En écrivant ce récit autobiographique en 1930,
Gabriel Chevallier a pris du recul pour nous livrer son regard sur la guerre.
Ce modeste témoignage met à bas la glorification des soldats.
Le poilu se montre critique, osant avouer
la peur comme moteur dans ce dialogue avec une infirmière :
— “Mais alors qu'avez-vous fait à la guerre?
— Ce qu'on m'a commandé, strictement. Je crains qu'il n'y ait là-dedans rien de très glorieux et qu'aucun des efforts qu'on m'a imposés n'ait été préjudiciable à l'ennemi…
— Que vous êtes énervant ! Répondez donc. On vous demande ce que vous avez fait ?
— Oui ?... Eh bien, j'ai marché de jour et de nuit, sans savoir où j'allais. J'ai fait l'exercice, passé des revues, creusé des tranchées, transporté des fils de fer, des sacs à terre, veillé au créneau. J'ai eu faim sans avoir à manger, soif sans avoir à boire, sommeil sans pouvoir dormir, froid sans pouvoir me réchauffer, et des poux sans pouvoir toujours me gratter... Voilà !
— C'est tout?
— Oui, c'est tout... Ou plutôt, non, ce n'est rien. Je vais vous dire la grande occupation de la guerre, la seule qui compte : J'AI EU PEUR.”
Des points de vue sont originalement exposés comme celui du fils critiqué par son père parce qu'il n'a pas brigué des galons !
Celui du regard de l'arrière tellement décourageant pour le soldat que certains renonceront à leur permission !
Le courrier écrit à sa soeur, rédigeant pour l'arrière une correspondance pleine de mensonges convenus, de mensonges qui "font bien" est émouvant.
Beaucoup cogitaient sur la bonne blessure à attraper!
Ce livre est une anti-apologie.
Jean-Yves le Naour dans son ouvrage “
120 ans de prix Goncourt” dit à propos du livre de Barbusse “Le Feu”, paru en 1916 : “...mais le vernis héroïque craque définitivement pour montrer la guerre dans toute sa crudité. Non plus la gloire, le chapeau qui claque au vent, et les soldats riant sous la mitraille mais la boue, le sang, la merde.”
Cette citation s'applique aussi à cet ouvrage qui articule toute la guerre autour de
la peur qui lui donne son titre courageux.