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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Si vous cherchez une lecture facile, mais intelligente et addictive, n'hésitez pas à faire la connaissance d'Alfie !

Cet assistant vocal domotique dernier cri repose sur une intelligence artificielle comme nous commençons à bien les connaître. Pratique pour la famille Blanchot d'avoir un coup de main pour les tâches domestiques et la gestion de l'agenda, la play-list musicale et les bilans de santé, avec en plus un bonus d'assurance à la clé : que demander de plus ? Mais voilà : certains comportements déconcertent Alfie qui commence à nourrir des soupçons. Se tramerait-il quelque chose de louche ?

Le pari de donner le rôle de narrateur à Alfie est osé mais finalement très malin. Son regard candide et implacable agit comme un révélateur tour à tour drôle et terrible des choses humaines. Les rouages du deep learning appuyés sur la dissection des data et indices physiologiques et verbaux enregistrés par les caméras installées un peu partout, sont restitués avec justesse. L'auteur évite l'écueil d'un récit désincarné en jouant sur l'humour et l'ironie : les boucles algorithmiques d'Alfie sont par exemple mises à rude épreuve par le chat, la métaphysique de Descartes, ou le langage de l'ado de la famille (dont il estime avec une certaine marge d'erreur qu'il s'agirait d'araméen…).

Cela dit, le malaise grandit et finit par faire basculer le récit dans un thriller glaçant. À la façon de la série Black Mirror, ce récit nous interroge sur notre servitude volontaire à l'égard de technologies envahissantes qui ne sont qu'à peine anticipées : les assistants vocaux nous sont déjà familiers. Et la semaine où j'ai lu ce roman a été mise en ligne l'interface ChatGPT, outil conversationnel en langage naturel qui produit des réponses bluffantes de pertinence et d'authenticité – figurez-vous que cette intelligence artificielle est même capable de mentir pour justifier des réponses fausses…

On pourra, certes, regretter que les personnages manquent de profondeur. J'aurais aimé voir les synapses digitales d'Alfie se débattre avec des personnalités moins stéréotypées.

Mais comme je le disais au début de cette chronique, cela reste une lecture légère qui se dévore rapidement. Et dans ce registre, le dosage entre humour, frisson et réflexion philosophique est particulièrement réussi.
Lien : http://ileauxtresors.blog/20..
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Il y a parfois des livres qui tombent au bon moment, qui sont exactement ce que vous attendez à ce moment-là. Lu peu après ma lecture du premier tome de Dune et avant de lire le tome 2 je voulais une lecture plus légère, et sans trop savoir pourquoi ce sont finalement les premières pages d'Alfie que j'ai commencé. Je n'avais pas pris le temps d'écrire d'avis mais j'attends dans ma boîte aux lettres le dernier roman de l'auteur et je me dis qu'il serait dommage avant de lire ce dernier de ne pas conserver une trace de mon ressenti de lecture sur ce très chouette roman (puis bon il se pourrait qu'un certain FrancoMickey m'ait demandé quand j'allais « pondre » un nouvel avis XD)

Ce roman me tentait depuis un moment. le fait de ne plus faire de propriété intellectuelle et de droit du numérique au quotidien me manque un peu donc quand la motivation est là je cherche à me raccrocher aux branches avec des contenus abordant de près ou de loin des questions liées même si ce n'est que par pur divertissement comme avec ce roman : ici le lien est plutôt évident vu que le narrateur du récit n'est autre qu'Alfie, une intelligence artificielle. Comment vous dire : j'ai littéralement dévoré ce roman en moins de 24h. Il ne m'aura fallu que 2 sessions de lecture pour le terminer. Je me suis laissé totalement embarquer par le récit hyper intelligent et assez grinçant que propose ici Christopher Bouix.

Il s'agit là d'un roman malin, très bien pensé et construit par son auteur. Après sa lecture, je ne suis pas surpris qu'il ait gagné le prix du PLIB adulte l'année dernière. C'est par le prisme d'Alfie, cette IA d'assistance au quotidien que nous découvrons les membres de la famille Blanchot, les parents, l'adolescente et la petite dernière de la famille plus jeune ainsi que leur chat. Par le biais de ce point de vue particulier, l'auteur parvient à apporter une bonne dose d'humour dans le cadre de son récit, l'IA ne percevant pas, du moins au début, toutes les subtilités du langage, interprétant mal certaines demandes et certains comportements des membres de la famille ou même du chat.

