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EAN : 9782070124435
528 pages
Gallimard (02/04/2013)
3.69/5   8 notes
Résumé :
Haya Tedeschi, une jeune femme d’origine juive dont les parents se sont convertis au catholicisme, travaille comme vendeuse dans un tabac. Quand la guerre touche Gorizia, cette ville frontalière italo-slovène récemment intégrée dans une nouvelle province allemande, elle rencontre l’officier Kurt Franz. Haya ne demande pas d’où il vient ni pourquoi il a été muté dans la région adriatique : elle est impressionnée par ce bel homme grand et blond, et en tombe amoureuse.... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
C'est le second livre que je lis dans le cadre de la Lecture commune pour l'Holocauste et plus encore que Goetz et Meyer ce livre fut un choc de lecture
La littérature croate ne tient pas beaucoup de place sur les présentoirs des librairies hélas et on a un peu honte qu'un tel livre soit passé un peu inaperçu.

C'est à la fois un regard et une écriture, brutale, dérangeante. Des mots qui interpellent, mettent en cause, alertent, on ne sait pas comment qualifier ce qui se passe pour le lecteur tout au long de ce roman documentaire comme le nomme l'auteur et l'éditeur.
Le récit se déroule dans La ville de Gorizia, proche de Trieste, dont le nom se décline selon les langues en Görz, Gorica, Gurize. C'est souvent le cas pour ces villes où le vent de l'histoire à baptisé les lieux chaque fois que la frontière se modifiait.

Ville qui évolue de son attachement à l'Empire austro-hongrois à l'appartenance à l'Italie annexée à l'Axe durant la guerre.

L'héroïne de ce roman Haya Tedeschi est une femme âgée et depuis 1944 elle attend…elle attend ainsi depuis soixante-deux ans. « À ses pieds, une immense corbeille rouge remplie de photos, de coupures de presse, de documents divers. Son attente, au début du roman, est « notre attente ».

Haya est née à Gorizia et a grandit dans une famille juive qui va hésiter et pencher curieusement vers le fascisme à l'arrivée de Mussolini, espérant peut être l'impunité grâce cela.
Haya peut ainsi se croire à l'abri mais l'histoire avance et l'on s'achemine vers le temps des massacres.
La famille Tedeschi semble ignorer ces faits car ils détournent la tête regardent ailleurs, les voisins ne disparaissent pas « ils déménagent » ils ne sont pas expulsés ils « semblent ne plus ouvrir leur magasins »

Le récit s'étend géographiquement et dans le temps, on approche de l'inhumain
Haya est amoureuse d'un allemand qui est venu un jour acheter des pellicules photo dans sa boutique.

C' est Kurt Franz, celui qui à Treblinka « se promène, monte à cheval, court le matin, chante (…) plante des fleurs » Treblinka est fermé il a été muté !!
Elle se retrouve seule lorsque, fin de la guerre oblige, il quitte Trieste.
C'est le début de l'attente pour Haya.
Personnage symbolique, Haya est là pour nous rappeler ce que vécurent ces hommes et ces femmes, certains broyés immédiatement, d'autres se transformant en bourreaux.
Après la guerre les yeux d'Haya s'ouvrent petit à petit, elle lit des témoignages, ses souvenirs prennent une autre teinte, elle suit les procès qui sont faits aux criminels de guerre

En 1976 commence le procès des criminels de guerre de San Sabba. Dans cette rizerie de Trieste, on a assassiné des Juifs, des Tsiganes, des résistants.
Un four crématoire avait été construit par Erwin Lambert, ingénieur qui a fait ses preuves en Allemagne et en Pologne en éliminant des malades mentaux et des handicapés.
L'auteure ne vous donnera la clé de cette attente qu'en toute fin du livre mais on pressent tout au long que ce qui sortira de la quête ne sera ni joyeux, ni consolant.
C'est un quête pour savoir et comprendre, pour éclairer cet événement violent et inimaginable que fut la déportation et l'extermination des juifs en Europe.
Si ce roman m'a tellement marqué c'est par la façon dont Daša Drndić parle de l'histoire, mêle les faits avec ce qui sort de son imagination.

Le récit n'est jamais linéaire ce qui parfois rend la lecture difficile, exigeante, mais c'est un peu comme si l'on inventoriait tout le contenu du panier rouge d'Haya et que l'on sortait tous les papiers, photos, coupures de presse, tout un par un.

