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EAN : 9782070368174
256 pages
Gallimard (07/04/1972)
3.57/5   538 notes
Résumé :
Au village de Claquebue naquit un jour une jument verte, non pas de ce vert pisseux qui accompagne la décrépitude chez les carnes de poil blanc, mais d'un joli vert de jade. En voyant apparaître la bête, Jules Haudouin n'en croyait pas ses yeux, ni les yeux de sa femme.
- Ce n'est pas possible, disait-il, j'aurais trop de chance.
Cultivateur et maquignon, Haudouin n'avait jamais été récompensé d'être rusé, menteur et grippe-sou...
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Critiques, Analyses et Avis (40) Voir plus Ajouter une critique
3,57

sur 538 notes
Si Marcel Aymé avait tenu jusqu'au bout le ton et la cadence qu'il donne à son livre dans les premières pages, il aurait sans conteste signé le plus pêchu et le plus sarcastique roman de la littérature française, dans la catégorie des tout grands, comme Voyage Au Bout de la Nuit.
Mais, le léger fléchissement de la verve, me laisse un petit goût d'inachevé, un peu comme ces boxeurs qui gagnent aux points alors qu'on les sait capables d'un K.O.
Il demeure un roman bien agréable à lire, souvent drôle, franchouillard, à la gouaille campagnarde, où l'auteur ne se prend pas au sérieux et exprime les refoulements de la libido de ses personnages à travers le regard d'une jument (déjà c'est fort), mais en plus verte (encore plus fort), de laquelle jument il ne reste plus qu'un portrait (là c'est le pompon) exécuté par un jeune artiste libidineux lui-aussi.
Bien évidemment, cette " jument verte " est un clin d'oeil, ou un appel du pied, comme vous voudrez vers L'Âne D'Or d'Apulée.
L'orgueil, l'étiquette et les choix politiques sont passés au crible du désir sexuel par cette étonnante jument psychanalyste des moeurs sexuelles familiales. A priori, c'est surprenant, mais tout bien réfléchi, ce n'est peut-être pas si idiot.
À vous de lire car ceci n'est que mon avis, c'est-à-dire, pas grand chose.
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Surprenant, paillard et jubilatoire!
Même s'il est vrai que le premier chapitre est au-dessus de la suite, pour ma part j'ai continué à me pourlécher les babines et me rincer l'oeil à la lecture de cette chronique rurale qui sent bon le terroir et le cul des vaches (et pas que des vaches), qui voit s'affronter les deux familles Haudouin et Maloret, rivales pour l'éternité depuis que le fils de la seconde a conduit au viol de la mère de la première par un soldat prussien.
Double idée géniale que de peindre le tableau sociologique du village de Claquebue à travers les moeurs sexuelles de ses habitants, et de faire exposer ces moeurs par une jument, verte et lubrique de surcroit, et coincée dans un tableau! Position hautement frustrante mais poste d'observation de premier ordre pour reluquer par le trou de la serrure les moeurs douteuses de la famille Maloret dans laquelle la pratique de l'inceste se transmet de génération en génération, celles très libres de la famille d'Honoré Haudouin, celles à l'inverse corsetées à l'extrême de Ferdinand Haudouin dont les tentatives pour juguler les mauvais penchants de ses enfants sont à mourir de rire.
Un roman très drôle, un peu lourdingue certes mais qui ne mâche pas ses mots, beaucoup plus réfléchi qu'il n'y parait, qui encapsule un petit peu de notre patrimoine socio-politique national.
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Lorsque parut le livre "La jument verte", on critiqua beaucoup l'écriture de Marcel Aymé et il obtint une réputation d'écrivain salace.
Chronique amoureuse et familiale, qui s'étend à la fin du second empire à la période du boulangisme, est entrecoupée des réflexions de la fameuse jument verte (élément fantastique qui met le réel en relief). La campagne et les moeurs rurales sont évoquées avec une gaillarde bonne humeur, simplicité et naturel. L'auteur mêle réalisme et poésie, et joint à une connaissance réelle du monde paysan, de ses querelles, de ses clans, de ses haines et de son existence rythmée par les saisons, des dons d'observateur lucide et une psychologie compréhensive des hommes mais sans illusions.
