« Mon coeur a déménagé » est l'histoire d'un drame familial presque trop banal. le père boit trop, la mère refuse d'alimenter le vice de son mari, une dispute violente éclate. Course poursuite dans les rues de Rouen. La mère tombe d'un pont, le père part en prison. La famille était mise sous tutelle par les services administratifs. « Cette impression, du haut de mes sept ans, qu'un ogre venait chez nous, vivait chez nous, se nourrissait de notre malheur, dévorait nos seuls bonheurs, repartait mais promettait qu'il allait revenir, impossible de lui fermer la porte, impossible de ne pas le laisser entrer, il avait droit de vie ou de mort sur nous, maman me l'avait répété, à cause de la tutelle, ou de la curatelle, tous ces mots trop compliqués. » Richard Vidame est l'administrateur social qui gère cette famille. La veille du drame, Maja, la mère avait demandé son aide, aide qu'il n'a pas voulu lui apporter. Dans la nuit, Maja meurt. le père, Josselin Crochet est placé en détention provisoire. Pour celle qui reste, Ophélie dite Folette c'est le début d'une enfance compliquée au sein d'un foyer pour les jeunes qui, comme elle, n'ont plus de parents pour s'occuper d'elle. « Ne vous inquiétez pas pour ça, avais-je envie de leur dire, je ne vous coûterai pas cher en rire et en sourire. Je laisserai tout doucement mon coeur refroidir. Faudra juste lui laisser une petite place dans le frigo. »
« Mon coeur a déménagé » est donc l'histoire de Folette qui ne possède pas grand-chose : un livre de conte de la collection rouge et or que lui lisait sa mère, une colère qui dévaste tout sur son passage, et un désir de vengeance qui ne la quitte pas un seul instant, durant tout le roman. Curieusement, elle ne tient pas son père pour responsable. Sa hargne est dirigée vers Richard Vidame qui avait la possibilité d'agir et qui ne l'a pas fait.
Quand elle intègre le foyer, nommé la prairie, Folette va rencontrer plusieurs personnes qui vont devenir essentielles dans sa vie. D'abord, Nina, une petite fille très empathique, qui comprend les souffrances et les silences. Puis Béné, une éducatrice qui aime son métier qu'elle juge d'utilité publique, et qui va vraiment prendre Folette sous son aile. Enfin, Steevy…
Puisque « Mon coeur a déménagé » est une histoire de vengeance, le récit s'articule autour de plusieurs temporalités : 1983, 1989, 1995. le lecteur suit l'évolution de Folette au fil du temps, sans voir ses résolutions faillir un seul instant. « Richard Vidame est un salaud, une ordure qui n'hésite pas à écraser les autres. À les sacrifier. Il a construit sa carrière sur un mensonge. Un parasite. Un parasite que j'écraserai ! » Au gré de son enquête, plusieurs personnages viendront se greffer à l'histoire tel Lazare Kerédern, ancien policier à la retraite. Parallèlement,
Michel Bussi fait aussi de « Mon coeur a déménagé » un roman choral où plusieurs personnes prennent la parole et confient au lecteur ce qu'ils savent des évènements, mais aussi ce qu'ils cachent.
« Mon coeur a déménagé » est aussi une fresque sociale, celle des années 90.
Michel Bussi y intègre de nombreuses références de cette époque-là qui sentent bon mon adolescence. À travers les personnages de Vida et de Béné, il oppose deux réalités du métier d'éducateur. Pour Béné, puissante empathie, grande patience, forte écoute, riche de solutions. Pour Vidame, c'est une autre histoire que je vous laisse découvrir.
L'atmosphère du roman est, elle aussi, singulière. D'une part, Folette baigne dans l'univers des contes, grâce à ce livre qu'elle emporte partout, qu'elle lit et relit sans cesse. « Si tu les lis, jusqu'à les connaître par coeur, ces contes te serviront toute ta vie. » Pourtant, par opposition à ce monde, un peu féerique, « Mon coeur a déménagé » dégage aussi une violence qui anime, un désir de vengeance qui oblige à se lever le matin, une haine savamment nourrie. « Si tu savais, à l'intérieur, le givre qui m'emprisonne. Je ne suis qu'un bloc de glace. Sans aucun sentiment. Aussi coupant qu'un diamant. » Cette quête obsessionnelle de la vérité peut engendrer quelques erreurs de parcours de vie mais comment ne pas s'associer aux déchirements de Folette ? « Mon coeur a déménagé » est aussi un très bel hymne à l'amitié et à l'amour entre une fille et sa mère.
« Mon coeur a déménagé » se distingue par son réel pouvoir d'apporter joie et évasion à son lecteur, une invitation à un voyage, une échappée hors du temps vers un monde parallèle de réel divertissement. Ce roman se présente comme un compagnon fidèle pour ceux qui cherchent à s'évader un peu du quotidien.
Michel Bussi jongle avec le suspense de l'intrigue, les informations distillées au compte-gouttes pour créer une atmosphère suffisamment électrique pour accrocher son lecteur. « Le style Bussi » repose souvent sur une trame narrative ingénieuse, des personnages émouvants, des retournements de situation inopinés. Mais ce livre va au-delà du simple passe-temps, il peut devenir un refuge, une pause bienvenue dans la réalité parfois trop angoissante. Les émotions résonnent à travers ces pages, offrant un baume pour une âme fatiguée qui a besoin de douceur. C'est une bouffée d'air frais, une bulle d'évasion où le lecteur peut relâcher les tensions du quotidien et se laisser emporter par le simple pouvoir de la narration.
« Mon coeur a déménagé » captive, émerveille et laisse un sourire sur le visage de ceux qui ont eu le privilège de s'y plonger. J'indique que dix pour cent des droits d'auteurs sont reversés au Secours populaire. Raconteur d'histoire et philanthrope.
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