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EAN : 9782020817745
280 pages
Seuil (14/02/2005)
4.35/5   63 notes
Résumé :
Déporté ou camp d'Auschwitz en août 1944, à l'âge de vingt et un ans, Joseph Bialot à attendu près de soixante ans pour livrer son témoignage sur cette période. Sobrement, il restitue ici le vécu concentrationnaire et s'efforce de traduire la " mort intérieure ", le deuil de soi-même qui en résulte. Cherchant à comprendre les rouages de l'organisation des camps, il décrit les comportements des différentes communautés de déportés et de leurs bourreaux. Et ranime le s... >Voir plus
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Non, il ne saurait être trop question de la Shoah et de la barbarie nazie.
Ou ce serait se blaser de l'horreur.
Ce serait réduire à une masse informe, à une statistique, des individus, des familles, des histoires.

Non, on ne sait pas tout. Et même, on ne sait rien.

"Il y a, dans l'histoire des camps, "quelque chose", présent chez les survivants, qui ne peut être ni défini ni décrit en termes humains. La mort vécue ne peut pas se raconter, pas plus qu'on ne peut regarder le soleil en face ou rester indéfiniment sous l'eau. Auschwitz ne peut pas être "mis en mots", ni en images, ni en sons. (...)
Alain Resnais, dans Nuit et Brouillard, ne dévoilait que les conséquences physiques de l'extermination, jamais le quotidien qui a conduit à "Ça". Idem pour ce correspondant de guerre auprès des Alliés, réalisateur d'un étonnant document sur la libération de Bergen-Belsen, entièrement tourné dans un plan-séquence bouleversant.
La caméra voit, elle ne ressent pas. Elle ne peut pas montrer le gouffre qui s'ouvre en chaque individu lorsque, lucide, il commence à vivre son propre deuil. Ce n'est pas la peur de la mort qui est en cause, mais la "chose" indescriptible, l'instant indicible où s'effondrent toutes les structures morales, religieuses ou autres que chacun a construites durant son existence. C'est l'écroulement de son vécu qu'il est impossible de traduire, ce moment où chaque déporté plonge dans... QUOI ? (...)
A Auschwitz, chaque individu perdait brutalement tout le vernis "civilisateur" accumulé sur lui depuis des millénaires et résumait, à lui seul, toute l'histoire de l'espèce depuis l'apparition du premier homme sur la terre. Au camp, chaque petit bonhomme se présentait nu sous un microscope géant, dévoilant, grossies un million de fois, la bassesse et la grandeur contenues dans l'être humain."

Joseph Bialot tente donc l'exercice périlleux du témoignage de l'indescriptible, d'une expérience qu'on ne pourra pas même approcher.
Mais nous devons quand même essayer, comme ces survivants essaient de nous transmettre.
Car nous le leur devons, nous le devons à L Histoire, à l'Humanité.
Nous devons toujours nous rappeler, nous interroger et nous méfier de ce que l'être humain est capable de faire.
Nous souvenir que l'impensable a été et est encore possible.
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Arrêté à Grenoble en août 1943 par la Gestapo, Joseph Bialot est rapidement déporté à Auschwitz dont il sortira meurtri à jamais en janvier 1945. Ce sont ces longs mois de souffrance permanente qu'il raconte dans ce récit autobiographique bouleversant où l'on voit chaque prisonnier perdant brutalement "tout le vernis « civilisateur » accumulé sur lui depuis les millénaires" devenir un cadavre en sursis.
Auteur d'excellents romans noirs (plusieurs prix sont venus récompenser cette belle carrière) Joseph Bialot dont on fête cette année le centenaire de la naissance (1923 – 2012) voulait, par ce témoignage, exorciser toute cette sauvagerie endurée et livrer cette "invraisemblable vérité" sur la réalité des camps de concentration nazie, cet enfer où, chaque nuit, sans exception, il retournait. Un livre vraiment très émouvant.

