ont eu pour elle, et ... je n'ai pas vraiment saisi. J'ai trouvé ce récit pitoyable, tout comme cette relation avec le moniteur-chef, mais j'ai surtout vraiment détesté cette fille... pitoyable aussi. Et tout en décrivant avec lucidité et introspection cette période de sa vie, Annie Ernaux ne remet pas en question, ne prend aucune distance avec ses sentiments de l'époque, les revivant de plein fouet sans un regard mature. Je ne sais pas quel sentiment elle a pu éprouver quand elle a fini d'écrire. Je n'ai pas vu l'intérêt de cette publication.
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critiques presse (3)
Bibliobs
07 octobre 2022
De son écriture sobre mais acérée, elle interroge une nouvelle fois ses thèmes de prédilection : l’identité, la sexualité, la société française des années 1960, la mémoire, mais aussi l’écriture.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
Culturebox
18 mai 2016
La pièce précieuse manquante de son œuvre.
Lire la critique sur le site : Culturebox
Telerama
30 mars 2016
Un traumatisme fondateur restait à exhumer : la honte qui suivit sa première expérience sexuelle.
Lire la critique sur le site : Telerama
Citations et extraits (223) Voir plus Ajouter une citation
Je ne sais pas si elle reconnait sa première nuit avec H dans la description dramatique que fait Simone de Beauvoir de la perte de la virginité. Si elle est d'accord avec : «La première pénétration est toujours un viol.» mon impossibilité encore aujourd'hui d'utiliser le mot viol au sujet de H signifie peut-être que non. Et qu'en est-il de la honte d'avoir été amoureuse folle d'un homme, de l'avoir attendu derrière une porte qu'il n'a pas ouverte, d'avoir été traitée de siphonnée et de putain sur les bords ? En ai-je été nettoyée par Le deuxième sexe ou au contraire submergée ?
J'opte pour l'indécision : d'avoir reçu les clés pour comprendre la honte ne donne pas le pouvoir de l'effacer.
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Je suis saisie par autant de limpidité : Descartes, Kant et l'impératif catégorique, toute la philosophie condamne la conduite de la fille de S. Parce qu'elle ne fait aucune place à l'impératif de jouir plutôt que de gueuler, au sperme dans la bouche, aux putains sur les bords, aux règles qui ne viennent plus, toute la philosophie lui fait honte et, dans la même lettre, répudier définitivement la fille de la colonie.

C'est une autre honte que celle d'être fille d'épiciers-cafetiers. C'est la honte de la fierté d'avoir été un objet de désir. D'avoir considéré comme une conquête de la liberté sa vie à la colonie. Honte de « Annie qu'est-ce que ton corps dit », de « On n'a pas gardé les cochons ensemble », de la scène du tableau d'affichage. Honte des rires et du mépris des autres. C'est une honte de fille.

Une honte historique, d'avant le slogan « mon corps est à moi » dix ans plus tard. Dix ans, une durée faible au regard de l'Histoire, immense dans la vie à son début, représentant des milliers de jours et d'heures où la signification des choses vécues reste inchangée, honteuse. Et rien ne peut faire que ce qui a été vécu dans un monde, celui d'avant 1968, et condamné par les règles de ce monde, puisse changer radicalement de sens dans un autre monde.
Cela reste un événement sexuel singulier, dont la honte est insoluble dans la doxa du nouveau siècle.
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Sa pensée n'a plus d'objet et elle est dans un monde dont le mystère et la saveur ont disparu.
Le réel ne résonne plus en elle que sous forme d'émotions douloureuses, disproportionnées - au bord des larmes en croyant perdue une lettre de sa mère qu'elle n'avait pas encore ouverte.

Au fond, elle voudrait être restée une adolescente comme en témoigne une lettre à propos des filles de quatorze ans de la colonie :
« Je les envie sincèrement. Elles ne savent pas qu'elles ont la meilleure part. C'est bête de ne pas savoir à quel moment on serait le plus heureux. »
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Des pages écrites par une femme, une philosophe qu'elle ne connaît que de nom, qui l'obligent à un dialogue auquel elle ne peut, n'a pas envie de se soustraire parce qu'il n'a jamais eu lieu avant.

Je la suppose :
- effarée par le tableau de la situation des femmes, cette épopée malheureuse déroulée de façon implacable de la préhistoire à aujourd'hui
- accablée par la vision apocalyptique des femmes soumises à l'espèce, alourdies d'immanence quand les hommes sont de plain-pied avec la transcendance
- confortée dans sa répugnance de la maternité, sa peur de l'accouchement depuis celui de Melanie dans Autant en emporte le vent, lu à neuf ans
- ahurie par la multiplicité des mythes qui entourent les femmes et peut-être humiliée par la pauvreté des siens concernant les hommes mais en tout cas révoltée en se rappelant l'accusation : tu es une mante religieuse, qu'on lui a lancée à la colonie
- étonnée par l'insistance de l'auteure sur le dégoût et la honte des règles - la «souillure» - alors que c'est dans la blancheur de son linge et l'absence de sang que réside à ce moment sa honte.
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Déjà le souvenir de ce que j'ai écrit s'efface.
Je ne sais pas ce qu'est ce texte. Même ce que je poursuivais en écrivant le livre s'est dissous. J'ai retrouvé dans mes papiers une sorte de note d'intention :
Explorer le gouffre entre l'effarante réalité de ce qui arrive, au moment où ça arrive et l'étrange irréalité que revêt, des années après, ce qui est arrivé.
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Vidéo de Annie Ernaux
En 2011, Annie Ernaux a fait don au département des Manuscrits de la BnF de tous les brouillons, notes préparatoires et copies corrigées de ses livres publiés depuis "Une femme" (1988). Une décennie et un prix Nobel de littérature plus tard, elle évoque pour "Chroniques", le magazine de la BnF, la relation qu'elle entretient avec les traces de son travail.
Retrouvez le dernier numéro de "Chroniques" en ligne : https://www.bnf.fr/fr/chroniques-le-magazine-de-la-bnf
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