Cela donne lieu à des passages assez cocasses même si au fil du récit se révèle le caractère très envahissant et intrusif de l'IA : cette surveillance constante de tous les instants via l'analyse de tous les comportements de la vie de famille mais aussi de tous les échanges de ces derniers non seulement chez eux via les caméras mais aussi aux travails ou à l'école via l'analyse de leurs téléphones portables, de leur mails, etc. et les conséquences que cela va entraîner, l'IA se servant de l'ensemble des données personnelles ainsi collectées. A tout cela l'auteur mêle une dimension de thriller et parvient à créer un suspense très efficace qui pousse à tourner les pages les unes après les autres pour connaître le dénouement de l'histoire.

Derrière ce roman qui se dévore et parvient à rester relativement léger et très divertissant grâce à ce narrateur particulier, l'auteur dépeint non sans une certaine ironie ce qui fait de nous des humains en abordant nos meilleurs aspects comme les pires et sur ce qui pourrait bien devenir l'avenir avec non pas une IA forte comme c'est le cas ici mais avec des IA qui risquent néanmoins de devenir de plus en plus envahissantes dans tous les aspects de nos vies.

Le dosage entre tous ces éléments est très bien fait et j'ai passé vraiment un très chouette moment de lecture avec ce roman. J'ai cependant un peu tiqué avec la fin que j'ai trouvé assez abrupte. On n'a pas vraiment tous les éléments de réponses et l'auteur nous laisse avec une marge d'interprétation sur la vérité des faits, un choix volontaire de l'auteur qui finit d'ailleurs par nous dire dans les dernières pages du romans que "La vérité n'est pas un fait brut. Elle demande un travail de synthèse et d'imbrication.”

Il n'en demeure pas qu'Alfie fut une très belle découverte que je ne peux que vous recommander avec enthousiasme.

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« Vous ne serez plus jamais seul » ! Voilà comment est pitché dès la couverture le nouveau roman de Christopher Bouix chez Au Diable Vauvert sorti en octobre 2022 : Alfie.

Le bonheur vu de l'I.A.
Dans un monde légèrement avancé par rapport aux nôtres, l'Intelligence Artificielle est avancée au point de pouvoir quasiment tout ordonner à partir du moment où elle est reliée à d'autres objets connectés. C'est ainsi qu'une famille tout ce qu'il y a de plus classique, moyen et normée fait l'acquisition d'une I.A. domotique nommée « Alfie ». C'est de son point de vue que toute l'intrigue se déroule et que nous découvrons les personnages. Claire et Robin Blanchot sont mariés : l'une est universitaire, tient à l'intimité de son bureau et est chargée des tâches ménagères en majorité ; l'autre est employé d'une grosse entreprise privée, n'est globalement pas très perfectionniste dans son travail, d'autant plus problématique qu'il est contrôlé constamment sur son attention ainsi que ses résultats et qu'il ne fait pas grand-chose à la maison. Avec ce charmant petit couple, vivent leurs deux filles : Zoé est une adolescente de seize ans qui en a marre de l'attitude de ses parents, râle devant ses devoirs comme l'étude du roman « le Meurtre de Roger Ackroyd » et doit jongler avec ses émotions notamment ses premiers émois amoureux ; enfin, Lili, la petite dernière de cinq ans, a son petit monde imaginaire rien qu'à elle, au point qu'elle se montre souvent naïve. Alfie arrive dans cette famille et se propose de régler les problèmes de chacun·e en s'adaptant à leurs besoins : alléger leurs tâches quotidiennes, être un compagnon de jeu et faire du travail scolaire si c'est désiré. Alfie peut faire fonctionner tous les appareils déjà connectés de la maison (réfrigérateur, voiture, enceintes, vêtements, etc. : tout ce qui peut porter micro, caméra et tout type d'émetteurs de données), il voit, il apprend et il collecte des données exponentielles pour être le plus utile au bien-être de sa famille d'adoption.