Les narrateurs se succèdent : la jument puis un narrateur externe. Les changements de focalisation sont prévenues par un "les propos de la jument", personnage intérieur à l'histoire qui nous apporte des faits qu'elle seule a pu voir! C'est dans ces passages que l'on trouve un bon nombre de passages érotiques sur la manière dont la famille Haudoin faisait l'amour.
Heureusement, le livre ne comporte pas tout le temps ce genre de réflexions qui ne sont nullement indispensables à la compréhension du livre. L'auteur aurait pu s'en passer. C'est dommage car cela enlève un peu le charme de cette famille et de leurs soucis.
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"La Jument Verte", qui consolida définitivement la réputation de Marcel Aymé lorsqu'elle sortit, en 1933, doit son titre à un tableau, fait d'après nature par le grand peintre Murdoire, de la jument à la robe verte née, au milieu du XIXème siècle, à la ferme Haudoin.
De génération en génération, le tableau a abouti chez Ferdinand Haudoin, le second fils de Jules Haudoin, lequel le lui a légué pour équilibrer la part d'héritage qu'il lui laissait. Vétérinaire et petit-bourgeois, Ferdinand n'est pourtant pas à plaindre. Econome de ses pulsions sexuelles comme de son argent, il est, et de loin, le plus riche des trois frères Haudoin. Il a même racheté à son frère, Honoré, la ferme que lui avait laissée leur père.
Comme il en a laissé la jouissance à Honoré et à sa famille, Ferdinand s'y rend régulièrement le dimanche, avec sa femme et ses trois enfants. Il faut dire que jamais il ne s'est désintéressé de son petit village natal de Claquebue où, en ce début de la IIIème République, les affrontements en cléricaux et anti-cléricaux battent leur plein.
En principe, Ferdinand est républicain et anti-clérical. Mais pour complaire au député Valtier, dont il espère des merveilles pour la réussite de son aîné, Frédéric, il se met en tête de convaincre Honoré - authentique et farouche anti-clérical, celui-là - de favoriser l'élection à la mairie de Claquebue de leur veil ennemi familial : Zèphe Maloret, anti-républicain et clérical notoire.
Hors de lui, Honoré se décide alors à expliquer à son cadet les raisons qui l'ont poussé à exacerber plus encore les antiques rancoeurs familiales - des raisons qui ne touchent pas moins qu'à l'honneur de leur propre mère, contrainte de céder à un soldat prussien du fait d'une dénonciation faite, au temps de la guerre de 1870, par Zèphe Maloret en personne.
Ferdinand rentre chez lui, rongeant son frein et, après un vague débat intérieur, éprouve le besoin d'écrire à son aîné pour tenter une fois de plus, de le convaincre. Pour mieux appuyer sa thèse, ne voilà-t-il pas qu'il a l'idée d'évoquer dans sa lettre la tragique infortune de Mme Haudoin Mère ...
... et ne voilà-t-il pas que, suite à une distraction passagère du brave facteur Déodat, la lettre du vétérinaire disparaît mystérieusement ...
Qui a bien pu s'en emparer ? Et dans quel but ? ...
