La vengeance est un plat qui se mange froid
Toujours aussi habilement construit, le nouveau thriller de
Michel Bussi va confronter une enfant avec la mort de sa mère, chassée par un mari violent. Pendant de longues années, Ophélie va chercher à comprendre et à venger sa mère.
Que s'est-il vraiment passé ce 29 avril 1983? Ce qui est sûr, c'est qu'Ophélie, alors âgée de sept ans, a entendu sa mère appeler Vidame, le travailleur social chargé de la suivre, à son secours. Sa mère répétant à l'envi « Mon mari va me tuer». Elle ne sera pas entendue, même si Vidame a pris soin de prévenir la police, tout en sachant qu'elle ne se déplacera pas pour une intuition. Pourtant le drame annoncé va bien avoir lieu. Rentré ivre, le mari va harceler sa femme, lui réclamant de quoi satisfaire ses addictions. Si cette dernière parvient à lui échapper, il la pourchasse dans la rue, bientôt suivi par Ophélie. Mais la fillette arrivera trop tard. Sa mère a chuté d'une passerelle et gît sur la route en contrebas. Son père hébété est arrêté, mis en examen et jugé pour féminicide. Il sera condamné à sept ans de prison.
Ophélie se retrouve quant à elle à "La Prairie", l'institution qui accueille les orphelins et les enfants placés par la justice. C'est là qu'elle va faire la connaissance de Béné, une assistante sociale au grand coeur, et de Nina, une amie pour la vie.
C'est avec elle qu'elle reprend goût à la vie, même si son moteur est la vengeance. L'adolescente décide de mener l'enquête, d'oublier son père et de faire payer à Vidame son refus de porter secours à sa mère. Les maigres indices dont elle dispose, un dessin des fenêtres de l'immeuble éclairées durant cette nuit tragique et le concours d'un ex-gendarme qui se promenait avec son chien peu avant le drame.
La recherche de témoignages, les plus petits indices et les intuitions vont alors occuper celle que ses proches appellent Folette. Maintes fois, elle a failli renoncer, notamment après une expédition qui a coûté la vie à un ami, mais comme son seul moteur est cette soif de vengeance, elle va persister et signer.
Découpé en quatre parties, 29 avril 1983, 14 juillet 1989, 9 octobre 1995, 14 juillet 1999, le roman nous mène d'une rive à l'autre de la Seine, du Rouen populaire à celui des nantis. Cette version topographique de la lutte des classes nous rappelle que l'auteur des
Nymphéas noirs a d'abord été géographe et qu'il resté fidèle à sa
Haute-Normandie.
Et s'il connaît bien Rouen, les services sociaux à l'enfance n'ont guère de secrets pour lui non plus. de l'assistante sociale jusqu'au plus haut de l'échelon, il nous présente cette institution capable du meilleur - quand l'intérêt de l'enfant prime - et du pire. Sans aller jusqu'à la rengaine du "tous pourris", on se rend bien compte combien la soif de l'argent et du pouvoir peuvent entraîner de déviances et de compromissions.
La plume de
Michel Bussi est toujours aussi virevoltante, entraînant avec lui un lecteur qui va explorer les pistes, se fourvoyer aussi beaucoup. Explorant tout à la fois les romans mettant en scène les orphelins, d'
Oliver Twist de Dickens à Sans famille d'
Hector Malot et ceux construit autour de la vengeance, du Comte de Monte-Cristo de Dumas aux Hauts de Hurlevent de
Emily Brontë, en passant par le
Colomba de
Prosper Mérimée, ce roman est tout à la fois un thriller construit sur une machinerie bien rôdée et une ode à l'amitié, mais aussi une formidable démonstration de la force d'une obsession. Même si elle peut aveugler, elle n'en demeure pas moins un puissant moteur. Oui, l'espoir fait vivre.
Signalons aussi la parution simultanée en poche de
Trois vies par semaine
NB. Sur mon blog vous pourrez, outre cette chronique, lire les premières pages du livre. En vous y abonnant, vous serez par ailleurs informé de la parution de toutes mes chroniques.
Lien :
https://collectiondelivres.w..