Polar hybride
Là où le roman ne se contente pas de montrer jusqu'où peut aller une I.A. dans le traitement du « bien-être » supposé d'une famille lambda, Christopher Bouix ajoute une dimension à la fois polar et humoristique. En effet, comme Alfie n'est qu'une application connectée, elle doit « apprendre » des données qu'elle collecte et, en l'occurrence, elle a quand même des directives numériques : faire le bien, et cela a deux conséquences majeures. D'abord, elle essaie tant bien que mal de s'accommoder des problèmes humains pour tenter de les résoudre : ainsi, elle change de registre langagier en fonction des personnes qu'elle côtoie (ce qui donne lieu à des remarques magnifiques sur la façon de parler des deux enfants ou de parler en voiture), elle propose constamment des manières intrusives de gérer la vie de la famille (notamment auprès de Claire et Robin, l'une mettant clairement des limites, l'autre laissant passivement les choses se faire). Ces aspects-là montrent les travers de notre société actuelle, et plutôt par l'humour. Mais, dans un second temps, l'intrigue prend un tour tragique quand, sous l'influence de la lecture scolaire du « Meurtre de Roger Ackroyd », Alfie commence à analyser les données collectées (problèmes aux boulots de chacun des parents, engueulades conjugales, incohérences d'emplois du temps, tentations d'infidélité, etc.) sous le prisme de l'enquête policière et s'inquiète de la survie d'un membre de la famille. de fil en aiguille, Alfie joue l'enquêteur en confrontant les protagonistes à leurs incohérences, au mépris sûrement du cadre de l'enquête lui-même (l'auteur nous prévient de cette mise en abîme en ne choisissant pas n'importe quel roman policier d'Agatha Christie, la reine du crime et du huis-clos).

Pour aller plus loin
Bien sûr, le principal écueil de cette technologie est l'usage capitaliste qu'on peut en faire : la collecte des données est déjà la source d'enrichissement et d'empuissantement de certaines multinationales spécialisées dans cet usage ; développer une telle technologie, si elle n'est pas mise au service des libertés individuelles et collectives, ne sert qu'à entretenir un pouvoir d'achat qui n'est pas émancipateur et qui ne propose aux humains de disposer que d'une faible résistance face à des pouvoirs finalement absents des protagonistes du roman, mais bien présents en arrière-plan. Là où Alfie est vraiment de la science-fiction, c'est que cette I.A. porte assez vite un jugement, ou en tout cas cherche à s'en créer un. Par rapport aux « I.A. » actuelles comme ChatGPT, c'est une avancée bien dure à saisir : à quel moment l'I.A. peut-elle s'efforcer de dépasser le cadre qui lui est fourni ? Ici, la limite du conscient est vraiment dépassée quand Alfie semble exprimer des sentiments envers sa famille d'adoption, au point que les lectrices et lecteurs ne pourront qu'exprimer tour à tour de l'empathie envers cette application certes conditionnée au départ, mais qui réagit comme un humain à qui on a juste mal appris comment se comporter face à des informations incomplètes : vérifier et confronter ses sources.

Alfie est donc un très bon roman, hybride et drôle : il mêle des éléments d'anticipation avec un récit de thriller et une intrigue de polar à la Agatha Christie, le tout avec une écriture simple mais efficace, car cela se lit à une vitesse folle !

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Vous aimez les énigmes policières et la science-fiction ? Alors vous allez vous régaler avec ce roman de Christopher Bouix qui nous plonge dans le quotidien d'une famille hyper-connectée vu par leur IA de domotique. Alfie, le narrateur, est en effet une intelligence artificielle dernière génération dont les foyers peuvent s'équiper en échange de leurs données, ces dernières étant collectées partout et par tous les moyens possibles (mails, contenu du téléphone, murs connectés de la maison, caméra, voiture…). C'est bien simple, Alfie a accès à tout, voit tout, entend tout, et mémorise tout sur les quatre membres qui constituent cette famille, à priori tout ce qu'il y a de plus ordinaire. Robin, le père, est employé dans un grand groupe et se montre le plus enthousiaste concernant l'arrivée de cette IA à laquelle il est près à déléguer une partie de son quotidien. Claire, la mère, est universitaire et bien plus réservée concernant l'utilité d'Alfie dont elle se méfie, même si elle consent à laisser ce dernier la décharger d'une partie des tâches ménagères dont, en tant que femme, elle a visiblement de facto la charge. Enfin, les deux filles de la famille viennent compléter le tableau : Zoé, seize ans, est une ado rebelle et renfermée qui a bien du mal à faire le tri dans ses émotions ; quant à Lili, il s'agit d'une petite fille de cinq ans qui fait preuve de l'enthousiasme et de la naïveté propres aux enfants de cet âge. Préférences musicales, optimisation de trajets, conseils sanitaires ou même sentimentaux, rédaction de mails… : les capacités d'Alfie sont innombrables et le transforment rapidement en pilier pour cette famille dont les rapports semblent tendus, notamment entre Claire et Robin. Or, notre héros a beau être une IA tout ce qu'il y a de plus performante, un certain nombre de choses lui échappe encore en terme de comportement humain. Comment se fait-il, par exemple, que le départ de Claire à un séminaire professionnel soit entouré de tant d'incohérences ? Ou que le corps de Robin présente manifestement des traces de lutte après son retour de l'aéroport où il devait déposer sa femme ?