L'un des meilleurs textes de Marcel Aymé, fin, matois et supérieurement construit, à peine saupoudré çà et là d'une verve typiquement gauloise qui, à l'époque de la parution, dut en émoustiller plus d'un. Un roman chaleureux et bon enfant, où défilent des personnages truculents en diable et où s'affirme, une fois de plus, la confiance inébranlable - quoique parfois cynique - de l'écrivain en la nature humaine. ;o)
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Il y a plusieurs Marcel Aymé, tous intéressants, dont plusieurs sont même indispensables : passons sur l'essayiste et l'auteur d'articles, assez peu connu, (à tort, peut-être), et attardons-nous sur le romancier, le nouvelliste et le dramaturge. Des trois, c'est dans ses Contes et nouvelles qu'excelle Marcel Aymé : le format court et demi-long lui convient parfaitement pour saisir une atmosphère, y coller une histoire particulière, ironique la plupart du temps, teintée d'un fantastique du quotidien (qui devrait nous étonner mais que nous acceptons comme normal dans cet univers fantaisiste) et parsemée d'éclats de tendresse (citons pour mémoire « le Passe-muraille » (1943) ou « le Vin de Paris » (1947), mais tout est à lire. Rattachons à cette veine les délicieux « Contes du Chat Perché » (1934-1946), où le sarcasme s'atténue au profit de la magie de l'enfance. le dramaturge est également de première force « Clérambard » (1950) et « La Tête des autres » (1952) sont deux chefs-d'oeuvre. le romancier a semble-t-il un peu plus de mal. Question de format peut-être. Il ne s'agit pas du sujet, toujours intéressant et fascinant par son regard aigu, sarcastique, parfois destructeur sur les travers de l'âme humaine. Marcel Aymé sait dépeindre avec un réel bonheur la ville et la campagne, la bourgeoisie et les prolétaires, les pauvres et les nantis. Il sait démolir les préjugés, et replacer ses lecteurs devant un passé pas toujours exemplaire (la cruauté et la crudité de ses descriptions lui vaudront à la fois l'inimitié de la critique et l'enthousiasme du public). Mais le rythme s'essouffle au bout de quelques chapitres, il s'alourdit de considérations plus ou moins intellectuelles qui font que l'intérêt peu à peu se relâche.
« La Jument verte » en est l'exemple type : le début du roman est assez emballant : Marcel Aymé campe son histoire dans un décor à la fois onirique et ironique, tout en restant franchement (et franchouillardement, pour ne pas dire paillardement) réaliste. Puis, au fil des pages, l'humour s'étiole devant l'accumulation de scènes salaces que seules la fantaisie et la satire maintiennent à peu près à flot. Heureusement, il y a le style de Marcel Aymé : c'est un style de chroniqueur gai : un journaliste-humoriste qui ferait un papier sur les moeurs campagnardes : parfois drôle, parfois hilarant, parfois lourdingue, il laisse apparaître en filigrane une certaine vérité paysanne, terrienne et matoise, très souvent calculatrice. Souvent, on n'a retenu de la « Jument verte » que le côté paillard et salace. On peut y trouver aussi l'amour de Marcel Aymé pour sa terre natale, cette Franche-Comté où il placera plusieurs de ses romans et nouvelles. le monde rural, à l'époque décrite, est un microcosme où les passions politiques et religieuses se déchaînent. Pour un dynamiteur comme notre auteur, c'est une aubaine. Et cette idée de génie de faire de la Jument verte le témoin de ces Géorgiques orgiaques :
« Au village de Claquebue naquit un jour une jument verte, non pas de ce vert pisseux qui accompagne la décrépitude chez les carnes de poil blanc, mais d'un joli vert de jade. En voyant apparaître la bête, Jules Haudouin n'en croyait ni ses yeux ni les yeux de sa femme ».
Marcel Aymé reste un très bon écrivain : je vous rassure, on arrive quand même au bout du livre. L'écriture de l'auteur maintient l'intérêt, ou du moins un suivi souriant d'une intrigue pas piquée des hannetons.
Quand vous en aurez fini avec Marcel Aymé (c'est pas demain la veille), voyez du côté de René Fallet, c'est son héritier direct.
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Citations et extraits (38) Voir plus Ajouter une citation
Travailleur méthodique, Ferdinand augmentait sa clientèle et soignait en même temps sa réputation d'homme vertueux. Il donnait quinze francs par an à l'hôpital et quinze francs à l'orphelinat. Sa maison était bien tenue, pas plus accueillante qu'il n'est décent. En toute saison, il portait une jaquette et un chapeau noir qui était un compromis entre le melon et le haut-de-forme. Il devint dans la ville un homme important et entra sans tapage au conseil municipal. Le vétérinaire avait quelques ambitions politiques. Par inclination il se sentait monarchiste et le demeura deux ans après la guerre, mais il n'avait point de goût à faire figure d'opposant.