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Joseph Bialot a été prisonnier à Auschwitz d'août 1944 à janvier 1945 et nous livre ici un sobre récit de cette expérience extrême dont il n'est pas ressorti indemne.
Arrêté et torturé par la Gestapo, il est déporté car résistant et juif. A son arrivée, il échappe à la chambre à gaz et est confronté à une nouvelle réalité qui veut que rien de ce qui régissait sa vie d'avant n'existe plus, que l'homme qu'il était n'existe plus. Les quelques mois qu'il va passer à Auschwitz seront un long combat pour garder une part de son identité dans un univers totalitaire qui a pour objet de lui dénier toute humanité. Sans aucun pathos, il restitue avec précision le cheminement psychologique qu'il a enduré pour survivre et mettre entre parenthèses l'essence même de son être. Il raconte le quotidien impensable du camp, les brimades, la violence arbitraire des kapos et des gardes, le travail harassant, les trafics de toutes sortes, le désespoir mais aussi la solidarité, les éclairs de lumière quand un geste, un mot apporte un peu de réconfort, les scènes cocasses, les moments d'espoir.
Il explique devoir sa survie au fait qu'il parlait polonais (il était né en Pologne avant que ses parents n'émigrent vers la France), qu'il a fait alliance avec d'autres déportés dont il dit les forces, les flamboyances, le courage mais aussi les faiblesses, et que la chance a été au rendez-vous à des moments clés. La plupart de ses codétenus finirent tôt ou tard, par ne plus pouvoir subir et se laissèrent glisser vers la mort.
Rentré en France, il retrouve ses parents et sa soeur et devra apprendre à revivre avec le fardeau des souvenirs qui ne lui laisseront pas de répit. En fait, on ne revenait jamais vraiment des camps tant il était impossible de les laisser totalement derrière soi. Ainsi le livre est conçu comme une suite de retours en arrière pendant la traversée du voyage que Joseph Bialot fit d'Odessa à Marseille après sa libération et durant laquelle sa pensée était ramenée vers le camp par de petits gestes du quotidien qui semblent anodins mais qui avaient une toute autre dimension dans l'univers concentrationnaire : un repas, le soleil sur le pont, une douche...
S'il n'a pas la puissance du livre-culte de Primo Levi « Si, c'est un homme », ce livre n'est pas un récit de plus sur ce que fut l'expérience des camps de concentration. Car au delà d'être un témoignage très impressionnant et particulièrement bien écrit, Joseph Bialot est un écrivain talentueux qui fait ici oeuvre de littérature.
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En préambule au récit, Joseph Bialot exprime, comme le font dans leurs témoignages tous les survivants de l'holocauste, l'impossibilité de partager cette expérience de "mort vécue" que représente le camp de concentration. Il a tenté de l'évoquer à travers des romans, avant d'en conclure, des décennies après sa déportation, que dire réclame du premier degré, "au niveau du coup de poing dans la gueule", et qu'il s'agit d'ailleurs de montrer, plutôt que de dire, sans chercher d'explication.
Engagé dans la résistance, il est arrêté en août 1944 par la gestapo, torturé puis déporté. Il a vingt et un an, "l'âge où le rêve devrait dominer". Sa jeunesse le dote d'une audace qui l'incite à prendre des risques sans doute inconscients, mais qui l'aidera aussi à s'adapter et à survivre. En janvier 1945, alors que les nazis, fuyant l'Armée Rouge, embarquent avec eux les détenus d'Auschwitz encore valides, leur imposant ce que l'on désignera de manière aussi funeste que significatif les Marches de la mort, Joseph Bialot fait partie de ceux qui, malades et alités à l'infirmerie, restent au camp. Il finit par gagner, avec deux de ses camarades, Varsovie, puis Odessa, d'où il embarque sur un paquebot en mai 1945, pour rentrer chez lui.

Son témoignage alterne entre la description du quotidien du camp et ses souvenirs du séjour à Varsovie ou de son retour en France.

Il évoque Auschwitz dans toute son absurdité brutale et inimaginable, l'humiliation et le reniement de l'humanité que formalise dès l'arrivée cette tonte qui fait qu'on ne se reconnait plus dans le regard de l'autre. On y fait aussi l'expérience de la peur au sens le plus réel, le plus strict du terme du terme. On y perçoit les relations entre les hommes sous un angle insoupçonné, celui de l'absence de loi, si ce n'est celle de la matraque. Auschwitz, c'est le délire et le chaos total, "la connerie humaine élevée en mode de vie", un "pays du non-droit, du sans dieu, du sans âme, du sans pitié", qui efface tout ce que vous étiez avant et vous remodèle ("c'est à Auschwitz que j'ai été élevé"). On y meurt, enfin, à multiples reprises, perdant sa réalité par bribes, "comme une planche qu'on rabote, copeau après copeau, copain près copain". La mort définitive, quant à elle, survient de manière arbitraire et devient banale : "un homme qui tombe, ça fait "flac" quand ça heurte le sol, seulement "flac". Une gifle sans écho".

C'est le règne de la survie, de la débrouille. On se prostitue pour un bout de pain, on risque sa vie pour une paire de chaussures… Il s'agit de tenir, physiquement mais aussi psychologiquement, en se forçant à se souvenir de soi et des autres, malgré l'incontestable domination de la faim, qui fait oublier tout le reste, y compris ce que vous êtes ou ceux que vous aimez.

Joseph Bialot nous immerge dans l'inhumaine et cauchemardesque laideur du camp, royaume de la merde, des maladies, des cris et des plaintes incessantes, mais il en extirpe aussi certains moments de grâce restés dans sa mémoire : l'improbable beauté lumineuse d'une femme, l'acharnement des communistes à rester combatifs et à garder leur esprit collectif -les seuls selon l'auteur, qui suppose qu'ils le doivent à leur formation idéologique et à leur discipline, les manifestations soudaines de solidarité pour aider un camarade…

C'est néanmoins un désespoir profond quant à l'humanité qu'a laissé à Joseph Bialot l'expérience de sa déportation, qui s'est juré en quittant le camp de ne plus jamais militer, et de laisser les idéalistes sauver le monde. La marque laissée par Auschwitz ne s'effacera jamais, un infime stimulus -une odeur, un visage, une couleur- et il y repart, tout comme ses nuits, trente ans après, continuent d'être hantées de cauchemars.

