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EAN : 9782365331319
208 pages
Asphalte (01/03/2024)
4.44/5   8 notes
Résumé :
Universitaire à la retraite, François est contraint de prendre à pied la direction de la Suisse. Une guerre civile aux enjeux flous pèse sur son propre pays, mais d’autres raisons cruciales le poussent à fuir.

Parvenu dans une petite gare sans train, François fait la rencontre de Constance, une jeune violoncelliste, à la dérive elle aussi. Leurs solitudes vont s’unir pour le périple qui les attend.

Mais à peine sur la route, le tandem s... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
« D'abord avec ironie, puis comme si cela allait de soi. On parlait des Sarrasins, des Bohémiens ou des Hébreux…Certains médias s'étaient empressés de propager ces mots surannés. L'air de rien on s'était mis à parler comme au Moyen Âge et c'était loin d'être bon signe.»
Tel est le constat sur l'état de la société que fait François un prof d'université spécialiste d'histoire du cinéma . François a tout perdu. Et cela bien avant que la société connaisse la déliquescence dont il est un témoin impuissant à défaut d'en être un acteur.
La mort de sa femme Faustine a été un premier traumatisme. Il n'a pas supporté de vieillir et s'est retrouvé livré à lui-même, incapable de gérer sa déconnection progressive d'avec un monde qu'il ne reconnaissait plus et dans lequel il ne se retrouvait plus.
Je n'en dirai pas plus au risque de dévoiler des pans de l'histoire qu'il faut laisser découvrir aux futures lectrices et lecteurs.
La société n'a pas été tendre avec lui et après plusieurs péripéties qui le conduisent aux marges de ce qui est admis, il se retrouve sur la route avec ses certitudes, son savoir et rien d'autre pour tout viatique.
Le danger est partout pour un homme seul alors que le phénomène de bande devient une règle de vie. Il a un objectif mais le chemin qui l'y conduit est parsemé d'embuches.
Il imagine encore pouvoir prendre un train, mais lorsqu'il demande la direction de la gare dans la ville de Belgrand où il a réussi à parvenir, un facteur lui répond :
« C'est tout droit. Mais si c'est pour prendre un train… »
C'est là qu'il rencontre Constance Dreyer, une jeune suissesse, violoncelliste en rupture de famille.
Cette association baroque, si elle leur permet de faire face aux événements, ne manque pas de susciter des convoitises. Lorsqu'ils se retrouvent prisonniers de la « section Jura libre » une bande d'adolescents dirigés par un homme plus âgé « le révérend Richard Moll» qui les mystifie en les assurant de l'importance de leur rôle contre «(…) la chute de notre civilisation. »
François se trouve confronté à l'ignorance de ses gardiens, à leur méconnaissance de l'histoire et de ce fait à leur fragilité face au savoir « Ils avaient soif de savoir des choses, un peu tout et n'importe quoi. La situation du pays ne les préoccupait qu'à moitié. Miro avait préféré revenir sur le premier western de l'histoire du cinéma. »

Jean-François Dupont a écrit un conte tout à fait crédible en tirant à peine sur la corde. Ce que nous vivons actuellement, avec le développement croissant des théories complotistes et le délire qu'il induit est traduit de façon réaliste dans la confrontation entre François, Constance et leurs jeunes gardiens. Ceux-ci reconnaissent la culture de leur prisonniers et la perçoivent comme une arme redoutable qu'ils ne possèdent pas « Je vous préviens, avec vos petits sourires en coin…Arrêtez de me prendre pour un con… » dit le chef de la troupe, Himmler…
Le roman pose la question du rôle du savoir et de la connaissance, de son statut dans la société. Sont-ce seulement des instruments de domination ou des moyens de compréhension de l'univers et de facilitation de la communication entre les différents groupes sociaux ?
François se pose cette question « À quoi cela servait d'avoir tous ces films en tête et de ne pouvoir en parler à personne ? »
Un livre à lire qui apporte une contribution pertinente aux débats qui nous agitent quotidiennement.
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Quand l'histoire commence, François est en prison. Alors que des troubles menacent d'y éclater, son directeur, Béllier, s'arrange pour libérer François et ils prennent tous les deux la poudre d'escampette (pardon j'adore cette expression!). Les voilà jetés sur les routes, dans une France livrée au chaos, où la guerre civile fait rage.