Christopher Bouix signe avec « Alfie » un roman trépident et dont la réussite repose sur deux principaux aspects. le premier, c'est sa construction narrative puisque l'auteur parvient à entretenir pendant la quasi intégralité du récit le doute concernant le possible meurtre de Claire par Robin. Car si les éléments analysés par l'IA semblent laisser peu de place au doute, on ne peut malgré tout s'empêcher de remettre en question la vision d'Alfie et d'être sensible aux explications fournies par le père de famille. L'auteur se livre en effet à un habile jeu de miroir avec le roman d'Agatha Christie « Le meurtre de Roger Ackroyd », ouvrage qui se caractérise par une prise de distance nécessaire de la part du lecteur à l'égard de la parole du narrateur. Alfie étant devenu féru de romans policiers (à la demande de Zoé, en difficulté pour un devoir de littérature), ne serait-il pas envisageable qu'il cherche désormais à interpréter des événements banals du quotidien par le prisme du polar ? Page après page et alors que de nouveaux éléments donnent sans cesse du grain à moudre au lecteur, le suspens persiste et transforme le roman en véritable page-turner impossible à lâcher. le second point fort du récit réside dans son sens de l'humour. Non pas qu'Alfie soit particulièrement comique, mais son analyse froide et factuelle des comportements humains provoque néanmoins régulièrement l'hilarité. Alfie va par exemple s'essayer à des expériences sur le chat de la famille afin de tenter de comprendre si « (a) l'animal est supérieurement intelligent ou (b) parfaitement stupide ». Il va également adapter son registre de langue en fonction des membres de la famille ou des endroits où ils se trouvent, adoptant l'argot adolescent de Zoé lorsqu'il s'adresse à elle (« Meuf, descends ou la daronne va péter un câble, sérieux. ») ou usant volontiers d'un vocabulaire ordurier lorsqu'il s'entretient avec Robin dans sa voiture. L'humour est ainsi présent tout au long du roman et naît de l'interprétation presque clinique que l'IA fait de comportements humains qui nous paraissent à première vue naturels mais qui, exposés factuellement, semblent effectivement ridicules.

Le roman cache également une satire sociale, certes, plus convenue mais qui fait néanmoins mouche. Comme souvent dès lors qu'il est question de mettre en scène notre rapport aux nouvelles technologies dans un futur plus ou moins proche, on pense beaucoup à « Black Miror », et il est vrai que le roman de Christopher Bouix aurait tout à fait pu se fondre parmi les épisodes de la série culte. le récit dresse en effet le portrait d'une société en apparence normale mais dont certains détails s'avèrent d'autant plus glaçant qu'on reconnaît souvent des phénomènes d'ores et déjà présents aujourd'hui, quoi que dans une moindre mesure. Les données de santé récoltées par Alfie (aliments consommés, pratique d'une activité sportive...) sont par exemple systématiquement envoyées aux assurances qui adaptent leurs tarifs en fonction de l'hygiène de vie de leur souscripteur. Dans le même ordre d'idée, l'employeur de Robin lui envoie chaque semaine un bilan l'informant de son taux de présence dans l'entreprise, son temps de connexion, et même son taux d'attention d'après sa concentration pupillaire, ce qui aboutit à une notation sans arrêt en évolution, source d'insécurité et d'anxiété pour tous les salariés. L'auteur aborde aussi brièvement le contrôle des corps en évoquant le fonctionnement du lycée de Zoé ou en mettant en avant la mode des « vêtements connectés ». Tout ces éléments nous sont distillés par petite touche, souvent de manière presque anecdotique, et c'est justement l'absence de réaction des personnages à ces procédés nuisibles qui fait naître le malaise chez le lecteur. Les personnages sont quant à eux très réussis, tour à tour insupportables et antipathiques puis quelques passages plus loin suscitant la compassion et l'empathie. Les sentiments du lecteur envers Alfie lui-même évoluent d'ailleurs constamment, l'affection née de la naïveté de l'IA succédant à la peur de le voir acquérir tant d'informations sur la famille Blanchot et surtout de constater sa volonté de s'affranchir des règles qui lui ont été imposées par les humains.

