« A l'aube du 3 mai 1945, à Lübeck, le « Cap Arcona, ex-flagship de la marine allemande de commerce, n'est plus qu'une prison flottante pour les détenus du camp Neuengamme entassés dans ses cales par les SS ».
Joseph Bialot dédie ce roman noir à Léon Jolson, rescapé du naufrage qui fut le premier à lui parler du Cap Arcona.
Né Joseph Bialobroda à Varsovie, en 1923, exilé en France avec sa famille à l'âge de 7 ans, ce môme de « Paname» connait des jours heureux. Au moment de l'Occupation, le jeune homme s'engage dans la Résistance juive. Arrêté le 25 juillet 1944, il est déporté au camp d'Auschwitz. Pendant longtemps il n'a rien dit, rien écrit et puis tardivement, à cinquante-cinq ans, les vannes se sont ouvertes.
Joseph Bialot s'est mis au roman, façon d'exorciser ce qu'il a vu et ce qu'aucun être humain ne devrait voir. D'abord des polars, puis des récits où peu à peu pointait l'autobiographie. «
186 marches vers les nuages » fait partie de ces textes où le réel côtoie la fiction, où la tragédie humaine se comprend grâce à des mots justes. Après son roman «
le salon du prêt à saigner » il est reconnu comme l'un des maîtres du polar français.
Joseph Bialot nous a quittés en 2012 sur son faire-part de décès était indiqué :
« Matricule 193.143 à Birkenau, matricule B.9718 à Auschwitz, ces chiffres ne sont jamais sortis au loto dans cet ordre ! A vécu ! ».
Comment transformer sa propre
histoire lorsque l'on a été soi-même confronté à l'indicible,
Joseph Bialot l'a fait !
Comment transformer le vil plomb en or,
Joseph Bialot y est parvenu.
Joseph Bialot, une véritable révélation que son style avec sa manière d'entremêler le tragique de sa propre vie à son imaginaire d'écrivain. L'écriture est nerveuse, vivante bien qu'il dise « Je pète le feu mais à l'intérieur je suis mort ». J'ai ressenti la même fascination, le même magnétisme que j'avais éprouvé à la découverte de
l'Acacia de
Claude Simon. Ce moment intense je le dois au conseil de notre amie Pecosa que je remercie vivement.
Dès les premières lignes, j'ai été saisie par le bouillonnement de l'écriture, qui m'a envoyée directement rejoindre Bert Waldeck, le personnage créé par l'auteur. Cette écriture, gonflée à bloc par le vécu, m'a percutée de plein fouet. Non seulement elle est addictive mais elle est redoutable ! Je n'ai pas fini de faire connaissance avec l'auteur dont j'ai admiré le style musclé.
Nous sommes en 1946, un officier américain, Douglas Mayen, recrute Bert Waldeck, ancien flic berlinois, déporté, échoué dans les baraques de l'armée américaine à la suite du naufrage du Cap Arcona, pour l'aider à retrouver Hans Steiner, Hauptsturmführer SS, qui fut son ami d'enfance. Tous les matins, Douglas procède à un débriefing avec Bert. de cet homme qui a vécu l'horreur de près, de ce « pyjama » qui n'est plus qu'un mort vivant, trimballé de Dora, Dachau à Mauthausen pour finir à Neuengamme, le moindre indice résonne en lui et d'analepse en analepse, on suit à la fois son parcours mais aussi l'enquête.
Mais Bert a vécu « le Lager » et ce serait lui faire affront que d'oublier qu'il y a des réflexes de survie qui se sont imprimés durablement dans sa mémoire sans négliger son instinct de flic qui refait surface. Son flair se réveille. Dans ce contexte, tout le monde double tout le monde, alors méfiance….. Bert va enquêter de son côté en douce dans la ville de Berlin, totalement détruite et dont les ruines vont se révéler sous nos yeux comme va se dessiner les prémices de la guerre froide. le passé ressurgit, il traîne du côté de son ancien quartier et les évènements vont se précipiter. Impressionnant de réalisme, à la fois roman policier et roman d'espionnage, l'auteur nous introduit dans la dure réalité de l'après-guerre.
186 marches vers les nuages, ce sont les 186 marches de l'escalier de Mauthausen ou l'extermination par le travail !