Très vite lassée de la compagnie de son ex-geôlier, François se lance dans une ultime échappée. Son projet à lui, c'est de rejoindre la Suisse pour en finir de cette vie sans saveur qu'il a prise en horreur depuis quelques années. Dans ce périple qui commence sur les ruines de son ancienne maison, on découvre au fil des pages le passé de ce vieil universitaire à la retraite : l'implosion de sa famille, le tragique (et hilarant) accident qui l'a conduit en prison et tous les regrets qui lui restent sur les bras, sans perspective aucune. Dans un pays qui semble dans le même état.

Et puis sur la route, il est rattrapé par d'autres personnages : une jeune violoncelliste flamboyante qui tente de rejoindre son foyer, puis un groupe de terroristes tellement mauvais et à côté de la plaque qu'ils en deviennent attachants.

Bien plus que l'issue de ce périple, c'est le voyage qui vaut le détour. Jean-François Dupont n'est pas tendre avec ses personnages : entre la mélancolie ambiante largement dûe au regard de François sur le monde et l'inconséquence du petit groupe de terrorristes, on a bien envie nous aussi de faire comme François et de faire nos adieux au monde.

Mais c'est sans compter avec l'humanité et la drôlerie qui se dégagent de cette folle aventure et qui nous rappelle qu'au détour du chemin, tout peut encore arriver! Une écriture pleine de surprises et de clins d'oeil au cinéma et à la littérature (coucou Robert Walser) que j'ai trouvée exquise.

Une très belle découverte, un roman mélancolique et doux, qui me donne envie de découvrir désormais le premier roman de l'auteur, "Villa Wexler".
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Sombre et puissant, d'une force inégalée, « L'échappée » est un rêve blessé.
Entre la fiction et ce qu'elle engendre d'exutoire, le vertige d'un roman sur le désenchantement.
L'existentialisme, le point d'appui, un livre de bord dont l'exemplarité terriblement humaine, happe et sidère.
Tant d'émotions, dans ce livre, serrent le coeur.
Contemporain, spectral, âpre, les échappées à l'instar de rais de lumière qui percent les pages subrepticement. Ici, le vif des êtres en perdition. Une histoire en corps à corps, feu, de bois, de craintes et d'anéantissement sociétal.
L'essentialisme comme l'issue de secours. « L'échappée » est cruellement semblable aux vacillements du monde.
Une guerre civile, insidieuse, prend ses marques. le chaos, la vulnérabilité du jour présent.
François est ici. Juste sorti de prison (et pour cause). Il part à pied pour la Suisse. C'est un homme d'un âge certain, happé par les affres. Son passé est un bagage trop lourd. Il avance dans une cadence de renaissance. Il ne le sait pas encore. le décorum est précis et radical. Il ne se soit aucun faux pas. Les dangers sont dans chaque angle. Il voit ce qu'il est devenu. Déstabilisé et fragile. La quête, pas à pas, vers la Suisse où il sera dans les temporalités de paix et financières.
Lui, qui vivait dans cet avant avec Faustine, sa femme, décédée brutalement et ses deux enfants. Un pavillon, un travail, le roulement d'une quiétude musicale, l'échappée vers le bonheur.
Ses enfants devenus vastes et éloignés, ombres et silence. Ils ne savent pas pour les années de prison. Ils ignorent ce que François est devenu. Un homme prisonnier de ses malheurs et de sa honte, de ses regrets et remords.
Universitaire à la retraite, un homme intelligent, mais sans énergie ni distance. Il marche et se terre, bête aux abois.
« Je lisais des romans, je revoyais des films où des personnages jeunes et beaux se désiraient…. J'avais eu le ventre plat, les cheveux épais et bruns, le sentiment d'éternité… Quelqu'un avait écrit que dans chaque vieux, il y a un jeune qui se demande ce qui s'est passé. »
Il voit le paysage défilé dans sa conscience. Il se heurte au passé, franchit la ligne d'une nostalgie où il ne peut plus spéculer.
Revenir parmi les vivants. Il est seul et pourtant il rayonne dans la grandeur sentimentale.
Fortuitement, il rencontre « L'échappée », Constance, une violoncelliste qui elle aussi, est en partance vers la Suisse. Elle veut retrouver les siens, ses parents et son frère. Renouer avec la généalogie. Reprendre vie dans la matrice familiale. Mais le jour est sournois. La traque et les milices, les ordres et les craintes, le basculement dans le chaos. Ici, tout est fragile et risqué. L'idée de dépassement, franchir l'autre rive, l'immanence sacrée.
« Ça venait d'elle, de cette fille, Constance Dreyer, de ce qu'elle était devenue désormais, pour moi. Mon enfance, ma jeunesse, mon âge de déraison. Tout ce que j'avais aimée dans la vie se coagulait dans le chant presque humain du violoncelle. Elle était la dernière jeune femme, et d'elle s'échappait tout ce à quoi je n'aurais plus jamais accès. »
Le périple est l'expérience vitale de la confiance. Ils vont être retenus, prisonniers d'une bande de garçons à peine adultes. Dans cette fécondité de se croire des caïds. Alors qu'ils sont eux aussi, à l'instar d'animaux traqués. Comment ce réel incertain et lugubre va-t-faire saillir la fraternité et l'apprentissage de la survie ?
Constance et François sont lianes et de connivence. La fusion des détresses et la mélancolie comme une couverture de survie sur leurs corps fragilisés par les diktats d'une guerre civile et de leurs tourments intérieurs.
« C'est l'heure François… Nous avons trouvé la route qui avait été ensevelie par les éboulements… J'imagine qu'affublés comme nous l'étions, nous devions ressembler à un cortège de lépreux ou de pauvres hères. »
Que va-t-il se passer dans cette échappée où le temps fige l'âge ?
Ce roman est un hymne à la rédemption. D'une beauté certifiée, tremblant de pluie, il est le sacre de l'autre. Celui ou celle dont on ne sait rien avant l'heure du jour. le prodigue presque charnel d'une renaissance en advenir. le sentiment indicible d'une lecture poignante et spéculative.
« L'échappée » de Jean-François Dupont, dont les crépitements sont un requiem.
Publié par les majeures Éditions Asphalte.