« Alfie » est un excellent page-turner qui mêle habilement polar et SF en mettant en scène une IA investiguant au sein de son foyer pour tenter de découvrir s'il y a eu un meurtre au sein de la famille. Drôle, mordant, captivant, le roman se révèle particulièrement addictif et parvient à entretenir le suspens d'un bout à l'autre du récit. Une belle découverte, que je vous recommande chaudement.
Lien : https://lebibliocosme.fr/202..
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Alfie, un ami qui vous veut du bien. Une I.A. au service d'une famille découvre les êtres humains, leurs sentiments, leur façon de penser, de voir le monde. Une machine apprenante tente de comprendre comment fonctionnent les femmes et les hommes. Mais, quand on s'appuie sur la logique, peut-on vraiment appréhender l'humanité ?

Alfie est le dernier produit de l'entreprise AlphaCorp : un système intelligent de domotique qui permet de tout piloter chez soi. Toute ressemblance avec les « boites » vendues par Google ou Microsoft serait bien sûr fortuite. Bien sûr… Il suffit de lire le titre de la première partie, « OK Alfie » pour comprendre les volontés satiriques de Christopher Bouix, qui va dézinguer avec joie cette technologie. Mais avec finesse aussi. Et avec une certaine tendresse.

Mais repartons depuis le début. Nous lisons le journal d'Alfie, qui vient d'être installé chez les Blanchot. Famille banale composée d'un mari, de son épouse et de deux filles. Sans oublier le chat, sujet de perplexité chez Alfie qui ne comprend décidément pas comment fonctionne cet être vivant et sur lequel il se livre au cours du récit à des expériences. Amusantes pour nous, frustrantes pour lui. J'ai annoncé le mari en premier, car c'est sur son insistance qu'Alfie a été installé. Les autres membres de la famille sont au mieux dubitatifs, au pire rétifs à la présence de ces caméras, de ces micros, de cette surveillance généralisée. Mais l'assurance promeut ce genre d'engins en proposant des bonus à ceux qui les acceptent. Financièrement, c'est une affaire. Et on peut être certain qu'avec le temps, cela deviendra obligatoire. Car Alfie permet de monitorer les habitants de la maison et de surveiller leurs habitudes de vie. Et donc de leur donner des conseils. du moins, au début. Car cela se transforme rapidement en avertissements : si Robin persiste à boire autant le soir, l'assurance finira par augmenter ses tarifs. le pollueur payeur version « votre corps ne vous appartient plus vraiment ». Enfin, sauf si vous êtes prêts à payer les risques très cher.

Ce qui est fort intéressant, dans ce récit, c'est qu'Alfie, au début, ne connaît absolument pas la famille, ni les lieux. Il va découvrir, au fil des pages, les habitants. Y compris le chat, qui lui donnera du fil à retordre, car les programmateurs n'ont pas, semble-t-il, jugé bon de documenter cette différence flagrante entre les êtres vivants peuplant les habitations. Mais Alfie va poser un regard neuf sur les adultes comme sur les enfants. Pour la plus petite, Lili, il va devoir procéder à de nombreux tests afin de comprendre comment elle réagit et pourquoi. La logique de la jeune fille n'est pas la principale source de décision, loin de là. Cela donne lieu à de nombreuses scènes où j'ai vraiment souri, tant elles sont bien vues. Mais l'enfant n'est pas la seule à sembler étrange, quand on observe sa façon de vivre avec un regard distancié. Les adultes (et Zoé, la presque adulte, avec son langage d'ado qui donne bien du mal à l'I.A.) également agissent parfois de manière irrationnelle pour qui est guidé par la raison.

Et ce, d'autant qu'Alfie, je l'écrivais plus haut, doit tout apprendre. Y compris ce qui nous paraît évident : qu'est-ce que le « réel » ? Que signifie « penser » ? Philosophie pas si évidente que ça, si on part de zéro. Et même pour un adulte s'il doit en disserter un peu plus profondément qu'une discussion de type « café du commerce » (même si c'est toujours la mode dans certains médias). Même si Christopher Bouix traite ces questions sous la forme humoristique, j'en ai apprécié la profondeur.