Ainsi on croise Boris Pahor, Paul Celan, Zoran Mušič, Umberto Saba, Danilo Kiš, Claudio Magris …et surtout ce qui pour moi fut une rencontre forte le philosophe Carlo Michelstaedter dont la soeur disparue à Ravensbrück, je l'avais lu il y a environ 20 ans et il s'est à nouveau imposé à moi grâce à ce roman.

La littérature, la philosophie, la poésie, la peinture sont-elles plus à même de dire la douleur, l'horreur, la souffrance ?
Le roman est interrompu pendant 80 pages et nous trouvons la liste des 9000 juifs qui ont perdus la vie dans les camps, les transports ou les territoires occupés. C'est comme une reconnaissance, un hommage, une stèle de papier.

Daša Drndić a ainsi redonné un visage à l'histoire refusant que l'individu soit résumé à une « note en bas de page de l'Histoire »
Réquisitoire très puissant contre les nazis bien entendu mais aussi envers tous ceux qui ont fermés les yeux ou tournés la tête : la Croix-Rouge qui aide les nazis à blanchir l'argent des victimes déportées, le Vatican qui aidera à cacher les criminels de guerre, ou plus simplement par exemple ….un chef d'orchestre :
« En 1955 Karajan est nommé chef à vie de l'Orchestre philharmonique de Berlin (…) la terre absorbe le passé comme la pluie disparait dans ses entrailles » En 1935 il avait adhéré au parti Nazi et joué pour Hitler.

Sonnenschein est un roman parfaitement documenté, on a envie d'ajouter hélas ! Car les protagonistes ont réellement vécu et fait ce dont on les accuse. Des photos, des compte-rendus des procès, les retranscriptions d'interrogatoires, tout atteste de la réalité des faits.
La folie meurtrière du nazisme, la circulation des trains, les camps, les exécutions, le Lebensborn

C'est comme un monument pour sauver de l'oubli des hommes et des femmes qui un jour ont vécu, aimé, travaillé, parce que « tout nom cache une histoire »

La construction du livre rend le lecteur témoin, il est interpellé par les faits qui redonnent vie aux victimes anonymes et qui sont un réquisitoire sans appel pour les bourreaux qui voudraient faire croire à leur petite vie de fonctionnaires obéissants.

Daša Drndić multiplie sans arrêt les points de vue, les documents, les cartes, les dates, jusqu'à parfois rendre le lecteur un peu hagard, un peu noyé par ce chaos effrayant.
Pourtant l'auteur parvient à donner une cohérence à tout ça et c'est ce qui fait la force du livre, sans doute un des grands livres sur l'Holocauste.
Lien : http://asautsetagambades.hau..
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Une vieille femme se balance dans un fauteuil à bascule, devant la fenêtre de son appartement. Cela fait soixante-deux ans qu'elle attend. Quoi ? Nous ne le saurons qu'à l'issue de ce texte inclassable -ne lisez pas la quatrième de couverture !-, qui s'affranchit des contraintes temporelles et nous installe dans un espace où les frontières fluctuent, relativité qu'illustre parfaitement la ville de Gorizia où débute et revient régulièrement l'action, nommée Goriza, Görz, ou Goritz selon le peuple la désignant et qui, située dans la province du Frioul, fut tour à tour prussienne, autrichienne, italienne, et même brièvement allemande pendant la Seconde Guerre Mondiale.
Dans la famille d'Haya, on parle d'ailleurs allemand, italien et slovène. Ses parents étaient juifs, mais d'une judéité évoquée du bout des lèvres, vaguement taboue, qui n'a jamais suscité de sentiment d'appartenance ou d'identité. Il faut dire qu'on a toujours vécu, chez les Tedeschi, dans l'illusion de l'ignorance, en évitant de se sentir concerné par les événements du monde. Ils étaient de cette majorité qu'on appelle les bystanders, spectateurs aveugles se tenant à l'écart des remous et des drames de l'histoire, évitant les questions, vivant comme les lois l'imposent quelles que soient ces lois, et pouvant ainsi revendiquer, puisqu'ils "ne savaient pas", leur innocence. Haya a ainsi vécu comme s'il n'y avait jamais eu de guerre, repliée sur la lâche neutralité de la cellule familiale. Les années ont passées, marquées par une brève aventure amoureuse, une morne carrière de professeur de mathématiques, ponctuées par les morts de ses proches, tout cela en étant comme absente à sa propre vie, incapable de comprendre le monde, ou le comprenant trop tard.

"Les gens se lavent, se soignent comme ils peuvent, trouvent des fissures dans lesquelles ils se glissent, en silence, sur la pointe des pieds, pour éviter de se rencontrer eux-mêmes".