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La France est sous tension et la guerre civile fait rage. C'est dans ce contexte que l'on fait connaissance avec François, le détenu d'une prison qui voit le directeur de cette même prison, lui proposer de l'aide pour s'évader. François s'empresse d'accepter, mais fausse rapidement compagnie au directeur de la prison. Il se retrouve seul dans la nature, et décide de se rendre en Suisse pour une euthanasie. Il n'a plus grand-chose à perdre. Sa maison a été incendiée, il a perdu sa femme dans des circonstances tragiques avant son incarcération et ne voit plus ses enfants qui habitent loin. Sur son chemin il va faire des rencontres, de Constance une violoncelliste au caractère bien trempé à un groupe de jeunes adolescents dirigés par un mystérieux révérend, le trajet de François s'annonce assez sport. La mort souhaitée au bout du périple en Suisse s'annonce plus compliquée à atteindre. Je découvre la plume de Jean-François Dupont avec ce second roman et on se régale en découvrant ce regard désabusé sur notre monde. François, le personnage principal en bout de course sert parfaitement ce propos. Une atmosphère désenchantée plane sur le bouquin et en même temps, plusieurs passages très bien vus laissent un sourire en coin, notamment les dialogues. François n'était déjà pas en grande forme avant son évasion, pas certain qu'il se refasse une santé dans ce périple à venir pour la Suisse. "L'échappée" est un singulier roman où les personnages tentent de survivre dans un monde dévasté.

extrait : "Cette scène se déroulait entre la dépouille d'un chevreuil et celle d'un directeur de Shopi."
Lien : https://lesmafieuses.wordpre..
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critiques presse (1)
LeMonde
18 mars 2024
L'écrivain projette un universitaire à la retraite sur les routes d'une France en proie à la guerre civile.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (1) Ajouter une citation
Le directeur de la prison s’appelait Monsieur Bellier. Bellier avec deux L, avait-il tenu à préciser lors de notre premier entretien. En surpoids pour sa petite quarantaine, vêtu d’un costume trop large sous lequel on entrevoyait des bretelles bordeaux. Un personnage désuet, visiblement affligé par sa destinée professionnelle, je l’ai vite compris.
J’avais beau être un meurtrier, mon statut d’ancien universitaire semblait m’avoir attiré sa sympathie. C’est ainsi que j’avais bénéficié d’une cellule individuelle pour les détenus dits fragiles. Les anxiolytiques m’étaient d’ailleurs distribués comme des bonbons. Je dormais beaucoup et demeurais ensuqué sur mon lit une grande partie de la journée. La privation de liberté devenait presque accessoire. Je songeais parfois à Trajan. Malgré mes supplications, les policiers l’avaient abandonné dans le jardin. On m’avait poussé dans une camionnette et j’avais juste eu le temps d’apercevoir mon chien derrière le portillon. Son regard perdu me hantait parfois.
J’avais droit à une promenade quotidienne dans une annexe qui jouxtait la grande cour. Derrière les grillages, des détenus me couvraient d’insultes et me menaçaient de mort.
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