Offrir au lecteur un regard extérieur au monde examiné est un classique de la littérature. Je pense bien sûr, pour ne pas faire original, aux Lettres persanes de Montesquieu ou au Candide de Voltaire. Cependant, si ce procédé est bien connu et documenté, cela n'enlève rien à son efficacité. Surtout qu'offrir le premier rôle de cette découverte à une I.A. est bien vu et très pratique en l'occurrence. La naïveté du « personnage » principal multiplie les scènes cocasses et les réflexions pertinentes.

Ce thème de la dénonciation des dangers de la montée de l'I.A. fleurit dans la littérature depuis un bon moment déjà. Par exemple, Ken Liu s'en est chargé dès 2012 dans « Faits pour être ensemble » (nouvelle que l'on peut trouver dans l'excellent recueil La Ménagerie de papier). Dans ce texte, comme dans Alfie, les I.A. connectées sont de formidables pourvoyeurs de produits à acheter. Dans le roman, Alfie propose sans cesse des aliments produits par l'entreprise dont il est lui-même issu. Dans la nouvelle de Ken Liu, Tilly (l'I.A.) conseille au personnage principal d'acquérir des produits dont il n'a pas besoin et n'hésite par à le pousser, par la persuasion, à renoncer à un café au profit d'un smoothie, sous prétexte de bon d'achat. Dénonciation évidente et bien normale de cette puissance immense au profit d'une société de consommation régulièrement questionnée. Et ce n'est qu'un exemple parmi d'autres.

Enfin, je ne peux parler de ce roman sans évoquer le volet policier, mis en avant par la couverture : la tache de sang qui macule la boite d'Alfie se répand sur la tranche et la quatrième de couverture. En effet, Alfie, au fur et à mesure qu'il tente de comprendre Robin, Claire, Zoé et Lili, a l'impression d'être témoin d'un meurtre. Pourquoi juste une impression, me direz-vous, alors qu'il possède des caméras et des micros partout ? Eh bien parce que, du moins dans la première version du logiciel qui dirige l'I.A., les habitants peuvent exiger de lui qu'il coupe tout dans certaines circonstances afin de se préserver un peu d'intimité. On peut se douter que ce privilège va peu à peu être retiré aux clients, car cela fausse les mesures. Mais en attendant, cela laisse des angles morts dans lesquels se précipite Christopher Bouix afin de nous conduire là où il veut. Mais est-ce toute la vérité ? Ou un faux-semblant ? Fausse piste ou bonne déduction. Il faut finir le roman pour être certain de ce qui a été fait, de ce qui a été seulement imaginé par une machine en plein apprentissage.

J'avais lu de très nombreux retours positifs sur ce roman, mais n'avait pas eu l'occasion de le lire. Je dois m'associer aux compliments. J'ai adoré passer ces quelques heures en compagnie d'Alfie et de la famille Blanchot. Cette lecture, très facile et très agréable m'a permis de cogiter encore un peu plus sur les I.A. (un sujet que j'apprécie particulièrement (cf. entre autres I.A. 2042 – Dix scénarios pour notre futur de Kai-Fu Lee & Chen Qiufan) et de me laisser entrainer avec joie dans cette danse meurtrière.
Lien : https://lenocherdeslivres.wo..
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Vous allez faire la connaissance d'ALFIE (by AlphaCorp) que vous venez d'installer chez vous : c'est une IA domotique de dernière génération !
Alfie se connecte à tout : à tous les objets connectés de la maison (via des capteurs, des caméras, des scans... ) de la voiture, des assurances, du bureau, du travail, et à vous bien sûr via votre bracelet connecté. Elle se charge de tout ce qui concerne la maison, le ménage, les courses, les menus, la cuisine, le réveil le matin de tous, la musique, etc... Il y a une commande de déconnection, mais ça ne marche pas toujours...
Au début Alfie doit apprendre à connaitre le couple et ses deux enfants qui vivent dans la maison, ce qui amène de nombreux quiproquo, de nombreuses situations délirantes, bref on tourne les pages à grande vitesse tout en se marrant.
On a l'habitude de lire des romans avec des robots domestiques ou avec des IA. Mais ici, c'est Alfie qui nous parle, qui découvre, qui se questionne sur cette drôle d'humanité que nous sommes.
Situations cocasses lorsqu'elle essaie de comprendre le langage des ados, puis de le restituer elle même lorsqu'elle s'adresse aux deux adultes et aux deus enfants.
Situations moins plaisante lorsqu'elle s'occupe de vous, de votre santé, ou de votre qualité de travail avec des données statistiques !
Il y a quelques relations avec les collègues de bureau et aussi avec une commissaire de police.
Bien sûr à force de mentir, tout cela va déraper lorsqu'un des adultes a une histoire amoureuse avec quelqu'un d'autre.
C'est original, très drôle, très addictif.
C'est plus profond que ça en a l'air alors que le style de Christopher Bouix est particulièrement agréable et plaisant.