Un drame personnel, un traumatisme de sa lointaine jeunesse qu'elle a longtemps gardé enfoui, est à l'origine de sa quête dans un passé qu'elle doit reconsidérer, réapprendre. A posteriori, Haya relie le destin des Tedeschi aux événements qu'ils ont traversés, protégés par leur cécité. En 1976, elle constitue un dossier, rédige des petites fiches, entreprend une quête qui devient obsessionnelle et dure des années. Face à l'amoncèlement d'archives familiales -cartes, tickets, photos- et officielles, de vieux journaux qu'elle a accumulé, elle tente de "démonter, de désassembler sa compréhension incomprise". C'est au rythme vagabond de cette quête que se déroule ce texte protéiforme et profus, sous-titré "roman documentaire", entremêlant souvenirs fictifs de l'héroïne, faits historiques et réalités anecdotiques. Les "données" de l'Holocauste y sont évoquées avec récurrence, s'insèrent dans le récit et le hantent, en fait une énormité dont on se demande comment elle a pu être occultée…

La trame romanesque est entrecoupée de photos, d'extraits d'archives : minutes des procès de Nuremberg, transcriptions de terribles témoignages de victimes… On y trouve aussi des listes, nomenclatures macabres et exhaustives déroulant sur des pages et des pages les noms des plus de neuf mille juifs déportés par l'Italie ou assassinés dans les pays qu'elle a occupés de 1943 à 1945, ou les dates et heures des cent-cinquante-trois convois qui depuis Trieste emmenèrent leur "chargement" vers les camps de la mort ou les travaux forcés.

On navigue de Trieste, où stationnaient quatre-vingt-douze membres du commando Reinhard (vaste opération ayant conduit à la mort de deux millions et demi de juifs polonais), aux alcôves de la maison close de Kitty Schmidt à Berlin utilisée comme centre d'espionnage par les nazis, pour revenir à Gorizia et à sa rizerie San Sabba, centre de détention et de torture sous l'occupation allemande, qui devint par la suite un musée où une Histoire purifiée est convenablement servie sur un plateau…

On y découvre les portraits d'illustres anonymes, tel celui de Franceso Illy, inventeur de la machine à expresso, mais aussi ceux de bourreaux SS ou de célébrités -notamment des vedettes de cinéma- assumant publiquement leurs accointances avec le régime nazi.

Côté compromissions, les entreprises et institutions ne sont pas en reste, avec la mention de l'aide apportée par la Croix Rouge aux nazis pour blanchir l'argent des victimes déportées, ou la liste sans fin des compagnies et grands propriétaires -Ford, Singer, Bayer, Volkswagen…- qui employèrent comme main-d'oeuvre les prisonniers des camps, les utilisant à leur projet personnel tout en professant leur amour pour la patrie.

Inutile d'énumérer la somme des autres aspects de cette manifestation du Mal dont l'Holocauste est l'un des plus terribles symboles qu'expose Sonnenschein. Retenons simplement la remarquable maitrise avec laquelle Daša Drndić, en utilisant des matériaux d'une improbable diversité, nous livre un récit complexe, déstabilisant et bouleversant, qui nous fait appréhender les mécanismes de dénégation et les arrangements avec leurs consciences qu'opposent les individus à la monstrueuse violence de l'Histoire.

Impressionnant.
Lien : https://bookin-ingannmic.blo..
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Étrange objet, tenant à la fois de l'encyclopédie, de l'étude historique et du roman.
Met en lumière le projet de sauvegarde de la race aryenne mené par le régime nazi sous le nom de "Lebensborn" à travers les récits croisés d'une mère, au crépuscule de sa vie, retraçant le chemin jusqu'a l'enlèvement de son unique enfant un jour de 1943 et de ce dernier, devenu adulte, à la recherche de son histoire.
À noter le ton particulièrement acerbe n'épargnant rien ni personne, des atrocités nazies aux pleutres s'accommodant de la situation, en passant par l'église catholique ou la Croix Rouge.
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Un livre très particulier, entre roman et documentaire, qui laisse une impression d'accumulation de peine autant que de document.
Il faut s'accrocher pour y entrer, se repérer parmi les personnages, arriver à les suivre, mais cela vaut le coup.
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critiques presse (1)
LaLibreBelgique
13 juin 2013
De la trame romanesque surgit une réalité effroyable et d’une complexité inouïe [...]. Toute une réalité estompée par les horreurs des camps d’extermination et pourtant réelle et qui éclate sous la plume de Dasa Drndic.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique

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