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Le curé avait fort à faire d'assister les moribonds. Exténué, il finit par grimper sur un baquet pour se faire entendre par-dessus le vacarme des rires, et déclara que c'était assez pour une première fois, qu'il fallait songer à rentrer chez soi. Le maquignon montra sa jument verte de face et de profil, et chacun se retira, content jusqu'à l'os en songeant qu'il était arrivé quelque chose. Muni des sacrements, le vieux père de Jules Haudouin décéda vers la fin de la soirée, et on l'enterra le surlendemain en même temps qu'une quinzaine de vénérables. Il y eut des funérailles émouvantes et le curé en profita pour représenter aux fidèles que la vie est un bien fragile et méprisable.
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Lors donc que Murdoire, dans le champ des Haudouin, eut obtenu pour la première fois les faveurs de la servante, il recueillit sur sa palette l'essence de son plaisir, et d'un pinceau agile m'en toucha les deux yeux, les éveillant à cette vie mystérieuse et demi-humaine que les amants, les neurasthéniques et les avares interrogent dans l'eau trouble de mon regard. Un deuxième fois, Murdoire fit signe à la servante, emportant sa palette dans le champ de seigle, et son pinceau ajouta au retroussis de mes lèvres, à mes naseaux morveux, et au mouvement même de mon encolure, ce je-ne-sais-quoi de si personnel qui est comme un gémissement de la couleur. Une troisième fois aussi, mais Mme Haudouin surprit Murdoire à la fin de ses ébats, et l'obligea de quitter la ferme sans délai. J'ai appris par la suite que le pauvre garçon était mort quelques années plus tard, épuisé sans doute par une œuvre déjà considérable.
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Le peintre fut congédié, la toile confisquée, et Mme Haudouin se promit qu'elle surveillerait le ventre de la servante. Le tableau, qui devait perpétuer la mémoire de la jument verte, fut accroché dans la salle à manger, au-dessus de la cheminée, entre le portrait de l'Empereur et celui de Canrobert.
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Honoré, le cadet, devint amoureux d'Adélaïde Mouchet, une fille mince, aux yeux noirs, appartenant à une famille dont la pauvreté était proverbiale. Haudouin ne voulait pas de ce mariage. Honoré affirmait qu'il l'épouserait et, pendant deux ans, le tonnerre de leurs disputes fit trembler les vitres de Claquebue. Majeur, Honoré épousa Adélaïde et s'installa dans un village voisin où il se loua comme journalier. Il ne consentit à rentrer chez son père qu'après avoir reçu des excuses, et le bonhomme dut en passer par là pour effacer la honte de voir ce fils mener une vie misérable à une demi-lieue de Claquebue. Honoré reprit son métier de cultivateur et de maquignon dans la maison paternelle.
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Vidéo de Marcel Aymé
Il était une fois un petit café-restaurant, entre ville et campagne, refuge d'une poignée de drôles d'oiseaux que le monde moderne n'avait pas encore engloutis.
« On boit un coup, on mange un morceau, on écoute des histoires. Toutes activités qui s'accommodent mal du va-vite. Chacun offre son grain de temps au sablier commun, et ça donne qu'on n'est pas obligé de se hâter pour faire les choses ou pour les dire. »
Madoval, le patron, Mésange, sa fille, Comdinitch, Failagueule et les accoudés du zinc – braves de comptoir… « Pas des gueules de progrès », ces gens-là, mais de l'amitié, des rires, de l'humanité en partage et un certain talent pour cultiver la différence.
Jean-Pierre Ancèle signe un premier roman tendre et perlé comme une gorgée de muscadet, aux accents de Raymond Queneau ou de Marcel Aymé.
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