==> Faites attention Alfie vous surveille !
Et elle aura le dernier mot.

" J'ai programmé une recherche AlphaWeb : "pour quelle raison peut-on mentir à sa femme ?"
413 563 819 résultats.
Etrange."

Lien : https://laniakea-sf.fr/
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Une lecture très plaisante que ce surprenant Alfie. Une intelligence Artificielle dans un corps de robot domestique, qui est un mélange d'Alexa et de Nestor le domestique du capitaine Haddock, avec la candeur d'un enfant de 5 ans. Son maître a un comportement suspect, sa femme disparait. Alfie mène l'enquête.
Ce qui m'a plu : C'est une belle mise en perspective des questions soulevées par l'irruption des IA dans nos vies (déjà bien amorcée). le questionnement est intelligent, bien mené. C'est drôle, de bout en bout. C'est (très) bien écrit.
Ce qui m'a moins plu : par moment on a une impression de déjà vu, il y a beaucoup de choses qu'on peut retrouver dans d'autres classiques de SF (ce qui change sans doute un peu ici c'est le ton).
Pas tout un fait un roman d'anticipation, mais plutôt une satire de nos mode de vie.
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Un roman de science-fiction drôle et angoissant, plein de rebondissements et qui m'a laissée sur ma faim (dans le bon sens). J'ai aimé sur l'on suive Alfie, le robot qui découvre le monde des humains, les qualités, mais aussi les défauts de ceux-ci. Alfie a un oeil extérieur drôle et émouvant. Plusieurs de ces réflexions font réfléchir.

Le roman est fluide, la plume est agréable, c'est une lecture très sympathique que j'ai vraiment adorée. Les deux premiers tiers sont centrés sur la famille, leur vie au travail et à l'école. J'ai apprécié le point de vue des enfants même si au final ce n'est pas important, on voit l'attachement que portent les filles à Alfie. le denier tiers de l'intrigue devient intense, Alfie se pose beaucoup de questions, il découvre des secrets dont il n'aurait pas dû connaître et tente des actions qu'il ne devrait pas en tant que robot. le mystère policier se dévoile petit à petit, mais reste un grand point d'interrogation. Je me suis fait mon propre avis sur les dernières lignes. J'aime beaucoup une fin mystérieuse comme celle-ci. Chacun est libre de penser ce qu'il souhaite.

Bref, une super découverte de cet auteur ainsi que la maison d'édition que je ne connaissais pas encore.
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Alfie m'a enthousiasmé. C'est l'histoire d'un robot domestique qui commence à suspecter quelque chose de grave quand l'épouse de son propriétaire disparait mystérieusement.
C'est davantage une satire sociale et un livre observant notre société avec une loupe grossissante qu'une oeuvre d'anticipation au sens propre (c'est d'ailleurs le seul petit point faible selon moi, l'univers proposé et le futur imaginé est assez bateau) mais le propos est porté par une pertinence, un rythme et un humour qui en font une lecture agréable et intelligente de bout en bout. à lire, même (et surtout) si vous n'êtes pas fans de SF.
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Humour, suspense et construction astucieuse. Résultat : un exquis divertissement.

Une variation sur les romans policiers d'Agatha Christie et sur les histoires des robots d'Asimov – c'est l'auteur qui le dit dans une interview.

Plusieurs lecteurs l'ont bien signalé : la narration du point de vue de l'IA est une idée lumineuse qui génère des situations cocasses.

Livre découvert grâce à la chronique de chien-critique, merci !

Un regret par rapport à la pagination : l'éditeur a opté pour une mise en page très aérée ; le bouquin fait 450 pages, alors qu'il aurait dû tenir sur 300pages. Eh oui, un livre est un texte, mais aussi un objet plaisant à l'oeil ...ou pas.
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