Alors oui, "C'est en hiver que les jours rallongent" est bien, la plupart du temps, "au niveau du coup de poing dans la gueule", porté par un style efficace, voire sec et en même temps il nous surprend par ses pointes de poésie et d'humour. Un humour certes macabre, sombrement ironique, recourant à des images déroutantes -comme lorsqu'il décrit par exemple les détails d'un tabassage en le rapprochant des gestes d'un chef-d 'orchestre dirigeant un concert- mais qui par sa simple présence distingue ce récit des autres témoignages que j'ai lus sur les camps de concentration en lui conférant une tonalité singulière, et traduit sans doute chez l'auteur l'inconsciente nécessité, malgré tout, de prendre une certaine distance.

Quant à la poésie, en voici un extrait qui, en plus de conclure mon billet, l'illustrera bien plus efficacement que mes mots :

" … lorsque le ciel pleure d'humiliation d'avoir à coiffer un pareil pays, lorsque la terre en dégueule de honte sa boue liquide, lorsque les pierres et les arbres en frémissent de rage et d'impuissance. Les seuls encore capables de gémir".

Lien : https://bookin-ingannmic.blo..
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Je suis tout à fait d'accord avec le ton de Michel Ayala, qui est le seul sur Babelio à avoir chroniqué ce livre. J'apporterai juste une réserve, c'est que je ne pense pas qu'il faille du courage pour le lire. C'est le seul témoignage d'un déporté que j'ai fini de lire en étant...comment dire?...vraiment emportée par l'appétit de vivre. Primo Levi, c'est magnifique. Semprun, c'est magnifique. Bialot, c'est magnifique aussi mais c'est différent parce que lui parle du moment où les sauveurs arrivent et où les survivants vont être libérés. Alors cette libération, elle prend des mois, et des mois pendant lesquels on peut toujours mourir. Quels choix faire pour survivre, encore et toujours? Rester dans le camp ou partir? Partir, d'accord, mais vers l'est ou vers l'ouest? Une fois parti, comment faire reconnaître son identité? Comment faire valoir ses droits? Comment trouver un bateau? J'étais soufflée. Je n'avais jamais lu de livre qui raconte ces détails. C'est d'autant plus fascinant à lire que Bialot fait aussi preuve d'humour, d'ironie, d'envie de vivre! Il ne faut pas oublier que tout comme Semprun, il était jeune à l'époque, et il avait aussi tout simplement envie de s'amuser. Pas seulement parce que c'était un survivant, mais parce que c'était de son âge. Bref, même si c'est un livre plein d'horreurs, il se lit très vite, et j'avais la gorge serrée et les yeux mouillés quand enfin le jeune homme rentre chez lui...
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Citations et extraits (41) Voir plus Ajouter une citation
Bois vite, je ne peux pas rester là.
La boisson est à peine tiède, mais le goût sucré en fait une offrande unique.
Et foudre accumulée depuis des jours, le tonnerre caché dans les planches, l'orage qui couvait chez chacun, la peur refoulée, l'angoisse mal maîtrisée, les vagues de la mer lorsqu'elles cassent leurs amarres, les vents d'hiver lorsqu'ils sortent du Pôle, les amours des parents et des enfants menacés, la tendresse des couples, la haine et l'idiotie, le courage et la folie, tout a explosé, tout à jailli des tonneaux débondés. L'Océan a vidé ses eaux comme des milliards de seaux géants se déversant d'un même jet, la montagne a balancé ses moraines et ses glaciers comme un gamin furieux qui brise ce qu'il possède, la terre s'est fendue exhibant ses entrailles de feu, les raz de marée ont hissé leurs tempêtes, les torrents ont quitté leurs conduites forcées pour s'écrouler là, dans un commandement sec formulé par un SS.
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Question posée à un déporté rescapé qui devint rabbin après trois ans de camp : "Où était Dieu à Auschwitz ?"

Réponse : "Où était l'homme ?"
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Être libéré ne signifie pas être libre. Je réalisais mal que j’avais un fil à la patte, lien qui s’allongerait au fur et à mesure de ma marche vers la normalité. Mais il était là, invisible, impalpable, me ramenant sans cesse à des flashes incontrôlables.
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Un rescapé n’est qu’une apparence, une illusion à face humaine, qui continue à baiser, à manger, à travailler, à penser. Comme une dent dévitalisée. Elle est morte et continue sa fonction, mordre, dévorer, mais à l’intérieur c’est creux, vide…
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Mais ce soir-là, malgré la baignoire, je n’ai pas parlé. J’y repense parfois avec un petit sentiment parfaitement imbécile de fierté. Celui qui « parle » n’est pas inférieur à celui qui « tient » le choc. J’ai discuté du problème avec nombre de copains torturés. Personne n’a pu expliquer pourquoi certains parlaient et d’autres pas. Force physique ? Énergie morale ? Éducation ? Masochisme ? Foi ? Tout est possible et tout est faux. Pour moi, « fermer » sa gueule, lorsque tout votre corps hurle de douleur, reste aussi mystérieux que le talent ou la grâce.
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Video de Joseph Bialot (2) Voir plusAjouter une vidéo

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